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ânes de ces charges sont admises même ou Théâtre-Français, par la seule force de !a tradition. Ainsi, dans l’Avare, Harpagon, voyant deux bougies allumées, en souffle une : voilà un jeu de scène excellent et tout à fait dans le rôle ; il est beaucoup moins acceptable qu’Harpagon mette la bougie dans sa poche et que maître Jacques, passant derrière lui, la rallume.

Les bons comédiens savent l’art de ne jamais laisser la scène vide, et de donner, même à un personnage muet, un relief surprenant. Dans la Joie fait peur, Régnier dessinait, dès la première scène, son rôle de domestiquemajordome rien qu’en époussetant la cheminée et en entremêlant ses coups de plumeau de humt humt significatifs. Dana une autre pièce, Got, qui jouait un rôle de docteur, manqua son entrée de quelques minutes ; Régnier, qui l’attendait, occupa cet entr’acte imprévu en comparant l’heure de sa montre à celle de la pendule et en faisant toutes sortes de conjectures sur ce qui pouvait retarder ce bon docteur. Enfin, il entend des pas à la porte de gauche, et va ouvrir, en s’écriant : ■ Le voilà I • Justement, Got entrait, en ce moment même, mais par la porte de droite. Régnier ne perdit pas son sang-froid, et dit très-naturellement : € Tiens I vous avez donc fait le tour de la pelouse ? « et tous les deux reprirent leur rôle. Personne ne se douta de ce jeu de scène improvisé.

Un acteur surprenant par ses jeux de scène, c’est Frédérick Lemaître ; il en a marqué toutes ses créations, et son imagination lui en suggérait une telle variété, qu’il ne se donnait presque jamais la peine de les répéter dans le môme rôle, et trouvait le moyen de rester ainsi toujours nouveau. Il nous faudrait, pour les noter, reprendre une à une toutes ses pièces. Pourvu qu’il ait un haillon à se jeter sur l’épaule, un bord de manteau à faire relever par sa rapière, pourvu qu’il ait une chaise à changer de place, un prétexte d’aller de droite à gauche ou de gauche à droite, c’est tout ce qu’il lui faut. Dans Jiobert Macaire, il avait une façon de déplier son passe-port, de rajuster ses lunettes, d’offrir une prise au gendarme, qui était inimitable.

On conçoit que la tragédie, plus sévère ; s’accommode moins de ces jeux de scène, ou il entre toujours une bonne dose de fantaisie. Cependant, la tradition de la Comédie-Française nous en a conservé quelques-uns des anciens acteurs. Ainsi Baron, à l’une des représentations du Comte d’Essex, profita d’un hasard pour créer un jeu de scène inattendu : sa jarretière s’étant détachée, il la rattacha, tout en continuant sa tirade, et, comme ce manque aux convenances théâtrales allait très-Dien au rôle dédaigneux du favori, il continua ce jeu aux représentations suivantes. Depuis, tous les comtes d’Essex trouvèrent moyen, dans cette scène, d’avoir un nœud à refaire ou une aiguillette k rattacher. Les grands acteurs tragiques français et anglais, Leltain, Kean, Tahna, tout en en usant sobrement, savaient tirer de grands effets de jeux de scène qu’ils imaginaient en dehors de toute tradition. Kean, qui avait joué longtemps Arlequin, mimait ses rôles plus qu’il ne les débitait, et faisait passer le frisson rien qu’avec un geste. Chez nous, un acteur excentrique, mais d’un grand talent, Rouvière, excellait dans cette partie imprévue de l’art dramatique ; en jouant Hamlet, pendant le lambeau de tragédie que récitent les comédiens ambulants, il se traînait par terre, rampait comme une couleuvre, et tout d’un coup se redressait, comme un spectre, devant sa mère. M™« Ristori montra également, dans Marie Stuart, un jeu de scène émouvant : au dernier acte, quand elle marche à l’échafaud, elle trouve Leicester sur son chemin, et s’arrête pour lui taire des reproches passionnés ; elle oublie un moment sa mort prochaine ; tout en discoursnt, ses yeux se portent sur un crucifix qu’on lui présente ; .le cri et le geste par lesquels elle marquait que cette vue lui rappelait l’heure fatale étaient d’un tragique terrible.

