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de grands airs, et pensant avoir, chacun de son côté, enflammé une personne de qualité, se croient tous deux sur le point de faire une brillante fortune, Sylvie et Dorante imitent assez mal les façons qui conviennent à leur habit d’emprunt. Le faux valet est frappé de l’esprit et de la figure de la fausse soubrette, et le lui dit dans les termes les plus propres à faire impression sur elle. D’abord, elle ne peut croire qu’elle soit sensible à l’amour d’un laquais, elle se borne à le plaindre : il lui fait de la peine, elle voudrait qu’il renonçât à une folle fantaisie ; mais à mesure qu’elle avance, elle se sent moins libre, et les plaisanteries de son père et de sa mère, qui l’ont devinée, achèvent de la mettre hors d’elle-même. Elle veut donc éviter toute rencontre avec le faux Bourguignon, qui alors lui déclare toute la vérité. Ici commence un nouveau manège. Sylvie met son amour-propre à se faire épouser comme femme de chambre. Dorante hésite d’abord, puis il se décide, et enfin apprend qu’il est doublement heureux. Comme pendant à ces scènes délicates et fines, l’auteur a placé l’explication très-comique qui amène un mariage entre la véritable Lisette et le valet Pasquin.

Sans doute, il est difficile d’admettre que Dorante et Sylvie aient tous les deux au même moment l’idée de se travestir, l’un en valet et l’autre en soubrette, mais Marivaux a tiré de cette donnée tant de jolies scènes, qu’il ne faut pas se montrer trop difficile. Ce qui fait de cette comédie un chef-d’œuvre, c’est précisément la ténuité de l’intrigue ; l’intérêt ne naît pas, comme dans les autres comédies, d’obstacles ni d’aventures, il naît de quelque chose de bien plus délicat. « Marivaux, dit Sainte-Beuve, met la difficulté et le nœud dans le scrupule même, dans la curiosité, la timidité ou l’ignorance, ou dans l’amour-propre et le point d’honneur piqué des amants. Souvent ce n’est qu’un simple malentendu qu’il file adroitement et qu’il prolonge. Ce nœud très-léger, qu’il agite et qu’il tourmente, il ne faudrait que s’y prendre d’une certaine manière pour le dénouer à l’instant ; il n’a garde de le faire, et c’est ce manège bien mené et semé d’incidents gracieux qui plaît à des esprits délicats… Marivaux, au théâtre, aime surtout à démêler et à poursuivre les effets et les conséquences de l’amour-propre dans l’amour. »


Jeux d’Agrigente (LES) [I Giochi d’Agrigento], opéra italien en trois actes, livret de Métastase, musique de Paisiello, représenté sur le théâtre de la Fenice, à Venise, en 1796.

Les principaux personnages sont : Aspasia (soprano), Clearco (haute-contre), Filosseno (ténor), Éraclide (ténor), Cleone (basse). L’ouvrage commence par l’air d’Éraclide : Vedro ridente il sole, suivi du chœur : Della zeffiria Locri, et de l’air d’Egesta : So che tacer dovrei. Après une tempête accompagnée de tonnerre et de grêle, on entend l’air d’Aspasia : Stridea da un lato il vento, hérissé de brillantes vocalises ; les airs de Cleone : In van di pianto amaro, et de Clearco : Sognai tormenti, sont peu brillants ; mais le terzetto entre Aspasia, Clearco et Eraclide : Gelido palpitante, est très-dramatique ; il termine le premier acte. Le second acte débute par un chœur d’un joli effet : Fortunati naviganti, suivi d’un autre chœur de jeunes filles non moins gracieux : Vieni, o real donzella, et d’un preghiera à trois voix. La scène dans laquelle l’obscurcissement du ciel, les éclats de la foudre annoncent la colère de la divinité, est rendue faiblement par l’orchestre. Ces choses n’ont été bien exprimées que par Gluck et par Spontini. Il y a encore un bon air, avec chœurs, chanté par Eraclide : Stupido io son ; puis vient celui d’Aspasie : Che vi faci averse stelle, qui est pathétique et digne de l’auteur de la Nina ; l’air de Clearco : Nuove ognor funeste pene, termine le second acte. Les morceaux les plus saillants du troisième sont le duetto d’Aspasia et de Clearco : Si scorda, ô cara, et un terzetto encadré dans le finale.


