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vement, effervescent comme aux jours des grandes crises. Chose étrange et qui peint bien l’état de trouble d’une société, c’est autour d’un cercueil que la guerre civile allait éclater !

Le cortège funèbre se mit en marche en suivant les boulevards ; les coins du drap mortuaire étaient tenus par La Fayette, le maréchal Clausel, les députés Lafitte et Mauguin. Des jeunes gens traînaient le char. Derrière se pressait un peuple immense, ouvriers, jeunes gens des écoles, membres des sociétés populaires, des proscrits de toutes les nations, environ 10,000 gardes nationaux en uniforme et le sabre au côté, etc. À la hauteur de la rue de la Paix, le cortège fut détourné de sa route pour faire le tour de la colonne Vendôme. Le poste de l’état-major dut rendre les honneurs militaires, et dans la foule frémissante des cris de : Vive la république ! éclatèrent avec force. Sur le parcours du boulevard, d’autres épisodes aussi caractéristiques, en augmentant l’exaltation des esprits, ne laissaient que trop présager une sanglante issue. Ainsi, on vit tout à coup arriver les élèves de l’École polytechnique, qui avaient forcé les portes fermées sur eux pour venir se mêler au peuple. Aux acclamations qui les saluaient, la musique des troupes escortant le convoi répondit en jouant spontanément la Marseillaise.

Le cortège s’arrêta près du pont d’Austerlitz. Une estrade avait été préparée pour les discours d’adieu, qui furent prononcés par La Fayette, le maréchal Clausel et d’autres orateurs plus véhéments. L’effervescence populaire était encore augmentée par mille bruits qui circulaient dans la foule : qu’on se battait à l’Hôtel de ville, qu’un général venait de se déclarer contre Louis-Philippe, que des troupes se soulevaient, etc. Ces bruits, assure-t-on, étaient propagés par des hommes élégamment vêtus, émissaires de police ou de parti. Dans le fait, les légitimistes, trop impopulaires et trop faibles pour agir par eux-mêmes, ont bien pu jouer, sous le masque, le rôle d’agitateurs.

Tout à coup, on vit apparaître un inconnu monté sur un cheval et tenant à la main un drapeau surmonté d’un bonnet de la Liberté. À cette époque, ces insignes étaient regardés par le vulgaire comme les symboles effrayants du terrorisme. Il y eut dans la foule un mouvement de réaction qui se manifesta surtout parmi les gardes nationaux et les éléments bourgeois mêlés au cortège. Beaucoup de citoyens qui s’étaient montrés jusqu’alors favorables au mouvement et même à une solution républicaine se retirèrent effrayés, ne songeant plus qu’à s’armer contre l’insurrection si elle éclatait. Que l’homme au drapeau rouge fût un policier, c’est ce dont personne ne douta ; mais déjà les dés étaient en quelque sorte jetés, et les républicains n’étaient pas hommes à reculer. Une charge de dragons mit en quelque sorte le feu aux poudres. Les citoyens rassemblés autour du pont d’Austerlilz se mirent en état de défense ; une heure après, le cri : Aux armes ! retentissait de toutes parts et tout Paris était en feu. Les républicains, répandus dans toutes les directions, coupent les rues de barricades, désarment les postes, attaquent les troupes qu’ils rencontrent ; partout ils étaient en petit nombre, mais ils se multipliaient par leur incroyable audace. Trois heures après, la moitié de la ville était en leur pouvoir. Du moins, ils étaient maîtres d’un grand nombre de points, et ils agissaient avec tant de résolution et de rapidité, que le danger apparaissait formidable au gouvernement, qui expédia de tous côtés des ordres pour faire venir des troupes dans la capitale.

