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que, l’art de faire concourir les scènes plaisantes et même bouffonnes au même but que les situations les plus dramatiques ont fait du Henri IV de Shakspeare un de ses chefs-d’œuvre, dans la série de ses pièces appelées historiques. Le grand poëte y déroule les événements qui ont marqué l’établissement de la maison de Lancastre, et particulièrement les joyeuses débauches de l’héritier présomptif, le prince de Galles, depuis roi sous le nom de Henri V. De là deux actions habilement fondues : d’un côté, le roi Henri IV et sa cour, en proie à toutes les perplexités de la politique ; de l’autre, le jeune prince toujours à la taverne, en compagnie de Falstaff et d’une bande de drôles mis en scène de la façon la plus originale. La création du personnage de Falstaff, qui apparaît pour la première fois dans ce drame, est une des plus achevées de Shakspeare. Le point culminant de cette partie de l’intrigue est une bonne farce que joue le jeune prince à cet énorme vaurien : il lui fait dévaliser des marchands, à main armée, accompagné de deux ou trois coquins, puis tombe lui-même, masqué, sur les voleurs, les met en fuite et s’empare du butin. Le plaisant consiste dans les bourdes incroyables que débite Falstaff, ce type du poltron vantard, racontant qu’il a fallu toute une armée pour le faire fuir, et de quantité de cadavres dont il a jonché la route. Pris en flagrant délit de mensonge, il se console en pensant que, du moins, l’argent est sauf. Bientôt l’heure sérieuse sonne pour le jeune prince : il lui faut combattre aux côtés de son père et il emmène avec lui Falstaff, qui continue, en qualité de capitaine, la série de ses grands coups d’épée.


HENRI V, roi d’Angleterre, fils aîné du précédent, né en 1388, mort en 1422. Avant de monter sur le trône, il se fit remarquer par ses talents militaires, mais aussi par ses débauches effrénées. Dès son avènement (1413), il changea de conduite, s’entoura de sages conseillers, dompta uns insurrection de lollards, punit une conspiration en faveur de son cousin Richard, de la maison d’York, et, pour faire diversion aux agitations de l’intérieur, annonça l’intention de faire revivre les vieilles prétentions d’Édouard III sur la couronne de France. Le moment était favorable : la France était alors déchirée par les factions de Bourgogne et d’Armagnac et gouvernée par un prince en démence, jouet des partis et des ambitions qui s’agitaient autour de lui. Allié secrètement au duc de Bourgogne, Henri entra dans la Seine à la tête d’une flotte considérable, emporta Harfleur, se dirigea par terre vers Calais, d’où il attendait des renforts, rencontra les Français sur les bords de la Somme, et, malgré l’infériorité de ses forces, gagna sur eux la mémorable bataille d’Azincourt (25 octobre 1415). L’affaiblissement de son armée ne lui permit pas de tirer de sa victoire un parti décisif. L’année suivante, il reparut en Normandie, prit Rouen, malgré la plus héroïque défense, et menaça Paris. En même temps, il continuait d’activés négociations avec tous les partis en lutte et parvenait à faire conclure l’odieux traité de Troyes (1420), qui lui donnait, avec la main de Catherine de France, fille de Charles VI, la régence du royaume et le reconnaissait héritier de la couronne après le roi régnant, au détriment du dauphin. Il fit son entrée à Paris le 1er décembre, escorté par une nombreuse noblesse et par les chefs des corporations bourgeoises, éternel cortège de tous les vainqueurs. Bientôt la paix de Meaux lui soumit toutes les provinces jusqu’à la Loire, au delà de laquelle le dauphin tenait encore. Il mourut au château de Vincennes, en 1422, après avoir nommé le duc de Bedford régent de France et le duc de Glocester lord protecteur d’Angleterre.


Henri V, drame en cinq actes, de Shakspeare, qui fait suite aux deux parties de Henri IV et complète la trilogie. Le prince de Galles est devenu roi : tout en gardant sa bonne humeur d’autrefois, il a renoncé à ses folies, et Shakspeare en fait un type accompli de noblesse et de loyauté. Le poëte a déroulé, dans une série de tableaux dont quelques-uns sont admirables, cette partie de la guerre de Cent ans qui aboutit pour nous à Azincourt et au traité de Troyes. Des scènes familières s’entre-croisent avec des situations dramatiques et des récits dignes de l’épopée. Il n’a manqué à Shakspeare, pour faire une œuvre irréprochable, qu’un peu plus de respect pour les vaincus. Henri V fut joué en 1599.


