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LETTRE D’ANDRÉ NIPORESAS
AU BACHELIER

Mon cher Bachelier, j’ai reçu toutes tes lettres, sans avoir répondu à aucune, grâce à cette paresse du pays qui nous tient tous un peu moins qu’endormis ; mais tu me demandes diverses choses, il peut t’être agréable de les savoir, je vais donc te répondre question par question, et comme je le pourrai ; car, ainsi que tu dois le savoir, pour ce qui est de coordonner mes idées je ne suis pas fort, et pour ce qui est de les exprimer, je suis faible. À la place de ce qui me manque, de bonnes qualités logiques et oratoires, tu trouveras en moi une bonne foi à l’épreuve du xixe siècle, une innocence plus qu’ordinaire, une saine intention, et le meilleur de tout, un respect dont tu seras étonné pour toutes choses, un égard pour les personnes que tu devras nécessairement considérer comme très-salutaire.

Faisons un alinéa à part pour te vanter ma méfiance, elle le vaut ; elle est telle que dès ma plus tendre enfance on me donna le sobriquet de Niporesas[1] ; sobriquet qui devint un nom, de même qu’il y a des noms qui deviennent des sobriquets. Tout le mal de ma méfiance

  1. Ni por esas, (sous-entendu : cosas ou pruebas). Ni par ces choses, ou preuves ; c’est-à-dire apparemment : si bonnes que soient les allégations fournies, ne se laissant persuader pas même par elles.