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un de ces mots d’apparat qui coûtaient si peu à sa verve gasconne. Pendant la plus grande partie de son règne, le peuple fut écrasé d’impôts, et l’effroyable misère qui le décimait le poussa à des révoltes qui furent impitoyablement réprimées. L’irritation et la haine en vinrent à ce point, que le maréchal d’Ornano crut devoir prévenir le roi qu’il était haï et méprisé à cause des charges dont il accablait le peuple. Henri s’inquiétait peu de ces murmures et n’en continuait pas moins à gaspiller les trésors de l’État avec une prodigalité inouïe. On sait que ce ne fut qu’avec des peines infinies, et seulement vers la fin du règne, que l’honnête Sully parvint à ramener un peu d’ordre dans les finances. On trouve dans les écrits contemporains, dans Sully, d’Aubigné, Villegomblain, l’Estoile, des détails curieux sur le vrai caractère de ce roi, et qui contredisent singulièrement les complaisantes traditions dont l’origine ne remonte pas au delà du XVIIIe siècle, et qui ont surtout été propagées par l’esprit de parti. Quoi qu’il en soit, le nom de Henri IV est resté l’un des plus populaires parmi les noms de rois ; il serait même le seul qui fût resté populaire, s’il fallait prendre à la lettre le vers si connu :

Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire.

Gudin de la Brenellerie, ami de Beaumarchais, dans une pièce de poésie faite pour un concours académique, en 1779, avait dit :

Seul roi de qui le peuple ait gardé la mémoire,

et ce vers avait été signalé par l’Académie comme propre à servir d’inscription à la statue de Henri. Depuis, la forme du vers a été un peu modifiée.

On sait que Henri IV est le héros qu’a choisi Voltaire lorsqu’il a voulu doter la France d’un poème épique. V. Henriade.

En résumé, comme le dit avec justesse un historien, Henri IV fut un grand roi plutôt qu’un bon roi. V l’excellente Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson (Paris, 1857), ouvrage plein de renseignements précieux pour tout ce qui concerne l’administration de Sully, l’état des sciences, des lettres, des beaux-arts, des finances, du commerce, des travaux publics, etc. Toutefois, il faut se tenir en garde contre l’enthousiasme exclusif de l’auteur pour son héros. M. Berger de Xivrey a publié les Lettres missives de Henri IV, publication due à l’initiative de M. Villemain.

On a voulu faire à Henri IV une réputation de poëte, et on lui a attribué, entre autres, la chanson qui commence par les mots : Charmante Gabrielle, et qui n’est pas de lui. V. Charmante Gabrielle.

Nous n’avons pas voulu couper, par des anecdotes souvent incertaines, le récit de la vie de Henri ; le nombre de celles qu’on raconte au sujet de ce prince est incalculable. Dans l’impossibilité de distinguer celles qui sont réellement authentiques, nous allons nous borner à en citer quelques-unes :

Henri IV, mettant un jour la main sur l’épaule de Crillon, dit à des ministres étrangers ; « Voilà le premier capitaine du monde. — Vous en avez menti, sire, c’est vous, » répliqua vivement Crillon.

On connaît le billet laconique que Henri IV lui écrivit : « Pends-toi, brave Crillon, nous avons combattu à Arques, et tu n’y étais pas. Adieu, brave Crillon, je t’aime à tort et à travers. »

Quelqu’un disait à Henri IV que le maréchal de Biron jouait fort bien à la paume. Lui, qui avait découvert la conspiration que Biron tramait secrètement contre l’État, répondit : « Il est vrai qu’il joue bien, mais il fait mal ses parties. » On sait que le jeu de Biron tourna mal pour lui, et que le roi, malgré de pressantes sollicitations, livra au bourreau la tête du coupable. V. Biron.

