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Polonius est aux aguets derrière une tapisserie ; mais il fait un mouvement et Hamlet s’écrie : « Ah ! ma mère, il y a un gros rat derrière la tapisserie ! » il tire son épée ot tue Polonius.

La reine. Qu’as-tu fait ? Hamlet. Je n’en sais rien... Est-ce le roi ? La reine. Quelle action abominable ! Hamlet. Oui, abominable ; et presque aussi criminelle, ma bonne mère, que de tuer un roi et de coucher avec son frère.

Ainsi Hamlet apprend à la reine qu’il sait le crime dont elle s’est faite la complice, et la malheureuse reste anéantie sous les reproches de son fils. Il devient impossible ici de suivre le ni de l’action, qui se rompt à chaque instant. Hamlet part pour l’Angleterre ; Ophélia, abandonnée par lui et désespérée de la mort de son père, devient folle ; elle se noie en cueillant une guirlande de fleurs sauvages au bord d’un étang. Rien de suave comme cette poétique création d’Ophélia, rayon d’amour qui traverse les ténèbres sanglantes du drame. Le jour même de ses funérailles, Hamlet revient et s’arrête dans le cimetière où les fossoyeurs creusent sa tombe. La se trouve cette fameuse scène, moitié sérieuse, moitié bouffonne, au milieu de ces crânes et de ces tibias roulant dans la poussière. Ce n’est qu’un épisode, mais il est profondément caractéristique. Hamlet demeure toujours irrésolu, et la fatalité seule, plus forte que sa volonté, amène le dénoûment, qui s’accomplit au milieu d’un pêle-mêle d’assassinats et d’empoisonnements où Hamlet

disparaît lui-même avec les autres. En effet, Laerte, frère d’Ophélia, soulève le peuple et veut venger la mort de sa sœur et de son père ; Claudius, sachant son adresse à l’escrime, lui conseille de faire un assaut avec Hamlet : un des fleurets sera déboutonné et empoisonne ; pour plus de sûreté, on présentera une coupe de vin préparé au prince, s’il demande à ooire Hamlet accepte le défi ; Laerte, touché deux fois, finit par le blesser. Dans le conflit, ils échangent leurs fleurets, et Laerte est une troisième fois touché profondément : il tombe ; se sentant mourir, il dévoile la perfidie du roi. Hamlet s’élance sur Claudius et le tue ; la reine, qui pendant le combat avait bu le vin prépare, succombe aux effets du poison, et Hamlet lui-même ne tarde pas à rendre le dernier soupir. La pièce se termine par le couronnement de Fortimbras, prince de Norvège, qui recueille le fruit de toutes ces morts.

« Hamlet, dit M. Guizot, n’est pas le plus beau des drames de Shakspeare ; mais c’est peut-être celui qui contient les plus éclatants exemples de ses beautés les plus sublimes comme de ses plus choquants défauts. Jamais il n’a dévoile avec plus d’originalité, de profondeur et d’effet dramatique l’état intime d’une grande âme ; jamais aussi il ne s’est plus abandonné aux fantaisies burlesques ou terribles de son imagination et à cette abondante intempérance d’un esprit pressé de répandre ses idées sans les choisir, et qui se plaît à les rendre frappantes par une expression forte, ingénieuse et inattendue, sans aucun souci de leur forme naturelle et pure. ■ Inspirée par des méditations profondes sur la destinée humaine et sur la sombre confusion des événements terrestres, cette pièce a Î>réoecupé tous les penseurs. Chateaubriandappelle à la tragédie des aliénés, le Bedlam royal où tout le monde est insensé et crirm> nef, où la démence simulée se joint à la démence vraie, où le fou contrefait le fou, où les morts eux-mêmes fournissent à la scène le crâne d’un fou ; un Odéon des ombres où l’on ne voit que des spectres, où l’on n’entend que des rêveries. • Gœtbe l’a analysée et commentée : Victor Hugo lui a consacré une page étincelante. Malgré tout ce qui a été dit et écrit sur Hamlet, aucun de ceux qui s’en occuperont de nouveau ne pourra jamais s’accorder en entier avec ceux qui l’auront précédé dans la manière d’envisager le sens de chaque partie. Ce qui est le signe du génie, c’est que, tout en donnant à sa conception tant de profondeur, Shakspeare l’a présentée de telle sorte qu’elle pût plaire même à la multitude et l’émouvoir.

