Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 9, part. 2, Hr-I.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée
INDE INDE INDE INDE 633

ment sons ta dynastie des Mauryas, princes attachés pour la plupart au culte du Bouddha (du ivo au no siècle av. J.-C), et parvint à pénétrer puissamment de son esprit ses adversaires eux-mêmes ; mais, révolution démocratique plus encore que révolution religieuse, c’est dans l’idiome du peuple, le pâli, et non dans la langue des prêtres, que se firent ses prédications et que s’écrivirent ses livres sacrés.

Les livres bouddhiques sont de trois sortes, et leur recueil forme le Tripitaka ou Triple Corbeille. C’est le monument littéraire de toute une période. La première partie, composée do Sittras, contient des légendes et l’exposition des dogmes ; elles répondent aux Védas brahmaniques, et, à côté d’éléments nouveaux, on y reconnaît aisément de vieux mythes transfigurés au profit de la religion nouvelle. Le plus souvent, elles semblent présenter, sous forme de discours, de récits, d’apologues, la parole du maître, l’enseignement du Bouddha. La seconde partie, appelée Vinaya, contient la discipline ; la troisième, YAbhidharma contient la métaphysique. La rédaction de la Triple Corbeille lut arrêtée définitivement au vo siècle, peu de temps après la mort de Çakia-Mouni, sous le roi Adjataçadrou, dans la ville de Radjagïihà. L’écriture n’était pas encore en usage dans l’Inde, car le code bouddhique fut appris par les prêtres, à peu près de la même lagon que la Bible nous montre Aaron et ses fils apprenant la loi mosaïque : ces exercices durèrent sept mois. Ananda fut le compilateur des Sutras ; Oupali celui du Vinaya, et Cacyapa celui de VAohidharma. Dans quelques recueils, cette dernière partie porte le titre de PradjnaParamita ou Perfection de ta sagesse, et, dans la suite, il fut ajouté aux trois sections des Tantras ; la magie, la sorcellerie tiennent une grande place dans ces Tantras, dernière expression d’une religion qui tombe et d’une civilisation extrême, perdue de superstitions et de vices. Cette littérature bouddhique est pauvre en œuvres purement poétiques ; notons toutefois une petite épopée intéressante au point de vue historique, VAçoka-Avendana, ou Légende d’Açoka, composée peu de temps après la mort de ce prince, tervent bouddhiste. Elle est écrite en pâli, de même que le Mahâvança, qui chante le bouddhisme importé à Ceylan, au vb siècle de notre ère, par l’apôtre Mahêndra.

Parmi les ouvrages beaucoup plus modernes, écrits dans les divers dialectes indoustanis, nous nous contenterons de citer un poème de Chand, auteur du xite siècle, surPrithwi, dernier roi indou de Delhi ; le Bahta-Atdl, légendes des saints vichnouïtes, par plusieurs auteurs, dont le plus célèbre est Nabhauji (xvio siècle) ; le Châtra-Prakâsh, histoire de l’apôtre Châtra, par Lâl, surnommé le Kavi {le Po6te), qui vivait au xvne siècle ; il eut pour contemporain Wàli, plus célèbre encore que lui parmi les musulmans. Notons encore une épopée, les Aventures de KÔmrxip (xvna siècle), par Tahein-Uddin. On a fait aussi, dans les trois derniers siècles, de nombreuses traductions en indoustani des livres sanscrits et persans.

Bien des parties de la littérature indoue nous sont encore inconnues ; mais, d’année en année, les travaux des érudits parviennent à éclairer ces ténèbres. Les Védas ont été étudiés par Colebrooke, dans les Annales asiatiques de Calcutta ; en Allemagne, par Roth (184G), et, chez nous, parLanglois. Elles forment la partie principale de ses Mélanges de littérature sanscrite (1827, in-8°), et, quoique ses- traductions manquent de relief et de couleur, l’ouvrage n’en a pas moins rendu un

frand service. Nous en dirons autant de son hêâtre indien (t828, * vol. in-S<>). Weber a donné en allemand d’excellentes Études indiennes et une Histoire de la littérature indienne, qui a été traduite eu français par Sadous (1859, in-8°). Des aperçus ingénieux sur la littérature bouddhique, dont Hodgson a réuni les éléments, ont été insérés par Eug. Burnouf dans son Introduction à l’histoire du bouddhisme (1844, in-4o). Les grandes épopées indoues ont été l’objet de nombreux travaux, dont on trouvera la liste à l’article spécial consacré à chacune d’elles (v. Bhaghavata-Geeta et Bhaghavata-Purana, Mahabharata. Ramayana). Des morceaux choisis de poésies indoues ont été recueillis par Haberlin dans son Anthologie sanscrite (Calcutta, 1847) ; enfin, il serait injuste de passer sous silence, même après ces grands ouvrages d’érudition, les assimilations tentées, en beaux vers, par M. Leconte de l’isle, dans son Bhâgavat {Poèmes antiques, 1852, in-18) et dans Çunaçêpa (Poèmes et poésies, 1859).

