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dévoué. Ce fut lui qui obtint de Rome la dispense nécessaire au mariage d’Henriette de France avec Jacques l’t (1624), qui négocia avec les princes allemands pour imposer à Ferdinand II le renvoi de Wnllenstein, et qui signa la paix de Ratisbonne (1629). Il eut encore la plus grande part à l’odieuse rétractation arrachée au docteur Richer, à l’arrestation de la reine mère et à son éloignement, enfin à tous les événements importants de l’administration du cardinal, dont il était réellement le bras droit, et même quelque chose de plus, c’est-à-dire son guide et son conseil, en maintes circonstances où le puissant ministre était comme accablé sous le Soids des affaires. Homme de conception etexécution, intelligence vaste et réfléchie, travailleur infatigable, âme ambitieuse et hardie, caractère plein de contrastes, mais énergique et dominateur, peu scrupuleux, d’ailleurs, et sachant allier les ruses de la politique aux formes de l’austérité religieuse, ce moine homme d’État, cette Eminence grise, comme on l’appelait, était un vrai ministre, ■ans titre officiel, mais avec une autorité devant laquelle s’inclinaient secrétaires d’État, ambassadeurs et généraux. Il expédiait les affaires, avec, une armée de capucins pour commis, entamait des négociations politiques, dirigeait les fonctionnaires publics, correspondait avec l’Europe entière, donnait purtout des ordres et agissait souvent de son autorité privée, sûr de n’être point désavoué par un maître dont il connaissait la pensée intime et qui se reposait sur lui. Des historiens ont même pensé qu’il aspirait secrètement à remplacer ou à supplanter Richelieu. Louis XIII venait d’obtenir pour lui le chafteau de cardinal, lorsqu’il mourut avaéH deavoir reçu. Richelieu, qui ne connaissait, disait-il, aucun ministre en Europe capable de faire la barbe à ce capucin, témoigna de sa mort un désespoir sincère. Le parlement en corps assista à ses funérailles et un évêque prononça son oraison funèbre. On attribue au Père Joseph, outre quelques opuscules politiques, un poème latin, la Turciade, destiné à entraîner les princes chrétiens dans une guerre contre la Turquie. La Bibliothèque nationale possède un manuscrit qui contient l’histoire des événements du règne de Louis XIII depuis 163* jusqu’en 1638, et qu’on suppose avoir été écrit d’après les papiers du Père Joseph et par un homme qui le connaissait bien. Ce manuscrit renferme les renseifnements les plus précieux sur les affaires u temps les moins connues, articles secrets des traités, dépêches interceptées, délibérations du conseil d’État, etc.

On dit proverbialement : Cela ne va pas si vile, Père Joseph. Ce proverbe vient de ce qu’un jour le Père Joseph, la fameuse Eminence grise, projetant avec Richelieu une expédition de guerre qu’il trouvait facile, marquait sur la carte la marche des troupes, leur faisant passer des rivières sur lesquelles il n’y avait point de pont. Le cardinal, dit-on, l’arrêta en lui disant : Cela ne va pas si vile, Père Joseph ; où passeront ces troupes ? Ces paroles du cardinal devinrent un proverbe, et l’on dit quelquefois aux gens qui ne doutent de rien, qui ne voient point de difficulté à ce qu’ils proposent ou entreprennent : Cela ne va pas si vite, Père Joseph,

JOSEPH D’ARIMATHIE, membre du sanhédrin de Jérusalem et disciple secret du Christ, dont il vint demander le cadavre à Pilate pour l’ensevelir. Il embauma le corps du Christ, avec Nicodème, et le„déposa dans un sépulcre qui n’avait jamais servi.

JOSBPU D’EXETER ou 1SCANUS, poëte latin du moyen âge, né à Exeter (Angleterre). Il vivait au xiie siècle et reçut le nom d’iacauua, parce qu’il fut élevé à Isca, en Cornouailles. Tout ce qu’on sait de la vie de ce poète, c’est qu’il accompagna Richard II en Syrie. Il composa deux poèmes, l’un intitulé VAntiochëide, aujourd’hui perdu, l’autre sur la guerre de Troie, De bello Trojano, qui passa longtemps pour être de Cornélius Nepos et qui fut publié pour la première fois sous le nom de ’cet écrivain, à la suite de la traduction latine de Ylliade, de Valla (Bàle, 1541, in-8°). Depuis, ce poème a été réédité un grand nombre de fois, notamment sous le titre de Josephi Iscani de bello Trojano libri sex (Francfort, 1620, in-12). Il est d’une versification harmonieuse et généralement pure, et rappelle assez par le style les œuvres d’Ovide, de Stace et de Claudien. On lui attribue avec peu de probabilité des épigrammes, des vers amoureux et un poème sur l’Éducation de Cyriu.