HENRI VI, roi d’Angleterre, fils et successeur du précédent, né à Windsor en 1421, mort en 1471. Il n’avait que neuf mois à la mort de son père, qui l’avait placé sous la tutelle des ducs de Glocester pour l’Angleterre, et de Bedford pour la France. Pendant qu’on le proclamait à Paris, Charles VII, reconnu par les provinces non conquises par les Anglais, tenait la campagne, mais perdit les batailles de Crevant (1423) et de Verneuil (1424) et se vit à deux doigts de sa ruine. On sait comment l’héroïsme de Jeanne Darc sauva la monarchie et la France et commença la décadence des Anglais sur le continent. En 1451, il ne restait plus à Henri VI que Calais. En 1444, il avait épousé Marguerite d’Anjou, qui prit sur son faible esprit un ascendant absolu et qui devint la véritable chef du gouvernement, surtout quand elle eut fait assassiner le duc de Glocester, dont la puissance lui portait ombrage (1447). Ce meurtre, la dilapidation des finances, les défaites de l’armée anglaise en France entretenaient dans la nation un sombre mécontentement, et suscitèrent des conspirations et des révoltes dont la reine ne triompha qu’avec une extrême difficulté. Cette princesse était, du reste, douée d’une énergie toute virile, et, au milieu des factions qui ensanglantèrent l’Angleterre, elle lutta, pour conserver le trône à son époux et à son fils, avec une constance héroïque, dont on retrouve bien peu d’exemples dans l’histoire. C’est sous ce règne que commença la guerre terrible des Deux-Roses entre la maison régnante (Lancastre) et la maison d’York. Richard, duc d’York, sut profiter habilement de l’état de démence et d’insensibilité où était tombé le roi, et parvint, malgré la reine, à se faire nommer par le Parlement lord protecteur ou régent (1453). Menacé peu après dans son autorité, il commença la guerre civile, entraînant dans sa cause le célèbre Warwick, le faiseur de rois, et une partie de la noblesse anglaise ; il écrasa les lancastriens à Saint-Albans (1455), puis à Northampton (1460) et fut tué au moment où le Parlement lui décernait les honneurs royaux. Son fils Édouard hérita de ses prétentions, se mit à la tête du parti, vainquit les troupes de Marguerite à Towton (1461) et se fit proclamer roi. Pendant ces guerres, Henri VI, d’abord captif, puis délivré par Marguerite, tomba enfin entre les mains d’Édouard, qui l’enferma dans la Tour (1464). Marguerite reprit les armes en 1471, et cette fois avec l’appui de Warwick, renversa Édouard du trône, délivra de nouveau le malheureux insensé, mais, malgré son indomptable énergie, fut encore une fois vaincue, d’abord à Barnet, où périt Warwick, puis à Tewkesbury (1471). Henri VI retomba entre les mains du vainqueur, qui déshonora son triomphe en le faisant mettre à mort. La chute de ce fantôme de roi, si souvent le jouet des événements et des partis, suspendit momentanément la guerre des Deux-Roses.


