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favoris, que l’histoire a flétris du nom de mignons (Quélus, Maugiron, Saint-Mégrin, Joyeuse, etc.), mêlant avec eux la débauche et le meurtre aux pratiques extérieures de la religion, les indécentes mascarades aux pèlerinages et aux retraites, instituant des confréries de pénitents, assistant aux processions et aux exécutions comme à un spectacle, se travestissant en femme et vivant le plus souvent retiré dans ses appartements comme un prince oriental dans son harem, tout occupé des soins minutieux de sa toilette, et apportant à la conservation de sa beauté un raffinement d’afféterie dont rougiraient des courtisanes, jusqu’à coucher avec des gants d’une peau particulière pour conserver la blancheur de ses mains, jusqu’à s’enduire le visage d’une pâte onctueuse recouverte d’un masque. Chez lui, au reste, le roi fut au niveau de l’homme, et l’on ne sait ce que l’on doit le plus mépriser ou des infamies de sa vie privée ou des lâchetés de sa vie publique. À son retour de Pologne, il avait trouvé les politiques unis aux protestants ; la guerre avait éclaté de nouveau, et Henri de Guise avait remporté sur les réformés la victoire de Dormans (1575). Mais cette guerre troublait les plaisirs du roi, indifférent au fond aux deux idées qui se disputaient le monde, et il se hâta de la terminer en accordant quelques concessions aux protestants (édit de 1576). Les catholiques indignés formèrent la sainte Ligue, et les états de Blois, que Henri III avait convoqués, montrèrent par leurs résolutions qu’ils en approuvaient complètement l’esprit. Henri, pour combattre cette ligue formée contre lui, crut faire un acte de haute politique en s’en déclarant le chef. La guerre commença de nouveau (1577), et fut encore suspendue par un nouveau traité qui assurait aux huguenots la liberté de conscience. C’est ainsi que ce prince irrésolu devait flotter jusqu’à la fin entre les deux factions en lutte, qu’il craignait également et qu’il trompait tour à tour, cherchant le repos dans la tempête et misérablement réduit à balancer les forces de ses ennemis les unes par les autres. La fondation de l’ordre du Saint-Esprit, destiné à gagner les ambitieux, la guerre dite des Amoureux (1580), promptement terminée par le traité de Fleix, l’expédition avortée du nouveau duc d’Anjou en Flandre, la mort de ce frère du roi, complication nouvelle qui promettait la couronne au roi de Navarre, chef des calvinistes (1584), le développement formidable de la Ligue, la guerre des trois Henri (1586), la défaite de Joyeuse à Coutras (1587), tels furent les principaux événements du règne de Henri III jusqu’à la journée des Barricades. Il était à ce moment l’objet du mépris universel, et le véritable chef du parti catholique était le duc de Guise. Les ligueurs l’accusaient même de trahison, et répandaient contre lui des pamphlets encore plus violents que ceux des protestants. Henri de Guise, qui venait de battre à Vimory et à Auneau les protestants d’Allemagne accourus au secours de leurs coreligionnaires français, crut le moment favorable pour s’emparer du gouvernement, et marcha vers Paris, où le peuple l’appelait à grands cris, et où il fit une entrée triomphale, malgré la défense expresse du roi. Celui-ci fit entrer des troupes pour faire respecter son autorité ; mais les Parisiens se soulevèrent et fermèrent les rues de leur ville avec des chaînes et des barricades ; Henri n’eut que le temps de s’enfuir à cheval et de gagner Chartres (13 mai 1588). Toutefois, le duc de Guise resta au-dessous de sa position et n’osa franchir les degrés qui le séparaient du trône ; il manqua d’audace, comme son royal ennemi avait manqué de cœur. Un accord se fit entre les partis, qui espérèrent tous deux dominer dans les états généraux, que le roi promettait de convoquer sans délai. Il les réunit en effet, dans la même année, à Blois ; mais, furieux d’y voir les ligueurs en immense majorité, il résolut de frapper un grand coup pour intimider ses ennemis, et fit massacrer le duc de Guise, qu’il avait attiré dans son palais, ainsi que le cardinal son frère. Ces meurtres brisèrent les derniers liens qui l’attachaient au parti catholique. Paris prononça sa déchéance, et la plupart des grandes villes du royaume suivirent cette impulsion. Il se jeta alors entre les bras des protestants, fit alliance avec le roi de Navarre, et marcha avec lui sur Paris, à la tête de forces considérables. La Ligue était perdue, lorsqu’un moine dominicain, Jacques Clément, exalté par le fanatisme, s’introduisit auprès du roi, à Saint-Cloud, sous prétexte de lui révéler un secret d’État, et le frappa d’un coup de couteau dans le bas-ventre, pendant qu’il était sur sa chaise percée, comme Cheverny prend soin de nous l’apprendre dans ses Mémoires. Il expira le lendemain (2 août 1589). Avec lui s’éteignit la branche royale des Valois.

