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Déjà nous avons, autre part, énuméré quelques-uns des travaux qui attendaient le poète dans son aventureuse carrière : effectivement dans certaines occasions on lui dispute jusqu’au droit d’expliquer et de répartir ses rôles aux acteurs qui lui conviennent le plus, nous avons vu cela de point en point. On l’applaudit enfin. Comment le paie-t-on ? Qui évalue l’objet vendu ? L’acheteur seul. Que donne-t-il en échange ? Ce qu’il veut. Sait-on ce que vaut une comédie ? Calcule-t-on sa valeur sur ce qu’elle coûte et sur ce qu’elle produit ? Le poète en fait de juge évaluant son talent ne verra-t-il jamais que le public bon ou mauvais pour lequel il écrit, sera-t-il apprécié par le gouvernement lui-même, assisté des intelligences qu’il aura crues nécessaires à cet effet ?

Peut-on entendre dire de sang froid que l’on ait payé mille ou deux mille réaux une fois donnés des comédies qui ont produit dans l’espace de très-longues années, qui produisent encore, et produiront Dieu sait jusqu’à quand, des fortunes aux théâtres ?

Notre gouvernement éclairé, qui toujours a manifesté de ce côté les meilleures tendances, persuadé de l’exactitude de ces réflexions et d’autres semblables, a reconnu que le talent est une propriété comme toute autre, et de meilleur aloi ; propriété qui doit produire à son maître en rapport avec son mérite. Ce fut donc dans le but de déraciner des abus aussi honteux que

    achever son compte. Enfin nous saurons dire des poètes bucoliques qu’il n’y en a pas eu un qui n’ait porté aux nues le doux miel et le blanc lait. Ainsi donc nous soutiendrons à la face des partisans d’une renommée aérienne et posthume, qui trouvaient mauvaise la vile direction que prennent nos bavardages, que si les grands poètes n’ont pas écrit pour manger, ils ont du moins mangé pour écrire.