Grâce à l’initiative anglaise, la littérature a pris dans l’Inde, dans ces dernières années, un développement des plus remarquables. Il se publie dans l’Inde anglaise soixante journaux et six revues en indoustani, une eu sanscrit et une autre en sanscrit et en anglais. Nous ne comptons pas les journaux et les revues publiés en divers dialectes anciens ou modernes : les Nouvelles pour l’intelligent, en indi ; le Lever des lumières, en urdu, etc. Les musulmans prennent une part très-active à ce mouvement intellectuel ; mais leurs efforts sont essentiellement isolés et ne s’unissent nullement a ceux des Européens et des Indous. Les élèves du collège musulman Je Calcutta ont fondé un cercle littéraire où

a.

INDE

l’on fait des lectures publiques et des discours remarquables purfuis au point de vue de la largeur des idées, et même, chose singulière, assez avancés sous le rapport de la tolérance religieuse ; toutefois, ceci est exceptionnel, et, ce qui continue à dominer

chez les musulmans de l’Inde, c’est le respect des traditions et la haine ou le mépris des idées chrétiennes.

— B. arts. I. Architecture. L’Inde renferme un nombre considérable de monuments religieux, du caractère le plus grandiose, qui suffiraient pour attester combien la civilisation fut jadis florissante dans cette contrée. Les études en France et en Allemagne, depuis une cinquantaine d’années, ont fait reconnaître que ces monuments "n’avaient pas l’antiquité reculée que certains archéologues s’étaient plu à leur assigner. Les plus anciens datent de trois ou quatre siècles avant J.-C ; d’autres sont du commencement de notre ère ; la plupart ne remontent pas au delà de notre moyen âge européen. En général, les premiers sont creusés sous terre, les seconds sont taillés dans le roc, au-dessus de terre ; les troisièmes sont formés de matériaux rapportés.

L’architecture des Indous, comme celle des Grecs et des Romains, a ses règles et ses canons. Il y a quelques années, un brahmane savant, nommé Ram-Raz, a publié en langue anglaise (Essay on the architecture of the JJindus, Londres, 1834, in-4», avec 48 pi.) un traité dans lequel il reproduitd’ancienneslois sur l’art de construire. Ce traité indique le lieu propre pour élever les cités et les bourgs, détermine leur configuration, désigne lu plaça que doivent occuper les palais et les temples, donne les proportions des colonnes et fixe ta disposition des moulures qui les décorent. Dans chaque ordre, on distingue quatre parties : le piédestal (upapitliu), la base (adhistana), le pilier (stamba), l’entablement (prastana). Le nombre des moulures est assez considérable ; mais elles sont toutes carrées ou rondes et ne diffèrent que par les dimensions proportionnelles. Le lotus, qui est notre cymaise droite ou renversée, est très-employé dans les ordres de l’Inde, auxquels il donne un caractère tout particulier. • En examinant les monuments de l’Inde, dit M. Batissier, on remarque que, malgré la variété de leur décoration, ils ont entre eux la plus grande affinité et qu’ils ont un caractère d’originalité tout à fait national. Dans les proportions que comportent les ordres de l’architecture indoue, il y en a qui sont à peu près les mêmes que celles qu’on retrouve dans les ordres grecs ou romains. Cette analogie est même si frappante qu’on pourrait la regarder comme n’étant pas seulement l’effet du hasard, s’il n’y avait chez les Indous des espèces de colonnes, les unes plus trapues que le toscan, les autres plus élancées que le composite. La forme des colonnes est toujours ronde chez les Grecs ; elle est souvent carrée et a pans coupés chez les Indous, et surchargée d’ornements et même de sculptures de ronde

