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cette nation doit d’être arrivée à figurer parmi les premières, en beaucoup moins de temps que d’autres n’en ont mis à reculer jusqu’au rang des dernières ; c’est aux étrangers encore que les États-Unis… mais je vois à vos gestes, terminai-je en m’interrompant à propos moi-même, qu’il est on ne peut plus difficile de convaincre celui qui est persuadé qu’il ne doit pas se laisser convaincre. Assurément si vous nous gouverniez, nous pourrions fonder sur vous de grandes espérances. »

Cette philippique terminée, je m’en fus à la recherche de mon Sans-Délai. « Je pars, Monsieur Figaro, me dit-il, dans ce pays l’on n’a le temps de rien faire ; je me contenterai seulement de voir ce qu’il y a de plus remarquable dans la capitale. — Hélas ! mon ami, lui dis-je, allez en paix, et ne veuillez pas user ce qui vous reste de patience ; songez que la plus grande partie de ce qu’il y a chez nous ne se voit pas. — Est-ce possible ? — Ne me croirez-vous jamais ? Souvenez-vous des quinze jours… » Un geste de M. Sans-Délai me fit connaître qu’il n’avait pas goûté le souvenir.

« Revenez demain, nous dit-on alors de toutes parts, aujourd’hui l’on n’entre pas. — Déposez un petit mémoire afin qu’on vous donne une permission spéciale. » C’était chose à voir que la figure de mon ami à cette proposition d’un petit mémoire : il avait présent à l’imagination, l’examen, la protection, les six mois, et… Il se contenta de dire : Je suis étranger. Bonne recommandation auprès de mes aimables compatriotes ! Mon ami était de plus en plus déconcerté, et nous comprenait de moins en moins. Il se passa des jours et des jours avant que nous pussions voir les quelques raretés chez nous enfermées. Finalement,