Henri III (journal de), par Pierre de l’Estoile. V. Estoile.

Henri III et sa cour, drame historique en cinq actes et en prose, par Alex. Dumas (Comédie-Française, 10 février 1829). Premier essai du romantisme et début de l’auteur au théâtre, ce drame consacre une date mémorable dans l’histoire littéraire du XIXe siècle. L’exactitude des décors et des costumes, la couleur locale donnée aux moindres détails du style, des accessoires, des ameublements, la résurrection d’un ensemble complet de personnages historiques exhumés du tombeau avec leurs attitudes favorites, leurs occupations habituelles et replacés dans leur cadre, toutes ces nouveautés frappèrent d’étonnement un public habitué aux platitudes littéraires de l’Empire et de la Restauration. Le drame n’a pas une grande valeur par lui-même, et Alexandre Dumas a fait bien mieux depuis. Toute l’action roule sur les amours de la duchesse de Guise avec Saint-Mégrin, amours qui n’en sont encore qu’à la préface, car, au premier rendez-vous, le duc fait assassiner son rival, catastrophe qui termine le drame. Le duc et la duchesse de Guise, Saint-Mégrin, Catherine de Médicis jouent seuls un rôle sérieux ; mais, comme l’auteur voulait faire un tableau de la cour de Henri III, il a peuplé la scène de tout ce qu’il y avait de personnages à cette époque autour du monarque, et d’un nombre indéterminé de comparses. Il nous montre tantôt Henri III gourmandé par sa mère, Catherine de Médicis ; tantôt des ligueurs courbant le genou devant le duc de Guise ; deux gentilshommes s’exercent à l’escrime à côté de vieux courtisans courbés sur un échiquier ; le petit vicomte de Joyeuse joue au bilboquet devant le comte d’Épernon ; Saint-Mégrin, Balzac d’Entragues, Bussy d’Amboise devisent entre eux, parlent de leurs derniers duels et en préparent de nouveaux. Ruggieri, Quélus, Bussy-Leclerc, Mme de Cossé, bien d’autres encore tiennent leur place dans le drame, sans y concourir autrement que pour donner à l’ensemble la plus minutieuse fidélité.

Henri III et sa cour obtint un grand succès, contre-balancé par les plus injustes critiques. La première représentation fut une sorte de solennité. Nous en avons parlé dans la biographie d’Alexandre Dumas.