JOSEPH DE MOBI.AIX (le Père), capucin et écrivain ecclésiastique français, né à Morlaix (Bretagne) au commencement du x vue siècle, mort en 1661. Il fut chargé, en 1640, par le prince de Sedan, Frédéric-Maurice, d’établir dans cette ville une communauté de capucins, et s’adonna avec succès à la prédication. Le ministre protestant Du Moulin ayant publié des sermons qu’il avait prononcés en présence des capucins de Sedan, en 1641, Joseph lui répondit dans un écrit intitulé : Lettre de Crescentius de Mont-Ouvert (Reims, 1641, in-4o). Il a publié, en outre le Discours funèbre de François de Lorraine, prince de JoinviileParis, 1640).

Jo«pu Andrewa, roman anglais de Fielding (1743, 4 vol. in-lî). L’auteur, emporté

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par sa malice et sa causticité habituelles, n’a fait dans ce roman que la parodie de a.Paméia de Richardson. Mais, en présence de situations vraies, il s’est ému à son tour, et, tout en donnant a ses personnages une physionomie assez goguenarde, il les a rendus intéressants. Joseph Andrews est rempli d’une ironie une et piquante. On le lit toujours avec plaisir, à cause des excellentes peintures de mœurs qu’il renferme. On remarque surtout un caractère, dont le mérite suffirait pour placer Fielding sur la même ligne que Richardson, s’il ne se distinguait d’ailleurs par une vigueur dramatique supérieure à celle de son rival : c’est celui d’un prêtre, du curé Abraham Adams, l’un des principaux personnages du roman, dont le savoir, la simplicité, la pureté évangélique, la bonté constante sont si heureusement alliés au pédantisme, à une distraction inouïe et à cette science gymnastique et athlétique que les étudiants de toutes les classes de la société rapportaient des universités, qu’on peut y voir sans crainte une des meilleures créations du roman moderne.

Ce livre est un roman de la vie bourgeoise, sorte d’épopée domestique, où la peinture de l’humanité telle quelle est, grotesque, admirable, risible, triste, bizarre, incohérente, mobile, est soumise à une idée vraie et morale. Il se recommande, en outre, par l’harmonie de l’ensemble et des détails et par un admirable mélange de raillerie et de raisonnement qui sert à faire triompher la vertu.

Joaepii Delorme, par Sainte-Beuve. V. Vie,

POéSieS ET PKNSKKS DE J. DBLORMU.

Joacpb Buiiumo, roman de M. Alexandre Dumas. V. Balsamo.