Jeu de paume (SERMENT DU). Hist. On désigne ainsi l’un des grands épisodes de la Révolution française. L’Assemblée nationale était à peine réunie, que déjà son existence même était menacée par les complots et les intrigues du parti de la cour et des ordres privilégiés. Le roi flottait comme toujours, mais cependant semblait, à cet instant, disposé à suivre les inspirations de la faction qui voulait empêcher la réunion de la noblesse et du clergé au tiers état, humilier l’Assemblée, la dissoudre au besoin, ou tout au moins la réduire à l’état de simple machine à faire des lois, qu’elle se bornait à enregistrer au gré de l’autorité royale. Une séance royale avait été indiquée pour la signification des décisions souveraines. En attendant, le roi ordonna que la salle où siégeaient les états généraux serait fermée dès le lendemain (20 juin). La séance officielle était pour le 23, et le but de cette fermeture brutale était d’empêcher une partie du bas clergé de se réunir au tiers. Cette résolution fut affichée, le matin, dans Versailles et communiquée au président de l’Assemblée, Bailly, non pas même par une lettre du roi (qui écrivait bien de sa main au président du parlement), mais par un simple avis du maître des cérémonies, de Brézé. Dès nuit heures du matin, Bailly était, avec quelques députés, à la porte de la salle, protestant contre l’empêchement où se trouvait l’Assemblée de remplir son mandat. De nouveaux députés arrivent ; tous sentent l’humiliation, l’insolence d’un tel procédé, prélude assez visible d’un coup d’État. Voilà les envoyés de la nation traités comme des écoliers indociles, tenus à la porte, forcés d’errer à la pluie sur l’avenue de Paris, offerts, pour ainsi dire, aux moqueries des passants ! Jeu terrible pour ces aveugles de la cour ! Le peuple frémissait d’indignation. Les députés, qui sentaient bien que la France était derrière eux, mais qui, d’un autre côté, étaient encore à demi sous l’empire des superstitions de la vieille France, paraissaient intimidés par le mot redoutable et respecté : « Ordre du roi ! » ils se consultaient, délibéraient au milieu des groupes, hésitaient encore sur la forme de la résistance, ne voulant ni mourir sous le ridicule ni se jeter dans les résolutions extrémes, mais cependant énergiquement résolus à accomplir leur devoir. « À la place d’Armes ! » disaient les uns ; d’autres : « À Marly ! » d’autres encore : « À Paris ! » C’eût été mettre le feu aux poudres. Enfin, le docteur Guillotin ouvrit l’avis moins hasardeux de se rendre au vieux Versailles, et de se réunir dans la salle du Jeu de paume, lieu abandonné, démeublé, pauvre et nu, n’ayant rien qui rappelât (comme la magnifique salle des États) les pompes et les misères de la vieille société, et d’autant plus propice à servir de refuge et de berceau à la société nouvelle, à la raison pure, à la Révolution.

Voilà les envoyés de la France dans cette salle, dont le nom est désormais illustre, les voilà assemblés malgré le roi, et, sinon contre lui, car tous étaient encore royalistes, au moins contre la puissante faction qui l’entourait. Le moment était grave ; mais il n’y eut aucune hésitation, même aucune opposition ; l’Assemblée fut unanime, unie de cœur et de pensée dans une grande résolution patriotique.

Bailly, d’une voix grave, rend compte des faits, lit les lettres qu’il a reçues du marquis de Brézé, ainsi que la réponse que lui-même a faite, à savoir : que, n’ayant reçu aucun ordre positif du roi, il se rendrait, suivant son devoir, à la séance qui avait été la veille indiquée.

Un des modérés de l’Assemblée, Mounier (de Grenoble), qui plus tard émigrera, présente une opinion appuyée par Target, Chapelier, Barnave, et suivant laquelle les représentants de la nation doivent se lier au salut public et aux intérêts de la patrie par un serment solennel.

