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Grecs. Dans un passage perdu de ses Odes, que cite Strabon, Pindare appelait Calpé et Abyla les Portes Gaditanes. » (Histoire â’£spagne, t. 1«.)

Quant à son nom moderne, il a une origine tout historique. On sait que, dès les premières années qui suivirent la mort de Mahomet, on vit.les Arabes se répandre dans toutes tes directions du monde connu et fonder un empire qui, du côté de l’Occident, comprenait, dès la fin du vue siècle, toute la partie septentrionale qui s’étend de l’Égypte à la Mauritanie jusqu’au détroit de Gibraltar. De là, par une conséquence naturelle des choses, l’esprit de conquête et de prosélytisme, suscité par l’islamisme, ne tarda pas à conduire tes Arabes en Espagne. Moussa-ben-Nosséir commandait en Afrique au nom des califes de Damas ; appelé par une faction ennemie du roi régnant hispano-goth, nommé Rodrigue (Roderich), il y envoya une armée levée en Afrique, composée en grande partie d’indigènes récemment convertis-à la nouvelle religion, et qui passa le détroit sous la conduite d’un vaillant chef berbère, nommé Tharêq. Elle débarqua d’abord dans une petite Ile qui, de loin, avait paru toute verte à, ix envahisseurs, et qui, pour cela, fut appelée par eux. Aldjézirati-Alkadrak (l’Ile Verte). C est aujourd’hui Algésiras, nom commun à l’Ile et à la ville bâtie en face sur la côte. Le mont voisin (Calpé), situé sur la rive opposée, sembla à Tharêq une position admirable ; il n’y avait au bas, touchant à la mer, que quelques cabanes de pêcheurs ; il s’en empara et s’y entoura de retranchements. Tharêq a tracé uinsi les premières lignes de fortifications de l’imprenable Gibraltar, que l’Angleterre a su gagner sur l’Espagne au commencement du siècle ’dernier. Ce mont fut d’abord nommé Djibal-Alfetha (mont de l’Ouverture ou de l’Entrée) ; mais bientôt il prit le nom du conquérant et s’appela Djibal-Tharêq, proprement montagne de Tharêq, d’où l’on a formé par corruption Gibraltar.

Gibraltar ne commande pas seulement l’entrée de la Méditerranée ; c’est une des portes de l’Espagne. Ce gig’antesque écueil, tout percé aujourd’hui de galeries intérieures et garni d’une innombrable artillerie, passa avec raison pour inexpugnable. La ville, mainte— nant anglaise, bâtie sur son flanc occidental, n’offre pas des caractères moins particuliers. On y remarque un étrange mélange des peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique, chacun uvec son costume et son idiome particulier. Les juifs sont les plus nombreux et les plus sales, les Maures les plus propres, et les contrebandiers de la Ronda les plus pittoresques. Deux môles mettent la baie de Gibraltar à l’abri des vents les plus dangereux. Le vieux môle, à l’extrémité septentrionale de la ville, s’avance dans la mer jusqu’à une distance de 350 à 360 mètres. Le môle neuf, plus au sud, n’a que 350 mètres de longueur. Les plus gros navires peuvent jeter l’ancre près de ce môle. Gibraltar est un point de relâche extrêmement important pour les navires de toute nationalité qui se croisent entre l’océan Atlantique et la Méditerranée. On n’évalue pas à moins de 2 millions de livres sterling ou . 50 millions de francs le chiffre de ses importations et de ses exportations annuelles.

« Gibraltar, dit M. Richard Ford, est l’asile de tous les réfugiés et de tous les gens qui s’expatrient pour le bien de leur pays ; c’est la que se font les complots contre la bonne Espagne, et c’est là aussi que ses revenus sont rognés par les contrebandiers et surtout par les contrefacteurs de cigares, qui nuisent beaucoup à la seule manufacture active de la péninsule. Gibraltar est le grand dépôt des marchandises anglaises, et spécialement des cotons qu’on introduit en fraude le long de la côte de Cadix à Benidorme, au grand bénéfice des autorités espagnoles placées soidisant pour empêcher ce qu’elles encouragent en effet. » ’

Construite en partie sur le rocher même et en partie sur un banc de sable rouge qui s’étend jusqu’à la porte de la mer, la ville de Gibraltar est de forme rectangulaire et très-resserrée entre les fortifications au N. et la montagne au S. ; elle s’étend surtout en largeur duns le sens du talus de la montagne, ce qui lui donne l’aspect d’un amphithéâtre. La rue Royale, qui a près d#l kilomètre ds développement, la traverse dans le sens de sa

longueur. En général, les rues, selon la coutume-mauresque, sont étroites et sombres, ^

aussi las Anglais les appellent-ils (ânes (ruelles), les jugeant indignes, à cause de leur peu de largeur et de leurs sinuosités sans fin, d’être décorées du nom de street. Les maisons anglaises sont construites à’ l’italienne, en briques, plâtre et bois ; l’intérieur en est très-incommode, peu aéré et fort malsain ; aussi y gagne-t-on facilement les fièvres qui régnent. dans le pays à l’état endémique. Ces maisons sont presque toutes peintes en gris, précaution excellente dans un pays où l’action, du soleil est d’une violence sans égale et où la vivacité de la lumière cause de fréquentes ophthalmies.

