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commis par lui, à raconter, pour gagner du temps ; j’étais convié pour deux heures, j’entrai dans la salle à deux heures et demie.

Je ne veux point parler du nombre infini de visites cérémonieuses qui, avant l’heure du dîner entrèrent et sortirent, visites parmi lesquelles n’étaient pas à mépriser toutes celles des employés de son bureau, avec leurs dames, enfants, manteaux, parapluies, socques et petits chiens ; je laisserai en blanc les sols compliments qui furent faits au visité du jour, je ne dirai rien de l’immense cercle dont emplissait la salle le concours de tant de personnes hétérogènes qui parlèrent de ce que le temps allait changer, de ce qu’il fait d’ordinaire plus froid en hiver qu’au printemps. Venons au cas : quatre heures sonnèrent, et nous n’étions plus que les invités. Malheureusement pour moi, le seigneur de X…, qui devait tant nous divertir, bon appréciateur de cette classe de convives, avait eu l’adresse d’être malade le matin même ; le fameux T… se trouvait opportunément retenu par une autre invitation, et la senorita, qui devait si bien chanter et jouer, était enrouée de telle sorte qu’elle s’étonnait elle-même de ce qu’une seule de ses paroles s’entendît ; en outre elle avait un panaris au doigt. Que d’espérances déçues !

« Puisque nous voici entre dîneurs, s’écria don Braulius, allons à table, ma mie. — Attends un moment, lui répondit son épouse presque à l’oreille, avec autant de visite j’ai manqué quelque peu là-dedans, et… — Bien, mais songe qu’il est quatre heures… — À l’instant nous allons dîner. » Il en était cinq quand nous nous asseyons à table.

« Seigneurs, dit l’amphitryon en nous voyant hésiter à nos places respectives, j’exige la plus grande