La royauté de Juillet était dans une véritable crise, et il paraît même qu’aux Tuileries on songeait à la fuite. Le maréchal Soult, ministre de la guerre, avait une attitude hésitante et embarrassée qui paraissait bien singulière. Le maréchal Clausel ne paraissait pas éloigné de se jeter dans le mouvement. Il répondit à un artilleur de la garde nationale qui le pressait de tirer l’épée : « Si vous êtes assurés du concours d’un régiment, je me joins à vous. — Eh ! monsieur, reprit brusquement l’artilleur, si nous avions un régiment, nous n’aurions pas besoin de vous. »

Au reste, de tous les personnages importants, La Fayette seul se donnait tout entier, malgré le mauvais état de sa santé. « Mes amis, disait-il, trouvez un endroit où l’on puisse placer une chaise, et je vous y suivrai. » On l’avait placé dans une voiture pour le conduire à l’Hôtel de ville, où d’ailleurs on ne put arriver. Sans aucun doute, sa présence dans le mouvement aurait eu un résultat décisif ; mais ses amis n’osèrent disposer d’une vie si précieuse. Cette grande popularité fut encore une fois inutile au parti populaire. D’un autre côté, les chefs du parti républicain, réunis au National, ne purent parvenir à s’entendre sur la question d’un soulèvement général. Armand Carrel, jugeant la situation avec ses préventions militaires, s’y montra fort opposé. Le mouvement fut donc abandonné à sa propre impulsion et laissé sans direction et sans conseils.

Le soir, la face des choses avait déjà bien changé. Le pouvoir, informé de l’inaction de La Fayette, des hésitations du maréchal Clausel et des dissidences des républicains, commençait à reprendre confiance et à agir vigoureusement. La plus grande partie de la garde nationale était ralliée, et, pour multiplier les défections, la police répandait le bruit que l’insurrection était carliste. Ce mensonge absurde produisit un grand effet, et sur les troupes, et surtout sur les rudes gardes nationaux de la banlieue, qui d’heure en heure envahissaient Paris, exaltés par la haine et la colère.

Dans la soirée et dans la nuit, des combats opiniâtres eurent lieu sur une foule de points, dans la rue Saint-Martin, au passage du Saumon, dans le quartier Montorgueil, au Petit-Pont de l’Hôtel-Dieu, etc. Malgré leur résistance héroïque, les insurgés furent débusqués de la plupart de leurs positions. Le 6 au matin, ils n’occupaient plus que l’entrée du faubourg Saint-Antoine et quelques points du quartier Saint-Martin. Leur poste le plus important était à la barricade Saint-Merri, auprès de l’église de ce nom, dans le bas de la rue Saint-Martin. C’est là que fut livré un des combats les plus fameux de l’histoire de nos guerres civiles, là que 110 ou 120 républicains tinrent en échec une armée et résistèrent à des attaques sans cesse renouvelées pendant plus de douze heures. Jamais place d’armes ne fut mieux défendue. Cette poignée de héros était commandée par un jeune homme nommé Jeanne, décoré de Juillet, qui avait été blessé dès le commencement de l’action. Une jeune fille figurait même parmi ces prodigieux combattants.

Il fallut recourir à l’artillerie et former le siège de ces monceaux de pierres défendus par quelques hommes. Le canon fut braqué rue Saint-Martin, rue Aubry-le-Boucher, rue de la Verrerie, contre les diverses barricades qui formaient le retranchement. Sous une pluie de boulets, les républicains combattaient encore, et quand un assaut général, donné de tous les côtés à la fois, les eut enfin forcés dans leur retraite, quelques-uns, sur les pas de Jeanne, percèrent audacieusement à la baïonnette une première ligne de soldats et parvinrent à s’échapper. D’autres se retranchèrent dans les maisons, où la plupart périrent en se défendant.

Par l’influence de M. Thiers, Paris fut mis en état de siège, et déjà un des conseils de guerre avait condamné à mort l’un des vaincus, quand un arrêt de la cour de cassation annula ce jugement et força le gouvernement de rentrer dans le droit commun. Vingt-deux accusés furent renvoyés devant le jury. Six seulement furent condamnés : Jeanne à la déportation, et les cinq autres, Rossignol, Goujon, Vigouroux, Ronjon et Fourcade à dix, huit, six et cinq années de détention.

Ainsi se termina cette crise extraordinaire qui mit la France à deux doigts de la république et qui faillit précipiter la nouvelle race royale sur le chemin de l’exil.


Juin 1848 (insurrection de). En écrivant ce nom funeste, qui rappelle aux âmes attristées la plus sanglante et la plus terrible guerre civile de notre histoire (à l’exception, toutefois, de celle de la Commune de 1870), nous voulons fermement, autant que nous le permet l’exiguïté de notre cadre, pénétrer jusqu’au cœur des choses, chercher les causes réelles de cette catastrophe, enfin dégager la vérité ensevelie sous une alluvion de mensonges officiels et d’erreurs de l’opinion.

