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Il nous est facile de nous débarrasser des autres vices, mais la concupiscence est un ennemi intérieur que nous portons toujours avec nous. » Qui ne sent, en lisant ces paroles enflammées, combien est profondément sage cette parole de saint Paul : « Mieux vaut épouser que de brûler. »

Les meilleures éditions des œuvres complètes de saint Jérôme sont celles de Marlianay (Paris, 1693-1706) et de Maffei (Venise, 1770). Quelques-uns de ses écrits ne nous sont pas parvenus. Terminons par le jugement suivant porté par M. Villemain sur ce Père de l’Église : « Il n’est point dans les fastes oratoires du christianisme, dit-il, un nom plus célèbre, et qui parle mieux à l’imagination que celui de saint Jérôme. Cependant, éloigné de tous les honneurs ecclésiastiques, à une époque où déjà ces honneurs entraient en partage avec les dignités de l’empire, Jérôme n’eut aucune des grandes occasions de régner sur les esprits qui s’offraient naturellement au génie des Athanase, des Ambroise et des Chrysostome. Toujours errant ou solitaire, sans autre titre dans l’Église que celui de prêtre de Jésus-Christ, il ne parut ni à la cour, ni aux funérailles d’aucun prince. Il ne fut point chargé d’instruire ou de consoler le peuple de quelque grande cité ; enfin, son plus important ouvrage fut la traduction des livres sacrés, tâche immense, plutôt que travail de génie. »

— Iconogr. Le Grand Dictionnaire a trop de sujets sérieux à traiter pour s’amuser aux bagatelles de l’hagiographie : il abandonne volontiers aux encyclopédies catholiques, apostoliques et romaines le soin de relater les légendes plus ou moins bizarres qu’a enfantées l’imagination trop féconde des moines italiens du moyen âge ; mais, quand ces légendes ont inspiré des chefs-d’œuvre artistiques, il serait coupable de les passer sous silence.

Saint Jérôme est un des Pères de l’Église que les artistes ont mis le plus souvent en scène. Augustin Carrache et le Dominiquin ont retracé le dernier épisode de sa vie (la Communion de saint Jérôme) dans deux toiles qui sont devenues célèbres : nous les avons décrites au mot communion, ainsi qu’une peinture murale exécutée sur le même sujet par un artiste contemporain, M. Géroine, dans l’église Saint-Séverin, à Paris. Le Dominiquin a peint plusieurs tableaux relatifs au même saint, entre autres le Baptême de saint Jérôme, qui a été gravé par Et. Baudet, et la Tentation de saint Jérôme, dont il y a des estampes par G. Audran et St. Magiore ; cette dernière composition nous montre le vieil ascète tenté par le démon et réconforté par un ange. Au musée de Madrid est un tableau du Dominiquin représentant l’Apparition de deux anges à saint Jérôme, occupé à écrire dans le désert. Un Saint Jérôme dans le désert, du même auteur, payé 13,125 francs à la vente du duc d’Orléans, en 1792, fait partie de la galerie Bridgewater, à Londres ; il a été gravé par J. Berseneff. Au Dominiquin appartiennent encore deux belles figures de saint Jérôme, qui se voient, l’une au musée de Madrid, l’autre au musée de Dijon.

Après le Dominiquin, Ribera est un des peintres qui ont consacré le plus de tableaux à saint Jérôme : le musée de Madrid, à lui seul, en possède quatre ; les musées de Berlin, Munich, Dresde, Turin, Florence en ont chacun un. La toile de Florence est remarquable : nous la décrirons ci-après. Des Saint Jérôme ont été gravés, d’après Ribera, par Jean de Pautre, Charles Hutin, P. Hutin, Bayen y Subias.

Au musée du Belvédère, à Vienne, est une curieuse peinture de Wohlgemuth, représentant Saint Jérôme en costume de cardinal, debout devant un trône magnifique et caressant son lion, qui se dresse devant lui ; de chaque côté du trône, une fenêtre s’ouvre sur un vaste paysage où sont représentés divers épisodes de la vie du saint : d’un côté, sa Pénitence dans le désert, où il se frappe la poitrine avec une pierre, agenouillé devant un crucifix, et son Débarquement dans l’île de Chypre, où il est accueilli par l’évêque saint Épiphane ; de l’autre côté, des hommes le priant d’accepter des présents qu’ils ont amenés sur des bêtes de somme, et, plus loin, des paysans coupant du bois et en chargeant le lion du saint anachorète. Albert Durer, élève de Wohlgemuth, n’a pas consacré à saint Jérôme moins de sept estampes, dont trois sur métal et quatre sur bois, Ces pièces sont devenues très-rares pour la plupart et atteignent des prix élevés dans les ventes publiques. Il a été fait des copies de quelques-unes par Melchior Lorch, Jérôme Hopfer, Zoan Andréa.

