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Alors je jetai la plume, plein de dépit, et décidé à examiner encore en compagnie de mon oreiller si dans les bornes licites il me restait quelque chose à dire, puis formai le dessein d’aller consulter un mien ami, avocat, pour mieux le désigner, ce qui suffit à démontrer que ce devait être un homme entendu, afin que celui-ci, parcourant ses registres et ses recueils de jurisprudence, me dise quels sujets me sont interdits désormais, car en vérité mon plus grand désir est d’être au courant des choses, sans m’essouffler à chercher des aiguilles dans du foin, ni le mal hors de chez moi quand le bien y est à ma disposition.

Sur ces entrefaites, j’allais déjà m’endormir, ce à quoi n’avait pas médiocrement contribué la peine que je m’étais donnée pour composer mon éloge de manière qu’il eût les apparences d’un discours sérieux ; mais Dieu ne le voulut pas ainsi, ou, à ce que je tiens pour plus certain, un ami qui émeuta mon logis et s’introduisit chez moi en élevant la voix dans les termes suivants ou d’autres semblables.

« Allons à la mascarade ! Bachelier, me cria-t-il. — À la mascarade ? — Il n’y a pas moyen autrement, j’ai un coche à la porte : à la mascarade ! Nous entrerons dans quelques maisons particulières, et nous finirons la nuit dans un des grands bals de souscription. — Va te promener : je me couche. — Quelle sottise ! tu n’y penses pas ; je t’apporte précisément un domino noir et un loup. — Adieu ! À demain. — Que fais-tu ? Vois, mon cher Munguia, j’ai intérêt à ce que tu viennes avec moi ; sans toi je n’y vais pas, et je perdrai la meilleure occasion du monde. — Vrai ? — Je te le jure. — En ce cas, allons. Patiente un peu. Je suis à toi. » J’entrai de mauvais gré dans un ample haillon, je descendis l’escalier, et me laissai entraîner