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au moins in petto, de la sentence qui le condamne. (Ch. Dolfus.) L’esclavage est une question qui appartient eu toute propriété à Al. Granier de Cassagnac : il y a vingt ans qu’il la soigne, qu’il l’arrose, qu’il la cultive, qu’il l’éekenille, ce bon jardinier, dans la serre chaude de sa pétulante rhétorique ; M. Granier aime l’esclavage, comme il aime le bifteck, et le plus grand grief qu’il reproche in petto à la révolution de Février, c’est d’avoir sauté à pieds joints par-dessus les textes de saint Augustin, de saint Basile, de saint Jean Chrysostome, en décrétant l’affranchissement des esclaves dans les colonies françaises. (E. Texier.)

— Administr. ecclés. Manière particulière au pape de nommer certains dignitaires, qui consiste à ne pas les désigner publiquement, mais a les réserver d’avance et en secret pour une époque subséquente : On te dit nommé in petto au cardinalat.

IN-PLANO adj. Cn-pla-no — mot lat, signifiant sur une surface horizontale). Typogr. Se dit d’un format dans lequel la feuille d’imprimerie ne forme qu’un feuillet ou une page de chaque côté • Format in-plano. Il On dit aussi atlantique, parce que ce format est particulièrement employé pour les atlas.

— s. m. Format in-plano : L’in-plano est le plus grand des formats. Il Volume in-plano : Imprimer des in-plano.

IN POCULIS toc. adv. Cnn-po-ku-lissmots lai. qui signif. parmi les coupes). Le verre en main : Les gens de la campagne ont l’habitude de traiter les moindres affaires in l’ocuus. il On dit mieux inter pocula.

JN-PROMPTU. Orthographo peu usitée du mot impromptu.

INQUALIFIABLE adj. (ain-ka-li-fi-a-bledu préf. in, et de qualifiable). Que l’on ne peut qualifier d’une manière assez sévère : Des procédés inqualifiables.

IN-QUARANTE-BUIT adj. (ain-ka-ran-tuit

— du lat. iit, en ; de quarante et huit). Typogr. Se dit d’un format dans lequel la feuille, étant pliée en quarante-huit feuillets, contient quatre-vingt-seize pages : Format inquarante-huit. Livre, volume in-quarantehuit. Il On écrit aussi in-48.

— s. m. Format in-quarante-huit : L’m- quahante-huit est un très-petit format II Volume in-quarante-huit : Imprimer des in-QUA-

RANTË-HUIT

INQUARTATION s. f. (ain-kar-ta-si-ondu lat. in, en ; quartus, quatrième). Chiin. Opération par laquelle on ajoute à l’or allié au cuivre, et qu’on veut passer k la coupelle, trois fois environ son poids d’argent, il On die aussi inquart s. m.

— Encycl. Vinquartation a pour but d’isoler, dans un allinge, l’or de l’argent. Pour l’appliquer, il faut avoir 3 parties d’argent pour l partie d’or On fond le mélange dans un grand chaudron en fonte terminé par un tuyau de plomb, et on attaque par l’acide s’ulfurique. Il se forme du sulfate d’argent, qui s’écoule par le tuyau, et il reste dans le chaudron un résidu d’or, que l’on soumet à la dessiccation, puis à la fusion. Quant au sulfate d’argent, on le décompose par des lames de cuivre, qui isolent l’argent. Cette opération revient d& 1 fr. 50 à 2 fr. pour 1 kilogr. d’alliage. S’il y a de l’iridium dans l’alliage, on le sépare encore dans Vinquartation. Pour cela, au moment de la fusion de l’alliage, on laisse déposer ensemble l’iridium et l’or ; puis on sépare l’or au moyen de l’argent : on a ainsi d’un côté un nouvel alliage d’or et d’argent, que l’on truite par l’acide sulfurique, et un alliage d’or et d’iridium renfermant très-peu d or ; celui-ci est enlevé par l’eau régale, qui laisse insoluble l’iridium.