Henri VI, tragédie en trois parties, de cinq actes chacune, de W. Shakspeare. Cette trilogie fut jouée de 1584 à 1588 ; c’est probablement la première œuvre de l’auteur, qui a travaillé sur un canevas fourni par le répertoire du théâtre. Quelques scènes seulement sont de lui, et son travail général n’a guère consisté qu’en des retouches. Une succession de tableaux incohérents déroule sur la scène toute l’histoire du règne de Henri VI ; notons seulement que, dans la première partie, qui retrace les guerres de France (1429), le rôle de Jeanne Darc est singulièrement défiguré. Notre héroïne y est bafouée comme une sorcière et une prostituée. Dans la seconde partie, qui offre le même encombrement de matériaux historiques mal élaborés, sont représentées les luttes des partis, celui de Glocester, celui de Winchester, celui du duc d’York, et les déchirements de la guerre des Deux-Roses ; la bataille de Saint-Albans dénoue un moment l’action, qui reprend dans la troisième partie. Celle-ci embrasse tous les événements qui se sont succédé de 1455 à 1471, et clôt, par le meurtre de Henri VI, le règne de la maison de Lancastre ; la Rose blanche a triomphé de la Rose rouge. L’intérêt dramatique de cette longue élucubration, où les qualités ordinaires du poète n’étincellent que çà et là, est trop disséminé pour être bien fort ; la fidélité manque à la reproduction des événements et des caractères. « Les horreurs qui y sont accumulées ne laissent pas que d’être peintes avec une certaine énergie, dit M. Guizot, mais bien éloignée de cette vérité profonde que, dans ses beaux ouvrages, Shakspeare a su, pour ainsi dire, tirer des entrailles mêmes de la nature. »


HENRI VII, roi d’Angleterre, le premier des Tudors, né en 1458, mort en 1509. Il appartenait à la maison de Lancastre et descendait, par les femmes, du troisième fils d’Édouard III. D’abord connu sous le nom de comte de Richmond, il se réfugia en Bretagne après la ruine des lancastriens à Tewesbury (1471), revint en armes en Angleterre sous Richard III (1485) et écrasa à Bosworth son rival, qui perdit en même temps la couronne et la vie. Proclamé roi, Henri éteignit la guerre des Deux-Roses et réunit en sa personne les droits des deux maisons par son mariage avec la jeune princesse Élisabeth, fille d’Édouard IV. Néanmoins, ses ennemis ne le laissèrent point régner en paix et suscitèrent contre lui plusieurs imposteurs, notamment Lambert Simnel, qui se donnait pour Édouard Plantagenet, enfermé à la Tour, et Perkins Warbeck, qui se faisait passer pour le duc d’York, Richard Plantagenet. Henri triompha de toutes ces attaques et resta paisible possesseur du trône. Deux passions dominaient l’âme de ce prince : sa haine contre les derniers membres de la maison d’York et son avarice sordide. La première le poussa à des crimes, la seconde à des extorsions et à des violences inouïes : confiscations, amendes arbitraires, vente de pardons, dénis de justice, proscriptions. Les principaux ministres de ces actes tyranniques furent le cardinal Morton, Empson et Dudley. Appelé en Bretagne par la duchesse Anne, attaquée par la France, il s’ébranla trop tard et ne put empêcher le mariage de cette princesse avec le roi Charles VIII. Il en prit prétexte pour obtenir des subsides considérables, afin de revendiquer ses prétendus droits sur le royaume de France, vint investir Boulogne (1492), mais se hâta de conclure le traité d’Étaples, par lequel Charles VIII achetait la paix moyennant 745,000 écus. Cette expédition n’avait été pour Henri qu’un expédient pour tirer de l’argent de ses sujets et de ses ennemis. Il amassa ainsi des trésors immenses. Il prépara la fusion de l’Écosse avec l’Angleterre, en mariant sa fille au roi Jacques IV, affaiblit l’aristocratie, en lui permettant d’aliéner ses biens et surtout en lui retirant le privilège d’entretenir une clientèle armée, augmenta les prérogatives de la chambre étoilée et commença le développement de la marine anglaise.


HENRI VIII, roi d’Angleterre, fils et successeur du précédent, né en 1491, mort en 1547. Rien ne faisait présager qu’il dût être le Néron de l’Angleterre, et son avènement (1509) fut accueilli par les espérances de la nation, fatiguée du despotisme fiscal de son père. Il entra, en 1512, dans la ligue contre Louis XII, gagna sur les Français la bataille de Guinegate (journée des Éperons, 1513), battit leurs alliés les Écossais à Floddenfield, où périt le roi Jacques IV avec toute sa noblesse, fit ensuite la paix avec le roi de France et lui donna en mariage sa sœur, Marie Tudor (1514). François Ier et Charles-Quint recherchèrent son alliance ; il eut avec le premier, à Guines, la fameuse entrevue connue sous le nom d’entrevue du Camp du Drap d’or (1520), où les deux rois déployèrent une magnificence inouïe, mais qui n’eut aucun résultat positif, car Henri, et surtout son ministre, le cardinal Wolsey, étaient déjà gagnés à la cause de l’empereur. Ils la soutinrent mollement pendant quelques années, envoyèrent des troupes en Picardie pour agir de concert avec les impériaux, mais revinrent à l’alliance française après la bataille de Pavie. Les affaires intérieures détournèrent bientôt Henri des événements continentaux. Jusque-là, sous l’inspiration de Wolsey, il s’était montré despote, mais non cruel, gouvernant sans parlement, levant des taxes arbitraires, mais ne s’étant encore souillé par aucun des crimes qui le rendirent si odieux. Au moment où l’unité catholique était brisée en Allemagne par les prédications