Les écrivains font de fréquentes allusions à divers passages de cette pièce ; contentonsrous de rappeler les fossoyedhs d’Hamlet. personnages qui figurent dans la fameuse scène du cimetière Cette scène est un mélange de poésie sublime et de plaisanteries cyniques. Les fossoyeurs creusent la tombe d’Ophélia ; ils chantent l’amour et le bon vin, tout en faisant leur besogne funèbre, échangent des quolibets, font des mots. Hamlet ramasse un des crânes épars sur le sol et le considère attentivement :

■ Ce crâne avait une langue autrefois, qui pouvait chanter aussi... Comme ce maraud le fait rouler par terre I II n’en ferait pas pis si c’était la mâchoire de Caïn, qui commit le premier meurtre I... C’est peut-être la caboche d’un politique, que cet animal traite ainsi du haut en bas ; d’un homme qui eût voulu gouverner Dieul... ou d’un courtisan qui savait dire : « Bonjour, mon gracieux seigneur, comment te portes-tu, mon excellent sei> gneur ?" N’est-ce pas bien possible ? Oui, assurément ; et aujourd’hui le voilà, monseigneur Mangé-aux-Vers, décharné, et la mâchoire brisée par la bêche du sacristain. C’est là une belle révolution et bien profitable k observer. Ces os ont-ils coûté si peu à former

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qu’ils doivent servir a jouer aux quilles ? Les miens frissonnent à y songer. ■

Le fossoyeur, toujours chantant ; jette un autre crâne, celui du bouffon Yorick, qui inspire de nouvelles réflexions à Hamlet.

Les écrivains font souvent allusion à cette scène si saisissante des fossoyeurs d’Hamlet, où le néant du roi de la création ressort si énergiquement :

« Ce genre d’utopie me rappelle les fossoyeurs d’Hamlet, jouant aux osselets dans leur cimetière avec les crânes vides et déterrés des morts. Respectons nos belles destinées futures là-haut, mais ici respectons au moins notre néant. >

Lamartine.

Être ou n’être pas. To be or not to be,

Çhrase célèbre du monologue d’Hamlet. V.O BE OR NOT TO BE.

Hamlet, tragédie en cinq actes et en vers, de Ducis (Théâtre-Français, 1769). Décalque bien pâle de l’œuvre de Shakspeare, VHamlet de Ducis n’a plus pour nous qu’un mérite, celui d’avoir contribué à naturaliser en France le génie du grand poëte. Le xvme siècle, imbu des préjugés de la tragédie classique, n’aurait supporté ni le décousu des scènes, ni le fantôme du vieux roi, ni le rat derrière la tapisserie, ni la scène hardie du cimetière, ni tout ce mélange de bouffon et de terrible qui secoue si violemment le spectateur mis en présence du drame original. Ducis a supprimé la vie intense qui circule dans tous les personnages et le relief de l’action en faisant se passer dans la coulisse tous les événements, que des narrateurs viennent, suivant le précepte, raconter en longues tirades. Claudius et Hamlet ont chacun un confident qui les suit comme une ombre ; Gertrude aussi a sa confidente. Claudius, qui ne règne pas encore dans cette tragédie, bien au contraire, 3ar on va couronner Hamlet comme successeur légitime de son père, confie à Polonius "qu’il veut faire le bonheur du Danemark en s’emparant de la couronne. Gertrude confie à Elvire qu’elle a des remords du crime qu’elle a commis, et Hamlet, à son tour, confie ses soupçons à Norcestre. Quant à 1 ombre, on ne la voit pas. Le prince seulement, en entrant en scène, s’écrie :

Puis, spectre épouvantable,

Va porter bus enfers ton aspect redoutable ! C’est une traduction bien incolore du mot trivial de Shakspeare. « Allons, silence, vieille taupe 1 • Ducis a pourtant conservé quelques beaux passages, entre autres le fameux monologue :

To be or net to be, that is the question.., Mais il a paraphrasé plutôt que traduit. Son vers, quoique assez ferme, est bien loin d’avoir l’énergie et la souplesse de l’original.