bosse. >

Les villes et les bourgs de l’Inde présentent ordinairement plusieurs rues se coupant à angle droit. Leur mur d’enceinte est percé d’une porte à chacune de ses faces et a chacun de ses angles. Aux angles, à l’intérieur, s’élèvent les halles, les marchés, les collèges et autres établissements publics. Les temples des grands dieux ont leur place marquée au centre de la ville, tandis que les chapelles des petites divinités sont hors des murs. Les forteresses oeccupent un espace considérable ; elles renferment tout à la fois l’habitation des souverains et les temples des dieux. Celle de Madonreh a un mille de circuit et contient, dans son enceinte, des bois, des étangs, des jardins, des galeries, des maisons, des temples et une magnifique pagode. Les maisons particulières sont très-régulièrement alignées et sont plus ou moins

hautes suivant Te rang des personnes qui les occupent. La porte n’est jamais au milieu de la façade, mais un peu plus sur la gauche.

Nous n’aurons pas à nous étendre ici sur la description des monuments de l’Inde, les —>lus importants étant décrits en leur lieu. V. Carli, Elkphanta, Eli.ora, etc., etc.) Mais, pour rendre plus claire la revue que nous allons faire des monuments les plus célèbres de l’Inde, nous les diviserons en trois catégories : 1» Temples souterrains et temples taillés dans le roc au-dessus de terre ; 2t> Topes ou Stoupas et Dagobas, constructions bouddhiques d’un caractère particulier ; 3" Pagodes.

— io Temples souterrains et temples tailles dans le roc. Ces deux sortes de temples se trouvent fréquemment accouplés, notamment à Ellora, dont nous avons déjà décrit les merveilles. Dans l’Ile d’Eléphanta, sur la côte occidentale du Decan, sont des grottes considérables, que précèdent des portiques soutenus par des colonnes et des pilastres. Le principal sanctuaire, consacré à Siva, est taillé dans le roc le plus dur ; il est divisé en plusieurs nefs et contient une figure de la Trinité indoue, haute de 4^,57 et entourée de plusieurs statues de moindre dimension.

Dans l’île de Salsette, les souterrains de Konnery forment une véritable ville troglodyte, ornée de portiques et de sièges taillés dans le roc. Le principal sanctuaire, dédié au Bouddha, est divisé en trois nefs par deux

P

INDE

rangs de colonnes : la nef contrale se termine en hémicycle, comme celle de la basilique romaine. On pénètre dans ce temple par un portique élevé, où l’on remarque un énorme pilier isolé et octogone, dont le chapiteau est formé de trois lions couchés et se tournant le dos.

Entre Bombay et Pouna sont situées les célèbres grottes de Carli, qui communiquent entre elles par des escaliers, des corridors et des galeries.

À peu de distance de Pouna et de Sattara, la forteresse de Mhar contient un temple taillé dans le roc, dont le style se rapproche de celui des tsmples de Salsette. A I extrémité orientale du sanctuaire est une figure colossale, taillée dans le roc et assise sur un trône entre deux statues plus petites.

À Dhoumnar, dans le nord de la province de Malva, le colonel Todd a compté jusqu’à 170 souterrains formant une grande ville troglodyte. Il y a une galerie de 100 pas de longueur sur 4 de largeur, qui’aboutit à une pièce rectangulaire longue de 30n»,47, large de 2im,33 et haute de 10™, G6, au milieu de laquelle est un petit temple isolé, consacré à Vichnou, et décoré de figures de dieux, de démons et d’animaux. Todd dit avoir reconnu dans ce monument deux styles de sculpture, l’un propre au bouddhisme, l’autre spécial aux ouvrages consacrés à Siva et à Vichnou.

Les Panch-Pandou, grottes voisines de Band, dans le sud de la province de Mulva, sont surtout intéressantes à cause des peintures qu’elles renferment.

Sur la côte de Coromandel, au sud de Madras, on voit les restes d’une ancienne ville taillée dans la roc, connue sous le nom des Sept-Pagodes ; ce sont des temples monolithes, ornés seulement à l’extérieur. Tout auprès, dans le versant septentrional de la montagne, il existe une pagode taillée dans le roc, haute de 5™,48, et contenant une grande quantité de sculptures qui, au dire des brahmanes, représentent des scènes tirées du Mahabliàrâta.

