Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 4, Gile-Gyz.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

1420

GRAC

libre arbitre et d’enseigner la doctrine de Genève ou de la Mecque.

Selon Molinn, savant jésuite et théologien distingué, la grâce n’est pas efficace de sa nature et ne vaut qu’autant que la volonté y acquiesce ; non que la volonté, par son consentement, ajoute à la grâce une force qu’elle n’avait pas, à peu près, dit - il, comme les sacrements, qui produisent tels ou tels effets selon les dispositions de ceux qui les reçoivent. A faire si bon marché de la grâce, mieux valait tout simplement proclamer le libre arbitre. On est étonné de voir l’école autoritaire par excellence réclamer ainsi les droits de la liberté, répudiés par les protestants eux-mêmes ; mais, en théologie, on ne recule guère devant les inconséquences. Les molinistes renvoyaient les thomistes à l’école de Calvin ; ceux-ci traitaient leurs adversaires de pélagiens ou de semi-pélagiens, et tous avaient raison, car l’Église a tour a tour condamné le libre arbitre de Pelage et le fatalisme de Calvin.

La guerre s’envenima. Il se publia de gros traités et il se débita de grosses injures. Ecoutons ici l’un des savants historiens de cette querelle : • Le pape Clément V111 imposa silence à tous et ordonna aux plus célèbres théologiens des deux partis de mettra par écrit leur propre sentiment, avec les preuves sur lesquelles ils l’établissaient, et de les lui adresser à lui-même. Pour terminer le différend, ce même pape institua une congrégation de cardinaux et de consulteurs, sous le nom de De auxilis, parce qu’il s’agissait de discuter sur les secours qui nous sont donnés par la grâce. Cette congrégation dura neuf années. La première assemblée eut lieu le 2 janvier 1598, et la dernière le 28 août 1B07. Après soixante-dix-sept réunions, les consulteurs furent d’avis qu’il fallait proscrire le livre de Molina, et ils censurèrent vingt de ses propositions. Deux consulteurs seulement refusèrent de souscrire à ce jugement. Le souverain pontife ne voulut pas non plus prononcer la sentence définitive avant d’avoir entendu les théologiens de chaque opinion. De solennelles discussions s’ouvrirent ilonc au "Vatican en présence du pape, le 20 mars 1602, Elles furent si vives et si animées que, semblables à des champions qui se battent en champ clos, plusieurs de ceux qui y prirent part, épuisés de fatigue, furent forcés décéder la place à d’autres pour continuer la lutte. Clément VIII étant mort, et Léon XI, son successeur, n’ayant occupé le saiui-siège que vingt-cinq jours, Paul V, qui fut élu ensuite, ordonna de continuer l’examen de cette question, et, après quatre-vingt-cinq discussions, protionça la dissolution de la congrégation, ne formula aucun jugement, et accorda aux deux partis la liberté de défendre chacun son sentiment, sous la condition exfiresse qu’ils ne se noteraient jamais de quaifications odieuses. > Ainsi se termina, ou plutôt ne se termina pas (car elle fut reprise cinquante ans après avec pius de fureur par des adversaires plus acharnés) cette grande querelle de la grâce, d’où sortit toutefois un précieux enseignement : c’est que, à force de subtiliser, les théologiens finissent par ne plus s’entendre. Les rationalistes en conclurent tout simplement que l’Église était mal venue à imposer ses dogmes, puisqu’après d’interminables discussions sur un sujet capital elle ne parvenait point k s’entendre avec elle-même.

Enfin, les molinistes avaient gagné leurs procès, puisqu’ils avaient obtenu la liberté de discussion. Us n’en profitèrent pas, et tout semblait oublié, lorsque certain livre du, Flamand Michel Baius, qui avait repris, en l’exagérant, la doctrine des thomistes, et s’était fait ’ condamner par les papesPieV, orégoire XIII et Urbain VIII, fut remis eu faveur par Jacques Janson, professeur de théologie à l’université de Louvain. À Janson succéda son élevé Corneille Janson, plus connu sous le nom de Janseuius, grand admirateur de saint Augustin, qu’il ne comprenait pas. Après vingt ans de travaux solitaires, Jansénius publia son fameux livre, Augnsiiiius, qu’il considérai t rumine un i-otmnentaire exact du inuitre, bien qu’il en différai notablement. Ainsi, d’après lui, l’homme fait invinciblement, quoique volontairement, sous l’impulsion de  ; iyidt : e ou de la concupiscence, le bien et le mal, selon qu’il est domine pur l’un ou par l’antre. Etrange volonté <|Ui se soumet fatalement à une force irrésistible ! Telle est, eu résumé, toute la doctrine de^ jansénistes, et celle des qututistes, qui leur succédèrent. Saint Augustin n’avait pas rabaissé l’homme k ce point. li’Auyiislinus fut censuré, un nouvel incendie s’alluma au sein de l’Église. Nous eu donnons l’histoire aux articles jansénisme et quié-

TiSME.