« On éprouve, dit M. Germond de Lavigne, quelque surprise, en parcourant Gibraltar, et lorsqu’on sait, être si près de l’Espagne, à voir ces dénominations et ces enseignes de boutiques en langues du Nord

mêiéesaux appellations méridionales, comme Manoel Ximenes, lodgings and neat Hguors. Les rues sont bien éclairées la nuit ; cepen GIBR

dant, par une de ces mesuras de précaution qui abondent à Gibraltar et qui donnent lieu de croire que les Anglais ne son{ nullement rassurés dans cette possession due à la surprise, et qu’ils craignent de la perdre de la même manière, personne n’a le droit d’être dehors après le coucher du soleil, si ce n’est les officiers et ceux qu’ils accompagnent. 11 en résulte que, le soir, Gibraltar est d une tristesse excessive. Il y a, un instant, un redoublement d’activité au moment du coup de

canon tiré par la batterie basse et réglé sur l’heure du coucher du soleil, qui annonce la fermeture des portes- les marins des navires en rade, les Espagnols des localités voisines les étrangersqui n ontpas depermisde séjour, sortent précipitamment ; puis tout se calme. Quelques tavernes entre-bâillent leurs portes et laissent voir un spectacle de gens ivres qui fait bien comprendre que l’on n est plus en Espagne ; puis passe la retraite avec ses fifres et ses tambours.- c’est le dernier bruit de la ville. Des patrouilles passent de quart d’heure en quart d heure avec un flegme britannique, relevant ceux qui sont tombes ou conduisant au poste ceux qui se sont égarés. Nonobstant cette fermeture prématurée des portes de la ville et des lieux publics, il y a un théâtre à Gibraltar ; mais il finit de bonne heure, afin que les spectateurs puissent rentrer chez eux avant l’heure où circulent les patrouilles. Ce théâtre est modeste ; on y joue tantôt en espagnol, tantôt en anglais. »

Le Commercial square est la plus belle place de Gibraltar. Elle est bordée par les plus élégants et les meilleurs hôtels de la ville et par la Bourse (Public Exchange), que décore le buste du général Don. Les ventes aux enchères ont lieu sur cette place qui, pendant le jour, est très-pittoresque et très-animée, surtout à cause de la variété et de la bigarrure des costumes. La seule promenade digne d’attention est celle de l’Alameda, qui s’étend entre la ville proprement dite et la pointe d’Europe. « Ces types qui appartiennent à une seule race dans le monde, ce langage, les oh yes ! les uniformes rouges, la musique jouant le God Satie the queen sont de bien loin un reflet du Regent’s Park de Londres. « La principale curiosité n’est pas la ville, c’est le rocher et les fortifications dont il est couvert (v. ci-dessous). Gibraltar ne rénferme, en effet, aucun édifice qui mérite d’être signalé pour sa valeur architecturale. C’est à peine si ses deux églises catholiques, sa synagogue et ses chapelles protestantes sont dignes d’une mention.

Terminons cette courte notice sur la ville de Gibraltar par quelques considérations sur son climat. Il est souvent désagréable, surtout lorsque souffle le vent’ d’est, qui affecte beaucoup le système nerveux des hommes et des animaux ; en outre, la fièvre à laquelle on a donné le nom de fièvre de Gibraltar acquiert dans certaines circonstances une fatale activité. Elle est endémique et provient surtout de l’étroitesse des habitations, du manque de circulation de l’ait, de la malpropreté des juifs, qui sont nombreux, et des émanations fétides qui s’élèvent de la mer.