En février, le gouvernement provisoire avait garanti d’une manière formelle le droit au travail. C’était peut-être s’engager un peu légèrement ; du moins, s’il est permis d’espérer de la science économique la solution de ce grand problème, on peut croire qu’il était au-dessus de la capacité des hommes de Février. Mais alors, il y avait un tel sentiment de bienveillance dans tous les cœurs, qu’une garantie de cette nature, officiellement accordée, n’étonnait personne et ne faisait naître aucun doute sur la possibilité d’accomplir la promesse. Les ouvriers, pour prix de leur victoire, ne demandaient pas, comme la plèbe romaine et les prétoriens, des distributions d’argent, mais du travail. Ce peuple, qui avait sauvegardé le Trésor et la Banque, les propriétés publiques et particulières, rapporté fidèlement l’or et les joyaux des Tuileries, eût rougi, se fût indigné de recevoir une aumône : il voulait travailler ; c’était sa seule exigence et son unique ambition. Rien ne peint mieux la moralité de ce peuple parisien, si souvent calomnié par les plus méprisables folliculaires.

Il y eut donc entre le peuple et le gouvernement, nous pourrions même dire la société entière, car la conviction à cet égard était générale, un véritable contrat accepté de part et d’autre avec une entière bonne foi, et qui se résume dans le célèbre décret du 25 février :

« Le gouvernement provisoire de la République française s’engage à garantir l’existence de l’ouvrier par le travail ;

« Il s’engage à garantir du travail à tous les citoyens. »

À cette promesse, le peuple enivré répondit par la noble et touchante exclamation :

Nous avons trois mois de misère au service de la République !

Ne sachant ou ne pouvant réorganiser le crédit et le travail, le gouvernement, en présence de nécessités impérieuses, fonda les ateliers nationaux, où le besoin précipita successivement jusqu’à 100,000 hommes et plus. Lors de la réunion de l’Assemblée nationale, et surtout après l’attentat du 15 mai, au milieu de l’effervescence de réaction qui suivit cet événement, ces malheureux ateliers étaient devenus la préoccupation universelle. Outre que c’était une lourde charge pour le Trésor, ces 100,000 hommes employés un jour sur quatre à d’inutiles terrassements semblaient à certaines personnes une menace et un danger. Tout le monde sentait la nécessité de leur dissolution ; mais les hommes de sens voulaient qu’on tînt compte des circonstances, qu’on agît prudemment, par licenciements successifs, au fur et à mesure de la reprise des travaux dans l’industrie privée ; car ce ne peut jamais être impunément qu’on livre tout à coup 100,000 hommes énergiques et armés aux conseils désespérés de la faim.

Mais la réaction, déjà puissante et pensant avoir la force de se montrer intraitable, poussait aux mesures de rigueur, à la dissolution immédiate, dans l’intention bien évidente d’abord de disperser cette force républicaine, ensuite d’amener un choc où pouvait périr la République.

Trélat, ministre des travaux publics, avait fait de courageux efforts pour préparer une solution qui aurait pourvu peu à peu au travail des hommes à congédier, et il avait formé dans ce but une commission spéciale composée d’hommes capables. Des projets avaient été préparés : encouragements aux associations ouvrières, colonisation algérienne sur une vaste échelle, primes à l’exportation, caisse de retraite et d’association, institutions de crédit, etc. La commission évaluait la dépense à 200 millions, somme, après tout, moins lourde pour le pays que les conséquences du chômage et de la crise, car la reprise du travail et des affaires n’intéressait pas que les ateliers nationaux, mais tous les travailleurs inoccupés, tous les industriels et commerçants. « 200 millions ! exclama le calculateur Charles Dupin ; 200 millions pour licencier une armée de 100,000 hommes ! »

Du moment que la question était envisagée ainsi, du moment qu’un ensemble de mesures économiques, destinées dans la pensée de leurs auteurs à rétablir le mouvement du travail dans le pays, n’était plus considéré que comme une dépense spéciale, une sorte de distribution d’argent, il était clair qu’il y avait aveuglement ou mauvaise foi, et que le problème allait recevoir une solution violente.