— Esthét. Après avoir contemplé l’un des Esclaves de Michel-Ange que Ion voit au Louvre, un de ces morceaux du maître où l’exagération des muscles est si évidente, si l’on jette se.x regards sur une Nymphe de Jenn Goujon, en analysant l’impression reçue, on trouvera que ces deux œuvres, également belles, différent pourtant profondément : l’une représentera immédiatement k l’esprit l’idée de la fores, l’autre l’idée de la grâce. Ainsi, au premier abord, l’idée de force et l’idée de grâce semblent s exclure, et ce n’est, en effet, •que par un prodige d’un et de savoi. que les statuaires grecs, si amoureux de la beauté

GRAC

sous toutes ses formes, ont su allier l’une à l’autre dans certains morceaux qui sont restés pour.nous des types incomparables ; les modernes n’ont pu que choisir entre ces deux faces du beau. Parmi les chefs-d’œuvre de l’art grec où la grâce est ainsi alliée à la force duns d’admirables proportions, il nous suffira de citer VApnlInn <hi Bt’loédére, VAntinous trouvé dans les bains d’Adrien, l’Athlète à la couronne, de Polyclète, et quelques-uns de ces Ep/ièbrs au sexe indécis, que caressait si amoureusement le ciseau des statuaires athéniens.

La grâce est indéfinissable, d’autant plus que, dès qu’elle est recherchée, elle disparaît ; on la comprend et on la saisit parfaitement, mais il serai ! impossible d’en donner les règles et de la réduire à une sorte de théorie mathématique. On peut cependant dire que. dans les arts plastiques, elle se traduit d’ordinaire par des lignes courbes et des formes rondes. Ainsi, dans l’architecture, l’art sévère par excellence et d’où la gràre pourrait, a la rigueur être bannie, les Grecs l’ont obtenue en arrondissant le fût carré des lourds piliers égyptiens, et les anistes du moyen âge en dessinant leurs sveltes ogives gothiques. Dans la nature humaine, les lignes courbes et les formes rondes étant le privilège rie la femme, c’est la reproduction de la femme qui, sons le oiseau des statuaires, a offert les plus parfaits modèles de la grâce. La grâce est donc essentiellement féminine, et c’est là son caractère le plus général. Si Phidias a su la fépandre non-seulement dans les canéphores de ses Panathénées, mais dans Ses cavaliers et même dans leurs montures, si souples et si vivantes, et jusque dans les enroulements tle feuillage qui ornent l’admirable frise du Parthénon, il est encore plus sûr de la chercher dans la Vénus de Praxitèle ou dans les femmes de Pradier ; elle est empreinte surtout dans ces admirables créations de Jean Goujon, dans’ ces corps de femmes si bien rhythmés, aux draperies si légères qu’elles semblent transparentes et qu on croit voir les chairs se dessiner sous leurs plis. Les peintres l’ont rencontrée tout aussi bien que les statuaires : si Raphaël s’est de préférence adonné au culte de la beauté pure, on ne peut pas dire que la grâce soit absente de ses madones et surtout de sa Belle Jardinière. Elle est plus manifeste cependant chez les maîtres qui lui sont inférieurs dans tout le reste, comme le Guide et l’Albane, et, chez nous, nul plus que Prudhon n’a empreint tout ce qu’il a touché d’une grâce intime et pénétrante.

En dehors des arts plastiques, dans les lettres, la poésie, la musique, la grâce exerce également son charme, mais c’est quelque chose d’encore plus insaisissable. À quoi la reconnaître dans une belle page d’un grand écrivain, dans un poëme, dans une symphonie ? À son charme même, au don de plaire et de toucher, qu’elle possède à un point suprême ; la sublimité d’une conception, la magnificence du style vous étonnent et vous