La montagne, ou plutôt le rocher de Gibraltar, mesure environ 4,300 mètres de longueur sur 1,245 de largeur et 425 de hauteur perpendiculaire. C’est une langue de terre qui s’avance duN.au S. dans la mer, séparant la Méditerranée à l’E., de la baie de Gibraltar à 1*0., et rattachée au continent par un isthme bas et sablonneux. Le rocher est de forme oblorîgue. Ses extrémités N. et S. sont plus élevées que son centre. L’extrémité méridionale, connue sous le nom de Pain de Sucre, s’élève à 430 mètres «u-dessus du niveau de la mer. L’extrémité septentrionale, dite Roche du Mortier, est moins haute de 2S mètres. La Vigie ou Croix des Signaux, entre les deux extrémités, u 389 mètres de hauteur. Entre ces trois proéminences, le terrain offre des ondulations sensibles.» Le massif de la montagne, dit un écrivain, se divise en’quatre parties distinctes, y compris les deux plateaux du sud. La partie occidentale est un talus entrecoupé de précipices, qui descend graduellement jusqu’à la mer ;’ le versant opposé, qui fait face à la Méditerranée, est complètement escarpé et recouvert jusqu’aux deux tiers environ de sa hauteur par des sables que le vent d’est y amoncelle. La troisième partie ou face nord, qui regarde les lignes espagnoles, est tout à fait a pic et plus inaccessible encore. Enfin l’extrémité méridionale descend en pente très-rapide depuis le sommet du Pain do Sucre jusqu’au premier plateau dit du Afoitliii’àVent, élevé de 122 mètres, qui forme un demiovale tout bordé de précipices, et domine un deuxième plateau ou terrasse, dite d’Jïttrope, de même dimension et d’une hauteur de 30 mètres, dont le pied est baigné parla mer. Cette montagne abonde en cavernes très-spacieuses et remplies de stalactites. Le rocher, qui paraît de loin aride et desséché, est riche, au contraire, en productions végétales ; on y compte plus de troiB cents espèces ou essences. La vigne y vient admirablement, et l’infinie variété de plantes médicinales qui croissent’ dans les moindres interstices ou crevasses des rochers lui a fait donner^le nom de montagne d’or. Malheureusement, depuis 1772, on 1 a trop laissé se déboiser. » Le règne animal est loin d’être aussi riche que le règne végétal. On y remarque cependant une espèce particulière de singes sans queue que les Anglais respectent comme on respecte les cigo GIBR

gnes dans l’Alsace. Ces singes, qui habitent tantôt les sommets orientaux du rocher et tantôt les pentes occidentales, sont tout à fait inoffensifs. Ils se promènent par bandes sans craindre l’approche des étrangers. « Cette petite colonie, ajoute M, Germond de Lavigne, appartenant a une espèce dont on retrouve les similaires de l’autre côté du détroit, s’en est trouvée sans doute violemment séparée lorsque Hercule vint déchirer les montagnes et ouvrir un passage entre les deux mers. Elle a vu se succéder les races sur le promontoire : les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Goths, les Maures, les Espa,gnols et les Anglais, sans s’émouvoir de ces révolutions humaines. Les monos sont lestïlus anciens et les plus légitimes possesseurs du rocher, et ce n’est pas pour cela seulement quéles Anglais les respectent ; le vulgaire "prétend qu’ils useraient de cruelles représailles si l’on venait à leur faire la guerre, et qu’on les à Vus, dans des circonstances où ils avaient été molestés, faire rouler sur la ville* dts pierres et des blocs de rochers, » ■

Le rocher de Gibraltar est, en outre, le refuge de quelques insectes venimeux, tels que le scorpion blanc, et noir, le centipède, et de plusieurs espèces inoffensives de serpents verts ou noirs. On y voit aussi des vautours, des aigles, des perdrix rouges, des pigeons sauvages et des lapins.

Un nombre considérable d’ouvriers travaillent chaque jour à l’entretien ou à l’augmentation des fortifications de Gibraltar. La poudre, le marteau et la pioche ont pratiqué dans le centre de la montagne et dans la —pierre vive d’immenses excavations dans lesquelles la garnison "tout entière peut trouver un refuge en temps de siège. Ces excavations, qui forment des voûtes d’une hauteur considérable, et dont la plus importante est connue sous le nom de Salon de Saint-George, sont mises en communication avec les batteries établies dans la hauteur de la montagne par une route en limaçon, praticable partout à cheval. Des sommes immenses ont dû être dépensées pour la construction de cette route, une des plus étonnantes qui se puissent voir. Quant aux batteries, .elles sont, suivant M. Ford, beaucoup moins terribles qu’elles ne le paraissent de prime abord. Les feux rasants suffisent pour une défense redoutable, et les feux supérieurs ne peuvent plonger qu’au loin, et seraient sans effet dans un siège. De plus, la plupart de ces batteries couvertes ne pourraient servir à une longue défense ; la fumée des canons rentre en dedans, et les artilleurs seraient promplemerit asphyxiés, s’ils avaient à soutenir un feu prolongé. Cela sert du moins à éblouir et à faire voir jusqu’où peut conduire la crainte d’une surprise et le besoin de s’assurer une possession illégitime. La montagne de Gibraltar, creusée dans tous les sens, bardée de fer comme un chevalier du moyen âge, bourrée de monceaux de boulets, de munitions de guerre et de provisions de toute sorte, semble défier les sièges et les attaques. Les géants qui entassaient Pélion sur Ossa pourraient-ils la prendre d’assaut ? On serait d’abord tenté d’en douter. Cependant, vanitas vaiiitatum ; il suffirait, nous osons le dire, au risque de blesser l’orgueil des tiers enfants d’Albion, de quelques soldats mécontents pour que tous ces travaux, tous ces soins, tous ces millions dépensés, 1 aient été en pure perte. « Si jamais Gibraltar est perdu, écrit M. Ford, ce sera probablement par lu trahison des soldats mécontents ; cela est presque arrivé par un excès de sévérité de la part du gouverneur, et cela pourrait arriver encore. Il ne faut pas marchander avec les besoins des soldats destinés à garder cette possession. » C’est donc surtout, on peut le dire, une affaire d’ostentation, « un jouet vaniteux et coûteux, ajoute M. de Lavigne, dont le plus sérieux usage est de servir une fois l’an au salut royal, le jour anniversaire de la naissance de la reine Victoria. Ce salut commence au sommet de la montagne par la voix du îiockijun (le canon du roc). Puis il continue de batterie en batterie jusqu’à Willis battery, située à l’une des extrémités, et là il est achevé par les troupes. U y a lieu de croire que c’est à cela seulement que serviront les canons et les munitions accumulés dans Gibraltar, et lorsque la forteresse retournera à l’Espagne, ce qui aura lieu certainement un jour, ce sera sans qu’il soit besoin de mettre en jeu ce formidable appareil. »