de Luther, le monarque anglais se crut appelé à ruiner la nouvelle doctrine par l’autorité de sa science et de sa parole. Nourri des subtilités scolastiques de saint Thomas d’Aquin, il se persuada facilement qu’il était le premier théologien de la chrétienté, et composa contre le réformateur allemand le traité De septem sacramentis (1521), qu’il dédia au pape, et qui lui valut de la cour de Rome le titre de Défenseur de la foi. Il affectait à cette époque un grand zèle pour l’orthodoxie. En 1527, ayant conçu une violente passion pour Anne de Boulen, il voulut, sous prétexte de parenté, faire rompre son mariage avec Catherine d’Aragon ; la cour romaine traîna l’affaire en longueur. Irrité des continuels délais au moyen desquels sa demande était éludée, Henri disgracia d’abord Wolsey, qu’il soupçonnait avec raison de connivence, s’entoura d’hommes plus serviles encore, Suffolk, Norfolk, Thomas Cromwell, et, bien résolu à trancher la difficulté par un coup d’autorité, fit consulter pour la forme les universités de l’Europe, dont il acheta l’approbation ; enfin, il chargea l’archevêque de Cantorbéry, Cranmer, de prononcer son divorce (1533). Quelques jours plus tard, il fit consacrer son mariage avec Anne de Boulen ; c’était le premier pas dans la voie d’une séparation avec l’Église romaine. Dès lors, il ne s’arrêta plus. Il ne répondit à l’excommunication que par une suite de mesures qui consommèrent le schisme. Il asservit le clergé anglais par la terreur et la corruption, se fit décerner par lui, ainsi que par le Parlement, le titre de chef suprême de l’Église anglicane , défendit les appels en cour de Rome, se réserva l’élection et la consécration des prélats, le jugement des hérésies, s’attribua la dîme des bénéfices ecclésiastiques, interdit toute contribution pécuniaire imposée par le pape, et notamment le denier de saint Pierre, etc. Le clergé, terrifié, accepta ces réformes, contre lesquelles protestèrent deux illustres victimes, le cardinal Fisher et le chancelier Thomas Morus, qui furent envoyés à l’échafaud (1535). L’année suivante, la jeune reine, Anne de Boulen, fut livrée au supplice, sous l’accusation d’adultère, et le roi épousa Jeanne Seymour, qui mourut dix-sept mois après. L’exemple des princes allemands encouragea Henri à la confiscation des biens ecclésiastiques : il se jeta sur cette riche proie, commença par les monastères, et, malgré les résistances, malgré les soulèvements populaires, consomma la confiscation en cinq années. Il est à remarquer que le clergé, qui s’était docilement soumis aux réformes religieuses, défendit ses richesses avec une énergie désespérée, qui demeura, au reste, sans résultat. Chose bizarre ! en se séparant d’une manière aussi éclatante de la communion romaine, Henri VIII n’avait pas cessé de se prétendre orthodoxe, et, en même temps qu’il faisait pendre les catholiques qui ne reconnaissaient point son infaillibilité en matière de religion, il envoyait au bûcher les protestants et toute personne convaincue d’hérésie. Ce maniaque sanguinaire, outre son bill des six articles, qu’il avait fait promulguer pour fixer l’uniformité de la foi, avait rédigé, pour l’instruction religieuse de ses sujets, deux traités théologiques : l’Institution du chrétien et la Doctrine et science nécessaires à tout homme chrétien, qui furent imposés comme la règle suprême de la foi. Il interdit, en outre, la lecture de la Bible à tout autre qu’aux chefs de famille des classes nobles ou riches. Parmi les nombreuses victimes de sa monomanie théologique, on remarque un pauvre maître d’école qui, mis en jugement pour avoir nié la présence réelle, en appela au roi. Henri saisit cette occasion d’étaler sa faconde scolastique ; il argumenta contre le malheureux pédagogue, qui eut l’imprudence d’interloquer le roi, et, finalement, fut livré aux flammes. Il va sans dire que Henri prétendait à la même infaillibilité et à la même omnipotence en matière de gouvernement. Tous les pouvoirs publics, au reste, épurés, asservis et terrorisés, s’empressaient de sanctionner ses actes comme autant de lois sacrées ; lords et, Communes, aussi lâches que le sénat romain, allaient au-devant de ses caprices, approuvaient tous ses crimes et rivalisaient de bassesse et de servilité. En 1540, Henri se maria en quatrièmes noces avec Anne de Clèves ; sur la foi d’un portrait d’Holbein, il avait demandé en mariage cette jeune princesse, qu’il trouva beaucoup moins belle que le portrait, et qu’il prit en aversion. Sous un prétexte futile, il fit casser cette nouvelle union par l’assemblée du clergé, épousa Catherine Howard et la fit décapiter six mois après, sous l’accusation de galanterie avant son mariage. Une sixième femme, Catherine Parr, ne craignit pas cependant d’accepter cette main sanglante et faillit être envoyée à la mort, pour avoir osé soutenir une discussion théologique contre son terrible époux. Henri fit pendant quelques années, mais inutilement, la guerre à l’Écosse, pour lui imposer l’organisation religieuse de l’Angleterre, s’unit à Charles-Quint contre François Ier (1542), vint s’emparer de Boulogne (1544) et rendit cette ville trois ans plus tard, en vertu d’un traité avec la France. Il étendit sa suprématie spirituelle sur l’Irlande, qui fut, en outre, érigée en royaume dépendant de l’Angleterre, et fit rentrer également dans l’unité de la monarchie la portion du pays de Galles qui avait formé jusqu’alors une sorte d’État indépendant, divisé en près de cent cinquante seigneuries.