Saint Jérôme a raconté un songe terrible qu’il eut dans sa jeunesse, alors qu’il n’avait pas encore renoncé à Satan et à ses œuvres ; il rêva, une belle nuit, qu’il était mené devant le tribunal de Dieu et battu de verges par les anges, pour s’être complu à certaines lectures profanes. Ce sujet a été représenté dans l’un des compartiments de la predella d’un beau retable qui décorait autrefois l’église Saint-Jérôme, à Fiesole, et qui a été attribué à Fra Angelico. Le musée du Louvre (ancienne collection Campana), à qui appartient ce retable, possède une très-intéressante predella peinte par Sano di Pietro, artiste siennois du XVe siècle, et représentant cinq épisodes de la vie de saint Jérôme : 1° Saint Jérôme battu de verges en présence de Dieu assis sur un trône, près duquel se tiennent quatre femmes qui personnifient sans doute les Vertus ; 2° Saint Jérôme faisant pénitence dans le désert ; 3° Saint Jérôme arrachant une épine de la patte du lion ; 4° la Mort de saint Jérôme ; 5° Apparition de saint Jérôme à divers personnages.

Salvator Rosa a représenté d’une façon très-pittoresque le Songe de saint Jérôme : un ange, tenant à la main une lanière, descend du ciel pour châtier le lecteur trop assidu des écrits de l’antiquité profane ; la scène se passe dans un paysage des plus sauvages, où l’on voit, parmi les rochers, le démon plein d’épouvante et de rage à la vue de l’envoyé de Dieu. Ce tableau, remarquable surtout par la manière dont le paysage y est traité, faisait autrefois partie de la galerie Giustiniani.

La Vision que saint Jérôme eut dans le désert, alors qu’il crut être réveillé par la trompette du jugement dernier, a été représentée par plusieurs artistes, notamment par le Guerchin et Sigalon, dont les tableaux sont au Louvre. La composition du premier de ces peintres a été gravée par F. Chauveau, Pasqualini, Nicolet (musée Français). Celle de Sigalon a paru au Salon de 1831 : nous la décrirons ci-après. Un autre tableau du Guerchin sur le même sujet appartient au musée de l’Ermitage. Diverses compositions du même artiste, relatives à saint Jérôme, ont été gravées par Miger, E. Kluge, Ottaviani, Gio.-B. Pasqualini. Une estampe de ce dernier représente la Tentation de saint Jérôme : le démon, sous la figure d’une femme, cherche à distraire et à séduire l’anachorète. Un tableau de Vasari sur le même sujet, qui se voit au palais Pitti, offre un singulier mélange de catholicisme et de paganisme : tandis que le saint, à genoux devant une tête de mort, contemple un crucifix qu’il tient à la main et se meurtrit la poitrine avec une pierre, Vénus, couronnée de roses, apparaît en compagnie de trois Amours, dont l’un décoche un dard contre l’ascète.