À Bamian, cité jadis très-prospère, appelée aujourd’hui Mubalik (la Ville désolée), dans la partie la plus sauvage de l’Indou-Khou, d’innombrables excavations sont pratiquées sur une étendue de 12 kilomètres et forment une ville immense habitée encore par une population assez considérable Elles sont creusées dans un terrain argileux mêlé de cailloux, et forment pour la plupart des espèces de chambres carrées, dépourvues de tout ornement architectural ; quelques-unes cependant sont voûtées en dôme et ornées d’une frise sculptée à l’endroit où la coupole prend naissance. Les traditions qui se rattachent à ces grottes sont des plus extraordinaires ; on assure, notamment, que ce fut dans l’une d’elles que le fameux Vyasa composa les Védas. Ritter croit que c’est à Bamian qu’il faut placer la grotte rendue célèbre par la fable de Prométnée. Près de ces excavations s’élèvent deux figures gigantesques, taillées dans la paroi verticale de la montagne. Nous en reparlerons plus loin dans notre article sur la sculpture indienne.

L’Ile da Ceylan renferme des monuments d’architecture bouddhique, moins anciens, mais non moins intéressants que ceux de la presqu’île.

À Damboulla ou Damboulou-Gallé, au sud des ruines d’Anouradjapoura, l’antique capitale, s’élève un rocher de 183 mètres de hauteur, dans lequel sont taillés les plus beaux et les plus anciens sanctuaires de l’Ile. Une galerie couverte conduit à une large plateforme plantée d’arbres et séparée de l’entrée des souterrains par un mur de 122 mètres de longueur, percé de plusieurs portes et d’une multitude de fenêtres. Le temple principal sa compose de quatre grottes admirables pour l’élégance de leur ordonnance, la richesse et la perfection de leur ornementation. La plus grande de ces grottes a 58 mètres de longueur 27™,43 de largeur et 13"i,70 de hauteur ; la plus petiten’a que 22m, g5 de longueur,6"’,39 de largeur et 8m,22 de hauteur. De nombreuses statues colossales, dont plusieurs sont peintes, peuplent ces sanctuaires, ornés aussi de basreliefs exécutés avec une véritable habileté.

Un écrivain du xvne siècle, J. Ribeyra, auteur d’une Histoire de Ceylan, assure qu’on voyait, de son temps, à Anouradjapoura, un palais de 1,600 colonnes, d’un marbre fin et d’un travail merveilleux, et un temple superbe contenant 306 pagodes, correspondant aux 3CC jours de l’année. Il y a sans doute quelque exagération dans ce récit. On voit encore à Anouradjapoura les restes d’un édifice qu’on appelle aujourd’hui les Mille-Piliers : c’est un carré qui présentait quarante rangs de 40 colonnes placées à peu près à une égale distance les unes des autres ; elles étaient formées de blocs grossièrement taillés et recouverts de stuc. À l’ouest des Mille-Piliers se trouve le Bou-Malloà, enceinte très-vénérée, consacrée au Bouddha. C’est une construction pyramidale en granit, composée de quatre terrasses carrées, en retraite les unes sur les autres. Ces terrasses sont simples, sans ornements ; la base seule est décorée de corniches qui, pour le travail, peuvent, suivant M. Ramée, être comparées aux ouvrages grecs. Sur lu façade du nord, un large escalier de 30 marches conduit à la deuxième terrasse, où est un autel sur lequel les dévots déposent des fleurs. Une arcade, couverte de stuc et ornée de figures grotes INDE

633

ques, conduit de là à un second escalier disposé sur la façade occidentale et qui mène à la troisième terrassa. Celle-ci contient un deuxième autel destiné à recevoir des fleurs. Sur la quatrième terrasse, enfin, on trouva les cinq arbres sacrés du Bouddha, lesquels, d’après la légende, sont venus de Siain et se sont plantés d’eux-mêmes. Sur la face orientale de la pyramide s’élève une figure colossale du Bouddha, qu’entouraient autrefois d’autres statues plus petites dont on voit les débris. Au pied du principal escalier sont deux piliers isolés en granit, décorés de basreliefs. Tout autour de la pyramide sont plantés des arbres dont les fleura répandent de suaves parfums. L’ensemble de l’édifice est entouré d’un mur de pierres très-épais, percé d’ouvertures triangulaires, dans lesquelles on dispose des lampions les jours de tète. L’entrée du Bou-Malloâ forme un édifice à part, dont la balustrade est ornée da pilastres, d’un granit dur et bleuâtre, habilement sculptés.

