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prévisions si sages paraissent réellement prophétiques, quand on les rapproche des événements. La Montagne et l’extrême gauche appuyèrent l’amendement ; mais les républicains modérés et surtout les dynastiques de toute nuance le repoussèrent obstinément, les premiers par esprit de système, les autres par calcul, parce qu’ils voyaient dans la dignité présidentielle un retour aux formes monarchiques, une espérance d’avenir pour leur pai’ti.

Lors de la discussion de la proposition Râteau, qui avait pour objet la dissolution de l’Assemblée constituante avant le vote des lois organiques, Grévy, nommé rapporteur, proposa le rejet de la proposition et soutint son opinion avec une grande force, en montrant clairement que les vues de !a réaction étaient de faire nommer une Assemblée nouvelle sous l’impression de l’élection de Louis Bonaparte à la présidence. Ainsi, dans deux circonstances essentielles, il s’était prononcé avec autant de prévoyance politiaue que de raison.

Réélu à l’Assemblée législative, il combattit à la fois la politique de l’Élysée et la coalition monarchique de la Chambre, parla et vota contre toutes les mesures réactionnaires, expédition de Rome, lois sur la presse, sur le droit de réunion, sur l’état de siège, loi du 31 mai, révision de la constitution ; enfin, il vota pour la proposition des questeurs, qui avait pour but de garantir la représentation nationale contre l’éventualité

d’un coup d’État, en plaçant une force armée dans la main de l’Assemblée.

Le crime du 2 décembre accompli, Grévy se retira de la scène politique, comme il convenait k un homme de son caractère et de son opinion. Il rentra au barreau, et s’isola dans sa profession d’avocat, toujours fermé dans sa toi politique, invariablement fidèle à son principe, mais dédaigneux de l’action, ou peut-être trop douloureusement impressionné « avoir vu s’accomplir les événements qu’il avait si bien prévus. Toutefois, au mois d’août 1868, une élection partielle pour le Corps législatif ayant eu lieu dans la deuxième circonscription du Jura, M. Grévy, vivement

sollicité par ses amis, consentit enfin k rentrer dans la vie politique active. Il se présenta comme candidat démocratique, et, malgré tous les efforts.de l’administration, 22,000 suffrages contre 10,000 donnés au candidat officiel l’envoyèrent siéger à la Chambre. Cette nomination fut regardée avec raison comme une énergique protestation contre les agissements de l’Empire autoritaire, et on s’en émut vivement aux Tuileries. En même temps, pour ajouter un nouvel éclat à cette manifestation de l’opinion, le barreau de Paris s’empressait de nommer M. Grévy bâtonnier de l’ordre.

En arrivant à la Chambre, le représentant du Jura se montra tel qu’on l’avait connu jadis, plein d’énergie et de modération. Par l’invincible fermeté de ses opinions républicaines, par l’austérité de son caractère, par sa clairvoyance politique bien connue, il eut au Corps législatif une situation toute particulière. À plusieurs reprises, il prit fa parole, et chaque fois son langage vigoureux et simple, k l’argumentation solide et nerveuse, trouva, même parmi ses adversaires, des auditeurs attentifs. Lors des élections générales de 1869, il fut réélu presque à l’unanimité dans le Jura. Pendant les sessions" qui suivirent, il prononça encore plusieurs discours, notamment au sujet de la pétition par laquelle les d’Orléans demandaient le rappel des lois de bannissement qui les frappaient.

Le14 septembre 1870, quand l’Assemblée eut cessé de vivre, M. Grévy rallia, le soir, un certain nombre de députés dans la salle à manger de la présidence, et s’associa à leur protestation. Un des huit députés délégués à l’Hôtel de ville, il s’y rendit avec ses collègues ; mais déjà un gouvernement provisoire s’y était installé. Lors des élections du s février 1871, il fut élu par deux départements, les Bouches-du-Rhône et le Jura. Il opta pour ce dernier. S’adressant à ses mandataires, il leur résumait ainsi son programme : « La république toujours ; la paix, sauf revanche,