Joseph des feuiuiea (LE) (El José de las

mujeres], titre bizarre d’un des plus beaux drames sacrés de Calderon. Ces drames sacrés font, avec ses autos, deux genres de pièces très-distinctes ; ils étaient joués sur les scènes ordinaires, comme les comédies, au rang desquelles les éditeurs ont dû les placer, et non pas, comme les autos, dans les églises ou sur les places, les jours de solennité. Leur trait particulier est d’être quelquefois empruntés à l’histoire sainte et de se mouvoir toujours dans un cercle où le surnaturel religieux tient la plus grande place. Le Joseph des femmes est entièrement d imagination. Calderon connaissait-il la légende fameuse d’Hypathie, cette sublime païenne, versée dans les conceptions les plus pures de la philosophie et que les prêtres, jaloux de son savoir, firent mettre en pièces ? On serait, tenté de le croire ; mais, pour la plus grande gloire de l’Église, il a changé les termes de la légende, il a faussé l’histoire et nous a montré Hypathie chrétienne, martyrisée par les prêtres païens. Son Eugenia n’est, en effet, pas autre chose qu’une Hypathie qui, au lieu de Platon, lit la Bible et qui passe les nuits à méditer les Épîtres de saint Paul. Elle est, comme la Pauline de Polyeucte, fille d’un gouverneur païen, du gouverneur d’Alexandrie, et c’est en secret qu’elle s’est initiée à la religion nouvelle. Dans ce drame singulier, Calderon a su marier d’une façon fort heureuse le fantastique au réel, le3 apparitions aux jeux de scène. Ainsi, l’héroïne, veillant près de sa lampe allumée, ayant un saint Paul sur les genoux, relève la tête après une méditation prolongée et voit à ses deux côtés deux personnages inconnus qui se sont venus placer là en silence : l’un d’eux est un vieil ermite chrétien, Heleno. l’autre, le démon en personne. Eugenia les conjure de parler, de lever ses doutes, et ils se disputent tous les deux, dans une fort belle scène, l’intelligence hésitante de la jeune fille. Mais au premier bruit, les deux fantômes s’évunouissent. C’est le gouverneur qui entre, avec son valet, le gracioso. ■ N’avez-vous pas vu deux ombres sortir d’ici ? » leur demande Eugenia, encore sous le coup de cette apparition. Son père n’est pas éloigné de la croire folle. > C’est votre faute, dit Capricho, le valet ; vous avez voulu qu’elle sache toute espèce de choses. Est-il besoin qu’une femme en sache aussi long qu’un professeur ? Sa quonouille et son métier à broder, voilà tout ce qu’il lui faut de philosophie. Les livres sont venus, qu’ils s’en retournent. Sans compter que, des femmes, la plus niaise en sait déjà plus long que le diable I > Pendant ce beau discours, le gouverneur a reconnu parmi les livres de sa tille des livres chrétiens ; il l’adjure de ne pas s’adonner à cette croyance, qu’il est obligé de poursuivre cruellement, et veut brûler les livres ; mais, par un miracle, le feu s’échappe à chaque fois de ses mains. Calderon ne manque jamais cet effet descène, qui pouvait produire quelque impression sur les auditoires religieux de son temps. Cependant, pour distraire la jeune fille de ses méditations chrétiennes, on va la marier à un gentilhomme accompli, Aurelio. Dans une de ces académies savantes où se plaisaient les beaux esprits d’Alexandrie, on voit Aurelio chercher à gagner le cœur de sa prétendue par des lectures poétiques du plus haut goût ; c’est un véritable tournoi, entre les assistants, de sonnets amoureux, de stances, de gloses, et là se déclare la passion d’un rival assez dangereux pour Aurelio, Césarino, fils de l’empereur. Ce nouveau prétendant corrompt la soubrette d’Eugenia, qui lui ouvre une porte de son cabinet de travail ; mais, de son côté, Aurelio se fait ouvrir par le valet Capricho, de sorte que lu jeune fille, toujours

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méditante, relevant la tête, voit de chaque côté d’elle ses amoureux aux mêmes places que les apparitions de la veille. Est-ce un songe ou une réalité ? Avant qu’elle ait pu rien dire, Aurelio met l’épée à la main, et, à la première passe, est tué par son rival. Eugenia, folle de terreur, appelle son père. Césarino s’enfuit ; pendant un moment où la scène est vide, le démon survient et entre dans le corps inanimé d’Aurelio, de sorte que le père et la fille retrouvent bien portant, le sourire aux lèvres, celui qu’ils croyaient tombé pour ne plus se relever. Le démon, toujours facétieux, leur demande des nouvelles de ce qui se passe.

Eugenia, que ces prodiges ont épouvantée, fuit dans une thébaïde, se fait chrétienne, mats n’en continue pas moins à revoir les apparitions fantastiques du vieil anachorète et du diable, sous la forme de son ancien prétendant. Les persécutions contre les chrétiens amènent dans ce coin ignoré du désert une bande de soldats qui la font prisonnière. Elle s’est vêtue en homme, pour mieux échapper aux regards : personne ne la reconnaît à Alexandrie, où elle est amenée comme esclave. C’est sous ce costume qu’elle revoit son père, dont les yeux sont aveuglés au point de ne pas reconnaître la fille qu’il pleure. Là se place l’épisode qui a valu son titre à la pièce ; sous son costume d’homme, Eugenia a éveillé l’amour d’une certaine Mélancie, qui joue le rôle de la femme de Putiphar ; mais, comme Joseph, elle abandonne son manteau ; ejle a d’ailleurs, plus que Joseph, de bonnes raisons de ne pas vouloir condescendre à ce caprice amoureux. La Putiphar, courroucée, vieyitse plaindre au gouverneur de l’outrage que lui a fait un de ses esclaves. Toute la ville est en fête ; croyant sa tille morte, le gouverneur a résolu de lui faire érigerun temple, et Alexandrie tout entière assiste à la consécration de ce monument. C’est le moment choisi par ^lélnncie pour sa dénonciation calomnieuse ; le gouverneur décide que l’esclave sera Ijvré aux bourreaux. On 1 amène. En ce moment, le chœur chante : • En cet heureux jour, voici le triomphe d’Eugenia la belle. Mal l’a célébré avec ses fleurs, le soleil avec ses étoiles. ■ Eugenia alors, excitée par l’anachorète, se fait connaître, répudie ce triomphe païen préparé pour elle, et déclare qu’elle qst chrétienne. Aussitôt l’autel s’effondre avec fracas, emportant avec lui la calomniatrice ; le diable abandonne le corps d’Aurelio, qui tombe à terre privé de vie. Le gouverneur’at son fils, Fabio, émus de ces prodiges, prennent place à côté d’Eugenia et déclarent embrasser le christianisme. Le fils de l’empereur les fait conduire à l’échafaud. À peine la sentence est-elle exécutée qu’une nuée s’entr’ouve et laisse apercevoir, dans un rayon lumineux, le Christ entouré des trois martyrs.