Parmi les innombrables tableaux qui représentent Saint Jérôme dans le désert, méditant sur les saintes Écritures, ou contemplant le crucifix et se macérant violemment, ou bien encore vêtu de son costume de cardinal, nous citerons ceux de Sisto Badalocchio (musée de Turin), H. van Balen (musée de Munich), le Baroche (gravé par Calzi), Marco Basaiti (à la National Galiery), J. Bussan (musée de Munich), Bonifazio (pinacothèque de Venise), V. Catena (même collection), Cagnacci (au Belvédère), D. Calvaert (palais Pitti), B. Campi (musée de Madrid), Fr. Camillo (pinacothèque de Bologne), S. Canturini (même musée), A. Cano (inusée de Madrid), Augustin Carrache (musée de Naples), Annibal Carrache (gravé par Corn. Galle et par G. Audran), L. Carrache (gravé par Banducci), Matteo Cerezo (musée de Madrid), Phil. de Champaigne (gravé par Ger. Edelinck), L. Cranach (nu Belvédère), D. Crespi (gravé par Gius. Longhi), Dosso Dossi (au Louvre), Van Dyck (musée de Dresde, gravé par N.-D. de Beauvais), P. Farinati (gravé par E. Kirkall), B. Gennari (au Belvédère), D. Ghirlandnjo (fresque de l’église des Ognissanti, h. Florence), L. Gioi’flano (musées de Madrid et de Toulouse), Fr. Granacci (musée de Munich), Guaspre (musée de Madrid), Guide (musées de Dresde, Munich, Madrid), J. van Hemessen (au Belvédère), H. Holbein (musée de Madrid), G. Honthorst (au Belvédère) Sal., Koning (musée de Bâle), Jean Leu (même musée), L. Licherie (gravé par N. Bazin et G. Audran), Est. March (musée de Madrid), Q. Metsys (musées des Offices et du Belvédère), Murillo (musée de Madrid), Girol. Muziano (pinacothèque de Bologne), J. Palma le Vieux (musée de Munich, gravé par Hess), Patma le Jeune (gravé parTh. van Kessel et C. Boel), J. Patenier (musées de Madrid et du Belvédère), B. Peruzzi (gravé par Nicolas Château et L. Surugue), Raphaël (gravé par Mare-Antoine et Agoslino Veneziuno), Marco Ricci (galerie de Dresde), Cosimo Roselli (à la National Galiery), Rosso déRossi (gravé par R. Boyvin), Rubens (musées de Dresde et de Vienne), Giov. Santi (musée du Latran, à i^ome), C. Saraceno (musée de Munich), J. Schoorel (même musée), Chr. Schwarz (même musée), L. Spada (musée de Turin), Stanzioni (musée de Madrid), Pelleg. Tibaldi (galerie de Dresde), Tintoret (au Belvédère et à Madrid), Titien (au Louvre et gravé par Camoccio, G. de Jode, Nat. Bonifazio, Corn. Cort, Denon, Hugo da Carpi, Nie. Boldrini), Paolo Uccello (musée de Munich), Vaientin (gravé par A. damier), Fr. Vanni (gravé par Augustin Carrache), Tiinoteo délia Vite (musée de Berlin), Wutelet (Salon de 1822), A. van der Werrï (musée d’Amsterdam), Dom. Zanetti (pinacothèque de Munich), Dassy (cathédrale d’Arras), P. Flandrin (Salon de 1841), Ch. Daubigny (Salon de 1840), E. Buttura (Salon de 1850), Th. Delamarre (musée de Besançon).

Quelques estampes méritent d’être citées ; elles sont dues à Altdorfer (quatre pièces différentes), Fr. Amato, J. Mac Ardell, Torbido del Moro, H.-S. Behara, Hans Baldung Grur, Jac. dg Barbary, Beccafurai, Beliavia, J. Binck, B. Biscaino, Ab. Bloemaert, C. Bloemaert, J.-J. de Boissieu (1797), F. Bol, P. Brebiette, Hans Brosainer, Michel Bunel, A. van der Cabel, V. Caccianemici, D. Cam JERO

pagnbla, Ginfio Carpioni, Annib. Carrache, Aug. Carrache, L. van Deyster, Dictricb, J. Duvet (le mnître à la Licorne), Is. Fournier, Mario Iiartaro, Logrenée, Jean Morin, Jean Lievens, Lucas de Leyde, C. de Mallery, L. Matthioli, Jean Messager, Ben. Montagna, J.-G. von Muller (1778), Rembrandt, etc.

JéVAme ciikndanl la trompette du jugement dernier (saint), tableau de Ribera, au musée des Offices (à Florence). Le vieux saint, demi-nu, accablé par les années et par les austérités, tient d’une main un crucifix, et de l’autre une pierre, avec laquellé il se frappe la poitrine. Il se retourne tout à coup pour écouter la trompette du jugement dernier qui retentit dans un coin du ciel. Devant lui sont placés une tête de mort et les objets nécessaires pour écrire. À gauche, le lion, compagnon fidèle de l’anachorète, montre sa tète placide. Au fond s’étend un paysage largement indiqué.

Le torse du saint est énergiquement modelé. La tête au crâne chauve, avec une grande barbe grise, est expressive ; mais elle manque de noblesse et d’inspiration. En général, Ribera n’a vu dans saint Jérôme, comme dans saint Barthélémy et d’autres saints et martyrs, que des prétextes à montrer ses puissantes qualités de réaliste. Le sentiment religieux lui fait absolument défaut. Le tableau des Offices n’en est pas moins une œuvre fort belle, d’une couleur forte et harmonieuse ; il est placé à la tribune, parmi les chefs-d’œuvre.

JcrSuie (la vision dk saint) j tableau de Sigalon, au Louvre. Saint Jérôme, couché sur un rocher, les bras étendus, se réveille saisi de terreur. Deux anges font retentir à ses oreilles la trompette redoutable ; un troisième lui montre le ciel. Le lion continue à dormir, près d’un sablier et d’une tête de mort.