Quelquefois Vinquartation n’est qu’une opération de docimasie, qui a pour but alors de doser l’or et l’urgent dans un alliage. Voici, dans ce cas, comment l’on procède. On détermine d’abord le titre de l’alliage proposé, soit par la pierre de toucha, soit au moyen d’un traitement préliminaire par l’acide azotique. Dans ce dernier cas, on traite par l’acide azotique un poids p, généralement assez petit, de l’alliage lamine en feuille très-mince ;

on pèse la partie indissoute p’; — donne

une première approximation de la teneur en or de l’alliage proposé. On calcule d’après cela le poids d’argent fin qu’il faut ajouter à 1 gramme de l’alliage pour obtenir un bouton contenant 4 parties d’argent pour t partie d’or. On passe k la coupelle 1 gramme de l’alliage, le poids de l’argent calculé et 2 grammes de plomb ; on lamine le bouton obtenu en une feuille mince et on la roule en cornet. On introduit le cornet dans une fiole ; on ajoute de l’acide azotique un peu étendu a la densité do 1, 20 ; on fait chauffer doucement pendant plusieurs heures, tant que l’acide paraît exercer une action sur l’alliage ; on décante ; on verse dans la fiole de l’acide azotique plus concentré, à la densité de 1, 30 et on porte à l’ébullition pendant une heure environ. L’argent est alors entièrement dissous ; l’or reste presque en totalité insoluble, en conservant la forme du cornet. On le lave par décantation, en prenant les précautions nécessaires pour ne pas briser le cornet. Le lavage étant terminé, on fait passer le cornet dans une capsule ; on le chauffe jusqu’au

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rouge, afin de lui donner un peu de solidité ; on le pèse après refroidissement:son poids donne assez exactement la teneur en or de l’alliage proposé ; l’argent est calculé par différence. Lorsque les opérations sont bien conduites, lorsque aucune parcelle d’or ne se détache du cornet, on obtient un poids un peu trop fort, car l’or retient toujours un peu d’argent; mais les corrections que l’on pourrait faire entraîneraient elles-mêmes d’autres erreurs encore plus sensibles.

IN-QUARTO adj. (ain-kouar-to —mots lat. sîgnif. eu quatre). Typogr. Se dit d’un format dans lequel la feuille d’imprimerie est pliée en quatre feuillets ou huit pages : Format inquarto. Volumes in-quarto. Il On écrit souvent in-4°.

— s. m. Format in-quarto : £’in-quarto est un beau format de bibliothèque. Il Volume in-quarto : Ouvrage en deux in-quarto.

IN-QUATRE-VINGT-SEIZE adj. (ain-katre-vain-sè-ze

— du lat. in, en, et de quatrevingt-seize). Typogr. Se dit d’un format dans lequel les feuilles d’imprimerie sont pliées en quatre-vingt-seize feuillets ou cent-quatrevingt-douze pages : Format in-quatke-vingt- siiizi— :. Volumes in-quatrk-vingt-seize. il On écrit aussi in-SC.

— s. m. Format in —quatre— vingt —seize : i’iN-QUATRE-viNGT-SEizii est un format peu usité. Il Volume in-quatre-vingt-seize : L auteur d’un îN-QUATRE-viNGT-SKizii est aussi fier qu’un autre de son bagage littéraire.

INQUERESSE s. f. (ain-ke-rè-se). Pêche. Femme qui enfile dans des brochettes les harengs qu’on veut mettre k sécher.

INQUIET, ETE adj. (ain-kiè, ète — lat. inquieurs ; de in, négatif, et quieurs, tranquille). Qui est dans une incertitude mêlée de crainte : Être inquiet sur la santé de sa femme. Être inquiet de ne point recevoir de nouvelles. Si je compare les grands avec te peuple, ce dernier me parait content avec le nécessaire, et les autres sont inquiets et pauvres avec le superflu. (La Bruy.) Tant qu’il reste une âme juste avec des lèvres hardies, le despotisme est inquiet. (Lacordaire.) il Mobile, changeant, remuant, mécontent du présent et poursuivant sans cesse un nouveau but : Plus il est difficile de se distinguer parmi tes nations policées, plus ta vanité y devient inquiète et capable des plus grands excès. (Barthél.)

— Par est. Qui témoigne de l’inquiétude de l’âme : Air inquiet. Regard inquiet.

— Fig. Troublé, tourmenté par l’incertitude, en parlant des passions et des sentiments : Une ardeur, une Curiosité inquiète. Une jalousie inquiète. La perplexité est une irrésolution inquiète. (Vauven.)

Sommeil inquiet, Sommeil agité, troublé, fréquemment interrompu.

INQUIÉTANT, ANTE adj. (ain-kié-tanrad. inquiéter). Qui cause de l’inquiétude : L’œil intègre d’un honnête homme est toujours inquiétant pour les fripons. (J.-J. Rouss.) Il Qui fait craindre un événement malheureux : Une santé inquiétante. Il y a, dans la politique, des symptômes inquiétants.

