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moins de temps et avec moins de travail il peut obtenir ? De là les misérables traductions, de là l’expulsion du bon genre pour faire place au genre charlatan qui éblouit avec de faciles et surprenants coups de théâtre. De là l’absence de caractères, de passions et de vertus, pour leur substituer ces traîtres faux et éternels qui font le mal pour chercher l’effet, ces crimes impunis et ces vices dégoûtants, peints d’une manière plus dégoûtante encore.

Qu’on ne croie pas cependant que, pour avoir ainsi exposé ce qui plaide en faveur des poètes, nous les considérions comme tout à fait innocents : il n’en est rien. Avant peu nous prouverons que, quoique ce soient là des excuses, ce ne sont pas des raisons pour persister dans la mauvaise voie où ils se sont enferrés, nous prouverons que si quelqu’un doit se comporter en héros, c’est le poète. Les poètes sont hommes ; mais être des héros si cela est égal aux hommes, à certains hommes surtout qui se nourrissent de gloire plus que les autres, qui le sera ?

Que dirons-nous des acteurs ? S’ils voient que l’on s’engoue d’un costume inexact pour cela seul qu’il est ridicule, s’ils entendent applaudir une diction fausse pour cela seul qu’elle est exagérée, s’ils voient à chaque pas tel ou tel beau mouvement qui leur échappe passer inaperçu et tout geste bizarre, tout maintien grotesque tumultueusement couronné, dans quelle idée viennent-ils se fatiguer à chercher par des sentiers tortueux une réputation, prix principal auquel ils aspirent, qu’avec beaucoup moins de peine par le premier chemin venu, ils rencontrent toute faite ?

Nous en disons autant des administrations théâtrales. Si une bonne comédie tombe quand un mélodrame furibond est debout, si une mauvaise traduction rem-