Jusqu’à la dernière heure, ce prince resta le même tyran impitoyable et sanguinaire ; la flamme des persécutions religieuses et l’échafaud des meurtres juridiques demeurèrent jusqu’à la fin ses moyens de gouvernement. Dans la dernière année, ses souffrances physiques, son obésité monstrueuse, les ulcères qui le dévoraient l’avaient rendu plus féroce encore et plus altéré de sang, et il expira en donnant des ordres de mort. Il avait alors cinquante-six ans et en avait régné trente-six. Le fils qu’il avait eu de Jeanne Seymour lui succéda sous le nom d’Édouard VI. Ses deux filles, Marie, née de son premier mariage, et Élisabeth, fille d’Anna de Boulen, régnèrent successivement après la mort de leur frère. C’est à tort que l’on a quelquefois considéré Henri VIII comme le fondateur du protestantisme en Angleterre ; il en fut, au contraire, le persécuteur le plus violent. Mais sa séparation de la communion romaine a préparé la révolution religieuse qui s’accomplit après lui, et qui substitua l’anglicanisme au catholicisme romain.


Henri VIII, tragédie en cinq actes de W. Shakspeare, jouée vers 1601. Ce fut la dernière composition historique du grand poète. Écrite sur la demande d’Élisabeth et pour être représentée dans quelque fête royale, cette pièce se ressent de la gêne que dut éprouver Shakspeare à mettre sur la scène, devant Élisabeth, le meurtrier de sa mère, Anne de Boulen. « Le caractère de Henri VIII, dit M. Guizot, est complètement insignifiant, et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est l’intérêt que le poëte d’Élisabeth a répandu sur Catherine d’Aragon ; dans le rôle de Wolsey, surtout au moment de sa chute, se retrouve la touche du grand maître ; mais il paraît que, pour les Anglais, le mérite de l’ouvrage est dans la pompe du spectacle, qui l’a déjà fait reparaître plusieurs fois sur le théâtre dans quelques occasions solennelles. Henri VIII peut avoir pour nous un intérêt littéraire, celui du style, que le poète a certainement eu soin de rendre conforme au langage de la cour, tel qu’il était de son temps ou peu d’années auparavant. Dans aucun de ses autres ouvrages le style n’est aussi elliptique ; les usages de la conversation semblent y porter, dans la construction de la phrase, cette habitude d’économie, ce besoin d’abréviation qui, dans la prononciation anglaise, retranchent des mots près de la moitié des syllabes. On n’y trouve d’ailleurs presque point de jeux de mots, et, sauf dans un petit nombre de passages, assez peu de poésie. » Henri VIII fut repris après la mort d’Élisabeth, en 1613. Il y a lieu de croire que l’éloge de Jacques Ier, encadré à la fin, dans une prédiction, fut ajouté à cette époque, soit par Shakspeare lui-même, soit par Ben Johnson. Ce fut, dit-on, à cette reprise, en 1613, que les canons que l’on tirait à l’arrivée du roi, chez Wolsey, mirent le feu au théâtre du Globe, qui fut entièrement consumé. La pièce comprend un espace de douze ans, depuis 1521 jusqu’en