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après une longue demi-année, si tant est qu’il puisse y avoir une demi-année plus longue qu’une autre, celui qui m’avait été recommandé se rendit à sa patrie en maudissant notre contrée, et m’alléguant pour cela toutes les raisons que je savais déjà, et en emportant à l’étranger d’excellents aperçus sur nos mœurs, disant surtout qu’en six mois il n’avait pu faire autre chose que de toujours revenir demain, et qu’après être revenu demain, demain et demain éternellement, la meilleure chose qu’il avait pu faire ou plutôt la seule chose qu’il avait pu faire de bien avait été de s’en retourner.

Aura-t-il raison, paresseux lecteur (si tant est que tu sois arrivé déjà au point où j’en suis dans mon écriture), aura-t-il raison le bon M. Sans-Délai, de mal parler de nous et de notre paresse ? ou sera-t-il bon qu’il revienne demain dans le but de visiter nos foyers ? Laissons cette question pour demain, car déjà tu dois être fatigué de lire aujourd’hui ; si demain ou un autre jour la paresse ne t’empêche pas, comme à ton habitude d’aller à la librairie, de dénouer ta bourse, d’ouvrir les yeux pour parcourir les feuilles que j’ai à te présenter encore, je te conterai comment il m’advint à moi-même, qui vois, qui sais tout cela, et qui en tais bien davantage, comment il m’advint souvent, dis-je, entraîné par cette influence, du climat et d’autres causes, de perdre, par paresse, plus d’une conquête amoureuse ; d’abandonner plus d’une entreprise commencée, les espérances de plus d’une place, qu’avec plus d’activité j’aurais été sans doute capable d’atteindre ; de renoncer enfin par paresse à plus d’une visite juste ou nécessaire, à des relations sociales qui eussent pu m’être d’un grand profit dans le cours de ma vie ; je te confesserai qu’il