Les applaudissements éclatent de toutes parts, et l’Assemblée arrête aussitôt ce qui suit :

« L’Assemblée nationale, considérant que, appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale,

« Arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ; et que, ledit serment étant prêté, tous les membres, et chacun d’eux en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable. »

Bailly et les secrétaires demandèrent la faveur de prêter le serment les premiers, ce qu’ils firent à l’instant, dans la formule suivante :

« Nous jurons de ne jamais nous séparer de l’Assemblée nationale, et de nous réunir partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides. »

Tous les députés jurent d’enthousiasme, et la foule du peuple, qui était autour de l’édifice et dans les galeries, mêle ses acclamations à celles des députés. Les cris de « Vive le roi ! » accompagnent ce mémorable serment : c’était le cri de la vieille France qui, par une habitude consacrée, se mêlait encore au cri de la France nouvelle, au serment de la résistance et au cantique de la liberté.

Un orage éclatait en ce moment même, et son retentissement et ses rafales, s’engouffrant par les vastes fenêtres ouvertes, ajoutaient encore à la grandeur de cette scène.

Tout à coup, Camus annonce à l’Assemblée que le député Martin (d’Auch) a signé opposant. Un cri d’indignation se fait entendre ; mais, sur l’observation du président, l’Assemblée arrête qu’on laissera sur le registre cette unique signature négative, pour prouver la liberté des opinions.

L’appel des députés et la signature de l’arrêté finissent à quatre heures et demie (20 juin 1789).

L’énergie des députés, l’enthousiasme de la France annonçaient assez aux factions du passé quelle était la puissance du mouvement, et brisaient, pour le moment, l’espoir d’une dissolution violente et d’un retour à l’arbitraire, mais sans arrêter pour cela les intrigues et les complots. V. Assemblée nationale, Bastille, Révolution, etc.

Jeu de paume (SERMENT DU), esquisse, de David. Le grand peintre républicain ne pouvait guère choisir un sujet plus digne de l’inspirer que cette scène des débuts de notre grande Révolution, scène plus grandiose qu’aucune de celles dont l’histoire a gardé le souvenir. David voulut donner à sa toile des proportions inusitées. D’après une méthode qu’il suivait volontiers, il avait dessiné toutes ses figures nues, moyen fort ingénieux de ne donner à toutes que des mouvements naturels, sous les vêtements dont il les couvrit plus tard. David comprit immédiatement le vrai motif, le vrai sens politique de la scène qu’il voulait retracer : l’union qui reliait, en ce moment de suprême patriotisme, tous les membres de l’Assemblée, représentant les diverses opinions et les diverses classes du pays. Pour rendre cette pensée frappante, il a réuni, sur le premier plan, les portraits de dom Gerb, un chartreux, de Rabaud-Saint-Étienne, ministre protestant, de l’abbé Grégoire, prêtre catholique. À cette idée d’autant plus heureuse qu’elle n’imposait aucune espèce de recherche et de complication, le peintre en a joint une autre moins juste, selon nous, parce qu’elle est plus métaphysique et plus alambiquée. Il a voulu symboliser la chute de la monarchie, et pour rendre cette idée qui n’est pas susceptible d’être peinte directement, il a soulevé par un coup de vent un rideau de la salle, et nous a montré dans l’éloignement la chapelle royale frappée d’un coup de foudre. Une pareille allégorie ne se fût alliée que fort imparfaitement au puissant réalisme que David nous promettait dans le rendu des figures qui inondent la salle. Car, il ne faut pas l’oublier, le peintre des Horaces et des Sabines sait être, en présence de la réalité, d’un réalisme saisissant ; nous n’en voulons pour preuve que son immortel portrait de Pie VII, cette puissante et solide peinture. Combien doit-on regretter que le Serment du jeu de paume, qui promettait d’être le chef-d’œuvre de David, que ce prodige de mouvement, d’ensemble, de vie, d’élan patriotique, soit resté à l’état de simple esquisse, privé à tout jamais de cette touche large, vigoureuse, magistrale que David avait dans ses bons jours, lorsqu’un sujet académique ne venait pas étouffer ses qualités natives !

Tel qu’il est, le Serment du jeu de paume ne peut être considéré que comme un carton, mais un carton comparable à certains égards, supérieur sous d’autres rapports, aux meilleurs de l’école italienne. Quelques têtes cependant sont, sinon achevées, — elles ne pouvaient l’être que lorsque tout l’ensemble du tableau aurait été ébauché, — du moins peintes, c’est-à-dire à peine brossées, mais vivantes et parlantes déjà ; ce sont celles de Mirabeau, de Barnave, de Dubois-Crancé et du père Gérard. Tout le reste n’est que dessiné ou plutôt tracé au pinceau, avec des indications sobres et fortes des muscles et des mouvements, des parties d’ombres jetées çà et là pour traduire une première intention d’effet.

