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les beautés des œuvres d’imagination, que son orgueil national, éveillé à nouveau, lui fasse demander aux génies originaux des travaux dignes de considération, auxquels puissent se lier des souvenirs patriotiques, qu’il se traîne dans le chemin du bon goût, alors il formera les acteurs, car c’est lui seul qui peut les former. Alors les auteurs écriront avec plaisir, les acteurs joueront avec perfection, et les entreprises les récompenseront avec générosité. Alors le même cercle vicieux établi aujourd’hui pour le mal, s’établira pour le bien.

Maintenant, si le public, si son manque d’instruction est la première cause du dommage, à qui de l’instruire ? 1o À des causes dont nous n’avons pas à nous mêler. 2o En dehors de ces causes ou en collaboration avec elles, aux auteurs. Oui, nous sommes engagés dans un vrai labyrinthe de cercles vicieux ; il faut pour en sortir que quelqu’un coupe par le milieu ; il faut que quelqu’un commence à sacrifier quelque chose. Tant que les uns resteront à la queue des autres, le progrès ne se fera pas. Qui devra donner essor de cette grande œuvre, qui y est le plus obligé ? Nous le répétons clairement, les poètes. C’est à ceux qui savent le plus, d’enseigner. Les hommes de talent, les hommes extraordinaires[1] ont été ceux qui dans toutes les nations ont toujours donné les premiers cette première impulsion. D’une part les journaux

  1. Si cette grande vérité veut des preuves, nous citerons seulement le nom de Moratín. Quelle révolution ne fit-il pas dans notre théâtre ? Et pourtant il y avait plus besoin d’améliorations qu’aujourd’hui. C’est pourquoi, après lui, peuvent affronter les améliorations qui font défaut des hommes qui ne sont pas des Moratín, car il ne serait pas facile d’en rencontrer beaucoup de tels dans chaque siècle.