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Pierre Saliat (Paris, 1556, in-folio, et 1575, in-16). Ce travail a paru en 1864 (Paris, in-8o).


Histoires (LES) de Tacite, vers l’an 100 de l’ère chrétienne. Cet ouvrage, un des plus beaux monuments de l’antiquité, embrassait une période d’environ vingt-huit ans, de la mort de Néron à l’avènement de Domitien, et se divisait en vingt livres. Les quatre premiers livres et le commencement du cinquième nous sont seuls parvenus, et les événements qui s’y trouvent relatés sont compris entre l’avénement de Galba et l’entrevue de Civilis avec Cerealis, ce qui embrasse l’année 69 et une partie de l’année 70.

Quoique les Histoires paraissent être la continuation des Annales, elles furent écrites antérieurement. Sans doute Tacite, sentant se révéler son génie d’historien, relata d’abord les événements les plus proches de lui, ceux qu’il avait été à même d’observer de près ; il le fit avec une certaine abondance, consacrant vingt livres à une période de vingt-huit années. Plus tard, il sentit le besoin de relier les Histoires au siècle d’Auguste, ce qu’il fit un peu plus sèchement (seize livres pour une période de cinquante-quatre ans) ; c’est la seule différence qu’il y ait entre ces deux recueils, tous deux marqués du sceau du même génie.

Le sombre pinceau qui nous a retracé d’une manière si saisissante les hontes du despotisme trouvait des couleurs toutes préparées dans les règnes aussi violents qu’éphémères de Galba, d’Othon, de Vitellius, de Vespasien. Le résumé qu’il a placé en tête des Histoires, comme une préface aux horreurs qu’il va décrire, est une de ses plus belles pages. « J’entreprends, dit-il, l’histoire d’une époque fertile en désastres, ensanglantée par des combats terribles, déchirée par les séditions, cruelle jusque dans la paix : quatre princes égorgés, trois guerres civiles, plusieurs guerres étrangères, et souvent les unes et les autres à la fois, des succès en Orient, des revers en Occident, l’Illyrie révoltée, la Gaule près de se révolter, la Bretagne conquise et aussitôt abandonnée, les Sarmates et les Suèves soulevés contre nous, les Daces illustrés par nos défaites ou par nos victoires ; les Parthes sur le point de courir aux armes, abusés par un faux Néron, l’Italie affligée par des fléaux jusqu’alors inconnus ou qui reparaissaient après plusieurs siècles, dans les champs les plus féconds de la Campanie, des villes englouties ou renversées, Rome ravagée par l’incendie, les anciens temples consumés, le Capitole brûlé par les citoyens eux-mêmes, la religion profanée, de grands adultères, la mer couverte d’exilés, les rochers souillés par le meurtre. Dans la ville, des violences plus terribles encore : la noblesse, les biens, les honneurs, le refus même des honneurs regardés comme des crimes ; la mort assurée pour la vertu, les délateurs encouragés par des récompenses aussi odieuses que leurs forfaits, se partageant comme des dépouilles, les uns les sacerdoces et les consulats, les autres le gouvernement des provinces, la puissance à l’intérieur, et envahissant tout ; les esclaves armés contre leurs maîtres par haine ou par crainte, les affranchis contre leurs patrons, et ceux qui n’ont point d’ennemis sacrifiés par leurs amis les plus intimes. » Quel tableau !

Nous n’analyserons pas ce recueil ; le génie de l’historien s’y révèle avec toute son énergie dans la narration, dans les portraits, et, avec une éloquente concision, dans ses harangues, qui sont des modèles, et qu’on étudie à part comme d’admirables morceaux oratoires. Nous ne pourrions que répéter ici ce que nous avons déjà dit en parlant des Annales ; c’est le même sentiment de haine contre le despotisme, de dégoût de la servilité, l’adulation et l’infamie, qui a inspiré les deux ouvrages.

Ce qui nous reste des vingt livres des Histoires est ordinairement édité à la suite des Annales. On en conserve à Florence deux anciens manuscrits du Xe ou du XIe siècle. La première édition est de 1469 (Venise, in-fol.) ; il y en eut depuis, dans chaque siècle, un tel nombre, que nous ne pouvons citer même les principales ; on compte également des traductions dans toutes les langues. Une des meilleures traductions françaises est celle de la collection Panckoucke, dans les Œuvres complètes de Tacite (1830-1838, 7 vol. in-8o).