Hamlet, tragédie en cinq actes, du poète danois Œhlenschlager (Grand - Théâtre de Copenhague, 1846). Les Danois considérant le sujet iïHamlet comme un sujet national, leurs poètes ont essayé de lutter avec Shakspeare. Ëroald le tenta, sans grand succès, en 1760. Œhlenschlager reprit cette idée. Reprochant à Shakspeare d’avoir fait de Hamlet, c’est-à-dire d’un prince du second siècle avant Jésus-Christ, un jeune gentilhomme qui a étudié à 1 université, qui raisonne comme un docteur de Wittemberg et s’absorbe dans l’analyse de ses pensées, il a voulu rester plus conforme à ce qui lui semblait la vérité historique, et s’est contenté de dramatiser la légende telle qu’elle lui était fournie par Saxon le Grammairien. Il a donc fait disparaître tout ce qui rend Hamlet un type essentiellement humain, pour le réduire à n’être qu’un héros danois, fidèle aux traditions et aux mœurs de son pays. Sa pièce n’est plus qu’une tragédie ordinaire, intéressante seulement par les situations. Œhlenschlager l’a traduite en allemand.

Hamlet, prince de Danemark^ drame en

cinq actes et en vers, par Alexandre Dumas et Paul Meurice (Théâtre-Historique, 1847). C’est une traduction intelligente et fidèle de la pièce anglaise ; elle n’a de supérieure, comme exactitude, que la traduction en prose de M. François-Victor Hugo. Le public, préparé par les longues luttes du’ romantisme, était apte à comprendre les immortelles beautés de Shakspeare, comme à supporter ses défauts ; aussi MM. Dumas et P. Meurice ont-ils serré le texte du plus près qu’il leur a été possible, et, malgré la gène du vers, ils sont parvenus à rendre, souvent d’une manière heureuse, les expressions et les traits caractéristiques. Ils n ont atténué ni les trivialités ni les bouffonneries, et se sont préoccupés seulement de donner l’image la moins imparfaite du modèle. Quant à la contexture dudrame, ils ne l’ont modifiée quelégèrement, dans le but d’éviter des changements de scène insignifiants. Cette traduction a été jouée avec succès.

Hamlet, opéra en cinq actes, paroles de MM. Michel Carré et Jules Barbier, musique d’Ambroise Thomas (Opéra, mars 1868). Cet ouvrage est le plus remarquable qu’ait produit l’école française et qui ait été écrit pour notre première scène musicale depuis les grandes tragédies lyriques de M. Halévy. C’est un drame romantique que M. Ambroise Thomas avait à traiter, et, de tous les drames, celui qui paraissait se prêter le moins aux

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exigences d’un opéra, à cause de sa portée

ÎihiTosophique. Il a fallu nécessairement que es auteurs de la pièce française missent de côté un grand nombre d’épisodes et les longs monologues qu’on trouve dans l’auteur anglais, afin que le spectateur se trouvât en présence d’une action forte, simple, et que tes situations fussent compatibles avec la musique. Le livret, œuvre de deux poètes, est tel qu’on peut en louer, chose rare, le mérite littéraire, la beauté des vers et le choix heureux des situations.

La division de l’ouvrage est ainsi motivée :

Premier acte : Couronnement" de la reine Gertrude, devenue la femme de Claudius ; tristesse d’Hamlet ; scène et duo d’amour entre Ophélie et Hamlet ; départ de Laerte, frère d Ophélie ; scène de l’esplanade du château d Elseneur ; apparition de l’ombre du feu roi ; révélation du crime ; Hamlet jure de venger son père.

Deuxième acte : Ophélie se plaint de ce que le prince ne lui témoigne plus la même tendresse ; elle confie sa peine à la reine et lui demande de quitter la cour pour cacher sa douleur dans un cloître. La reine, déjà en proie aux plus sombres pressentiments, s’efforce de retenir la jeune fille ; duo entre le roi et la reine ; Claudius cherche en vain à apaiser les remords de sa complice. Hamlet se présente ; au milieu de discours simulant la folie, il annonce un spectacle qu’il a préparé pour divertir la cour ; choeur des histrions ; chanson bachique ; marche danoise. Hamlet fait représenter devant Claudius et Gertrude la scène de l’empoisonnement du vieux roi Gonzague, et, les yeux fixés sur les coupables, il décrit à haute voix la pantomime. Le roi pâlit ; la colère d’Hamlet fait explosion ; on le croit fou. Il en résulte une scène de désordre et de confusion qui termine le deuxième acte.

