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avec un masque sur le visage. Ni je ne sais m’expliquer d’une façon satisfaisante la raison sur laquelle pour se persuader à eux-mêmes qu’ils s’amusent, s’appuient une foule de masques que je vois cherchant toujours et ne rencontrant jamais, sans trouver qui intriguer ni qui les intrigue, qui ne dansent pas, qui ne parlent pas ; qui vont errant de salle en salle, comme si on les chassait de toutes, imitant le vol de la mouche, qui semble n’avoir jamais de but précis. Est-ce, d’aventure, un désir effréné, de se trouver où tous se trouvent, produit de la puérile vanité de l’homme ? Est-ce pour s’étourdir eux-mêmes, et se croire heureux, pendant la durée d’une nuit entière ? Est-ce pour donner à entendre qu’ils ont eux aussi une affaire, une intrigue ? Nous penchons quelque peu vers cette dernière supposition, quand nous observons que la plupart de ces gens-là disent, quand on les a reconnus : « Chut ! pour Dieu ! N’en dites rien à personne. » Suivez-les, et vous vous convaincrez qu’ils n’ont de motifs ni pour se découvrir, ni pour se cacher. Ils marchent, ils suent, ils dépensent, ils sortent fatigués du bal… jamais cependant ils n’oublient de sortir les derniers, et de dire en se quittant : « Demain c’est bal à Solis ? — Oui, à demain. — Après-demain à San-Bernardino ? Je donnerais dix onces pour un billet ! »

Bien que ce soit sans consulter mes lecteurs que je me suis lancé dans ces réflexions philosophiques, je me garderais bien de passer sous silence avant de les terminer, la plus importante de celle qui me vint alors. De quel masque meilleur que son hypocrisie don Braulius a-t-il besoin ? Il passe dans le monde pour un saint, il entend la messe tous les jours, il récite ses prières ; grâce à ce masque qu’il a pour toujours