Ce tableau, qui a paru au Salon de 1831, est un des meilleurs ouvrages de Sigalon. à Le groupe des anges, a dit G. Planche, est d’une invention et "d’une exécution élevées ; celui de gauche, dont le torse et la cuisse sont vus en raccourci, qui tient d’une main une trompette et qui, de l’autre, montre le ciel qui l’envoie, étonne et ravit par l’ardeur et la simplicité de son attitude, et plus encore par l’immense difficulté que présentait la réalisation des lignes et des plans. >

Jérfime (LA MADONE AU SAINT), chef-d’œU vre du Corrége, au musée de Parme. Cette admirable composition, qu’on intitule quelquefois simplement le Saint Jérôme, est, comme beaucoup de tableaux de la même époque, le produit de quelque dévotion particulière qui, sans s’arrêter à l’ordre des temps, aimait à réunir dans un même cadre les objets de sa vénération. La Vierge y apparaît, avec son divin sourire et ses yeux modestement baissés, tenant sur ses genoux l’enfant Jésus dont sainte Madeleine prend le pied et l’approche de sa joue pour le caresser. Saint Jérôme, debout, à la gauche du tableau, et ayant près de lui son lion couché, présente un de ses écrits au divin bambino, qui les regarde en souriant. Un ange, le doigt sur un endroit du livre, manifeste la joie et l’admiration que lui cause un tel ouvrage. Un autre ange regarde avec curiosité le vase aux parfums que Madeleine doit un jour répandre sur les pieds du Christ.

La Madone au saint Jérôme est une des merveilles de l’art. « Admirable par l’expression des sentiments doux, tendres et gracieux, le Corrége, a dit M. Guizot, a porté au plus haut degré dans cette célèbre composition le caractère qui lui était propre. Toute cette scène est occupée et remplie par le charme que répand autour de lui un enfant adoré... Le sévère saint Jérôme parait absorbé dans cette douce contemplation ; et l’expression mélancolique répandue sur la ravissante figure de la Madeleine indique moins peut-être un pressentiment sur la destinée de l’enfant qu’elle caresse avec tant d’amour et d’abandon, que cet excès, cette défaillance d’une tendresse qui succombe à l’impossibilité de se manifester envers un petit être incapable de la comprendre. L’ange placé derrière la Madeleine est charmant ; la grâce de toute3 ces figures est telle qu’il appartient au Corrége, et n’en contraste que mieux avec la mate figure da saint Jérôme... Accoutumés au pinceau du Corrége, les amateurs cependant traitent de prodige la peinture du Saint Jérôme, où la couleur, plus empâtée que dans aucun de ses tableaux, conserve pourtant une incroyable transparence, et ’des teintes tellement moelleuses qu’elles ne semblent pas, dit Mengs, appliquées avec le pinceau, mais fondues ensemble, comme de la cive sur le feu. »

Le Saint Jérôme a été transporté à Paris à l’époque des conquêtes de Napoléon. Il a été gravé dans le musée Français par H.-Ch. Muller.

Jcrâine (LA COMMUNION DE SAINT), ChefS d’œuvre d’Augustin Carrache et du Dominiquin. V. COMMUNION.


JÉRÔME DE CARDIA, historien grec. V. HIÉRONYME.


JÉRÔME EMILIANI, fondateur de la congrégation des Somasques. V. Emiliani.


JÉRÔME DE MORAVIE, dominicain et musicographe, né en Moravie. Il vivait au

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xttro siècle, étaitcontemporain de saint Thomas d’Aquin et habita longtemps lo couvent des frères prêcheurs de la rue Saint-Jacques, à Paris. On a de lui un ouvrage manuscrit, intitulé : Tractatus de musica, compila tus à fratre ffieronymo moravo. Cet ouvrage précieux, que possède la Bibliothèque nationale de Paris, est une sorte d’encyclopédie musicale du xins siècle. Il se compose d’un prologue et de vingt-huit chapitres, dont le 2G« et le 2S° sont d une grande importance historique.