Troisième acte : Monologue d’Hamlet. Le roi entre en scène. Hamlet se cache derrière une tapisserie. Claudius essaye de prier : il croit voir l’ombre de son frère ; il appelle ; Polonius accourt. Tous deux, en quelques mots, achèvent de faire connaître à Hamlet l’affreuse vérité. Le duo entre la mère et le fils, qui termine le troisième acte, est la scène la mieux traitée du scénario. Gertrude rappelle le spectacle de ces reines de tragédies du vieil Eschyle, qui, toutes criminelles qu’elles sont, apparaissent si misérables, qu elles inspirent encore plus de pitié que de haine aux spectateurs. Hamlet, nouvel Oreste, irait jusqu’à tuer sa mère, si l’ombre du vieux roi ne venait lui ordonner de respecter sa vie. Jusqu’au quatrième acte, on le voit, les sombres tableaux se succèdent, l’âme du spectateur est oppressée par la vue de ces personnages qui saccusent. tremblent, se menacent, et par cette terrible vengeance suspendue sur leurs têtes.

Le quatrième acte, dont le premier tableau est un divertissement qui a pour objet de représenter la Fête du printemps, montre au deuxième tableau la pauvre Ophélie, folle : au milieu des roseaux, où elle trouve innocemment la mort. Cette scène et les décors splendides qui l’encadrent ont décidé du succès de l’ouvrage. Nous insisterons particulièrement sur l’expression de l’andante chanté par Ophélie : Un doux serment nous lie, sur le rhythine de la valse chantée : Partagez-vous mes fleurs ; sur l’originalité de la ballade dont la mélodie est continuée par un chœur invisible de Willis, à bouche fermée, pendant la disparition de la jeune fille dans les flots du lac Bleu, Toute cette scène est d’un musicien poëte.

Le cinquième acte se passe dans le cimetière ; il s’ouvre par une chanson des fossoyeurs écrite dans la tonalité du plain-chant, et qui n’a pas semblé réussie. Hamlet se dispense de ses plaisanteries funèbres, et de la fameuse allocution au crâne d’Yorick : Alas ! poor Yorick, mais il se rencontre avec LaSrte et croise l’épêe avec lui. Le cortège d’Ophélie qui s’avance fait suspendre le combat. Hamlet soulève le suaire, reconnaît sa fiancée, et, fou de douleur, veut se percer de son épée ; mais le spectre du feu roi se dresse devant lui, lui défendant de disposer de sa vie avant de l’avoir vengé. Hamlet se précipite sur Claudius et le tue. Le peuple 1 acclame aussitôt roi de Danemark.

La partition de M. Ambroise Thomas est une œuvre d’un mérite supérieur. Nous ne pouvons qu’en indiquer sommairement les principaux morceaux. La marche du couronnement et le chœur inaugurent le premier acte d’une manière grandiose. Les récitatifs portent l’empreinte d’une mélancolie profonde, quelquefois un peu morbide ; beaucoup de phrases ont un charme pénétrant. Dans le duo déjà célèbre entre Ophélie et Hamlet : Doute de la lumière, la phrase principale est d’une inspiration chaleureuse et les arpèges qui l’accompagnent en augmentent encore l’effet. Dans la scène de l’esplanade, le compositeur a fait usage d’instruments de cuivre récemment perfectionnés par M. Sax, et dont la sonorité, un peu lugubre, convenait bien à une apparition spectrale. Toute la scène est admirablement traitée. Dans le deuxième acte, nous rappelons le poétique et naïf fabliau d’Ophélie, l’air chanté par la reine ; Dans son regard plus sombre, qui, de tous les airs de la partition, est celui que nous préférons, à cause de l’ampleur et de l’unité du style ; le choeur pittoresque des comédiens : Princes

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sans apanages ; la chanson bachique ; la marche danoise et le mélodrame. Le troisième acte renferme un trio excellent, dont la phrase de baryton : Allez dans un cloître, Ophélie, est bien caractérisée. Le duo scénique entre Hamlet et sa mère était la pierre de touche pour le compositeur. Il s’est élevé à la hauteur d’un tel sujet. La force de l’expression dramatique ne le cède en rien à la parfaite possession des moyens musicaux mis en œuvre. Il fallait être un maître d’une expérience consommée pour se tirer aussi victorieusement d’une situation si périlleuse. La Fête du printemps, qui ouvre le quatrième acte, les romarins et les pervenches que distribue Ophélie à ses compagnes, son genre de mort au milieu des joncs, des nénufars en fleur, tout cela forme un contraste avec les frimas du premier acte et les effets de neige sur les tours du château d’Elseneur.