Au milieu de toutes ces têtes animées, de tous ces gestes enthousiastes et résolus, on admire la figure grave et placide de Bailly, dont l’expression sereine et contenue trahit une joie digne, calme, majestueuse quoique simple.

Pourquoi David, qui entreprit cette grande œuvre en 1791, l’a-t-il laissée inachevée ? Un décret du 28 septembre de la même année réglait que ce sujet serait traité aux frais de l’État et placé dans la salle des séances du Corps législatif. Si David eût donné suite à sa grande idée, nous posséderions sans doute un pendant du Couronnement, propre à faire oublier les défaillances de son talent et un peu celles de ses opinions,


JEUDI s. m. (jeu-di — du lat. Jovis dies, jour de Jupiter). Cinquième jour de la semaine : Il est parti jeudi dernier. J’irai vous voir JEUDI prochain. Cette dame reçoit tous les jeudis. Je n’estime guère non plus un chartreux qui ne mange que du poisson et qui ne se permet de parler que le jeudi. (Bayle.)

Jeudi gras, Dernier jeudi avant le carême, l’un des principaux jours du carnaval.

Jeudi saint, Jeudi de la semaine sainte. || On a dit aussi jeudi absolu ou jeudi de l’absoute.

— Loc. fam. La semaine des trois jeudis, Jamais : Il te payera la semaine des trois jeudis.


Jeudis de Mme Charbonneau (LES), par M. Armand de Pontmartin (1862, in-18). Ce gentilhomme de lettres, critique acerbe et romancier filandreux, a exhalé toute sa bile dans ce pamphlet, qui fit scandale. Il y passe en revue toute la littérature contemporaine, pour en jeter les principaux noms à la voirie ; il met des faux nez à ses victimes, mais, afin qu’aucune de ses grosses malices ne soit perdue, il a soin de donner la clef de ses pseudonymes ; grâce à cette indication, nous savons qu’Eutidème, c’est Jules Sandeau ; Théodecte, Louis Veuillot ; Euphoriste, E. Legouvé ; Iphicrate, M. de Falloux ; Théonas, M. Lacretelle ; Argyre, Edmond About ; Colbach, L. Ulbach ; Porus Duclinquant, Taxile Delord ; Clistorin, le docteur Véron ; Molossard, M. Barbey d’Aurevilly ; Schaunard, Henri Mürger ; Caméléo, Paulin Limayrac ; Marphise, Mme Émile de Girardin ; Sapho, G. Sand ; Caritidès, Sainte-Beuve ; Polycrate, G. Planche ; Melibete, Arsène Houssaye ; Polychrome, Théophile Gautier ; Bernier de Faux-Bissac, Granier de Cassagnac ; Poissonnier, M. Vivier ; Massimo, Maxime Du Camp ; Lorenzo, Laurent Pichat ; Falconey, Alfred de Musset ; Olympio, Victor Hugo ; Julio, Jules Janin ; Raphaël, de Lamartine ; Bourinald, Méry ; Hermagoras, H. de Balzac. Jules Sandeau, à qui M. de Pontmartin avait dédié son œuvre, a publiquement désavoué cette dédicace et demandé pardon à l’ombre de Mme de Girardin de s’être fait l’introducteur auprès d’elle d’un homme qui la remerciait en la diffamant.

