Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une petite salle qui n’avait pas d’autre défaut qu’une trop grande proximité entre les murailles ; mais il est plus important d’avoir des masques qu’un espace où les mettre. Quelque aveugle loué pour toute la nuit comme le lustre et le tapis, et pour le relayer un piano, si piano que personne ne parvint jamais à l’entendre, tel était l’orchestre du bal, où personne ne dansait. Si pourtant, de temps en temps la moitié des assistants se plaçait vis-à-vis les uns des autres, puis animés de la meilleure intention se mouvaient en sens contraire de droite et de gauche, et cela était toute la danse, si l’expression nous en est permise.

Mon ami ne rencontra pas ce qu’il cherchait, cela, d’après ce que je parvins à présumer, tenait à ce qu’il ne cherchait rien, comme il en était précisément de beaucoup d’autres. Quelques mères, oui, cherchaient leurs filles, quelques maris leurs femmes ; mais ni une seule fille ne cherchait sa mère, ni une seule femme son mari. « Sans doute, disait-on, elles se seront endormies parmi la foule dans une autre pièce… - C’est possible, disais-je à part moi, mais ce n’est pas probable. »

Un masque vint s’adresser à moi. « C’est toi ? me demanda-t-il mystérieusement. — C’est moi, répondis-je, certain de ne pas mentir. — J’ai reconnu le domino ; mais cette nuit impossible. Paquita est ici, mais le mari s’est mis en tête de venir ; nous ne savons où diantre il a trouvé des billets. — Quel dommage ! — Cela s’arrangera. Nous t’avons vu, et comme elle n’a pas voulu se hasarder à te parler elle-même, elle m’envoie te dire que demain sans faute vous vous verrez près du bassin Sarten… Domino rouge à nœuds, blancs. — Bien. — Tu y seras ? — Je n’y manquerai pas. »