Ear tous les moyens acceptables. » LaChamre, lorsqu’elle constitua son bureau définitif le 16 février, nomma, presque à l’unanimité, par 519 voix sur 536 votants, M. Grévy pour son président. Le jour même, ce dernier présentait à l’Assemblée, de concert avec M, Dufaure, une proposition ayant pour objet de faire nommer, par les députés, M. Thiers comme chef du pouvoir exécutif de la république française. Cette proposition fut adoptée, le 17, par une immense majorité, de sorte qu’au bout de vingt-trois ans, M. Grévy put voir, avec un légitime orgueil, la France se rallier à son fameux amendement k la constitution de 1818. Depuis lors, le représentant du Jura n’a cessé de présider 1 jssemblée nationale avec un esprit d’équité, avec une dignité, qui lui ont concilié les sympathies de tous. Le 23 mai 1871, M. Guizot, ayant voulu exposer publiquement ses idées sur les difficultés de la situation, ne crut pouvoir mieux faire qu’en adressant sa lettre à M. Grévy. « Vous maintenez, lui dit-il, dans l’Assemblée nationale, au profit de tous ses membres, quelles que soient leurs opinions, la liberté et l’ordre que la France aspire à voir régner pari mit- (îann -ton sein. J’ai con GREY

fiance dans votre patriotisme, et je me permets de vous adresser les inquiétudes et les espérances du mien, comme au premier citoyen de la France libre, et appelée a régler, selon le droit et ses légitimes intérêts, ses propres destinées. »

Élevé au milieu des mœurs les plus fortes et les plus pures, dans l’habitude du travail, M. Grevy se montra, dès son extrême jeunesse, laborieux, énergique, d’une imagination peu vive, mais d’une grande sagacité d’esprit. Un peu rustique de manières, et de vie très-austère, ennemi juré des phrases et du vide, impitoyable creveur d’outrés, il se distingue surtout par son argumentation solide, par sa logique serrée. Ce n’est point un homme du monde : quand il a travaillé sept ou huit heures avec une puissance merveilleuse d’effort intellectuel, il va faire, avec quelques amis, une partie de dominos ou de billard, et ne tient aucun compte du eant.

Un de ses confrères du barreau, M. Laurier, l’appréciant comme avocat, a tracé de lui un portrait dont nous citerons quelques traits :

«... À la barre, il est un redoutable adversaire, précis, serré, sans faconde, professant et pratiquant l’horreur de la phrase. Il plaide avec urue simplicité extraordinaire, sans faste, presque sans bruit, comme un homme qui ne s’attache qu’au raisonnement et ne fait aucun cas du reste. Il parle d’une voix claire, nette, peut-être un peu molle, contraste singulier avec le nerf de sa dialectique ; mais, sous cette parole négligée et comme flottante, on sent bien vite une argumentation de premier ordre. Incapable d’ailleurs d’employer un moyen, non pas mauvais, mais douteux, préoccupé non de séduire, mais de convaincre, il plaît néanmoins malgré lui par une espèce de bonhomie ronde et malicieuse en même temps, qui donne à sa logique une saveur particulière, et fait de lui une sorte de Phocion légèrement teinté de Franklin. • — Son frère, M. Albert Grévy, exerce comme lui la profession d’avocat. Bâtonnier de son ordre au barreau de Besançon, il s’est fait connaître dans cette ville par ses talents oratoires et par ses opinions républicaines. Elu député du Doubs, aux élections du 8 février 1871, il est un des membres distingués de la gauche républicaine.

GREW (Néhémie), médecin et botaniste anglais, né k Coventry en 16Ï8, mort en 1711. Il exerça la médecine à Coventry, puis à Londres (1772), où il devint membre de la Société royale. Grew est le premier qui se soit occupé avec succès de la physiologie végétale, que l’on appelait alors anatomie des plantes. Ses principaux ouvrages sont : Idea of philosophical history of plants (1673, in-12) ; Anatomie des plantes (3 vol. in-8°, réimprimée en 1682, in-fol., et trad. en français par Levasseur, 1675, in-12) ; Cosmographia sacra (1701, in-fol.), traité plutôt théologique que scientifique. ÙAnatomie des plantes, son œuvre capitale, renferme un grand nombre d’observations ingénieuses sur le développement de la graine, de la racine, de la tige, de la fleur et du fruit. Ses remarques sur les concrétions végétales et sur leurs propriétés sont pleines de sagacité et d’originalité. Enfin, il fut un des premiers k adopter et à éclaircir la doctrine sexuelle des plantes. Linné a donné, en son honneur, le nom de Grewia à —un genre de plantes de la famille des tifiacées. GREWIE s. f. (gré-vl — de Greio, natur. angl.). Bot. Genre d’arbres et d’arbrisseaux, delà famille des tifiacées, type de la tribu des grewiées, comprenant une cinquantaine d’espèces, répandues dans les régions chaudes de l’Asie et de ^Afrique, il On dit aussi

GREWIER, OREUVIER, GREV1ER et GREWIA.