Henri IV aimait la plaisanterie et la souffrait volontiers chez les compagnons de ses victoires. Se promenant un jour aux environs de Paris, il s’arrêta, et se mettant la tête entre les jambes, il dit en regardant cette ville : « Ah ! que de nids de cocus ! » Un seigneur qui était près de lui fit la même chose et se mit à crier : « Sire, je vois le Louvre. »

Henri IV, ayant entendu parler d’un homme facétieux, voulut le voir. On le fit entrer pendant qu’il dînait. Le roi le fit approcher de la table vis-à-vis de lui, et lui dit : « Comment vous appelez-vous, mon ami ? — Sire, je m’appelle Gaillard. — Gaillard, répondit le monarque, voilà un joli nom ; quelle différence y a-t-il entre Gaillard et Paillard ? — Elle n’est pas grande, sire, repartit le drôle ; il n’y a que la largeur de cette table entre deux. »

La Varenne, avant d’être au service de Henri IV, avait été à celui de Catherine, sœur de ce roi, depuis duchesse de Bar ; et son emploi avec cette princesse était de piquer les viandes ; et comme il y excellait, elle l’avait cédé au roi, qui en fit le messager de ses amours. Catherine, passant par Paris pour aller en Lorraine, vit La Varenne, son ancien cuisinier, et sachant son emploi auprès de Henri IV, elle lui dit : « La Varenne, tu as plus gagné à porter les poulets de mon frère qu’à piquer les miens. »

Henri IV avait choisi Pierre Mathieu pour écrire son histoire particulière. Un jour que celui-ci lui lisait quelques pages de cette histoire, où il parlait de son penchant pour les femmes : « À quoi bon, lui dit ce prince, révéler mes faiblesses ? » L’historien lui fit sentir que cette leçon n’était pas moins utile à son fils que celle de ses belles actions. Le roi réfléchit, et après un moment de silence : « Oui, dit-il, il faut dire la vérité tout entière. Si on se taisait sur mes fautes, on ne croirait pas le reste ; eh bien, écrivez-les donc, afin que je les évite. »

Henri IV cherchait les moyens de redresser les abus du barreau, de réformer l’injustice des juges, et de faire en sorte que tous les procès que la mauvaise foi des procureurs éternisait fussent terminés en très-peu de temps. Comme son chancelier lui faisait remarquer son embarras, en lui exposant toutes les difficultés du projet, ce prince lui repartit vivement : « Brûlez tous les livres de ces longs et inutiles commentateurs de la jurisprudence ; leur art pernicieux ne sert qu’à ruiner les peuples et cause plus de désordres qu’une guerre civile. Combien d’amis, de parents, de voisins n’ont-ils pas divisés ? Que ne puis-je faire changer les fleurs de lis semées sur le siège des juges qui se laissent corrompre en autant de clous pointus et de rasoirs tranchants ! »

— Iconogr. Les artistes ont beaucoup contribué à propager, à populariser la légende du Béarnais, et il faudra sans doute encore bien des années pour que l’histoire fasse bonne et complète justice des flatteries qui ont été décernées par les artistes, aussi bien que par les littérateurs, au souverain « de la poule au pot. » De son vivant même, Henri IV eut les honneurs d’une quasi béatification. En devenant roi de France, le huguenot converti, comme tous ses prédécesseurs, reçut le titre de chanoine de Saint-Jean-de-Latran ; il en témoigna sa gratitude en faisant de gros cadeaux à ses confrères du chapitre de l’illustre basilique, et ceux-ci, pour n’être pas en reste, lui érigèrent une statue de bronze dans leur église, en 1608. Cette statue, exécutée par le Lorrain et Nicolas Cordier, est placée sous le portique latéral de l’église. Le roi est représenté debout, la main droite tenant le sceptre, la gauche appuyée sur la poignée de l’épée. Il est revêtu d’une cuirasse et d’un manteau. Le visage, qui est évidemment un portrait, a une expression débonnaire. Cette statue, originale d’attitude et de mouvement, a été gravée par Jean Le Mercier. En 1599, un autre artiste français, Jacquet, dit Grenoble, sculpta pour la décoration de la cheminée de la salle de comédie de Fontainebleau un bas-relief ovale en marbre, représentant Henri IV à cheval entre deux figures allégoriques, la France, se dévouant au monarque et la Paix. Cette sculpture, d’un relief très-saillant, est citée par Émeric David comme un des plus beaux ouvrages de l’époque. Un peu plus tard, Pierre Biard le père, disciple de Michel-Ange, exécuta la figure équestre en demi-bosse qui surmontait la porte principale de l’Hôtel de ville de Paris.

Après la mort de Henri IV, Côme de Médicis envoya à la reine un cheval de bronze modelé par Jean de Bologne et destiné d’abord à une statue équestre du grand-duc Ferdinand ; Dupré fut chargé de modeler une figure du Béarnais pour être placée sur ce cheval, et le groupe fut érigé, en 1635, sur un piédestal décoré de sculptures par Francheville. C’est l’ancien monument qui ornait le Pont-Neuf, et qui, détruit pendant la Révolution, a été remplacé par une statue équestre due à Lemot. (V. ci-après.)