C’était, en effet, tout le prouve, la pensée non-seulement des royalistes, mais encore des impuissants, des furieux et des idiots, qui se disaient, qui se croyaient peut-être républicains, et qui faisaient du zèle réactionnaire pour se faire pardonner leur origine et leur élévation.

C’est en vain que Trélat annonce avec douleur une catastrophe prochaine et qu’il s’écrie à la tribune avec l’éloquence du cœur : « Il faut que l’Assemblée nationale décrète le travail, comme autrefois la Convention décréta la victoire ! » La faction ne répond à ce noble langage que par des risées.

Là dissolution ! la dissolution immédiate ! tel était le cri des coryphées de la réaction, qui généralisaient cette idée stupide, antinationale, antihumaine, que toute concession serait une faiblesse coupable, et qui faisaient de l’éventualité d’une répression sanglante une question de dignité gouvernementale. Céder à ces bandes affamées, c’était, suivant eux, la pire des humiliations. Mieux valait cent fois le mal passager d’une insurrection que l’on ne pouvait manquer de vaincre, et dont l’anéantissement produirait dans les âmes un salutaire effroi.

Un cri de guerre, une parole de mort fut proférée, répétée, propagée partout : Il faut en finir !

Chose douloureuse ! la commission exécutive, composée d’anciens membres du gouvernement provisoire, qui tous avaient signé la garantie du travail, subissait dans une certaine mesure ce déplorable entraînement. On rapporte même que les délégués de Nantes, s’étant présentés à la commission vers la mi-juin et sollicitant un emprunt pour payer les ouvriers de leurs ateliers nationaux, auraient reçu d’un membre cette étrange réponse : « Si vous ne pouvez pas en sortir, faites ce que nous allons faire ici, tirez des coups de fusil ! » (Louis Ménard, Prologue d’une Révolution.)

Cependant Trélat, ne trouvant pas dans le directeur des ateliers nationaux, Émile Thomas, la bonne volonté nécessaire à ses réformes, recourut pour s’en débarrasser à un moyen étrange et romanesque suggéré, dit-on, par Garnier-Pagès et la commission exécutive. Sous le prétexte d’une mission, il l’avait fait conduire à Bordeaux en chaise de poste et par des officiers de paix. Ce jeune nomme, à ce qu’on a prétendu, suivait alors les inspirations de M. de Falloux et des amis de Louis-Napoléon. Il est certain qu’il avait précédemment fait d’inutiles efforts pour combattre l’influence croissante de Louis Blanc parmi les ouvriers. Mais ce n’est pas cela bien certainement que lui reprochait le parti du National, maître alors du gouvernement. Il avait peu d’autorité réelle ; cependant son enlèvement parut justement un procédé à la turque et causa quelque émotion, d’autant plus qu’on y voyait le présage d’une dissolution violente. Toutefois, Lalaune, gendre de Trélat, fut accueilli comme nouveau directeur, et la plupart des ouvriers se prêtèrent aux vues du ministre pour circonscrire le mal et détruire au moins les abus. On élimina plusieurs milliers de noms inscrits par fraude ou en double, on réorganisa les bureaux, on remplaça par le travail à la tâche le travail à la journée, etc.

Une sous-commission des finances, à la tête de laquelle étaient MM. de Falloux et Goudchaux, s’était mise en travers des propositions présentées par Trélat et sa commission et pressait obstinément la dissolution. N’est-il pas instructif de voir le républicain du National, l’ancien ministre de Février, uni, indissolublement lié à ce jésuite, à ce gentilhomme de robe courte, formé aux écoles de la politique cléricale, et qui cherchait dans les conflits tout autre chose que l’affermissement de la République ?