éblouissent, la grâce de la pensée et de l’expression vous pénètre et vous touche. Elle est plus près de la naïveté que du sublime, aussi n’en rencontrerait-on peut-être pas un seul exemple dans Corneille et dans Bossuet ; elle s’étale, ait contraire, à chaque page dans le vieux style de Montaigne et d’Amyot, dans les postes de la pléiade, quoique la langue soit déjà trop savante, et La Fontaine la rencontre sans jamais courir après. Aux époques do culture intellectuelle raffinée, comme lo xvme siècle, on la recherche comme un agrément et l’on n’obtient qu’une grâce affectée, aussi éloignée que possible de la grâcr véritable : témoin l’école maniérée de Dorât, de Boufflers et de Parny en poésie, et, en peinture, celle de Watteauetde Lancret. La même remarque peut être faite pour la littérature grecque ; quoi de plus gracieux que les naïves peintures de l’épisode de Nausicaa, dans l’Odyssée ? À une époque plus avancée et plus savante, la grâce est absente des sévères conceptions d’Eschyle et de Sophocle, k peine se montre-t-elle dans Euripide, mais on la retrouve, avec la même tache d’affectation et de maniérisme que chez nous au xvme siècle, dans les écrivains et les poètes de l’école alexandrine.

En musique, elle est restée le partage presque exclusif des vieux maîtres, nous dirions même des vieux maîtres de l’école française, si Mozart et Weber n’existaient pas, CVst, en effet, dans Rameau, Méhul. Grétry, llérolri, Boïeldieu que l’on trouverait le plus de morceaux empreints d’une grâre qui a encore gardé pour nous toute sa fraîcheur. Quant aux puissants créateurs de la musique moderne, aux Sébastien Bach, aux Beethoven, aux Meyerbeer, c’est à des cordes plus vibrantes qu’ils se sont attaqués, et si parfois la grâce se rencontre, une grâce souveraine, il est vrai, dans leurs grandioses conceptions, ce n’est que rarement, comme un effet voulu et calculé au milieu d’un ensemble émouvant ou pittoresque.

Grâce et du libre arbitre (DE Là), traité de saint Augustin. Ce traité n’a qu’un livre ; il est donc un des plus courts que saint Augustin ait écrits, mais n’est pas un des moins importants à étudier pour l’histoire du dogme Catholique. C’est là que le grand théologien de l’Église romaine cherche à établir, contre le pétagianisme et contre le seuii-pélagiani-jine, I iiupu ssauce ou l’insuffisance du libre

GRAC

arbitre et îa nécessité de la grâce pour le salut. « II faut bien preridre garde, dit-il, de nier le libre arbitre en faveur de la grâce ou la grâce en faveur du libre arbitre ; car, que la volonté de l’homme soit libre, c’est ce qui

! résulte du témoignage des Écritures ; et les

’ mêmes Écritures montrent, par une foule d’exemples, que, sans la grâce de Dieu, il nous est impossible de rien faire qui soit bon. » Ces deux vérités simultanées ainsi fondées sur la môme base, ces deux points établis par voie d’autorité, saint Augustin soutient, à l’encontre des pélagiens, qu" la grâce est purement et absolument gratuite ; qu’elle ne nous est pas accordée selon nos mérites, mais selon qu’en décide la pure et absolue volonté de Dieu. îl montre que la vie éternelle, attribuée en récompense à nos bonnes œuvres, est cependant une pure grâce. Il montre ensuite que cette grâce que Dieu nous accorde n’est point’la science de la loi, ni la nature, ni la rémission des péchés : rien de tout cela n’est la grâce ; c’est la ^-rûce, au contraire, qui fait qu’on peut accomplir la loi, qui rachète et délivre la nature, qui ôte au péché sa domination. Selon saint Augustin, nous ne méritons que par la grâce et nous ne méritons pas la grâce : elle est gratuite absolument. Elle est telle que Dieu nous la donne et parce qu’il lui plaît de nous la donner telle, et il fait ainsi notre mérite dans la mesure où il lui plaît de le faire. Mais alors pourquoi Dieu exige-t-il de nous ce qu’il nous donnera lui-même ? Exige-t-il donc de nous ce qui est hors de notre pouvoir ? Saint Augustin voit cette objection et s’efforce vainement de la résoudre. Dieu, d’après lui, opère dans les cœurs des hommes pour incliner leurs volontés vers le côté où il lui plaît qu’elles aillent, soit vers le bien, si sa miséricorde l’a jugé bon, soit vers le mal, conformément à leurs mérites, en vertu d’un jugement quelquefois visible, quelquefois occulte, toujours juste. Ceux à qui la miséricorde aura manqué sont incapables de bien, et cependant ils méritent îa peine.

