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veaux Protées, la forme de tous les caractères, de tous les génies possibles, et enseigner les bonnes façons et les bonnes mœurs ? Nul n’a plus besoin de faire une longue étude de l’histoire, de l’homme et du cœur humain, que celui qui veut prendre le masque de toutes les passions, l’apparence de toutes les époques : nul n’a plus besoin d’avoir eu une bonne éducation qu’un acteur, qui doit être sur les planches un modèle d’éducation.

Que de petits obstacles nous pourrions citer encore, si nous le permettaient les bornes que nous avons imposées à nos feuilles ! Que de choses nous laissons à dire ! Il suffirait cependant, pour obvier à tous ces petits obstacles que nous passons sous silence, de la réalisation des améliorations principales que nous avons proposées, avec cela seul nous nous tiendrons pour très-heureux. Malheureusement nos idées passeront comme nombre d’autres qui se disent continuellement et qu’on n’entend pas. La vérité est que ce sont là des choses qui ne peuvent s’achever en un jour ; mais ce sont des choses qu’on n’aura chance d’achever qu’après les avoir d’abord commencées.

Ainsi, que le public se forme, et si d’autres causes ne concourent pas, comme il est à désirer, à cette instruction générale si nécessaire, que ceux qui écrivent pour le public prennent sur eux une tâche aussi ardue : plus généreux que jusqu’à présent, qu’ils ne se plient pas au mauvais goût ; qu’ils fassent la loi, qu’ils ne la reçoivent pas. Que la propriété soit reconnue, que le talent le soit aussi ; que le théâtre soit déchargé des énormes tributs qui l’accablent ; que les acteurs s’améliorent, et qu’ils soient largement payés. Qu’une censure bien entendue veille à ce que notre religion et nos lois soient respectées des écrivains, mais sans