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prendre un d’anglais ; cela, en soi, quoiqu’il soit déjà en possession de sa place, est fort raisonnable ; il ne faut pas dédaigner d’apprendre des langues, il ne sied pas, dit-il, à un interprète de n’en savoir aucune ; en cela il a quelque raison et fait preuve d’une grande aptitude. Il doit cela à sa fortune ; car, six adolescents de beaucoup de savoir, murmure-t-on, ambitionnaient la place, mais ils n’avaient, ajoute-t-on, ni sou ni maille. Qu’ils cherchent fortune ailleurs, ami, tout le monde ne peut pas être interprète.

Georges Frasco, que tu connais, a eu plus de malheur. Il sollicita une place de surveillant je ne sais où. L’ancien titulaire était fort malade ; les médecins mêmes avaient désespéré de lui, il n’était pas encore mort, mais il allait mourir d’un moment à l’autre. Cela se passait à quatre heures. Notre homme le sut, et présenta un mémoire vers quatre heures et un quart. Mais il arrivait trop tard, lui dit-on, la place était déjà donnée. Quelle promptitude du diable ! En vain il allégua ses grandes connaissances dans la partie et son exactitude bien connue. On donna la surveillance à un bon monsieur, aveugle comme signe particulier, ou à peu près ; on avait eu pitié de lui, disait-on, parce qu’il se trouvait ruiné des suites d’une erreur de compte. Certes, c’était une charité. Le pauvre homme !

Georges revint, tête basse comme un coupable ; mais il était furieux, il voulait redevenir tel qu’il avait été dix ans auparavant, c’est-à-dire quand tout petit… Conçois-tu qu’il se souvienne aujourd’hui de… De fait il est tout changé.

Julianita a fait un bon mariage, elle a épousé un jeune homme fort bien et fort riche. Disons-le en passant : elle avait eu l’habileté de lui cacher une liaison antécédente ayant duré quatre ans, et dont elle avait