Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« C’est impossible de le voir aujourd’hui, dis-je à mon compagnon, sa seigneurie est, en effet, très-occupée. »

Il nous donna audience le mercredi suivant, et, quelle fatalité ! l’expédient, afin qu’on l’examinât, avait été confié par malheur à la seule personne ennemie indispensable de Monsieur et de son plan, celle sur qui devait retomber tout le préjudice. L’expédient fut deux mois à l’examen, et nous revint aussi bien examiné qu’on pouvait l’espérer. La vérité est que nous n’avions pas pu rencontrer d’appui auprès d’une personne fort amie de l’examinateur. Cette personne avait des yeux fort beaux, lesquels sans aucun doute l’eussent convaincu, dans ses moments perdus, de la justice de notre cause.

L’examen terminé eut pour résultat que la section de la benoîte officine à laquelle nous nous étions adressés, nous rédigea un compte-rendu dans lequel elle exposait comme quoi le projet soumis n’avait aucun rapport à la branche d’administration dont elle était chargée ; il fallait rectifier cette petite erreur ; on fit passer le projet à la branche d’administration, à l’établissement, au bureau correspondant, et nous voici cheminant depuis plus de trois mois toujours à la queue de notre expédient, comme un furet qui cherche le lapin sans pouvoir le faire sortir ni mort ni vif du terrier. Au point où nous en étions, en effet, notre cas était semblable : l’expédient sortit du premier établissement et n’arriva jamais au second. « On l’a emporté d’ici tel jour, disaient-ils dans l’un. — Rien ne nous est parvenu, disaient-ils dans l’autre. — Ma foi ! dis-je à M. Sans-Délai, savez-vous que notre expédient peut bien être resté dans l’air comme l’âme de Garibay, et percher à cette heure comme une