Histoire générale, ouvrage de Polybe de Mégalopolis (Arcadie). Cette histoire, achevée vers l’année 145 av. J.-C, embrasse les événements arrivés dans une période de 74 ans, et quelques aperçus sur ceux qui suivirent, de 220 à 146, c’est-à-dire depuis le commencement de la seconde guerre punique jusqu’à la réduction de la Macédoine en province romaine. Elle était divisée en quarante livres, dont cinq seulement nous sont parvenus entiers. Il reste des fragments considérables des autres, surtout depuis les découvertes d’Angelo Maï. « Ce n’est pas trop, dit l’auteur, de quarante livres pour conduire d’un fil continu toutes les affaires de l’Italie, de la Sicile, de la Grèce, de l’Afrique et des autres parties du monde, jusqu’à la ruine du royaume de Macédoine. » Les deux premiers livres remontent assez avant dans l’histoire romaine, et pourraient, en quelque sorte, faire suite aux Antiquités romaines de Denys d’Halicarnasse. Polybe expose les causes de la première guerre punique, esquisse le tableau des vingt-quatre années de cette guerre et de l’état de Carthage et de la Macédoine au début de la seconde lutte. L’historien n’entre vraiment dans son sujet qu’au troisième livre, où il entreprend le récit des guerres d’Annibal ; mais il en avait bien indiqué l’importance dès le début. Polybe a bien compris son époque. La période qu’il a décrite est capitale dans l’histoire du monde. Toute l’antiquité aboutit et se résume dès lors dans l’histoire de Rome. Au troisième livre, il aborde le récit de ce long duel entre Rome et Carthage, de cette guerre rendue si dramatique et par l’importance des forces mises en jeu, et par la grandeur du but, mais surtout par cette alternative de succès et de revers, de victoires et de défaites, qui menaçaient de prolonger la lutte indéfiniment, quand enfin la victoire navale des îles Égates provoqua la conclusion de la paix. Il nous fait assister à la brillante campagne d’Annibal jusqu’à la bataille de Cannes. Le quatrième livre nous ramène sur nos pas et nous offre le tableau de la situation des États formés des débris de l’empire d’Alexandre. Le cinquième est consacré à l’histoire de Philippe III de Macédoine, d’Antiochus le Grand et de Ptolémée, et au récit des premiers efforts de la Grèce contre la politique envahissante de Rome. La guerre des mercenaires contre Carthage forme un épisode de ce dernier livre.

Voici les parties importantes des fragments retrouvés : un morceau précieux relatif aux constitutions de Rome et de Carthage (livre VIe) ; le texte du traité conclu entre Philippe III et Annibal (livre VIIe), avec l’explication du reproche d’avarice et de cruauté adressé à Annibal ; une diatribe contre l’historien Théopompe (livre VIIIe) ; les portraits de Scipion et de Philopœmen (livre Xe) ; une attaque aussi violente qu’injuste contre l’inexactitude de l’historien Timée (livre XIIe) ; le récit de la bataille de Cynocéphales, suivi de la comparaison de la phalange macédonienne avec la légion romaine (livre XVIIIe) ; la description d’une superbe fête donnée par Antiochus IV (livre XXXe) ; l’éloge de Paul-Émile et de Scipion Émilien, et l’explication de leur intimité avec l’auteur (livre XXXIIe ; des fragments curieux, dus à Strabon, sur la géographie d’Homère, la Lusitanie, l’Espagne, la Gaule, l’Italie et la Libye (livre XXXIVe). Ce livre était entièrement consacré à la géographie générale du monde au moment de la troisième guerre punique ; des détails intéressants sur la déclaration de guerre faite à Carthage, en 149 (livre XXXVIe). La chute de Carthage remplissait le XXXIXe livre et celle de la Grèce le XLe, dont la conclusion, qui est celle de tout l’ouvrage, nous est parvenue en partie.