— 20 Topes et dagobas. Les topes ou stupas, répandus dans les diverses provinces de la péninsule indoustanique, mais plus particulièrement dans le Kaboulistan, sur la riva occidentale de l’Indus, jusqu’à Peschawor et Jellalabad, sont des monuments funéraires ou, selon quelques archéologues, des trophées érigés en commémoration des conquêtes du bouddhisme. V. tope.

Les dagobas ou dhagobs, qu’on rencontre en grand nombre à Ceylan, ont beaucoup d’analogie avec les topes. Ce sont ou des constructions à coupoles, ou des espèces de tumuli, en forme de cône, composés de monceaux de terre recouverts d’une maçonnerie de brique ou de pierre. À l’intérieur est un espace libre destiné à renfermer des reliques. Ces édifices, qu’accompagnent presque toujours de nombreux piliers isolés, varient beau’ coup de dimensions. Les plus connus sont voisins du temple de Mahintala ou Mehentélé, à 4 ou 5 lieues d’Anouradjapoura.

Pagodes. V, ce mot à son ordre alphabétique.

— II. Sculpture. On a vu, d’après l’article qui précède, quel rôle important la sculpture joue dans la décoration des édifices de l’Inde. Dans certains monuments, tels queleKalaisa d’Ellora, le portique du temple de Carli, les Sept-Pagodes, etc., les membres de l’architecture disparaissent jpresque entièrement sous les ornements et les figures d’hommes, de dieux et d’animaux taillés en bas-relief ou de ronde bossa. L’exécution varie d’ailleurs beaucoup suivant les époques ; elle atteint un remarquable degré do finesse dans les ouvrages de la troisième période. En général, les simples ornements, entrelacs, arabesques, etc., sont traités d’une façon beaucoup plus satisfaisante que les figures d’hommes et d’animaux. Celles-ci sont bien loin d’être irréprochables au point de vue anatomique ; mais elles participent du grandiose et du fantastique des constructions qu’elles décorent. L’Européen le plus sceptique ne peut se défendre d’une véritable émotion en pénétrant dans les antiques sanctuaires de cetta contrée. L’une des grottes de Damboulla-Gallô contient, entre autres statues, une figure du Bouddha couché, qui mesure plus de 9 mètres de longueur ; la physionomie de ce colosse a une majesté, une placidité vraiment admirables ; il est entouré de sept autres divinités de 3 mètres de hauteur, dont les unes ont des manteaux rouges, les autres des robes jaunes. Les images des grands dieux de l’Inde, Brahma, Siva, Vichnou, Bouddha, apparaissent, tantôt seules, tantôt entourées de divinités inférieures, de serviteurs, .d’acolytes, d’adorateurs prosternés et de la suite interminable des animaux consacrés à leur culte. L’art a fini par leur associer les figures les plus grotesques, et par donner aux divinités elles-mêmes les formes les plus monstrueuses. Ici ce sont des déesses à tète de truie ou d’éléphant, là des dieux ayant plusieurs visages et un nombre indéterminé de bras et de jambes. Certains bas-reliefs retracent des scènes d’une obscéni té révol tante, d’au très des scènes d’une monstrueuse barbarie. «À l’origine, dit M. Barthélémy’ Saint-Hilaire, la sculpture n’était appliquée, selon toute apparence, qu’à reproduire l’image du Bouddha et celle des saints personnages dont la légende l’avait pieusement escorté. Il n’y avait là rien qui put corrompre l’art, et si ses productions étaient monotones, elles n’avaient du moins rien de blâmable. Dans bon nombre de sculptures modernes, on retrouve encore ces traits du bouddhisme primitif. Mais à ces traditions ont succédé les imaginations les plus folles. Que signifient ces dieux à plusieurs têtes, à des centaines de bras, de mains et de pieds ? Que signifient cet amalgame des formes de la bête avec celles de l’homme, ces positions grotesques et ces physionomies immondes, qui défigurent tout à la fois l’homme et la bête, et leur enlèvent à l’un et à l’autre leur grâce naturelle et leur beauté relative ? Parfois l’art grec s’est permis ces accouplements ; mais on sait avec quelle discrétion il s’en est servi et dans quelles limites restreintes il les a renfermés. L’art égyptien, quoique moins réservé, n’en a point trop abusé cependant. L’art bouddhique, au contraire, s’y est complu, et il en a presque fait son principal domaine et sa principale gloire. Ici, c’est à la croyance même qu’on peut s’en prendre. La

80