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l’autre, et l’heure de sortir arrive peu après celle d’entrer. S’il y a dans la maison un enfant de huit ans, on lie commerce avec lui, quoiqu’il ne sache ni ne veuille savoir encore la doctrine chrétienne, et c’est œuvre méritoire. Tel autre sert-il à rien le cas venu ; a-t-il un seul ennemi ? le rançonne-t-on d’un sou ? La bonne petite solde est là, toujours, si ce n’est pour le travail qu’on fait à présent, au moins pour celui qu’on n’a pas fait auparavant. Quoique ces raisons, capables d’ébranler le monde, ne me fassent pas goûter par trop les caprices du hasard, je suis du pays, et rien qu’à cause de cela j’aime cette façon de comprendre les choses, aussi naturellement que le poisson aime l’eau. Le travail, pour telle ou telle carrière, n’est pas dans notre nature, ne va pas à notre entendement ; il n’y a pas besoin d’un semblable aide pour tout savoir.

Il y a d’autres petits avantages des emplois, qu’on pourrait citer : dans quelques-uns, par exemple, il vous passe par les mains des sommes parfois assez rondes. On rend les comptes, ou on ne les rend pas, ou on les rend à sa manière ; non que cela me paraisse mal, non certes ; ce que Dieu a donné que saint Pierre le bénisse. Mais l’employé un tel, disent quelques-uns, ne prend pas garde à ce qu’à chacune de ses mains par où passent lesdits ruisseaux il reste toujours quelque bribe. Peut-il en être autrement, je vous le demande ? Il y a des choses gluantes par elles-mêmes, approche-toi d’une outre de miel, tu t’en empliras nécessairement, ce ne sera en aucune façon ta faute, mais bien celle du miel qui te salit malgré toi.

Un ami de mon père avait un de ces emplois, il recevait dix mille réaux de solde et s’en faisait qua-