Envisagé au point de vue politique, Polybe est le dernier écrivain de la Grèce libre et l’historien de la conquête ; et cependant son livre n’est inspiré ni par le regret de l’indépendance ni par la haine des vainqueurs. Il raconte sans indignation la longue histoire de l’asservissement de son pays. Voyant la Grèce affaiblie et dévastée par deux siècles de divisions intestines, il se résigne à la voir reprendre une sorte de vie sous cette domination romaine, qui laissait une part des libertés intérieures. Ce sentiment de Polybe explique la conquête facile de la Grèce : le patriotisme était mort ou rendu impuissant par les factions intestines. La Grèce était divisée en deux partis, les démocrates et les aristocrates, que représentaient la ligue étolienne, appuyée sur la Macédoine, et la ligue achéenne, qui penchait pour Rome. Polybe et l’aristocratie grecque renoncèrent à l’indépendance, d’abord par haine de la démocratie, et ensuite par admiration pour Rome, alors dans toute sa splendeur.

On ne saurait voir un traître dans Polybe, mais c’est une âme froide et égoïste. Il ne s’émeut jamais. Une fois, cependant, en peignant la Grèce en proie à l’avidité des soldats de Mummius, il prononce, mais avec une gravité digne, un blâme sévère pour les vainqueurs : « Au lieu d’orner leur patrie de statues et de tableaux, les Romains auraient mieux fait de la décorer de justice et de magnanimité. Que ceci soit dit pour tous ceux, quels qu’ils soient, qui conquièrent la supériorité et l’empire sur les autres ; qu’ils n’aillent pas s’imaginer qu’en dépouillant les villes vaincues de tous leurs ornements, ils font des malheurs d’autrui un embellissement et une gloire pour leur patrie ! »

Au point de vue philosophique, Polybe a défini lui-même son ouvrage, en l’appelant une Histoire pragmatique. C’est là le côté vraiment original de son livre. Polybe a pour but de former des hommes de guerre et des hommes d’État ; son histoire est un livre d’enseignement politique et moral. L’histoire, telle que l’a conçue Polybe, ne se borne point à peindre : la recherche approfondie des causes qui ont engendré les événements, la mise en lumière des occasions qui les ont déterminés, des circonstances où ils se sont produits, des effets qui en ont été les conséquences, occupent constamment Polybe. L’historien étudie les faits, les explique, les juge ; il raconte, peint, disserte, enseigne, et fait en même temps un cours de politique et de morale.

Polybe, dans le genre d’histoire qu’il a créé, n’a pas été surpassé. Malgré Tite-Live, Salluste et tant d’autres, sans Polybe nous ne connaîtrions que fort imparfaitement les Romains. C’est lui qui nous a livré les secrets de leur politique, c’est chez lui qu’on saisit l’esprit de leurs institutions. Se fût-il borné à nous apprendre ce qu’était leur organisation militaire, il nous eût mieux révélé le secret de leur puissance que ne peuvent le faire les belles réflexions morales ou les harangues apocryphes des autres historiens. Admiré de Bossuet, qui l’appelait le Sage, et de Montesquieu, qui l’appelait le Judicieux, Polybe les a souvent inspirés ; ils se bornent parfois à le traduire, et les idées les plus vraies et les plus fécondes qu’on admire dans le Discours sur l’histoire universelle et dans le livre sur la Grandeur et la décadence des Romains ne sont souvent que des emprunts faits à l’Histoire générale.

Polybe professe un grand amour de la vérité. « La vérité, dit-il, est à l’histoire ce que les yeux sont aux animaux : de même que les animaux ne sont d’aucun usage dès qu’on les a privés de la vue, de même l’histoire, sans la vérité, n’est qu’une narration inutile et infructueuse. » D’une sévère impartialité, il se montre absolument indépendant dans ses appréciations. Il a la conscience, le savoir, le coup d’œil juste et la modération. Il laisse de côté la partie légendaire, et jamais ne se livre à la déclamation. Il a cependant ses défauts. Il se perd dans de fréquentes digressions sur sa personne et son système ; ses portraits sont ternes, froids et sans vie ; son style est prétentieux, pénible, mou, monotone, négligé, dur et raboteux, au jugement de Denys d’Halicarnasse. Les Grecs, à cause de ses tournures insolites et de l’abus d’expressions techniques empruntées au vocabulaire péripatéticien, l’excluaient du rang d’auteur classique. Leur sévérité n’a point empêché Cicéron de le déclarer un auteur excellent, Decimus Brutus d’en faire ses délices, Velleius Paterculus de l’appeler un homme supérieur, et Tite-Live de le reconnaître pour un écrivain de mérite, et d’en faire un plus grand éloge encore en le copiant souvent. En résumé, nous regardons l’Histoire universelle de Polybe comme un des plus beaux monuments du génie antique, et un de ceux qui font le plus d’honneur à l’humanité.