HENRI IV, roi de France et de Navarre, né au château de Pau le 14 décembre (et non le 13) 1553, fils d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, reine de Navarre. On connaît les historiettes tant de fois rapportées à propos de sa naissance. Henri d’Albret, son grand-père, voulut que sa fille chantât une chanson béarnaise dans les douleurs, afin de ne pas faire un enfant pleureur et rechigné. Aussitôt après sa naissance, il éleva l’enfant dans ses bras avec un cri de triomphe ; « Ma brebis a enfanté un lion ! » Puis il lui frotta les lèvres avec un cap d’ail et les lui humecta avec du vin de Jurançon. Héritier de la Navarre par sa mère, le jeune Henri était le premier prince du sang de la maison de France par son père, descendant du comte de Clermont, Robert, sixième fils de saint Louis. Il fut élevé dans toute la rudesse de la vie de montagnard, vaguant, dit-on, avec les enfants des paysans, nu-tête et quelquefois nu-pieds, en plein hiver, couvert de vêtements grossiers et nourri d’aliments communs. En même temps que cette forte éducation physique développait sa vigueur et sa hardiesse, on le confiait à des maîtres pleins d’érudition et de savoir, chargés de cultiver son esprit, et sa mère, sévère calviniste, le nourrissait dans les principes de sa foi. En 1561, il fut mené à Paris, où ses grâces agrestes charmèrent la cour, et où il reçut, au collège de Navarre, une instruction qui ne fut jamais poussée bien loin, mais qui était encore supérieure à celle de la plupart des gentilshommes et des princes de son temps. En effet, Henri IV connaissait les classiques latins et même un peu la langue grecque ; il faisait sa lecture habituelle de Plutarque, mais dans la traduction d’Amyot. À l’âge de quinze ans, sa mère le précipita dans la guerre civile et le conduisit elle-même au camp des calvinistes, à La Rochelle (1569). Il fit ses premières armes à Jarnac, et s’y conduisit, dit-on, vaillamment. La mort de Condé le fit reconnaître comme le chef du parti, sous le commandement effectif de Coligny. Après le désastre de Moncontour, il continua dans le Midi, avec les débris des armées protestantes, cette guerre de coups de main et de petits combats qui dura jusqu’à la paix de Saint-Germain (1570). Comme gage de réconciliation, il épousa alors Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, devint roi de Navarre à la mort de sa mère (1572), et n’échappa au massacre de la Saint-Barthélemy qu’en embrassant solennellement le catholicisme. Charles IX lui avait laissé le choix entre la messe ou la mort, et il s’était prudemment décidé pour le premier parti. Il fit plus, il assista, dans la même année, au supplice de ses coreligionnaires et amis, Cavagnes et Briquemaut, et vécut pendant plusieurs années à la cour de France, mêlé aux débauches du duc d’Anjou et prenant sans doute à cette honteuse école l’habitude de cette incurable sensualité qui fut le scandale de sa vie. Catherine de Médicis, corruptrice de ses propres enfants, ne dédaignait pas non plus d’employer avec lui sa ressource ordinaire, afin de le retenir et de l’énerver, en présentant sans cesse de nouveaux objets à ses galanteries. D’Aubigné prétend que Henri jouait là le personnage de Brutus à la cour de Tarquin ; mais il n’y a rien de moins probable que cette assertion. Sa jeunesse, l’ardeur de son tempérament, la contagion de l’exemple, sa souplesse méridionale expliquent bien mieux sa conduite à cette époque. Cependant, soit que la honte le prit de vivre dans cette boue de la cour des derniers Valois, soit qu’il cédât aux suggestions du duc d’Alençon, soit qu’il regrettât son rôle de chef de parti, il s’enfuit pendant une chasse à Senlis (1576), rétracta à Tours son abjuration et reprit le commandement de l’armée calviniste. Il joua dès lors un rôle décisif dans toutes ces guerres civiles entrecoupées de traités, qui ensanglantèrent la fin du XVIe siècle, et s’y fit remarquer par cette vaillance audacieuse et héroïque, par cet esprit aventureux, ces saillies, cette belle humeur dans le péril, cette gaieté et ces bons mots dans la détresse, qui donnent tant d’originalité à sa physionomie et qui l’ont rendu si populaire. Ses exploits les plus remarquables jusqu’au moment de son alliance avec Henri III furent la prise de Cahors (1580), la conquête d’une multitude de places dans la Guyenne, la Saintonge et le Poitou, et surtout la fameuse victoire de Coutras (1587), où fut tué le duc de Joyeuse, l’un des mignons de Henri III. Ce dernier prince, chassé ; de Paris à la journée des Barricades (1588), se jeta, après quelques hésitations, dans les bras des protestants et joignit ses forces à celles du roi de Navarre pour marcher contre les ligueurs. On sait comment il fut assassiné à Saint-Cloud par le moine Jacques Clément, au commencement du siège de Paris (1589) Le duc d’Anjou étant mort en 1584, Henri de Bourbon se trouvait l’héritier direct de la couronne. Mais il n’était guère reconnu que par les villes du Midi et par une portion de l’armée, par les vieilles bandes calvinistes. La plupart des chefs de l’armée du feu roi refusaient de se soumettre à un prince hérétique, excommunié par le pape ; la Ligue, un moment en péril par l’union des deux rois, était redevenue plus formidable que jamais, soutenue par l’or et les troupes de l’Espagne et par le fanatisme d’une multitude en délire ; elle avait proclamé, sous le nom de Charles X, un fantôme de roi, le vieux cardinal de Bourbon, et son capitaine, le duc de Mayenne, tenait la campagne avec 30, 000 hommes. Henri jugea prudent d’abandonner momentanément le siège de Paris. Poursuivi à travers la Normandie par Mayenne, il gagna sur lui la bataille d’Arques (1589), vint tenter un coup de main sur Paris, échoua faute de canon, se replia sur la Normandie, soumettant la plupart des villes sur son passage et battit encore le duc de Mayenne à la mémorable bataille d’Ivry (1590), la plus importante action de sa vie militaire. Avant d’engager le combat, il avait adressé à ses compagnons de belles paroles qui échauffèrent leur courage:« Gardez bien vos rangs, leur dit-il, et si vous perdez vos enseignes, cornettes et guidons, ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la victoire. » Après cette glorieuse journée, il vint de nouveau assiéger Paris, que la famine allait lui livrer, quand l’arrivée des troupes espagnoles, commandées par le duc de Parme, Alexandre Farnèse, le contraignit de nouveau à la retraite. Il recommença alors la guerre de sièges, de coups de main, de marches hardies qui l’avait déjà relevé plusieurs fois. Arrêté à chaque instant par le manque d’argent, et menacé de voir son parti se dissoudre, il surmontait tous les obstacles par son intarissable gaieté, par les ressources d’un esprit formé de longue main aux fluctuations de la guerre civile et par sa fortune. Cependant, la Ligue s’affaiblissait, déchirée par les divisions ; les catholiques modérés commençaient à ouvrir les yeux sur les projets ambitieux de l’Espagne, et gémissaient sur les malheurs de la patrie ; le peuple, moissonné par la famine, se lassait des prédications fanatiques de ses moines-tribuns ; Mayenne voyait bien que ni l’Espagne ni la Ligue ne lui donneraient la couronne, et il paraissait disposer à traiter. Mais Henri IV lui-même n’était pas moins embarrassé que ses ennemis ; il voyait se perpétuer la guerre sans résultat décisif, et ouvrait l’oreille à ceux qui lui répétaient que la lutte ne pouvait finir que par la ruine de la France ou par une transaction dont la seule base possible était sa conversion au culte de la majorité. En réalité, cette transaction était depuis longtemps dans sa pensée, et il en avait même promis la réalisation aux catholiques qui suivaient son parti. Le mot qu’on lui prête au dernier moment:« Paris vuut bien un messe, » n’est pas invraisemblable, et l’on peut raisonnablement croire qu’un changement de religion n’était pas pour lui une affaire de conscience, mais une affaire d’État, et qu’il n’attendait qu’un moment favorable pour enlever à ses ennemis ce dernier prétexte. Après bien des hésitations.il prit à la fin son parti, eut quelques conférences à Saint-Denis avec des évêques, conférences qui n’étaient qu’une vaine formalité, se déclara convaincu, écrivit assez légèrement à sa maîtresse qu’il allait faire le saut périlleux, et abjura solennellement le protestantisme dans l’antique église de l’abbaye (25 juillet 1593).

