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naître de maîtres. Les nations qui, avec l’ignorance ont eu le désir de savoir, n’ont pas employé d’autre moyen que de recourir à qui savaient plus qu’elles.

« Un étranger, poursuivais-je, qui se rend dans un pays inconnu de lui, pour y risquer ses fonds, met en circulation un capital nouveau, contribue au bien-être de la société, à laquelle il rend un immense service avec son talent et son argent. S’il perd, c’est un héros, s’il gagne, il est très-juste qu’il retire le prix de son travail, car il nous procure des avantages que, seuls, nous ne pouvions acquérir. Cet étranger, qui s’établit dans ce pays, ne vient pas lui soutirer son argent comme vous le supposez ; il y demeure nécessairement, il s’y attache, et au bout d’une demi-douzaine d’années, non-seulement il n’est plus étranger, mais encore il ne peut plus l’être ; ses plus chers intérêts et sa famille le lient au nouveau pays qu’il a adopté ; il conçoit de l’affection pour le sol où il a fait sa fortune, pour le peuple parmi lequel il s’est choisi une compagne ; ses enfants sont Espagnols, et ses petits-enfants le seront ; au lieu d’extraire l’argent, il est venu laisser un sien capital qu’il apportait, le convertissant et le faisant valoir ; il a laissé un autre capital de talent, qui vaut pour le moins autant que celui d’argent ; il a entretenu le nombre, petit ou grand, de naturels dont nécessairement il lui a fallu s’entourer ; il a propagé le progrès, et même contribué à l’accroissement de la population avec sa nouvelle famille. Convaincus de ces importantes vérités, tous les gouvernements sages et prudents ont appelé à eux les étrangers ; c’est à sa grande hospitalité que la France a toujours dû son haut degré de splendeur ; c’est aux étrangers que la Russie a fait venir de tous les points du monde que