Au château de Pau existe une statue de Henri IV, par Francheville, qui figurait autrefois au musée des Monuments français ; le musée de Versailles en possède une reproduction en plâtre ; le roi est représenté revêtu d’une armure et du manteau royal ; il porte les colliers des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel. Une autre statue en marbre, qui était placée originairement dans la galerie de Saint-Cloud et qui se voit aujourd’hui à Versailles, nous le montre la tête ceinte d’une couronne de laurier, portant une cuirasse et un grand manteau, et s’appuyant de la main droite sur une canne. Lenoir attribue cette figure à Barthélemy Prieur. Le Louvre a de cet artiste un buste en albâtre de Henri IV, couronné de laurier, portrait d’une belle exécution, très-soigné dans les détails et qui passe pour être le plus ressemblant que nous ayons de ce monarque.

Parmi les peintres qui furent appelés à faire le portrait du vainqueur d’Ivry, le Flamand Franz Porbus le Jeune est celui dont les tableaux se sont le mieux conservés. Le Louvre en a deux, qui nous montrent le roi debout, en pied, la tête nue et tournée de trois quarts, les cheveux gris, la barbe et les moustaches blanches. Dans l’une de ces peintures, il porte une armure et le cordon de l’ordre du Saint-Esprit, avec une écharpe blanche en sautoir, et il appuie la main sur son casque posé sur une table recouverte d’un tapis de velours rouge ; dans l’autre, il a un vêtement noir avec l’ordre du Saint-Esprit et appuie la main sur une table où se trouve son chapeau. Ce dernier portrait, daté de 1610, a été gravé par F. Hubert, Tardieu, Pierre Audouin. Un autre portrait, par F. Porbus, appartient au musée de Montpellier. F. Forster, H. Bonvoisin et beaucoup d’autres ont gravé des portraits de Henri IV d’après le même peintre.

Un très-intéressant portrait de Henri IV a été gravé par Augustin Carrache, en 1595, d’après Fr. Bunel, « peintre en Paris. » Ce Bunel avait été chargé, avec Porbus, de peindre les portraits des rois et des reines de France dans la petite galerie du Louvre ; cette collection fut incendiée en 1661. À la date de 1591 se rapportent deux autres portraits de Henri IV, gravés l’un par l’Italien Cherubino Alberti, l’autre par l’Allemand Mathias Greuter. Le graveur populaire du vert-galant fut Léonard Gaultier, qui ne nous a pas laissé moins d’une douzaine de portraits de ce prince, en buste, en pied, à cheval, avec des inscriptions françaises et latines, en vers et en prose, où on le proclame de la race des dieux, où on le nomme l’Hercule gaulois. L’une de ces pièces nous montre Henri IV terrassant l’hydre.

D’autres portraits de ce roi ont été gravés de son vivant ou dans les années qui ont suivi sa mort, par Pierre Firens, Jost Hondius, Robert Boissard, Jacques Granthomme le Vieux, R. Hogenberg, Nic. Le Mire, B. Moncornet, J. Eillart, J. Diricks, J. van Halbeek, etc. Ce dernier a gravé, d’après P. Dubois, en 1610, une très-curieuse estampe représentant Henri IV dans son cercueil. Les estampes de L. Gaultier et de J. van Luyken, représentant l’Assassinat de Henri IV, sont aussi d’intéressantes pièces historiques. Des portraits plus récents ont été gravés par Edme Bovinet, E. Canu, Bernigeroth, D. Berger, Fr. Harrewyn, L.-J. Cathelin (d’après Cochin), Bassompierre (d’après Cochin, 1799), J.-F. Badoureau, N.-F. Bertrand, J.-A. Boener, Riffaut, etc.

À la pinacothèque de Munich est un portrait de Henri IV, par Rubens ; la physionomie est à la fois énergique et bienveillante, spirituelle et sensuelle ; le front est grand, le nez un peu busqué, le menton proéminent. Ce portrait, comme ceux du même prince qui figurent dans les tableaux de l’Histoire de Marie de Médicis, a sans doute été exécuté après la mort de Henri IV, d’après quelque peinture communiquée à Rubens. On sait que ce maître, outre l’Apothéose de Henri IV, qui est au Louvre (v. apothéose), a exécuté ou, pour mieux dire, ébauché une grande composition qui est au musée de Florence et qui représente Henri IV à la bataille d’Ivry.