Saint Augustin raisonne sur l’idée abstraite de la grâce sans recourir à l’observation de l’âme humaine ni à aucune méthode vraiment scientifique. Il voit dans l’Écriture que la ’ grâce est nécessaire à l’homme, et, s’einparant de cette notion, il la pousse à bout. Il voit aussi dans l’Écriture que l’homme est libre ; il accepte donc le mot de liberté : mais on peut dire qu’il n’a pas l’idée de la liberté, non plus que de la volonté ni du mérite ; il en fait des choses extérieures à l’a ma : c’est Dieu qui la fait vouloir, qui la fait vouloir librement, et qui mérite pour elle, quand elle mérite. Purs enfantillages ! Saint Augustin, ne pouvant reconnaître les contradictions qui fourmillent dans les Écritures, aboutit à Une doctrine odieuse, qui révolte le sens inoral. L’Église romaine a pourtant adopté cette doctrine comme sa propre foi et condamné à titre d’hérésie le semi-pélagianisme, qui diffère du pélagianisme en ce qu’il ne se refuse pas à reconnaître le dogme de la grâce, mais qu’il s’efforce d’accorder quelque chose à 1 hoinmédans l’accomplissement du bien. Co fut son tort, aux yeux de l’Église d’autrefois ; l’Église d’aujourd’hui condamne, au contraire, comme hérétique la doctrine augustinienne, que, pour n’avoir pas l’air de se déjuger elle-même, elle désigne sous le nom de jansénisme. Elle maintient la condamnation du semi-pélagianisme, et elle est devenue semi-pélagienne, mais sous un autre nom. Et c’est ainsi que, par un habile usage des mots, on peut changer, au besoin, sans cesser de se déclarer ni peut-être de se croire immuable.

Quoi qu’il en soit, on voit quelle est, dans l’histoire du dogme catholique, l’importance du traité de saint Augustin sur la grâce et le libre arbitre. Il convient d’y admirer les même* qualités et d’y reconnaître les mêmes défauts qu’on remarque dans tous ses ouvrages : un style plein de finesse en même temps que de mouvement, d’élévation et d’éclat, mais des idées qui manquent de simplicité, nous devons même ajouter : et de franchise, car nous comprenons malaisément qu’un esprit aussi élevé soit tombé si souvent et de bouno foi dans des subtilités d’ergoteur.

Grâce (TRAITE DK La) ei du libre arbitre, par

saint Bernard. Le pieux docteur a fait, dans ce livre, des efforts assez malheureux pour répondre aux objections que soulève la doctrine de saint Augustin. Le libre arbitre, selon lui, n’est pas ainsi appelé parce qu’il tiendrait la volonté en équilibre entre le bien et le mal, en sorte qu’elle pût faire aussi facilement l’un que l’autre, mais parce que la volonté reste libre, soit qtk’elle se porte au bien, soit qu’elle se porte au mal, personne ne pouvant être bon ou mauvais que par su volonté. La grâce n’ôte point cette liberté, modifiée, iuiluencée ou entraînée par ses inspirations ; à l’exception du pèche originel, tous les péchés sont un effet de la volonté. La grâce est la cause ou la condition du mérite, mais avec le concours de la volonté. Le mérite consiste dans le consentement que le libre arbitre donne à la grâce ; mais ce consentement ne vient pas du libre arbitre, incapable d’avoir une bonne pensée de lui-même, Dieu faisant en nous tout ce qu’il y a de bien, soit de pensée, soit de volonté, soit d’action. Dieu nous prévient, en nous inspirant de bonnes pensées ; il change notre

GRAC

mauvaise volonté en nous faisant consentir au bien, et il nous le fait exécuter. Dans le premier cas, il agit sans nou : ; ; dans le second, avec nous, et dans le troisième par nous. Le commencement de notre salit vient de Dieu : il est indépendant de notre accession et de notre concours, qui sont nécessaires k notre consentement et à notre aition. Ainsi nous devons nous garder d’attrib 1er les bons mouvements h notre volonté, qui est faible, mais’ les reporter à la seule grâce de Dieu.

C’est embrouiller k plaisir jne question bien claire, que les partisans d’Augustin feignent de ne pas comprendre : la volonté qui se porte au bien est-elle, oui oi. non, une grâce ? Si vous dites oui, vous êtîS janséniste ; si vous dites non, vous êtes ssmi-pélagien. Or, l’Église vous permet d’être semi - pélagien, mais vous défend de l’avouor, attendu qu’avant d’embra*ser le semi-pélagianisme elle l’avait condamné.