Nous n’analyserons pas ce livre, qui n’est qu’un mauvais pamphlet littéraire ; en reproduire les injures, ce serait presque se rendre le complice de l’auteur. Nous pourrions, il est vrai, choisir, et trouver fort spirituels les traits dirigés contre certains hommes qui nous sont antipathiques, car M. de Pontmartin frappe à droite et à gauche, mais nous ne voulons pas de ces armes-là. M. Louis Ulbach, avec beaucoup de modération, a jugé ainsi ce livre : « Tout ce fatras plein d’injures, que quelques traits spirituels, que des détails ingénieux ne relèvent pas suffisamment, peut se résumer dans cette proposition : Gentilhomme pour les gens de lettres, simple écrivain pour les gentilshommes, M. de Pontmartin en veut à ses confrères de ce qu’on ne l’a pas accepté comme un romancier de premier ordre, et au faubourg Saint-Germain de ce que celui-ci n’a pas voulu l’admettre à l’égal d’un Montmorency… Trop spirituel pour s’offenser de la critique répondant à la critique, il ne se contient plus dès qu’on doute qu’il puisse être le Balzac du faubourg Saint-Germain. Ne cherchons donc pas dans cette boutade le manifeste d’un homme politique, d’un écrivain armé en guerre pour des idées sociales ou philosophiques. Ce n’est pas le testament d’un homme de parti, c’est la rancune d’un romancier méconnu, passé sous silence… Les Jeudis de Mme Charbonneau sont les confessions peu sincères d’un romancier inconnu qui essaye de donner le change sur son désappointement. Ce n’est pas le cri d’une conscience outragée par ses contemporains, dans sa foi la plus idéale ; c’est la réclamation, j’allais dire la réclame, d’une vanité blessée dans son amour-propre le plus personnel. M. de Pontmartin pardonnerait aux révolutionnaires, aux légitimistes, si on trouvait bons les Contes d’un planteur de choux. »


Jeudis de l’institutrice (LES), livre de lecture courante à l’usage des pensionnats de demoiselles et des familles, par MM. Larousse et Alfred Deberle (Paris, 1870, 1 vol. in-18). Les mêmes auteurs ont également publié les Jeudis de l’instituteur, qui forment la suite naturelle du premier ouvrage. Nous empruntons à un article de M. Abrant le compte rendu de ces deux ouvrages : « J’avais fait emplette de ces deux volumes pour mes enfants, qui les avaient lus, relus, et ne tarissaient pas en éloges à leur endroit. « Papa, ne cessaient-ils de me répéter, tu devrais lire les Jeudis ; si tu savais comme c’est joli, intéressant. — Ah ! parbleu, oui ! répondais-je impatienté, j’ai bien d’autres chats à fouetter que de m’amuser à toutes ces histoires ! » Je devais justement être puni par où j’avais péché, c’est-à-dire qu’il y a quelques jours je reçus l’invitation de procéder au compte rendu des deux ouvrages en question, et comme je n’ai pas encore acquis une habileté suffisante pour rendre compte d’un ouvrage sans l’avoir lu, à l’instar de quelques-uns de nos grands critiques, je dus, bon gré mal gré, me mettre à la lecture et des Jeudis de l’institutrice et des Jeudis de l’instituteur ; ce que je fis bravement, du reste, mais en me promettant bien de suivre rigoureusement et sans l’exagérer le précepte de Voltaire : « On doit des égards aux vivants… » J’attaque donc le premier chapitre : Histoire d’une tabatière. Je comptais éternuer plus d’une fois ; mais voilà que tout doucement, insensiblement, je me sens entraîné de la première page à la seconde, puis à la troisième, et ainsi de suite jusqu’à la fin ; et alors, Dieu me pardonne ! je m’aperçus que j’avais la larme à l’œil. « Ventrebleu ! est-ce que je rentrerais en enfance, par hasard, pour m’amuser et m’intéresser à ces histoires de jeunes pensionnaires ? Voyons : un autre chapitre ad aperturam libri. » Je lis donc la Légende de la Sainte-Chapelle ; je trouve là, admirablement pétris et façonnés ensemble, la légende, le drame et l’histoire, et tout cela écrit d’un style à la fois preste et ému, simple et imagé, chaud, pittoresque, plein de mouvement et d’élégance. Je reviens alors au second chapitre, et tout le volume y passe sans que le charme ait cessé d’agir sur mon esprit. Je prends aussitôt la seconde partie (les Jeudis de l’instituteur), et je vois que, si la nature des sujets a changé en se prêtant aux exigences de l’autre sexe, l’intérêt n’a fait que se fortifier en revêtant une forme plus élevée.

« À quel genre appartiennent donc les sujets traités dans ces deux volumes ? Mon Dieu, il serait difficile de les classer dans une catégorie littéraire : on trouve des ballades, des légendes, des anecdotes historiques, des épisodes héroïques, tels que le chapitre intitulé : Théophile et Félicité de Fernig, qui a été reproduit en variétés par le National ; des biographies pleines de mouvement dramatique, des articles d’histoire naturelle où