Le quatrième acte a plu surtout à cause du charme personnel de M’l« Nilsson, et de son interprétation poétique du rôle de la blonde Ophélie. Dans le cinquième, nous admirerons le récit et l’air d’Hamlet : Comme une pâte fleur ; c’est un cantabile d’une grande tristesse. La marche funèbre et le chœur des jeunes filles ont un beau caractère. Si l’on ajoute à la composition idéale si intelligente, si poétique de cet ouvrage un coloris instrumental puissant et varié, une richesse de combinaisons qui apparaît à chaque audition plus intéressante encore, on reconnaîtra que l’opéra d’Hamlet a mérité sa place au rang des premiers ouvrages du répertoire.

Hamlet (scènes d’), dessins de Retzsch, gravés par Branche. Ces dessins, estimés presque à l’égal de ceux que Flaxmann a faits pour le Dante, ont été reproduits pour l’illustration d’un recueil publié à Paris en 1828 et intitulé : la Galerie de Shakspeare. Ils sont accompagnés d’un, texte composé des plus belles scènes du drame, traduites par M. Guizot, et d’explications traduites du professeur Bœttiger par M™« Voiart. Les planches de Y Hamlet, au nombre de dix-sept, ont été gravées à l’eau-forte sur acier, par P.-A. Branche ; elles rendent bien la pureté de traits qui est la qualité principale des compositions du dessinateur allemand.

Parmi les autres œuvres d’art qu’a inspirées la tragédie de Shakspeare, nous citerons : Hamlet et ta mère, de J. Mortimer Hamilton (gravé par F. Bartolozzi) ; Hamlet et le spectre, de H. Fusely (gravé par Pannemaker dans l’Histoire des peintres de Ch. Blanc) : Hamlet et Ophélia, tableau de Guermann Bohn (Salon de 1849), représentant la scène première du troisième acte ; Hamlet au cimetière, de M. H.-E. Thomas (Exposition univ., 1855) ; Hamlet et le fossoyeur, groupe en bronze, par le marquis Ch.-Alb. Costa (Salon de 1865), etc. V. Ophélia.

Hamlet (SCÈNES d’), tableaux et lithographies d’Eugène Delacroix. C’est de 1834 à 1843 que le grand artiste a exécuté ce recueil de lithographies où il a essayé de caractériser, de définir l’être multiple et presque insaisissable qui a nom Hamlet, dans lœuvre de Shakspeare. Ces lithographies sont au nombre de treize. L’une des compositions les plus remarquables est celle qui nous montre le jeune prince sur l’esplanade d’Elseneur : sa rêverie inquiète est exprimée avec beaucoup de poésie et de vérité. Une autre scène émouvante est celle où Hamlet, surprenant le meurtrier de son père, seul, a genoux et priant, laisse échapper l’occasion de le tuer. Rien de plus expressif aussi et de plus dramatique que la composition du Meurtre de Polonius. « L’Hamlet de ce dessin, dit M. Chesneau, est peut-être le plus vrai, le plus étrange qu’ait trouvé Delacroix. Il me parait impossible de pousser plus loin la pénétration. L’horreur du meurtre et sa volupté sauvage sont fondues avec une telle science sur le visage et dans la pose du jeune homme, qu’on se demande si BurDage, l’acteur préféré de Shakspeare, jouant ce rôle d’Hamlet, a jamais trouvé une autre expression pour représenter ce double sentiment. • Hamlet et te fossoyeur est la scène qui semble avoir le plus préoccupé Delacroix ; il l’a composée de plusieurs manières différentes, et en a bien rendu l’étrange et lugubre poésie. Les sujets où la mère et le fils se trouvent réunis ont été interprétés aussi d’une façon très-pathétique par l’artiste. « C’est un spectacle très-intéressant et des plus délicats, dit encore M. Chesneau, que de suivre dans les dessins de Delacroix toutes les péripéties du monologue intérieur qui agite la mobile physionomie d’Hamlet- Le caractère de folie simulée, grave, douce, mélancolique, ironique et brutale tour à tour, est suivi pas à pas avec une fidélité surprenante... Si Shakspeare n’était pas le poste sans rival que nous connaissons, si le type du prince de Danemark avait été créé par un esprit moins puissant, la propriété de ce type lui eût été enlevée par le traducteur, et fût demeurée acquise à Delacroix. •

L’exécution des lithographies de l’Hamlet a paru lâchée et incorrecte aux puristes de l’Académie. La vérité est, a dit M. Clément de Ris, que • ces dessins, aussi poétiques que ceux du Faust, leur sont bien supérieurs comme exécution. La main de l’artiste s’est assouplie, la fièvre s’est calmée, les contours sont plus corrects. Plusieurs peuvent passer pour des chefs-d’œuvre. De ce nom-