GrAce (TRAITÉ DE LA NATURE ET DE La), par

Malebranche, opuscule in-is (1697). Ce traité ne dut pas seulement le retentissement qu’il obtin à la grande personnalité de l’auteur et à la querelle qu’il lui suseila avec Arnauld. Bossuet n’était, pas plus qu" Arnauld, satisfait du livre, et il écrivit sur ia couverture de l’exemplaire que lui avait snvoyé l’auteur : Pukhra, nova, falsa. C’est sur la demande de Bossuet que Fénefon publia sa Réfutation du système de Malebranche sur la nature et la grâce, et Arnauld son Traité des oiaies et des fausses idées. Malebranche riposta, non sans aigreu, r, et pendant cinq minées ce fut un tournoi à coup de plumes iioérées entre les deux adversaires.

Le Truite de la nature ei de la grâce est divisé en trois discours : ians le premier, l’auteur représente Dieu comme faisant à ses créatures tout le bien que sa sagesse peut lui permettre ; dans le second, il expose comment le fils de Dieu, comme sagesse incarnée et comme chef de l’Église, répand dans ses membres les grâces qu’il ne pouvait leur accorder comme sagesse élen elle ; dans le troisième, enfin, il explique ce que c’est que la liberté et comment la grâce jeut agir en nous sans lui porter atteinte.

Voici le résumé de son système : Dieu, étant un être infiniment parfait, ne doit rien faire qui ne porte le caractère ne son infinie perfection -} ainsi, parmi tous les ouvrages qu’il peut taire, sa sagesse.e détermine toujours à produire le plus parfait.

Dieu était libre de ne pas traduire le monde ; il a donc dû délibérer pour le produire ; or, en délibérant eteu consultant l’ordre, il a trouvé qu’il était plus digue de sa sagesse de ne le produire que dans le temps, pour donner à son ouvrage un caractère de dépendance. Mais il est vrai aussi qu’après avoir produit le monde il doit le faire duier éternellement, puisque Dieu est immuable dans ses desseins et qu’il doit donner à son ouvrage un caractère d’immutab.lilé. Voilà donc l’auteur engagé à trouver dans le mou le un caractère de perfection infinie. Il voit bien les objections, et croit les prévenir en disant qu’un ouvrage qui pu mil en lui-même d’une perfection bornée ne laisse pas d’être l’ouvrage le pius parfuit de tous les possibles, à cause de l’ordre et de la simplicité des voies par lesquelles il est produit. Qu’esi-ce que cette simplicité de voies ? Dieu, connaissant toutes les manières de faire son ouvrage, choisit celle qui lui coûtera le moins de volontés particulières, celle où il voit que les volontés générales seront plus fécondes en effets propres à le glorifier ; il est déterminé invinciblement à ce choix par l’ordre immuable. Par exemple, il aurait pu, en ajouianl des volontés particulières aux lois générales du mouvement, empêcher que ta pluii ne tombât inutilement dans la mer, et l’.'un : que cette pluie arrosât des terres qu’elle ai.rait rendues fertile^ ; mais il est plus parfait à Dieu de s’épargner des volontés particulières que d’ajouter cette perfection à son ouvrage ! ! !

Malebranche ne voit dt.ns les mystères chrétiens que des mystères rationnels, et son système tend ouvertement à effacer la doctrine des miracles, si chère k 1 Église catholique. Dieu, certes, dit Mulebruuche, peut fiiire des miracles ; le tout ost de savoir s’il en fait. On lui parle des in II actes de l’Ancien Testament : il est loin de Us nier, seulement il objecte timidement qu’ils pourraient bien être f<jeuvre de luis générales dont nous ignorons l’existence. Dieu gouverne *e monde par les lois qu’il a fiites ; il n’a pas d’honneur à y contrevenir lui-même. De fuit il n’y contrevient guère. Il résume en c ;S tenues sa théorie sur les miracles : « Ainsi Dieu forme et conserve le monde puremei t matériel par les lois générales îles commun cations des mouvements, et il tire des corpn mêmes les causes occasionnelles qui déterminent ces lois... >... En un mot, Dieu a établi toutes les puissances, les causes fécondes, les hiérarchies visibles ou invisibles immédiatement par lui-même ou par l’entremise d’autres puissances, afin d’exécuter ses desseins pur des lois générales dont l’efficace soi ; déterminé par l’action de ces mêmes puissances. La conduite de Dieu doit porter le caractère de ses attributs, si l’ordre immuable et nécessaire ne l’oblige à la changer : car l’ordre, à l’égard de Dieu, est une loi inviolable ; il l’aime invin"■Mement et il le préfère toujours aux lois