— AUus. litt. Ce lont là jeux do prince.

Hémistiche de la fable de La Fontaine le Jardinier et son seigneur. Le seigneur, sous prétexte de forcer un lièvre qui cause de légers dégâts dans le jardin du pauvre homme, y pénètre aveu un attirail de chasse complet et y met tout en piteux état.

.... Adieu planches, carreaux,

Adieu chicorée et poireaux ;

Adieu de quoi mettre au potage.

Le bonhomme disait : Ce sont là jeux de princel Mais on le laissait dire ; et les chiens et les gens Firent plus de dégât en une heure de temps, Que n’en auraient fait eu ûent ans Tous les lièvres de la province.

Andrieux a reproduit cet hémistiche dans son conte du Meunier Sans-Souci : Ce même Frédéric, juste envers un meunier, Se permit maintes fois telle autre fantaisie ; Témoin ce certain jour qu’il prit la Silésie ; Qu’à peine sur le trône, avide de lauriers, Epris du vain renom qui séduit les guerriers, Il mit l’Europe en feu. Ce «oui là jeux de prince : On respecta un moulin, on vole un province.

Ces mots, jeux de prince, se disent de ces fantaisies que se permettent les grands aux dépens des petits, les gouvernants aux dépolis des gouvernés, los forts aux dépens des

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faibles, etc. Ils nous rappellent une particularité curieuse du passage de Christine de Suède en France. Cette reine assistait un jour à une séance de l’Académie française. Le président, pour lui faire honneur, offrit de lui lire un article du fameux dictionnaire, alors en préparation. On en était au mot jeu. La lecture commença, et la savante Christine approuvait par un signe de tête gracieux la plupart des articles. On en vint à cette locution : jeux de prince. Le drame sanglant de Fontainebleau datait à peine de quelques mois. Christine, malgré son sang-froid et l’empire qu’elle savait conserver sur elle-même dans les circonstances les plus critiques, parut visiblement embarrassée et ne tarda pas à lever séance.

« Dans les chasses royales de Duigaan, roi des Amazoulous, plusieurs milliers d’hommes étaient employés à traquer les rhinocéros. Mais, en se voyant cernés, ceux-ci se débandaient, et malheur à ceux qui se trouvaient à portée. Cent hommes restaient ainsi chaque foi3 sur le terrain, mais

Ce tont là jeux de prince !... •

{L’Ami de la maison.)

< Tout au plus, pendant les premières années de son règne, Néron s’amusera-t-il à rôder la nuit par les rues de Rome, en pillant les boutiques et en battant les passants. Ce sont là jeux de prince. Le peuple tend le dos et ne fait qu’en rire ; il faut bien que César s’amuse. <

P. de Saint-Victor.

Jeux rustiques (les), de Joachim Du Bellay, recueil de petits poèmes, imités ou traduits du grec et du latin, sorte d’anthologie française, où ce savant poète, un des meilleurs disciples de Ronsard et parfois supérieur au maître, a comme exprimé tout le suc de l’antiquité. Par ces /eux rustiques, Du Bellay a voulu imiter les recueils àesylves des Latins ; les beis, les champs, les félicités de la vio rurale, les divinités rustiques sont célébrés tour à tour dans ces petits poèmes d’un rhythmo gracieux, d’un tour original, écrits dans cette belle langue poétique et colorée du xvio siècle. Les imitations y abondent ; on y trouve le Moretum, de Virgile, le Combat d’Hercule et d’Achetons, d’Ovide, sans compter une foule de petites pièces imitées ou traduites de l’Anthologie ; mais les poésies originales, tout en gardant la teinte latine et grecque que leur donnait Du Bellay, sont les plus nombreuses. Ce sont des stances, des chansons, des élégies, des épitaphes. La plupart sont courtes et se font remarquer par la légèreté du rhythrae. C’est dans les Jeux rustiques que se trouve la strophe si souvent citée de Du Bellay, l’appel d un vanneur aux zéphyrs :

De votre douce haleine

Eventez cette plaine,

Evente : ce séjour ;

Cependant que j’ahanne

À mon blé que je vanne

À la chaleur du jour.