Histoire universelle, par Agrippa d’Aubigné (1616-1620, 3 vol. in-fol.). Cette histoire commence à la naissance de Henri IV et se termine à la fin du siècle et à l’édit de Nantes. L’auteur huguenot s’est proposé deux principaux objets : la justification du protestantisme et la glorification du Béarnais, du roi de Navarre protestant, et non pas du roi catholique de France ; il faut en ajouter un troisième, sa propre apologie.

D’aubigné est un écrivain consciencieux. Il veut présenter le plus de faits possible et les avoir exacts ; il veut accorder sa part de gloire à quiconque l’a méritée. Il s’attache plus aux choses qu’à la forme. « Si quelqu’un, dit-il, reproche à mon histoire qu’elle n’a pas le langage assez courtisan, elle répondra ce que fit la Sostrate de Plaute, à laquelle son mari alléguant pour vice qu’elle n’était pas assez complaisante et cajoleuse : « Je suis, dit-elle, matrone et femme de bien ; ce que vous me demandez est le propre des filles de joie. » Laissant donc ces fleurs aux poésies amoureuses, rendons vénérable notre genre d’écrire, puisqu’il a de commun avec le théologien d’instruire l’homme à bien faire et non à causer. » La personnalité de l’auteur intervient sans cesse dans le récit. Néanmoins, il repousse le reproche d’orgueil, par la raison qu’il ne s’est cité que là où la responsabilité lui incombait, ayant gardé le silence ou dissimulé son nom sous une formule vague là où la modestie lui était permise. D’Aubigné a tâché d’être impartial, même envers ses coreligionnaires. Il parle en termes modérés de Charles IX et de Henri III : « Voilà la fin de Henri troisième, dit-il après l’assassinat de Saint-Cloud, prince d’agréable conversation avec les siens, amateur des lettres, libéral par delà tous les rois, courageux en jeunesse, et lors désiré de tous ; en vieillesse, aimé de peu ; qui avoit de grandes parties de roi, souhaité pour l’être avant qu’il le fût, et digne du royaume s’il n’eût point régné : c’est ce qu’en peut dire un bon François. »

M. Sainte-Beuve lui reconnaît un mérite considérable, la pudeur historique : « Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi, en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : « J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent. » Un autre mérite, c’est que l’historien marche rapidement aux faits et écarte tout ce qui ralentirait son mouvement. Aussi, cette Histoire universelle renferme-t-elle immensément de choses ; c’est le fidèle et saisissant tableau de la période militante de la Réforme en France ; scènes de la vie privée et de la vie publique, portraits de nombreux personnages, fluctuations de l’esprit public. Les détails militaires y sont trop multipliés ; les négociations y occupent aussi trop de place.

L’Histoire universelle a cependant de graves défauts : le style est suranné même pour l’époque de la publication ; il est sec, lourd, décousu ; la phrase est souvent obscure, embarrassée, La pensée de l’écrivain est quelquefois inintelligible. Cependant, des passages assez nombreux ont de la vigueur et de l’éclat. La bonne foi de l’historien ne peut être mise en doute ; réduit à ses seules ressources par la mort de Henri IV, qui, d’ailleurs, n’avait pas tenu toutes ses promesses, d’Aubigné fit voyager à ses frais dans toutes les provinces de France, réclamant partout des renseignements et des mémoires.