Nous n’entreprendrons pas de décrire, ni même d’énumérer tous les tableaux, bas-reliefs, estampes et autres œuvres d’art qui ont illustré la légende de Henri IV ; la monarchie ne pouvait manquer d’encourager les artistes à retracer les moindres faits et gestes du vert-galant. Contentons-nous de citer quelques-uns de ces morceaux où l’art s’est abaissé trop souvent au dernier degré de l’adulation. Le Louvre possède un tableau de J.-F. de Troy (1732) représentant le premier chapitre de l’ordre du Saint-Esprit tenu par Henri IV dans l’église des Grands-Augustins en 1595, et un tableau de Vincent (1786) : Henri IV rencontrant Sully blessé. Une peinture de Taunay sur ce dernier sujet a figuré au Salon de 1822.

La Restauration ne négligea rien pour remettre en honneur la mémoire du fondateur de la dynastie des Bourbons. On vit les peintres grands et petits rivaliser d’empressement et de courtisanerie. Les tableaux relatifs à Henri IV, exécutés de 1815 à 1830, sont innombrables. Gérard, le peintre d’Austerlitz, peignit l’Entrée de Henri IV dans Paris (v. ci-après). Le seul Salon de 1822 vit paraître plus de dix peintures consacrées au fils de Jeanne d’Albret, notamment : Henri IV après la bataille de Coutras, par Adam ; Henri III à son lit de mort, désignant Henri IV pour son successeur, par Beaume ; Henri IV annonçant à la belle Gabrielle son entrée dans Paris, par Dumont ; Henri IV à cheval, par Mauzaisse ; Henri IV assassiné exposé sur un lit de parade, par Bergeret ; la Visite de Sully à la reine après la mort de Henri IV, par Mme Hersent (gravé par Alex. Tardieu). Au Salon de 1824 parut le Henri IV et ses enfants, peint pour le duc Blacas par Ingres, qui rit une répétition de ce sujet, en 1828, et qui a représenté, en 1831, Don Pedro de Tolède baisant l’épée de Henri IV. Citons enfin : Henri IV pardonnant aux paysans qui avaient fait entrer des vivres dans Paris (Salon de 1824) et l’Abjuration de Henri IV (Salon de 1833), par G. Rouget ; Henri IV faisant construire les galeries du Louvre (musée de Versailles), par Garnier ; Henri IV devant Paris (musée de Versailles), par Tardieu ; Henri IV chantant devant Gabrielle d’Estrées (Salon de 1810), par Bergeret ; Henri IV chez le meunier de Lieursaint, gravé par Niger, d’après Bernot ; la Partie de chasse de Henri IV, gravée par J.-G. Cagnet, d’après Moreau le Jeune ; Henri IV chez Zamet, gravé par W. Greatbach, d’après C.-R. Leslie ; la Leçon de Henri IV, gravée par J.-A. Allard, d’après Fragonard ; Henri IV chez Gabrielle, par F. Richard (Salon de 1810) ; Henri IV écrivant des vers sur le missel de Gabrielle, par J. Gigoux (Salon de 1833) ; l’Entrée de Henri IV à Montmélian (musée de Versailles), par E. Odier ; Henri IV exhumé en 1793, gravé par Ed. Bovinet, d’après E.-H. Langlois ; Henri IV et l’ambassadeur d’Espagne, par Bonington (payé 83, 000 francs par lord Hertford à la vente de la galerie San-Donato), Henri IV et l’ambassadeur d’Espagne, gravé par Jazet ; la Naissance de Henri IV, gravure de Bounieu, tableau de Vermay (Salon de 1810), et de Deveria (v. ci-après) ; le Mariage de Henri IV, par Isabey (Salon de 1830) ; Henri IV au Louvre sur son lit de mort, par Alexandre Hesse (au Grand Trianon) ; les Premières amours de Henri IV ou l’Origine de conter fleurette, suite de quatre pièces gravées par Bosselmann ; Henri IV à cheval, tableau de Ary Scheffer (Salon de 1831) ; une statuette de bronze, par Bosio, donnée en 1829 par le gouvernement à la ville de La Flèche ; une statue, par Ottin (Salon de 1808), commandée parle ministre des beaux-arts, etc.