INQUIÉTÉ, ÉE (uiii-ki-é-té) part, passé du v. Inquiéter. Troublé, tourmenté, tiré de sa quiétude : César se rapprocha de l’Allier et te traversa sans être inquiété. (Anquet.) Une superstition atteinte ou une foi inquiétée dans l’esprit d’un peuple est la plus implacable des conspirations. (Lamart.)

INQUIÉTER v. a. ou tr. (ain-kié-té — rad. inquiet. Change « en è devant une syllabe muette : J’inquiète, que tu inquiètes, excepté au fut. de l’ind. et au prés, du cond. : J inquiéterai, nous inquiéterions). Rendre inquiet, causer de l’inquiétude k : Cette enfant m’iNquibtk beaucoup. Votre avenir m’iNQUlÉTE. Le talent inquiète la tyrannie : faible, elle le redoute comme une puissance ; forte, elle le hait comme une liberté. (Chateaub.) Il Troubler, déranger, tourmenter : Inquiéter tes assiégeants par de fréquentes sorties. Je n’aime pas que l’on m’iNQUlÉTE lorsque je suis occupé, l’ont qu’une nation n’a pas ses frontières naturelles, elle est trop inquiète pour ne pas inquiéter ses voisins. (E. Alletz.) Il Troubler dans la libre disposition ou le libre usage de ses biens : Inquiéter un possesseur de oonne foi. Si l’on m’iNQUlÉTE, je ferai assigner mon vendeur en garantie. (Acad.)

S’inquiéter v. pr. S’abandonner à des inquiétudes : On se rassure presque aussi follement qu’on s’inquiète ; ta nature humaine est ainsi. (V. Hugo.) Se préoccuper : // faut s’acquitter de ses devoirs et ne pas s’inquiéter du résultat. (Volt.)

Un songe (me devrais-je inquiéter d’un songe 1) Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.

Racine.

INQUIÉTUDE s. f. (ain-kié-tu-de — rad. inquiet). Tourment d’une personne inquiète : L’homme se donne mille inquiétudes pour amasser des biens dont la mort te va dépouiller. (Fén.) Un homme de Pérouse, fort obéré, s’en allait dans la rue tout mélancolique ; quelqu’un lui demanda le sujet de sa tristesse : « Je dois, dit-il, et ne saurais payer.lion.' lui repartit l’autre, laissez cette inquiétude à votre créancier, i

L’hymen seul peut donner des plaisirs infinis ; On en jouit sans peine et sans inquiétude.

La Chaussée.

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Il Désir inquiet, agitation d’une âme mobile et changeante : //inquiétude est naturelle à l’homme. (Acad.) /.’inquiétude des désirs produit la curiosité, l’inconstance ; le vide des turbulents plaisirs produit l’ennui. (J.-J. Rouss.) Rien chez l’homme ne dure hormis l’inquiétude. Le désir éternel de l’idéal caché.

Laprade.

— Pop. Petites douleurs vagues et obtuses, qui se font sentir dans les membres, et particulièrement dans les jambes, et causent une

sorte d’impatience : Avoir des inquiétudes dans le ventre, dans les jambes. Avoir des inquiétudes d’estomac.

INQUILIN, INE adj. (ain-kui-lin, i-nelat. inquilinus ; de in, dans, et colo, j’habite). Antiq. roin. Se disait du locataire d’une maison ou d’une lie de maison, et par extension de tout locataire : Un citoyen inquilin. Il Se disait du colon dont les ancêtres n’étaient pas nés sur le fonds colonaire.

— Substantiv. : Un inquilin.

INQUILINAT s. m. (ain-kui-li-na — rad. inquilin). Dr. rom. État de colon inquilin.


INQUISITEUR adj. (ain-ki-zi-teur — lat. inquisitor ; de inquirere, rechercher). Qui cherche, qui se livre à des investigations : Des regards INQUISITEURS.

— Qui fait partie du tribunal de l’inquisition : Et vous, rois de l’Europe, princes souverains, républiques, souvenez-vous à jamais que les moines INQUISITEURS se sont intitulés inquisiteurs par la grâce de Dieu. (Volt.) — s. m. Hist. Commissaire nommé par le sénat, pour diriger quelque affaire extraordinaire par sa nature et son importance. || Magistrat établi par Théodose, pour rechercher et punir les hérétiques. || Membre du tribunal de l’inquisition : Un INQUISITEUR pour la foi. L’INQUISITEUR général. Être livré aux mains des INQUISITEURS. Partout où le dogme de l’infaillibilité existe, il peut y avoir des INQUISITEURS. (J. Sim.) || Grand inquisiteur, Chef suprême de l’inquisition. || Inquisiteurs d’État, Titre de trois magistrats suprêmes et absolus, établis à Venise en 1501. || Inquisiteurs de terre ferme, dans la même république, Sénateurs au nombre de trois, qu’on envoyait tous les cinq ans dans les provinces, pour y tenir les grands jours et rendre la justice.