— Encycl, Le genre grewie renferme des arbres et des arbrisseaux pubescents dans toutes leurs parties, à feuilles alternes, pétiolées, entières ou dentées, et munies de stipules ; k fleurs portées sur des pédoncules axillaires ou terminaux, munis de bractées, et formant par leur réunion une sorte d’ombelle ou de panicule ; le fruit est une baie k quatre loges. Ce genre comprend une cinquantaine d’espèces, qui croissent dans les régions chaudes de l’Afrique et de l’Asie. La grewie asiatique ou à feuilles de coudrier croît assez bien en plein air sous nos climats, pourvu qu’on la couvre durant les fortes gelées ; son fruit acidulé a une saveur assez agréable, et on en fait dans le pays une boisson rafraîchissante.

GREWIE, ÉE adj. (gré-vi-é — rad. grewie). Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte k la grewie.

— s. f. pi. Tribu de la famille des tifiacées, ayant pour type le genre grewie.

GREY (Jane), arrière-petite-fille de Henri Vil, roi d’Angleterre, née en 1536, morte sur l’échafaud le 12 février 1554. Marie, seconde fille de Henri VII, avait épousé en premières noces Louis XII, roi de France. Devenue veuve et de retour dans sa patrie, elle se inaria avec Charles Brandon, duc de Sùffolk, dont elle eut une fille, oui devint la femme de. lord Grey, marquis de Dorset. De cette dernière naquirent trois filles, dont Jane Grey était l’aînée. Cette origine royale fut la cause des malheurs et de la fin tragique de cette jeune princesse. C’est à Brag- j date que s’écoula l’enfance de l’héritière des Dorset. Dans cette demeure seigneuriale, elle j

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fut laissée aux soins de sa nourrice et des servantes ; car sa mère et son père ne quittaient point la cour de Henri VIII, où les retenaient leur rang et’plus encore leur amour de l’intrigue. Eliner, docte et pur esprit, âme élevée, un peu mystique, l’initia aux connaissances philosophiques. Il lui apprit à la fois les langues vivantes et les langues classiques. Un jour, Roger Ascham, qui fut plus tard le précepteur d Elisabeth, la surprit lisant le Pkëdon en grec, pendant que tous les hôtes du château étaient engagés dans une grande chasse dont on entendait au loin les fanfares ; mais elle n’eut jamais rien de la femme pédante..,

Elle connut l’amour, et ce fut le commencement de ses malheurs. Édouard VI était alors sur le trône d’Angleterre ; épuisé, malgré sa jeunesse, et en proie k de vives souffrances, incapable de pénétrer les desseins d’un ambitieux, il donnait toute sa confiance au duc de Northumberland, qui devint son conseiller intime, et ne vit, dans sa faveur, qu’un moyen de s’élever k de plus hautes destinées. Northumberland, le plus riche et le plus puissant seigneur du royaume, rentrait dans l’obscurité, dans le néant, si Édouard VI mourait en laissant le trône à Marie Tudor ; il pouvait même craindre pour sa vie. Il conçut alors le projet d’écarter du trône Marie, son ennemie implacable, et de faire donner la couronne à une autre héritière, à Jane Grey, s’il pouvait faire de celle-ci une alliée. Cette première partie de son plan arrêtée, il chercha’par qui il pourrait s’attacher Jane, et songea k lui taire épouser son plus jeune âls, Guildford. Les deux jeunes gens, dès qu’ils se virent, s’éprirent violemment l’un de l’autre. Le mariage de Jane Grey et de lord Guildford fut célébré à Durham-House au mois de mai 1553. Ce premier résultat obtenu, Northumberland commença par faire la solitude autour du jeune roi ; des intrigues habilement menées conduisirent ses deux oncles à l’échafaud. Mais ce n’était encore qu’une demi-victoire ; l’essentiel était de faire consentir Édouard VI, déjà aux portes du tombeau, à laisser le troue à Jane Grey. Le duc en appela k l’amitié d’Édouard pour elle, amitié d enfance, et qui ne s’était pas un instant démentie ; il parla de ses grâces, de ses vertus, des brillantes qualités de son esprit, toutes choses dont le jeune monarque était depuis longtemps convaincu, mais qui, évoquées avec art aux approches de la mort, firent sur son esprit une impression décisive. Édouard consentit k laisser le trône k Jane, et mourut à peu de temps de là, le 6 juillet 1553, k peine âgé de seize ans.