Cette petite chanson du vanneur, qui n’a que trois strophes, est un petit chef-d’œuvre «’harmonie poétique. De tels morceaux ne sont pas rares dans les Jeux rustiques, comme dans tous les autres recueils de Du Bellay, un des poètes du xvie siècle qui méritent le plus d’être étudiés. Tels sont les petits poëmes intitulés : Villanelles, le Citant de l’amour et du printemps, le Chant de l’hiver et de l’amour, Elégie amoureuse, etc. Gra.nd novateur, comme toute la pléiade, Du Bellay cherchait des rhythines nouveaux, à l’imitation de Ronsard. On trouve dans les Jeux rustiques maintes traces de cet effort ; son ode contre les pétrarquistes est écrite en tercets imités de l’italien, mais avec trois vers monorimes ; cette innovation n’a pas été goûtée ; pourtant Du Bellay fait le plus souvent des choix judicieux pour ses combinaisons, ses entrelacements de rimes, et sa poésie, très-étudiée comme césure et comme cadence, satisfait vraiment l’oreille.

Du Bellay a ajouté au recueil de ses Jeux rustiques une traduction de la Courtisane, poème latin du P. Guillebert, et un poème, la Vieille courtisane, imité de lArétin. On trouve quelquefois ces sompositions imprimées avec la Célestine espagnole. Les Jeux rustiques font partie des Œuvres françaises de Joach. Du Bellay, publiées en 1574 (l vol. in-12).

Jeux poétiques (les), par Estienne Pasquier (1003), recueil de poésies dans lequel l’auteur a rassemblé, en cinq parties, ses meilleures rirae3 et surtout ses pièces amoureuses. Le plus grand nombre de ces vers fut néanmoins composé par lui dans son âge mûr. Ces cinq parties sont intitulées : Loyauté, Liberté, Ambition, Vieillesse amoureuse et

Vieillesse rechignée. Sous ces titres défilent, d’une manière un peu monotone, de longues séries de chansons, d’élégies et de sonnets, qui trahissent l’imitation des Italiens et des

Provençaux ; on y cherche en vain l’originalité et le relief. Lorsque Estienne Pasquier n’imite pas Pétrarque, il marche à la suite de Ronsard et de Du Bellay. Dès la troisième partie, le poète se montre plus grave, l’amour s’efface un peu, sans disparaître, et fait place à des préoccupations plus viriles. Le sonnet suivant, empreint d’une douce philosophie,

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indique assez bien la manière de l’auteur, auquel on voudrait un peu plus de force et de verve lyrique :

Ne souhaiter rien plus que son pouvoir, Borner l’espoir, attremper son envie. Rendre de peu sa pensée assouvie, C’est ce qui fait heureuse vie avoir. A plus qu’on n’est attacher son vouloir, De hauts desseins accompagner sa vie, 1 Voir jusqu’au ciel sa pensée ravie,

C’est ce qui fait l’homme de cœur valoir* Belle est vraiment l’opinion première ; Belle est encore l’opinion dernière : À qui des deux est-ce donc que je suis ? L’une avec peu fait que content j’abonde ; L’autre de peu me fait grand en ce monde : L’une je loue, et l’autre je la suis.

Il est un peu plus heureux quand il manie ces jolis rhythines cadencés, si chers au xvi« siècle :

Toutes les roses, au réveil

D’un clair soleil, Se revêtent d’habits mondakis,

Dans nos jardins ; Puis prennent leurs habits de deuil En un clin d’œil... La quatrième et la cinquième partie du recueil chantent les désillusions du vieillard ; l’auteur revient sans cesse sur les tribulations auxquelles l’amour expose quand on arrive au déclin ; de la vie. Les vers d’Estienno Pasquier n’ont pas assez d’originalité pour qu’on les étudie pour eux-mêmes, comme ceux des postes de la pléiade ; ils n’ont d’intérêt qu’au point de vue de l’histoire littéraire de la France.