La déplorable combinaison de la dissolution immédiate gagnait du terrain d’heure en heure ; elle avait pour elle la majorité de l’Assemblée et des pouvoirs publics ; elle apparaissait comme une menace et un arrêt de mort aux malheureux qu’elle allait atteindre et qui étaient livrés à une agitation facile à comprendre, d’autant plus qu’on les abreuvait journellement d’insultes, non-seulement dans ces journaux qui prétendaient soutenir la cause de l’ordre en sonnant tous les jours le tocsin de la guerre civile, mais jusque dans la tribune de l’Assemblée nationale. Il était devenu, en effet, presque officiel que les ateliers nationaux n’étaient qu’un réceptacle de fainéants, de forçats, de pillards et d’incendiaires. C’est par ces gracieuses appellations qu’on faisait expier à ces malheureux les 23 sous par jour qu’ils coûtaient à la République. Or, ce peuple qu’on traitait ainsi contre toute raison, toute justice et toute prudence, après l’avoir si bassement flagorné pour obtenir ses suffrages, était organisé, armé, il avait ses clubs, ses journaux, il était nourri d’idées d’émancipation, d’utopies, si l’on veut, il était fier de sa force et tout brûlant encore de sa victoire de Février. Avec de pareilles excitations, il était facile de prévoir le résultat. Ajoutez des intrigues dynastiques dont l’action est visible, mais qui ne jouèrent pas d’ailleurs un rôle aussi considérable qu’on a feint de le croire. Le peuple de Paris était en masse républicain socialiste, flottant encore, non discipliné, entraîné par des idées et des sentiments contradictoires, mais complètement acquis aux théories nouvelles, plus ou moins bien digérées. Toutefois, une partie des ouvriers, parmi les plus incultes, ceux de la banlieue et des faubourgs, mêlait à ses idées, par une étrange confusion, quelques velléités bonapartistes habilement surexcitées par d’infatigables agents. Dans les agitations des jours qui précédèrent l’insurrection, le cri de vive Napoléon ! se mêlait souvent aux cris de vive Barbes ! vive la République ! etc. C’était encore, il faut le remarquer, un cri d’opposition, une menace contre l’Assemblée. Souvent aussi, ces clameurs étaient le fait de ces bandes de gamins, vrais tambours de l’émeute, qui ne manquent jamais l’occasion des mouvements révolutionnaires. En somme, il y avait des éléments bonapartistes, des agents même, cela est évident, mais la grande masse était pour ce qu’on nommait alors la République sociale. On le vit bien sur les barricades, on le vit encore après la défaite, dans les casemates, sur les pontons, à Belle-Isle, où les bonapartistes avoués étaient en imperceptible minorité, en nombre insignifiant. Le 17, à la suite d’un discours fort confus, Goudchaux, enchérissant sur ceux qui l’avaient précédé, indiqua comme remède à la crise la dissolution dans le jour même. Le lendemain, les ouvriers lui répondirent par une affiche placardée sur tous les murs de Paris, et où on lisait :

« Ce n’est pas notre volonté qui manque au travail ; c’est un travail utile et approprié à nos professions qui manque à nos bras. Nous le demandons, nous l’appelons de tous nos vœux. Vous demandez la suppression immédiate des ateliers nationaux ; mais que fera-t-on des 100,000 travailleurs qui attendent chaque jour de leur modeste paye les moyens d’existence pour eux et leurs familles ? Les livrera-t-on aux mauvais conseils de la faim, aux entraînements du désespoir ? Les jettera-t-on en pâture aux factieux, etc. »

De concert avec les délégués du Luxembourg, ils adressèrent ensuite à tous les travailleurs une proclamation pour les inviter au calme, les engager à se défier des émissaires dynastiques, et qui se terminait ainsi :

« Espérez, car les temps sont venus, l’avenir nous appartient ; n’encouragez pas par votre présence les manifestations qui n’ont de populaire que le titre ; ne vous mêlez pas à ces folies d’un autre âge. Croyez-nous, écoutez-nous, rien n’est maintenant possible en France que la République démocratique et sociale. L’histoire du dernier règne est terrible, ne la continuons pas ; pas plus d’empereur que de roi ! rien autre chose que la liberté, l’égalité, la fraternité.

« Tel est notre vœu, tel doit être le vôtre, celui du peuple.

                « Vive la République ! »

« Certes, dirons-nous avec Mme la comtesse d’Agoult, qui, sous son pseudonyme de Daniel Stern, a publié une remarquable Histoire de la Révolution de février, certes, les hommes qui pensent et écrivent ainsi ne sont ni des brutes ni des anarchistes. Si les représentants bien intentionnés avaient eu l’i-