Cet acte, diversement apprécié par les historiens, lui rallia une masse considérable d’adhésions. Il acheta les chefs, les gouverneurs de villes ou de provinces, au prix de sacrifices énormes qui obérèrent pour longtemps le trésor public, gagna, entre autres, le comte de Brissac, gouverneur de Paris, qui lui livra pendant la nuit l’une des portes, et fit son entrée dans la capitale le 22 mars 1594, ne rencontrant d’autre résistance que celle d’un poste espagnol. L’or et les dignités répandus à profusion firent faire un grand pas à la pacification du royaume, après les terribles convulsions qui avaient failli précipiter la France aux abîmes et la livrer, morcelée et déchirée par les factions, aux entreprises de l’étranger. Mayenne, appuyé par l’Espagne, essaya de se maintenir par la terreur dans son gouvernement de Bourgogne ; vaincu à Fontaine-Française (1595), il se décida à négocier et fit sa soumission. Cette même année, le pape accorda enfin l’absolution à Henri IV, et le reconnut comme légitime roi de France. En 1598, la Bretagne, qui avait continué la résistance, fut soumise ; la guerre avec l’Espagne, maîtresse de la Picardie depuis plusieurs années, fut terminée par la paix de Vervins, à des conditions honorables pour la France, et enfin le fameux édit de Nantes fut rendu (15 avril). Cet édit, un peu trop vanté peut-être, fut, au reste, arraché à Henri IV par l’attitude menaçante des protestants, qui se lassaient de réclamer justice depuis plusieurs années, et qui subissaient, depuis l’avènement de celui qui avait été leur chef, une situation réellement intolérable, excepté dans le Midi, où ils avaient leurs places de sûreté. Ils furent loin de se montrer satisfaits de cet édit, qui leur garantissait bien la liberté de conscience, mais ne leur assurait point partout le libre exercice de leur culte, et les laissait encore, dans une certaine mesure, en dehors du droit commun.

