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LE MONDE ENTIER EST MASCARADE ;
TOUTE L’ANNÉE EST CARNAVAL.

(article du bachelier.)

Quelle gent y a-t-il là-haut qui fait tant de bruit ? Sont-ce des fous ?

(Moratín, comédie nouvelle.)

Une nuit, il n’y a pas longtemps, je me trouvais enfermé dans ma chambre, et livré à de profondes méditations philosophiques, nées de la difficulté d’écrire quotidiennement pour le public. Comment, me disais-je, contenter les sots et les spirituels, les sages et les fous, les simples et les intelligents qui peuvent me lire, et surtout les heureux, et les malheureux, qui voient d’habitude une même chose d’un œil si différent ?

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Poussé par cette réflexion, je pris la plume, et déjà je n’allais entreprendre rien moins qu’un éloge de tout ce que je vois autour de moi, lequel éloge je pensais terminer par certain discours enthousiaste du progrès fait chez nous par l’art du panégyrique, afin de ne rencontrer ensuite que des gens satisfaits de mon procédé, ce qui vaut le mieux pour chacun en des temps aussi rodomonts que les nôtres ; mais je me heurtai contre un inconvénient : les hommes sensés, pensai-je, pourraient considérer ledit éloge comme une raillerie. Or cette réflexion avait plus de poids que la précédente.