JÉRÔME DE PRAGUE, disciple de Jean Hus, né à Prague dans les dernières années du XIVe siècle. Il étudia à Oxford, où il s’initia aux doctrines de Wicleff, et parcourut ensuite diverses universités d’Europe, se faisant partout remarquer par une éloquence ardente et un grand savoir. À Paris, il soutint une discussion contre Gerson, qui s’en souvint au concile de Constance. Arrêté à Vienne, comme disciple de Wicleff, et délivré sur les instances de l’université de Prague, il vint dans cette ville et sa lie étroitement avec Jean Hus, dont il partageait les idées, et dont il devait partager le sort. Il attaquait déjà le pape et les abus de l’Église romaine. Il demandait, par exemple, si le pain de l’Eucharistie avait plus de vertu dans la messe du pape que dans celle d’un simple prêtre. On raconte qu’un jour il s’amusa, avec quelques amis, à représenter sur une muraille, d’un côté les disciples de Jésus-Christ, suivant leur maître monté sur une ânesse, et de l’autre les prélats dans leurs somptueux équipages, avec des chevaux harnachés, couverts de dorures et précédés de tambours et de trompettes. Une autre fois, dit-on, il poussa dans une rivière un moine qui n’était pas de son avis, et qui sortit de l’eau « ayant perdu le fil de ses arguments. » Jérôme était intellectuellement supérieur à Hus ; mais il subit toujours l’ascendant de son ami et resta son disciple, car il lui reconnaissait une grande supériorité morale. Il voulut l’accompagner à Constance, afin de le soutenir et de le défendre devant le concile. Hus s’y opposa ; mais son disciple lui promit d’accourir, si quelque danger le menaçait. « Soutiens, lui dit-il au moment du départ, soutiens intrépidement ce que tu as écrit et prêché, en l’appuyant sur les saintes Écritures, contre l’orgueil, l’avarice et les autres vices des gens d’église. Si cette tâche devient trop rude pour toi, si j’apprends que tu es tombé dans quelque péril, j’irai, je volerai aussitôt à ton aide. » Jérôme se rappela ces paroles, en apprenant que son ami était en prison, par ordre des membres du concile. Il partit donc pour Constance, sans sauf-conduit, se mêla à la foule, écouta ce qu’on disait. On disait que Jean Hus serait mis à mort, au sortir de prison, et que le concile ne voudrait pas seulement l’entendre. Jérôme, saisi d’épouvante, s’enfuit précipitamment ; mais il rougit bientôt de ce mouvement de faiblesse, et il écrivit à l’empereur pour lui demander un sauf-conduit, résolu à retourner à Constance. Cependant la réponse de l’empereur se faisait attendre ; Jérôme, étant un soir dans une ville de la forêt Noire, s’éleva violemment contre le concile. Il fut dénoncé, saisi et emmené à Constance, où on l’enferma dans la tour du Cimetière. Jean de Wallendrod, archevêque de Riga, à qui on l’avait confié, le fit charger de fers et attacher à un poteau de telle manière qu’il lui était impossible de s’asseoir et que sa tête était tirée en bas par le poids des chaînes. Jérôme tomba gravement malade et demanda un confesseur. Cependant il se rétablit ; on lui témoigna moins de cruauté qu’auparavant, mais il passa une année dans ce cachot, attendant son jugement. Le concile comptait sur ses souffrances pour obtenir une rétractation, et malheureusement il n’y comptait pas en vain. Jérôme se rétracta, souscrivit à la condamnation des écrits de Wicleff et de Jean Hus, jura de vivre et de mourir dans la profession de la foi catholique. Le concile aurait dû, pour son triomphe, ôter à Jérôme le temps de se repentir ; tel fut l’avis des cardinaux de Cambrai, des Ursins, d’Aquilée et de Florence ; mais de nouvelles accusations arrivèrent de Prague. Des moines qui ne demandaient qu’à allumer pour Jérôme un bûcher pareil à celui de Jean Hus prétendirent qu’il fallait réviser le procès. À cette proposition, les cardinaux cités plus haut demandèrent à être déchargés de leur office de commissaires dans le procès de Jérôme, et ils se retirèrent. On les remplaça, séance tenante, et l’enquête continua. Cependant Jérôme, dans sa prison, était honteux de sa rétractation, de sa lâcheté. Il imposa silence à ses remords en prenant la résolution de défendre la vérité jusqu’au bout, hardiment et fièrement. Amené devant le concile et sommé de répondre aux chefs d’accusation dressés contre lui au nombre de cent sept, il fut arrêté dès sa première réponse, parce qu’on voulait un oui ou un non pur et simple : « Dieu de bonté ! s’écria-t-il, quelle injustice ! quelle cruauté ! Vous m’avez tenu renfermé trois cent quarante jours dans une affreuse prison, dans l’ordure, dans la puanteur, dans le besoin extrême de toutes choses ; vous prêtez l’oreille à mes ennemis mortels, et vous refusez de m’écouter ! » Il se défendit avec une chaleur et une éloquence qui troublèrent et émurent maintes fois les membres du concile ; en-