Henri IV (journal de), par Pierre de l’Estoile. V. Estoile.

Henri IV (histoire du règne de), par M. Poirson (1856). Ce livre, laborieusement préparé et écrit avec conscience, est conçu dans l’esprit de l’école philosophique. L’auteur n’a point cherché des paradoxes brillants, mais il expose des résultats nouveaux, des renseignements plus complets, des conclusions originales, que son savoir patient et judicieux a tirés de l’observation. Il s’est surtout occupé de mettre en relief dans Henri IV le grand capitaine, l’habile politique, qui sut réparer les ruines de la France par son administration, ses armes et sa diplomatie. L’adversaire de la maison d’Autriche est aussi sainement jugé que l’homme qui rétablit à l’intérieur le calme, l’ordre, l’unité, l’armée, les finances, la justice. Ce rôle magnifique a frappé l’esprit de M. Poirson, qui n’omet aucun des titres du Béarnais à la reconnaissance de la France.

L’ouvrage de M. Poirson, couronné par l’Académie française, a obtenu le prix Gobert. M. Villemain l’a jugé en ces termes : « Le sujet vraiment patriotique, le travail habile et neuf qui, cette fois, a fixé le suffrage de l’Académie, est l’histoire du règne de Henri IV. Rarement étude aussi profonde a mis dans une aussi vive lumière des événements complexes, des mœurs originales, un grand caractère, un esprit supérieur, et ce mémorable exemple d’un homme puissant qui veut le bonheur des autres hommes, et qui consacre à ce devoir du trône son courage et son génie. »

Henri IV (la mort de), tragédie en cinq actes, de G. Legouvé (Théâtre-Français, 25 juin 1806.) L’auteur a deviné le secret de l’histoire ; il a montré que la mort de Henri IV eut des instigateurs et des complices jusque sur les marches du trône. Par une étrange ignorance des dépositions, des accusations et des preuves diverses consignées par les contemporains dans leurs mémoires ou dans les papiers d’État, les critiques accusèrent le poëte d’avoir sacrifié la vérité historique aux intérêts de sa fable. Ils lui contestèrent même le droit d’évoquer sur la scène des personnages modernes, et le blâmèrent de n’avoir pas choisi un meilleur sujet. Le sujet est tout à fait, au contraire, dans les données du drame contemporain, et, en le choisissant, G. Legouvé s’est montré supérieur à son époque. Mais, tout en devinant la complicité de Marie de Médicis et de d’Épernon dans le coup de couteau de la rue de la Ferronnerie, il a eu le tort de réduire cette catastrophe aux proportions d’une querelle de ménage. C’est la jalousie qui, dans sa pièce, décide la reine à donner son adhésion : on lui montre une vieille lettre écrite autrefois par Henri IV à l’une de ses maîtresses, et elle la croit adressée à la princesse de Condé. L’auteur n’a pas été assez hardi ; il eût pu faire agir des ressorts plus puissants que des ambitions et des jalousies vulgaires. Le caractère de Marie de Médicis n’est pas dessiné avec assez de relief, et la destinée de d’Épernon n’est pas suffisamment liée à celle de la reine. La conjuration manque d’ensemble et d’unité ; mais le caractère de Henri IV conserve bien les divers aspects sous lesquels il se montre dans l’histoire et dans la tradition, il en est de même du personnage de Sully, qui fait naître quelques scènes très-belles. Cette tentative en dehors des règles usées de la tragédie classique était louable et reçut du public un bon accueil, malgré l’hostilité de la critique. Geoffroy, entre autres, n’a pas laissé échapper l’occasion de montrer, à ce propos, l’étroitesse ordinaire de ses vues.

Henri IV à Paris (l’entrée de), tableau de F. Gérard, musée de Versailles. Le roi, tête nue, vêtu de son armure de guerre et retenant son cheval, occupe le centre de la composition ; Brissac, gouverneur de Paris, s’approche de lui, et, le chapeau à la main, lui désigne les échevins, précédés du prévôt des marchands, Luillier, qui présente les clefs de la ville au Béarnais. À la suite de ce dernier se pressent ses compagnons : à sa droite, derrière Brissac, Montmorency, Retz et Crillon, qui tient un drapeau blanc fleurdelisé, au chiffre de Henri ; à gauche, Sully, portant le casque du roi, Biron et Bellegarde, qui sou-