Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conque d’arts ou de sciences, c’est celui-ci où il y a d’arts et de sciences une telle rareté. Mais si l’on vient appeler bon gouvernement celui qui donne à chaque bourgeois vingt-quatre mille réaux de rente pour son adhésion manifeste, il n’y en aura jamais pour les Batuèques, car tous, petits et grands, nous sommes enclins et fort enclins à toucher la paie soit le dernier jour du mois, soit le premier du suivant. Ajoutez à cela que persister dans la voie présente, c’est découvrir Pierre pour couvrir Paul, et, saint pour saint, je préfère, je le déclare hautement, voir rester vêtu celui qui est vêtu. Oui, monsieur André, nous aurons ici un commencement d’espérance, quand tous reconnaîtront la nécessité de ne pas tirer plus de sang de ce corps déjà épuisé, quand tous mes compatriotes auront de sages idées, un plan uniforme, une marche prudente, moins d’égoïsme, moins de peur, moins de partis et de couleurs, moins de paresse et de fainéantise ; quand le ciel nous enverra la lumière pour voir, l’application pour travailler ; quand nous aurons enfin le vrai désir d’être heureux, car celui qui vraiment le désire est fort près de l’être, et le ciel sera probablement assez bon pour vouloir tout ce que nous souhaiterons de bon cœur. »

Vois, mon Bachelier, où s’égara le Batuèque. On le voit, il y a des fous. La lumière pour voir ! Nous sommes mieux dans les ténèbres ; de cette manière Dieu sait ce que chacun peut heurter à tâtons ; il arrive ainsi qu’en cherchant une chose, on en trouve sous sa main une autre à laquelle on ne s’attendait pas. Le plus qui puisse arriver est de faire, en jouant à chercher le bien, comme le joueur à la marmite : il la laisse d’ordinaire derrière son dos, et envoie ses coups de bâton dans l’assistance. Cela se voit.