Toutefois, les protestations des catholiques, du clergé, de l’université et des parlements contre cette ordonnance montrent assez que Henri IV avait fait tout ce qu’il était possible de faire dans l’état des esprits.

Les principaux événements de la dernière période de son règne furent le rétablissement progressif des finances, de la marine, du commerce, des voies de communication et de l’agriculture, œuvre de Sully ; la création de manufactures de soie, de tapis, de toiles, de glaces, etc., due surtout à l’initiative du roi ; l’exécution de vastes travaux publics, le tracé d’un grand nombre des canaux qui sillonnent notre sol, des travaux de fortification aux frontières du nord et de l’est ; le traité de Lyon avec la Savoie (1601), qui cédait à la France, en retour du marquisat de Saluces, la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et la citadelle de Bourg ; le divorce de Henri (autorisé par le pape), et son mariage avec Marie de Médicis (1600), union qui rétablit l’influence française en Italie ; la conjuration et le supplice du maréchal de Biron (1602) ; des conspirations sans cesse renaissantes dans la haute noblesse, ainsi que de nombreuses tentatives d’assassinat sur la personne du roi (Jean Châtel, Jean Guédon, le chartreux P. Ouin, les jacobins Ridicoux et Argier, le capucin Langlois, etc.) ; le rappel des jésuites (1603), chassés après l’attentat de Châtel ; des négociations habiles avec les protestants d’Allemagne pour l’abaissement de la maison d’Autriche, et des armements considérables pour l’exécution de ce vaste projet, qui eût assuré la liberté de l’Europe et prévenu peut-être les horreurs de la guerre de Trente ans. C’est au milieu de ces préparatifs et au moment d’entrer en campagne que Henri IV tomba sous le poignard d’un fanatique nommé François Ravaillac, qui le frappa dans son carrosse, rue de la Ferronnerie, à Paris (14 mai 1610).

On ne peut méconnaître ce que ce prince a fait pour l’unité et la nationalité françaises:la dissolution de la Ligue, faction stipendiée par l’étranger, pleine de l’esprit du moyen âge, et qui conduisait la France à sa ruine par la terreur et l’anarchie ; la destruction de l’influence espagnole en France ; la répression des tentatives d’indépendance féodale et quasi souveraine des gouverneurs de province ; la restauration de l’ordre politique et de l’administration : le développement donné au commerce, à l’industrie et à l’agriculture. On doit aussi lui tenir compte de ses grands projets, parmi lesquels il faut ranger, suivant Sully, qui en était le confident, le remaniement de la vieille Europe, qui devenait une fédération sous le nom de république chrétienne, régie, quant aux affaires internationales, par un sénat européen, chargé de prévenir toute rupture et de régler les différends entre les peuples, et où se trouvait consacrée l’égalité religieuse. Il faut encore honorer en lui le champion, quelquefois tiède et infidèle de la liberté de conscience, mais qui finit par en être le martyr.

Mais c’est avec raison que l’histoire lui reproche son ingratitude envers ceux qui avaient tout sacrifié pour lui, son égoïsme et sa sécheresse de cœur (attestés par ses amis mêmes), les scandales de sa vie privée, sa sensualité, ses prodigalités folles envers ses maîtresses et ses bâtards, pendant que le peuple, déjà ruiné par les guerres civiles, mourait de misère et de faim, sa duplicité spirituelle et l’absorption des libertés publiques par l’absolutisme de son pouvoir (destruction des franchises municipales, règlements contre la liberté d’écrire, suppression des états généraux, enchaînement de l’indépendance du parlement et de l’Université, etc.).

Quant aux traditions sur la prétendue bonhomie de Henri IV et sur son tendre amour pour le peuple, il faut bien reconnaître qu’elles sont peu conformes à la réalité historique. La poule au pot est une légende ou