Le Joseph des femmes n’a pas été traduit en français ; mais il figure dans tous les choix de drames originaux de Calderon.

JOSÉPBA s. m. Co-«é-fa — de Joseph, n. pr.). Bot. Syn. de bougainvillée.

JOSÈPIIE (Flavius), historien juif, né à Jérusalem l’an 37 après J.-C, mort de 97 à 100. U était issu de race sacerdotale. S’il faut en croire son autobiographie, il était dos son enfance consulté sur l’interprétation des lois, et n’aurait embrassé la doctrine des pharisiens qu’après trois ans d’épreuves et de vie ascétique dans le désert. Chargé d’aller implorer auprès de Néron la liberté de sacrificateurs emprisonnés par le gouverneur romain de la Judée, il réussit dans sa mission et revint dans sa patrie au moment où elle se préparait à secouer le joug des Romains, (58). Après avoir fait quelques efforts pour" empêcher la révolte d’éclater, il finit par y participer et accepta les fonctions de gouverneur de la Galilée. Soupçonné, sinon de trahison, au moins de tiédeur pour la cause nationale, il eut à se défendre contre des accusalions peut-être fondées et même contre des séditions, et montra, dans cette situation difficile, beaucoup d’habileté et de. prudence. Quand Vespasien entra en Judée (67), il s’enferma dans Jotapat, s’y défendit courageusement pendant quarante-sept jours, mais ne put empêcher la ville d’être emportée d’assaut. Echappé au carnage avec quarante de ses compagnons d’armes, réfugiés comme lui dans une caverne, il ouvrit l’avis de se rendre au général romain, qui leur offrait la vie. Mais ces sublimes fanatiques repoussèrent ce conseil avec horreur et préférèrent s’entr’égorger. Le sort réserva Josèphe pour la dernière de ces terribles exécutions, et quand il fut demeuré seul avec celui qui devait lui donner la mort, il parvint à lui persuader d’aller implorer la vie auprès des Romains. Pour se rendre Vespasien favorable, il lui prédit l’empire. U obtint sa liberté trois ans plus tard (70) et accompagna Titus au siège de Jérusalem, fit d’inutiles efforts pour engager ses héroïques et malheureux compatriotes à se rendre, et suivit ensuite le vainqueur à Rome, où l’empereur le récompensa de ses complaisances par une pension, un palais et les titres de citoyen romain et de chevalier. Il y passa le reste de ses jours et y composa ses ouvrages. Nous possédons de Josèphe : Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains et de la ruine de Jérusalem (en sept livres), traduit par lui-même de l’hébreu en grec. La circonstance qu’il avait été témoin des événements qu’il raconte donne nécessairement beaucoup d’in JOSE

térét à sa narration, à laquelle on reproche cependant de la diffusion et de la prolixité ; Antiquités judaïques, histoire de la nation juive depuis la création du monde jusqu’à la révolte, sous Néron. C’est une des sources les plus importantes pour l’étude de l’histoire hébraïque. Seulement, l’auteur, écrivant pour des Romains, a souvent modifié et altéré les faits, les idées et les mœurs. Un passage do cet ouvrage, où il est question de Jésus-Christ, a donné lieu aux plus vives controverses, et on le regarde généralement comme une interpolation ; une Autobiographie qui s’étend de 1 an 37 à l’an 90, et quelques autres écrits de moindre importance. Les meilleures éditions des Œuvres de Josèphe sont celles d’Havercamp (Amsterdam, 1726, avec trad. latine de J. Hudson), et de Richter (Leipzig, 1827). Les Antiquités judaïques et la Guerre des Juifs ont été traduites en français par Arnauld d’Andilly (1681).

JOSÉPBIE s. f. Co-zé-fl — de Joseph, n. pr.). Bot. Syn. de dryandre.