INQUISITIF, IVE adj. (ain-ki-zi-tiff, i-ve — du lat. inqirere, s’enquêter). Qui cherche, qui s’enquête ; scrutateur, inquisiteur ; qui cherche à connaître : La philosophie INQUISITIVE est l’ennemie naturelle du principe religieux. (Le P. Ventura.)

— Philol. Dialogues inquisitifs, Ceux des dialogues de Platon dans lesquels la doctrine n’est pas énoncée, affirmée, comme dans les dialogues doctrinaux, mais recherchée, discutée sous une forme plus ou moins dubitative.


INQUISITION s. f. (ain-ki-zi-si-on — lat. inquisitio ; de inquirere, rechercher). Tribunal établi dans certains pays, pour rechercher et punir les hérétiques : La sainte INQUISITION. Le tribunal de l’INQUISITION. L’INQUISITION espagnole. L’INQUISITION n’a jamais été établie en France d’une façon permanente. Ce n’est pas le mot d’INQUISITION qui nous fait peur, mais la chose même. (Pasc.) Au tribunal de l’INQUISITION, les paroles des juges étaient évangéliques, et leurs actions infernales. (Quinet.) || Membres de ce tribunal : L’INQUISITION sortit en grande procession. (Scribe.)

— Dans le langage commun, Enquête vexatoire et continue : S’il y avait eu une INQUISITION littéraire à Rome, nous n’aurions aujourd’hui ni Horace, ni Juvénal, ni les œuvres philosophiques de Cicéron. (Volt.)

— Hist. Inquisition d’État, Tribunal secret de Venise, qui avait un pouvoir sans limites.

Encycl. Hist. Cette juridiction ecclésiastique fut établie au XIIIe siècle, en vue de poursuivre les opinions contraires à l’orthodoxie catholique.

Il n’y a pas d’exemple que, dans les premiers siècles de l’Église, des citoyens aient été mis à mort juridiquement pour leurs opinions individuelles ; mais, peu à peu, l’établissement de la domination politique du christianisme, surtout à partir du règne de Charlemagne, inspira à l’Église catholique la mauvaise pensée de perpétuer par la force une autorité qu’elle n’avait encore due qu’à la persuasion. Dans le cours des XIe et XIIe siècles, on vit les papes envoyer en Allemagne, en France et surtout dans les provinces éloignées de l’Italie des agents chargés de poursuivre les opinions hostiles au saint-siège. La première mission de ce genre qui soit bien définie est celle que le cardinal de Saint-Chrysogone remplit à Toulouse en 1178. Le Languedoc était dès lors le foyer d’une propagande hostile au catholicisme, et les progrès de l’hérésie firent décréter au concile de Vérone (1184) l’établissement d’une juridiction spéciale destinée à poursuivre les hérétiques. Il ne parait pas cependant que le décret du concile de Vérone, qui contient en germe l’inquisition, ait reçu une exécution immédiate ; il ne suffit pas, en effet, de déclarer qu’on poursuivra les hérétiques. Il faut des tribunaux pour les juger, et provisoirement on ne se mit pas en peine d’en créer. L’épiscopat, d’ailleurs, voyait d’assez mauvais œil l’intention affichée par le pape d’intervenir dans les affaires locales de chaque diocèse et ne prêta pas son concours à l’inquisition. Cependant les doctrines hétérodoxes avaient pris un immense développement dans le midi de la France. En 1203, Innocent III, effrayé, confia à deux moines de l’ordre de Cîteaux, les frères Gui et Reynier, l’ordre de poursuivre les hérétiques de cette contrée. Les cisterciens, n’ayant pas l’appui des autorités locales, ne réussirent point. En 1204, le pape nomma grand inquisiteur en Languedoc son légat, Pierre de Castelnau, autre moine de Cîteaux, dont la mission se termina, en 1208, par un assassinat. Celui qui fut depuis saint Dominique prêchait alors, en compagnie de l’évêque d’Osma, dans le Languedoc. Son zèle et son énergie persuadèrent à Innocent III de lui confier les fonctions dans lesquelles n’avait pas réussi Pierre de Castelnau. Dominique, dont l’Église a fait un saint, est le véritable fondateur de l’inquisition. Il fonda un ordre religieux (les dominicains), dont la mission fut de fournir des magistrats qui fissent exécuter les intentions de l’Église contre les hérétiques. La guerre avait éclaté entre le catholicisme et les sectaires. On procéda d’abord militairement. Dominique « ayant été nommé par le pape inquisiteur en Languedoc, dit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, il y fonda son ordre, qui fut approuvé, en 1216, par le pape Honorius III. Sous les auspices de sainte Madeleine, le comte de Montfort prit d’assaut la ville de Béziers et en fit massacrer tous les habitants ; à Laval, on brûla en une seule fois 400 albigeois. » — « Dans tous les historiens de l’inquisition que j'ai lus, dit Paramo, l’auteur d’une histoire de l’inquisition, je n’ai jamais vu un acte de foi aussi célèbre ni un spectacle aussi solennel. Au village de Caseras, on en brûla 60 et dans un autre endroit 180. »