Jeux de mains (les), poème en trois chants, par Rulhière (1768). Ce petit ouvrage suffirait a démontrer combien il faut de talent pour écrire d’une façon agréable une simple bluette. Rulhière a voulu rivaliser avec Gresset et avec Pope, mais malgré tout son esprit il n’a réussi à faire ni un Vert-Vert ni une Dunciade. Son poSme repose sur une donnée insignifiante : une société brillante se réunit dans une maison de plaisance, et repart presque aussitôt pour la ville par suite de quelques jeux de mains qui brouillent des amis regardés jusque-là comme inséparables ; une Artémise, une Corinne, une Sylvie, un Dymas et d’autres personnages passent devant les yeux, tels que des ombres chinoises ; le merveilleux est maigre ; il se compose du spectre de la peur qui apparaît à la principale héroïne sous les traits de l’abbesse de Bon-Secours. Quelques vers plutôt bien arrangés que bien faits, des images plutôt esquissées que rendues ; des plaisanteries que 1 on prendrait pour des énigmes ; trois chants très-courts, et qui pourtant ne sont pas remplis, tel est le bilan de ce petit ouvrage. « On a regret, dit J. Chénier, au tourment que l’auteur se donne pour montrer une imagination qu’il n’a pas. Son ouvrage ressemble à ces camaïeux au pastel, où les traits d’un pinceau effacé laissent à peine entrevoir les contours des figures et même l’intention du peintre. » Lu dans les salons quelque vingt ans avant la Révolution française, il avait obtenu de grands succès et fut un des titres de Rulhière à l’Académie ; les allusions dont il est rempli étaient comprises alors, et les personnages mis en scène pouvaient se reconnaître. Lorsqu’on l’imprima (Pifïis, 1808, in-8»), il n’avait plus le même intérêt de circonstance.

Jeu de la- feuiiiie (le), comédie bourgeoise, par Adam de La Halle (xme siècle). Le mérite de cette pièce, une des premières de notre théâtre, est surtout dans son ancienneté ; elle montre que la comédie aurait pu jaillir spontanément de la sève nationale et se rattacher aux atellanes et au genre aristophanesque, sans rien devoir a 1 imitation littéraire des modèles. Le poëte d’Arras emprunte sans façon ses personnages à la société contemporaine. Adam se met lui-même en scène et nous parle de ses affaires, même de celles qu’il aurait pu garder pour lui ; il se peint sous les traits d un mari volage, d’un joueur prodigue et d’un rimeur paresseux. Avec lui, il amène sur le théâtre son père, maître Henri, gros bourgeois, égoïste, sensuel et avare ; puis ses amis Hanse le mercier, Riquêohe Aurri et Gillot le Petit, rieurs et buveurs éprouvés. À ces acteurs pris dans l’intimité, viennent s’ajouter certains types généraux et populaires : la courtisane, le médecin, le moine et le fou. Enfin, comme le merveilleux a toujours sa place au moyen âge, à côté des allusions directes, des trivialités de la vie réelle, apparaissent un certain nombre de créations fantastiques et romanesques. L’intrigue de la

Pièce est assez diffuse. Adam nous raconte histoire de ses déboires poétiques et conjugaux, de ses rêves d’ambition, de ses projets de voyage à Paris, toujours entravés par l’avarice de maître Henri et la malignité de la fée Maglore. Le père approuve ce projet, mais, quand vient l’inévitable question d argent, il fait la sourde oreille et se lamente. Un médecin qui se trouve là fort à point apprend à ce père qu’il a une maladie plus invétérée que la gravelle : c’est l’avarice. Au médecin succède le moine, porteur des reliques de saint Acaire ; il prétend pouvoir chasser les démons, guérir les fous, etc. ; les amis d’Adam l’entraînent au cabaret, le font boire, jouer aux dés, puis, profitant de son sommeil pour s’esquiver, ils le laissent seul ronfler à

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table ; avec les pots vides et l’écot à payer. La pièoe se termine par une scène où les fées comblent de dons les amis du poète. Mais la fée Maglore détruit toutes ces faveurs, et c’est encore elle qui fera manquer définitivement le voyage d Adam à Paris. • Ce premier essai de comédie populaire, dit M. Lenient, tout spontané, tout naïf, n’est qu’une ébauche encore très-incomplète. Pourtant il marque une date et mérite de faire époque dans 1 histoire du théâtre en France, car la plupart des types mis en scène par Adam de La Halle se sont conservés par tradition, >

