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faveur de le nommer capitaine, avec la solde et le reste, à cause des mérites de son père, qui, depuis au moins quatre ans, gagne au service de Sa Majesté quarante mille réaux. Je voudrais que tu le visses, il est si gentil avec ses deux petites épaulettes et son épée, semblable à un jouet. Que veux-tu ? À cet âge ! huit ans ! Il remplit la maison de bonshommes de papier, dit que ce sont les ennemis, leur coupe la tête, et c’est une joie toute la journée avec lui. Déjà on ne peut le servir assez promptement, il bat les valets ; tout cela nous plaît infiniment à nous tous, et jamais il n’oublie de dire qu’il a je ne sais combien de mille réaux de solde. Sa mère le mange de baisers. Il est bon d’en avertir, monsieur le capitaine est déjà d’une certaine force et très-avancé dans la grammaire, d’où nous concluons tous qu’il sera quelque jour un grand militaire.

Michel est aussi en bonne santé, on ne l’a fait rien moins que lieutenant ; à la vérité il avait quarante-deux années de service, s’était trouvé dans toutes les rencontres d’importance de ces temps derniers, avait été fait deux fois prisonnier, comptait dix-sept blessures et un œil de moins : mais qu’est-ce cela auprès d’une lieutenance ! Voilà comme on l’a récompensé ; et il en saute de joie. Il prétend aller au régiment du capitaine Antoine, pour le seul plaisir d’être réuni à lui ; cela se conçoit, ils sont parents, et il le désire tant que, quoique lieutenant, a-t-il coutume de dire, il lui enseignerait volontiers à être capitaine. On ne peut refuser à Michel une âme excellente. Comme l’autre est un enfant, sans aucun doute il pourra tirer profit de quelques petites leçons de son oncle.

On a fait du petit Juan un interprète, aussi a-t-il pris un maître de français, et se propose-t-il d’en