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vers, des dizains, et il n’y a pas d’autre poète que Figaro. « Il le faut. — Vous allez nous dire quelque chose, s’écrient-ils tous. — Qu’on lui donne les premiers mots ; et qu’il fasse un couplet à chacun. — Voici le début que je lui donne : à don Braulius en ce jour. — Messieurs ! pour Dieu ! — Il n’y a pas moyen. — De ma vie je n’ai improvisé. — Ne faites pas l’enfant. — Je vais m’en aller. — La porte est fermée. — On ne sort pas d’ici sans dire quelque chose. » Et je dis des vers enfin, et je vomis des sottises, et on les célèbre, et croissent le bourdonnement, la fumée et l’enfer.

Grâces à Dieu je parvins à m’enfuir de ce nouveau Pandemonium. Enfin, je puis respirer l’air frais et libre de la rue ; plus de sots, plus de vieux Castillans autour de moi.

Juste Dieu, je te rends grâces, m’écriai-je en prenant haleine comme le chien qui vient d’échapper à une douzaine de chiens, et qui n’entend plus qu’à peine leurs aboiements ; à partir d’aujourd’hui je ne te demande pas de richesses, je ne te demande ni emplois, ni honneurs ; délivre-moi des hôtes sans usage et des jours de réception, délivre-moi de ces maisons un dîner est un événement, où l’on ne met de table décente que pour les invités, où l’on mortifie en croyant rendre service, où l’on offre des finezas, où l’on dit des vers, où il y a des enfants, où il y a des gros, où régne enfin la brutale franchise des vieux Castillans. Je veux, si je tombe de nouveau en de semblables tentations, ne plus connaître le roastbeef, voir le beefsteak disparaître du monde, le macaroni s’anéantir ; je veux qu’il n’y ait plus de coqs à Périgueux, ni pâtés en Périgord, que les vignobles de Bordeaux soient