Le concile de Latran, en 1215, et celui de Toulouse, en 1229, firent de l’inquisition un tribunal permanent. En 1233, Grégoire IX confia la direction de cette terrible institution aux dominicains, pour la soustraire à celle des évêques, et leur accorda une autorité sans limites en dehors du pouvoir temporel. Cette même année, dans la conférence de Melun, Louis IX lui donna une sanction solennelle. L’inquisition fut successivement établie en Languedoc, en Provence, en Lombardie en 1224, en Catalogne en 1232, en Aragon en 1233, dans la Romagne en 1252, dans la Toscane en 1258, à Venise en 1289, où, à partir de 1554, elle devint une institution politique, Partout, l’inquisition était entre les mains des dominicains, excepté en Italie, où les franciscains partageaient avec eux ce triste privilège. « Au commencement, dans le Milanais, dit encore Paramo, les hérétiques n’étaient point soumis à la peine de mort, parce que le pape n’était pas assez respecté de l’empereur Frédéric, qui possédait cet État ; mais, peu de temps après, on brûla les hérétiques à Milan, comme dans les autres endroits de l’Italie, et notre auteur remarque que, quelques milliers d’hérétiques s’étant répandus dans le Crémasque, petit pays enclavé dans le Milanais, les frères dominicains en firent brûler la plus grande partie et arrêtèrent par le feu les ravages de cette peste. »

L’inquisition est réellement née en France, à l’occasion de la guerre des albigeois, et le siége en fut d’abord Toulouse. Mais, excepté dans le Midi, où les exploits de Montfort avaient semé la terreur, elle ne parvint point à s’implanter parmi nous, non plus qu’en Allemagne et en Angleterre. Les races germaniques ont un tempérament individualiste qui résiste naturellement, et l’on ne put la leur faire accepter. Mais l’Espagne s’y soumit, et ce fut là qu’elle sévit avec le plus de force. Sixte IV, en 1473, rendit l’inquisition d’Espagne indépendante, nomma pour ce pays un inquisiteur général, sorte de souverain délégué, chargé de nommer des inquisiteurs particuliers. L’Espagne était dans une situation extraordinaire : les Maures et les juifs y étaient restés en grand nombre. On les considérait comme un danger politique, et la royauté songea de bonne heure à se servir de l’inquisition comme d’un moyen de s’en débarrasser. C’est dans cette vue que Ferdinand V, en 1478, adopta l’inquisition et la dota magnifiquement.

« À la sollicitation, dit Voltaire, du frère Turrecremata (Torquemada), grand inquisiteur en Espagne, le même Ferdinand V, surnommé le Catholique, bannit de son royaume tous les juifs, en leur accordant trois mois, à compter de la publication de son édit, après lesquels il leur était défendu, sous peine de la vie, de se retrouver sur les terres de la domination espagnole. Il leur était permis de sortir du royaume avec les effets et marchandises qu’ils avaient achetés, mais défendu d’emporter aucune espèce d’or et d’argent. Le frère Turrecremata appuya cet édit dans le diocèse de Tolède par une défense à tous chrétiens, sous peine d’excommunication, de donner quoi que ce fût aux juifs, même les choses les plus nécessaires à la vie. Un million de juifs et de Maures quittèrent alors l’Espagne. » Mais Torquemada ne s’en tint pas à cela. Llorente, dans son Histoire de l’inquisition, estime, d’après des documents puisés dans les archives du gouvernement espagnol, qu’en quelques années près de 100, 000 individus furent condamnés à mort ou à des peines diverses par ce terrible tri-