Histoire universelle (DISCOURS SUR L’), par Bossuet. Cet ouvrage fut composé pour l’éducation du dauphin, fils de Louis XIV, et publié dans les premiers mois de l’année 1681. Voici comment Bossuet, dans l’avant-propos de son livre, en expose le plan : « Cette manière d’histoire universelle est, à l’égard des histoires de chaque pays et de chaque peuple, ce qu’est une carte générale à l’égard des cartes particulières. Dans les cartes particulières, vous voyez tout le détail d’un royaume ou d’une province en elle-même ; dans les cartes universelles, vous apprenez à situer ces parties du monde dans leur tout ; vous voyez ce que Paris ou l’Île-de-France est dans le royaume, ce que le royaume est dans l’Europe, et ce que l’Europe est dans l’univers. Ainsi les histoires particulières représentent la suite des choses qui sont arrivées à un peuple dans tout leur détail ; mais, afin de tout entendre, il faut savoir le rapport que chaque histoire peut avoir avec les autres, ce qui se fait par un abrégé où l’on voie, comme d’un coup d’œil, tout l’ordre des temps. Un tel abrégé, monseigneur, vous propose un grand spectacle. Vous voyez tous les siècles précédents se développer, pour ainsi dire, en peu d’heures devant vous ; vous voyez comme les empires se succèdent les uns aux autres, et comme la religion, dans ses différents états, se soutient également depuis le commencement du monde jusqu’à notre temps. C’est la suite de ces deux choses, je veux dire celle de la religion et celle des empires, que vous devez imprimer dans votre mémoire ; et comme la religion et le gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé, et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes, et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires humaines. »

La première partie du Discours sur l’Histoire universelle contient l’histoire abrégée des temps qui se sont écoulés depuis l’origine du monde jusqu’à l’établissement de l’empire de Charlemagne. Bossuet partage ces temps en un petit nombre d’époques : 1° Adam ou la création ; 2° Noé ou le déluge ; 3° la vocation d’Abraham ou le commencement de l’alliance de Dieu avec les hommes ; 4° Moïse ou la loi écrite ; 5° la prise de Troie ; 6° Salomon ou la fondation du Temple ; 7° Romulus ou Rome bâtie ; 8° Cyrus ou le peuple de Dieu délivré de la captivité de Babylone ; 9° Scipion ou Carthage vaincue ; 10° la naissance de Jésus-Christ ; 11° Constantin ou la paix de l’Église ; 12° Charlemagne ou l’établissement du nouvel empire.

La seconde partie nous montre la religion fondée par Dieu même, qui venait de créer l’univers et, traversant les siècles sans être jamais interrompue ni altérée, malgré l’idolâtrie, l’impiété, la persécution, les hérésies.

Dans la troisième partie, Bossuet montre que les révolutions des empires sont réglées par la Providence, quelles servent à humilier les princes, et qu’il importe à ceux-ci d’étudier « dans chaque temps ces secrètes dispositions qui ont préparé les grands changements, et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver. » En même temps, il fait passer successivement sous nos yeux et nous présente tombant, pour ainsi dire, les uns sur les autres, ces grands empires qui ont fait trembler tout l’univers, Assyriens anciens ou nouveaux, Mèdes, Perses, Grecs, Romains.

Le Discours sur l’Histoire universelle s’arrête à Charlemagne ; l’historien se réservait de faire un second Discours, qui devait embrasser les événements accomplis depuis Charlemagne jusqu’à l’époque contemporaine ; il ne donna pas de suite à ce projet.

« La multiplicité de Bossuet, dit M. Nisard, éclate dans l’Histoire universelle. Il a, dans chaque ordre d’idées, le langage à la fois le plus spécial et le plus élevé. Condé n’eût pas mieux caractérisé la valeur impétueuse des Perses, ni la savante tactique des Grecs, ni la roideur de la phalange macédonienne, ni le choc de la légion romaine….. Colbert n’aurait pas jugé en termes plus propres et plus précis, ni vu de plus haut la sage administration des Égyptiens… Un politique comme Richelieu n’eût pas mieux pénétré la profonde conduite du sénat romain. Machiavel n’eût pas vu plus clair dans les rivalités de la Grèce…… La troisième partie du Discours sur l’histoire universelle est la plus haute expression de l’esprit français dans la prose. »

« C’est dans le Discours sur l’Histoire universelle, dit Chateaubriand, que l’on peut ad-