Le duc de Northumberland fit tous ses efforts pour tenir secrète la mort du souverain ; car toutes ses espérances étaient perdues s’il ne s’emparait de Marie et d’Elisabeth, filles de Henri VIII, et héritières légitimes de la couronne, avant que la nouvelle de cette mort fût répandue. Son intention était de les attirer à Greenwich et de les retenir prisonnières jusqu’au moment où sa belle-fille aurait été reconnue par toute l’Angleterre. Mais le complot échoua : les deux princesses, averties à temps, parvinrent k s’échapper. Marie, k qui la couronne appartenait de droit, se réfugia dans le comté de Suffolk, d’où elle appela toute la noblesse k son secours.

Northumberland jugea que la feinte n’était plus de saison, et quau risque de tout perdre, il fallait agir en toute hâte. Accompagné de Suffolk et de plusieurs grands personnages de l’État, il se rendit a la résidence de Janéet annonça k la jeune princesse qu’à partir de cette heure elle était reine d’Angleterre.

Jane ne s’attendait pas à cette grande nouvelle. Dans sa paisible retraite, éloignée des —intrigues et des plaisirs du monde, elle consacrait ses jours à l’étude. Lorsque le duc de Northumberland lui annonça la mort du jeune roi, elle pleura abondamment, parce que depuis l’enfance elle l’avait aimé comme son frère ; mais sa douleur fut encore plus profonde lorsqu’elle apprit tout ce qu’on avait fait pour éloigner les sœurs d’Édouard. Son premier mouvement fut de refuser le titre qui lui était offert. « Le trône, dit-elle, n’est pas fait pour moi, il appartient à Marie, et personne n’a le droit de l’en priver ; k quel titre irais-je m’emparer d’un bien qui lui est acquis par la naissance ? Suis-je donc plus qu’elle digne de la couronne ? Mieux qu’elle saurais-je faire le bonheur de l’Angleterre ? Moi qui ne suis jamais sortie de mon obscure retraite, moi dont toute l’ambition se borne k vivre ignorée, pourrais-je dignement régner I sur la nation anglaise ? >

Les instances opiniâtres de son entourage et les prières de son époux, qu’elle aimait passionnément, la décidèrent, et elle consentit enfin k être déclarée reine. Aussitôt ceux qui étaient présents lui prêtèrent serment de fidélité, et des ordres furent expédiés pour qu’elle fût proclamée reine dans la ville de Londres et dans toutes les autres villes du royaume. Le peuple courut en foule partout où la proclamation et l’acte de translation étaient lus, mais il manifesta peu d’enthousiasme.

Marie, retirée dans le comté de Suffolk, voyait son parti grossir tous les jours ; presque tous les catholiques se joignaient à elle dans l’espoir de voir bientôt leur culte rétabli, et un grand nombre de protestants, dont elle avait juré de respecter là croyance, ve GREY

naient lui offrir leurs bnis afin d’étouffer la guerre civile qui menaçait de déchirer la patrie. Peut-être le peuple anglais aurait-il préféré Jane k Marie, s’il n’avait vu derrière la première l’ambitieux Northumberland, qu’il détestait. L’aversion qu’il inspirait l’emporta sur toute autre- considération, et en peu de temps toute l’Angleterre se trouva du côté de Marie. Le conseil lui-même la reconnut, quoiqu’il eût déjà acclairé Jane.

Marie entra promptenient dans Londre3. Noithumberland, aussi lâche dans l’infortune qu’il avait été fier et arrogant dans la prospérité, s’humilia devant elle, la salua reine, changea de religion poui lui plaire, commit toutes les bassesses imaginables pour sauver sa vie, mais n’y réussit [as et subit le dernier supplice avec ceuj ; de ses adhérents qu’on put saisir.

