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plit le théâtre et ses caisses beaucoup mieux que l’œuvre originale du génie, pourra-t-on exiger d’une entreprise que généreusement elle fasse passer avant ses gains la satisfaction du bon goût, qui a peu de représentant chez nous pour lui être agréable ? Pourrions-nous lui demander qu’elle récompense le plus ce qui lui produit le moins ? Ce serait folie que d’exiger de semblables sacrifices.

Le public est donc la première cause de l’abaissement de notre scène. Nous le répétons à grands cris : instruction, éducation pour ce public ; instruction saine, oui, religieuse, morigénée, mais instruction enfin. Les ennemis de l’instruction ont toujours voulu la peindre comme préjudiciable ; certainement, si elle est mal dirigée, c’est un poignard dans les mains d’un enfant. Mais quand elle est établie sur la religion, sur la vertu et sur la vraie sagesse, alors elle ne peut être autre chose qu’un bien pour tous ; alors seulement elle peut conduire l’homme à connaître ses vrais intérêts en société, puisqu’il ne peut vivre d’une autre manière. Si l’intérêt d’un homme peut parfois être momentanément en contradiction avec le bien général, à la longue l’intérêt de tous les hommes est dans la vertu, dans l’ordre. C’est là ce que peut enseigner seule une solide instruction, qui ne s’arrête pas à moitié chemin : nous sommes certains que l’intérêt est le grand mobile de l’homme ; toute la difficulté est de lui faire connaître quel est son véritable intérêt. C’est là ce que lui prouve la solide instruction, qui est la seule dont nous parlons ; l’instruction, si elle est solide, sera toujours et partout pour l’homme la source de sa félicité.

Quand le public, par l’effet d’une instruction et d’une éducation vraies, reconnaît et apprécie toutes