JOSÉPHINE s. f. (jo-zé-fi-ne — de Joséphine, impér. des Français). Bot. Genre de plantes, de la famille des pédalinées, comprenant plusieurs espèces qui croissent en Australie et aux Moluques.

— Arboric. Variété de poire qu’on appelle souvent Joséphine de Malines.


JOSÉPHINE (Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie), impératrice des Français, née aux Trois-Ilets (Martinique) le 23 juin 1763, morte à la Malmaison (Seine-et-Oise) le 29 mai 1814. Elle appartenait à une famille originaire du Blaisois. Elle fut amenée en France à l'âge de quinze ans, et y épousa, en 1779, le vicomte de Beauharnais, dont elle eut deux enfants, le prince Eugène et la reine Hortense. Son mari ayant été emprisonné pendant la Terreur, Joséphine lui rendit en prison les soins les plus affectueux, essaya vainement de l'arracher à l'échafaud, fut arrêtée elle-même et ne dut son salut qu'au 9 thermidor. Mise en liberté par le crédit de Tallien, qui lui fit rendre une partie de ses biens, elle acquit ensuite l'amitié et la protection de Barras, et ce fut celui-ci qui lui proposa d'épouser le général Bonaparte, que les manières distinguées de Joséphine, sa grâce et sa douceur eurent bientôt captivé. Le mariage purement civil eut lieu le 9 mars 1796. Le mariage religieux ne fut célébré que la nuit qui précéda la cérémonie du sacre, huit ans plus tard. Elle partagea dès lors la fortune de Bonaparte, qui, malgré de fréquents accès d'une jalousie trop motivée, ne cessa point de l'aimer beaucoup. Pendant l'expédition d'Égypte, Joséphine s'établit à la Malmaison, et, aux approches de l'attentat du 18 brumaire, elle rendit les plus grands services au futur empereur par sa dextérité et l'influence que sa grâce irrésistible exerçait sur les principaux personnages de l'époque. Le 2 décembre 1804, elle fut sacrée impératrice par le pape Pie VII en même temps que Napoléon. Cinq années s'écoulèrent, et l'union de Joséphine avec Napoléon étant demeurée stérile, l'empereur, qui tenait à avoir un héritier, résolut de faire rompre son mariage.

Ce fut en dînant tête à tête avec sa femme qu'il lui apprit sa résolution de divorcer avec elle. En l'entendant, Joséphine, s'évanouit. Aussi effrayé qu'ému de l'effet qu'il venait de produire, dit M. d'Haussonville, Napoléon entr'ouvrit la porte de son cabinet et appela à son aide le chambellan de service, M. de Bausset. L'évanouissement durant toujours, il demanda au chambellan si, pour éviter toute esclandre, il se sentait la force de porter l'impératrice jusque dans ses appartements, qui communiquaient avec les siens par un escalier dérobé. M. de Bausset prit l'impératrice dans ses bras, et l'empereur, marchant le premier, à reculons, lui soutint soigneusement les pieds. Ils descendirent ainsi l'escalier. Rien n'avait paru feint ni arrangé à M. de Bausset dans la triste scène dont il était le témoin involontaire ; cependant, ses jambes s'étant un moment embarrassées dans son épée tandis qu'il descendait cet escalier étroit, comme il se roidissait pour ne pas laisser tomber son précieux fardeau, sa surprise fut assez grande d'entendre Joséphine lui dire tout bas : « Prenez garde, monsieur, vous me serrez trop fort. »

Malgré les supplications et les larmes de Joséphine, la volonté du maître s'accomplit.

Le divorce fut prononcé le 16 décembre 1809, et Joséphine se retira à la Malmaison. Napoléon lui fit de magnifiques dotations, lui constitua une rente de 2 millions de francs et entretint même avec elle une correspondance dont Marie-Louise se montra plus d'une fois jalouse. Une lettre excessivement intime et entièrement de la main de Napoléon, adressée à Joséphine à la Malmaison, jetterait un jour assez curieux sur la vie que menait dans cette résidence l'ex-impératrice. Cette lettre, imprimée en partie dans la Revue politique du 24 octobre 1868, figurait parmi les raretés dépendant de la riche collection de feu Félix Drouin ; elle avait été vendue aux enchères publiques, à la salle Silvestre, dans les premiers jours de novembre 1865, quelque chose comme 1,100 francs.

En voici le passage le plus curieux :

« ….. Je te défends de voir Mme  X*** (le nom est en toutes lettres), sous quelque prétexte que ce soit : je n'admettrai aucune ex-