Jane Grey était dans la Tour de Londres au moment de la catastrophe. Tandis que tous ceux qui l’entouraient se livraient au plus violent désespoir, elle avait su conserver son sang-froid et sa sérénité ordinaire. Montée sur le trône avec répugnance, elle ne vit dans ce qu’on appelait un effroyable malheur qu’un arrêt de la Providence. « Quand on in’éleva sur le trône, ’lisait-elle, je voyais l’échafaud derrière, et jo suis prête k passer de l’un k l’autre. ■ Elle tut mise en accusation avec son époux, déclarée coupable de haute trahison et condamnée k la peine de mort. Morgan, président du tribunal qui avait rendu la sentence, fut, dit-on, si frappé de l’innocence de la belle et jeune princesse qu’il en devint fou. Cependant l’arrêt ne fut pas exécuté tout de suite, et déjà on espérait que Marie se contenterait de garder sa rivale prisonnière ou de la chasser du royaume. La conspiration de Wyatt en décida autrement, et Marie profita de sa victoire pour ordonner l’exécution immédiate ce Jane et de son époux. Jane apprit avec calme que l’heure de sa mort allait sonner.

Le 8 février, Feckenham, confesseur de la reine, se présenta k la Tour pour la préparer ’ à son dernier moment. Il trouva Jane dans la cellule d’un gardien, maître Partridge ; elle était assise sur une chaise de paille, devant une table et la tête penchée sur des livres ouverts. Elle fut calme en apprenant la fatale nouvelle. • Je se connaissais pas, dit-elle, cette seconde conspiration. Je ne connaissais pas non plus la première, mais en m’y associant’ pur dévouement j’ai été coupable. Je mérite d’être frappée. » Alors Feckenham l’exhorta k se faire catholique, l’assurant que par là, non-seulement elle obtiendrait sa grâce, mais serait réintégrée dans ses biens et dignités. «. e vous suis reconnaissante de votre intention, lui réponditelle, mais je n’en suis pas heureuse. J’en suis plutôt contrariée. Le poi 3s du sort m’accable et j’ai hâte d’aller k mon Dieu, « Elle dit encore : « J’ai toujours vu le billot derrière la couronne. » Et comme f lusieurs docteurs se joignaient à Feckenham pour discuter avec elle et la convertir, elle.eur dit : « J’ai consacré ma jeunesse k former ma conviction, ce iVest pas le moment d’argumenter, c’est le moment de prier. »

Son mari fut exécuté quelques moments avant elle. Quand la vo.ture qui rapportait son corps sanglant passa sous sa fenêtre, elle s’écria : « Adieu, cher époux, ce n’est là que la plus vile partie de vous-inêmej la plus noble est déjà dans le ciel ; bientôt je vais vous rejoindre, et c’est alors que notre union sera éternelle. » Elle marcha au supplice d’un pas ferme. Elle avoua qu’elle était coupable, non pas d’ambition, mais d’une lâche faiblesse. Ensuite elle se laissa dépouiller d’une partie de ses vêtements, et, suivant l’expression d’un écrivain du temps, elle semblait se déshabiller pour aller dormir. Puis elle posa sa tête sur le billot, en d : sant : » Seigneur, je remets mon esprit entre tes mains. » Elle n’avait pas encore dix-soptans. Cette fin tragique a inspiré un grand nombre de peintres et de poètes.

Grey (la mort de ja>e), tableau de Paul . Delarochej galerie de IV.. Etton, à Londres. L’artiste s est inspiré, pour la composition de son tableau, du passage suivant du Martyrologe des protestants, publié en 1588 : <■ La noble dame, arrivée au lieu du supplice, se tourna vers deux siennes nobles servantes, et se laissa devestir par icelles. Sur cela le bourreau, se mestant à genoux, luy requit humblement luy vouloir pardonner, ce qu’elle fit de bon cœur. Les choses accoustrées, la jeune princesse s’estant jetée à genoux, et ayant la face couverte, s’écria piteusement : «Que feray-ci maintenant ? Ouest le bloqueau ? » Sur cela, sir ijruge, qui ne l’nvoit pas quittée, lui mit la main dessus, o Seigneur, dit-elle, je recommande mon esprit entre tes mains. ■ Gomme elle proférait ces paroles, le bourreau, ayant pris sa hache, luy coupa la teste. »

Décrivons maintenant le tableau.

Jane, vêtue d’une jupo de satin blanc, les épaules et les bras nus, les yeux couverts d un bandeau, est agenouillée devant le fatal bloqueau, que semblent chercher ses mains tendues en avant. Le viiux sir Bruge, penché vers elle, la soutient et l’exhorte. Le bourreau, debout, k droite, la main posée sur sa hache, attend que U moment soit venu d’accomplir sa sinistre besogne. I-.es deux nobles servantes sont à gauche, l’une affais-