Jeu du prtnee des «ot» (lb), sotie de Pierre Gringoire, représentée aux Halles, à Paris, le mardi gras de l’année 1511. Ce Jeu offro la série complète des pièces qui composaient alors une grande solennité théâtrale, le cry ou appel au public, la sotie et la moralité, qui faisaient le corps du spectacle, et la farce qui terminait gaiement la séance. La teneur du cry est originale ; le poète appelle à sa représentation, à la cour du roi des sots qui va tenir ses états et écouter leurs doléances, les sots et sottes du monde entier, les vieux, les jeunes, les belles, les laides, les amoureux et amoureuses, les lunatiques, les étourdis, et, en n’ayant l’air de n’appeler que les sots et les vicieux, il se trouve appeler tout le monde. L’énumération est piquante. La sotie, allégorique d’un bout à l’autre, comme d’usage, trahit les préoccupations populaires du moment, l’appréhension des guerres d’Italie, la peur de l’Anglais, la famine presque en permanence. Cela n’empêche pas le prince des sots de convier tous ses sujets, le seigneur de Joie, le seigneur du Plat, le seigneur de la Lune, l’abbé de Plate-Bourse, et Gaieté, et Sotte-Occasion, et Sotte-Fiance. Un personnage qu’on n’avait pas appelé et qui vient mêler ses plaintes aux discours de tous ces sots, c’est la Commune, si maltraitée alors. Il y a quelque éloquence dans ces plaintes, et c’est une belle idée du poëte de 1 uvoir fait intervenir, et réclamer la paix, au nom du peuple :

la COMMUEE. Et qu’ai-je h faire de la guerre Ni qu’à la chaire de saint Pierre Soit assis un fol ou un saîge î Que m’en chaut-il si l’Église erre ? Mais que paix soit en cette terre ! Jamais il ne vint bien d’oultraige ; Je suis asseur en mon villaige, Quand je veuil, je soupe et desjeune.

LE PIUHCE.

Qui pane ?

LA COMMUNE.

La sotte commune I Tant d’allées et tant de venues, Tant d’entreprises inconnues, Appointements rompus, cassé3, Traysons secrètes, inconnues, Mourir de lièvres continues, Breuvages et boucons brassés, Blancs scellés en secret passés. Faire feux, et puis veoir rancune !

LE PRINCE.

Qui parle ?

LA COMMUNE.

La sotte commune 1

La commune, malgré qu’on en ait, garde son franc parler, et c’est dans sa bouche quo P. Gringoire place ses satires habituelles sur lès grands, les seigneurs, l’avidité du clergé. Son audace était telle, qu’il faisait figurer l’Église habillée en dessous en mère sotte ; elle n’avait qu’à quitter sa chasuble pour devenir la risée du public.

La moralité est une longue et assez ennuyeuse allégorie dialoguée, entre le Peuple italique et le Peuple françoys, l’Homme obstiné, qui symbolise, sans doute, l’un des monarques contemporains, et la Punition divine, qui menace cette obstination, préjudiciable aux peuples. La préoccupation est la même que dans la sotie. Quant a la farce, très-gaie et très-plaisante, elle traite un des sujets favoris de Gringoire, la dispute d’un mari et de sa femme, avec intervention de quelques amants de bonne volonté. C’est une pièce pleine d’équivoque et qui ne manque pas d’esprit, mais les mots sont trop transparents ; on désirerait volontiers un peu plus de finesse.

Le Jeu du prince des sots a été réimprimé dans la collection Car on (1798).

Jeu de l’amour et du hasard (LE), Comédie en trois actes et en prose, de Marivaux (Comédie-Italienne, 83 janvier 1730). Cette comédie, qu’on reprend encore actuellement au Théâtre-Français, est celle qui donne la mesure la plus exacte de l’esprit ingénieux et fin de son auteur ; ce n’est qu’un badinage, mais les situations et les scènes se déduisent si bien les unes des autres qu’elles font toujours le plus vif plaisir. Un prochain mariage doit unir Sylvie et Dorante. Sylvie cependant veut juger par elle-même du mérite de son futur époux, et elle demande à son père de l’autoriser a changer d’habit et de rôle avec sa femme de chambre, pour pouvoir observer sans être connue. De son côté, Dorante a la même idée ; il prend la livrée de son valet, pour s’assurer, par lui-même, de la vérité des rapports qu’on lui a faits sur sa fiancée. De cette double fantaisie résultent les jeux de scène les plus piquants et les plus comiques. Pendant que Pnsquin ut Lisette se donnent