Le point le plus élevé de cette succession de cavernes et de défenses est couronné par une tour que la foudre a frappée et qui porte le nom de tour Saint-George. Cette tour, demeurée inachevée, fut élevée par le général O’Hara. Le général voulait qu’elle eût une hauteur suffisante pour qu’on pût de là surveiller les mouvements du port de Cadix. Malheureusement pour O’Hara, le gouvernement britannique n’approuva pas son idée ; cette tour eut le sort de celle de Babel, et le général dut payer de ses deniers la construction de sa tour inachevée. Près de là sa dresse l’ancien télégraphe, aujourd’hui relié au palais du gouverneur par un fil électrique. De ce point, une sentinelle "guette sans cesse, l’œil appliqué à une longue-vue qui plonge sur la Méditerranée, sur l’Atlantique, sur le détroit et sur la côte d’Afrique. Du pied de la tour Saint-George, l’œil, embrasse un horizon de 200 kîlom. d’étendue, qui comprend deux mers et cinq royaumes. On aperçoit, en

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effet, à moins que le brouillard ne soit trop épais, le royaume de Sêville, le royaume de Grenade, la Barbarie, le. Fez, le Maroc, Calpé, Abyla, que couronnent les murailles de Ceuta, les hajites cimes du désert del Cuervo, les montagnes de Hogen et de Sanorra, les montagnes de Rondo et toute la ville de Gibraltar étalée en éventail sur lesllarfes occidentaux du rocher, etc. Considéré de ce poinl culminant, le rocher de Gibraltar offre un aspect des plus curieux. La face qui regarde la Méditerranée, tout à fait verticale, est une véritable muraille cyclopéenne sur laquelle ni un arbre, ni une -plante n’ont trouvé prise. Le sommet de la montagne, stérile en été, se couvre de verdure au moment des pluies d’automne. Dans la direction de la pointe d’Eu- « rope s’ouvrent les grottes de San-Miguel, lonque succession de salles qui présentent de. magnifiques aspects lorsqu’elles sont éclairées. On dirait de superbes cathédrales gothiques, aux voûtes élancées et à la décoratioi ? élégante. Ces grottes descendent, dit-on, jusqu’à la Méditerranée. La chapelle JVueslra Se- ■ nora de Europa, qui couronnait autrefois la pointe extrême du promontoire, a été remplacée par des batteries et par un phare. Près de là s’étendent des villas, des jardins, des prisons et des batteries de canons. Un peu au N. se trouve le pavillon d’été du gouverneur. Tel est, en résumé, l’aspect général du rocher et de la ville de Gibraltar.

Il nous reste à raconter par quelles vicissitudes de guerre et de politique ce rocher et cette ville, dont on parlait peu dans le monde avant l’avènement de la maison de Bourbon au trône d’Espagne, et dont la perto pour l’Espagne se rattache à cet avènement, sont passés sous la domination de l’Angleterre.

Ce fut en 1704, sous le règne de Philippe V de Bourbon, le i août, que Gibraltar tomba au pouvoir des Anglais, alliés de l’archiduc •Charles III d’Autriche (v. l’article suivant). On sait ce que ce rocher est devenu entre leurs mains : un point de repère magnifique pour leurs flottes de guerre et leurs vaisseaux marchands et un emporium de premier ordre pour leur commerce.

Les Espagnols ont depuis souvent, et toujours vainement, essayé de reconquérir Gibraltar ou de rentrer par traité dans sa possession.

Gibraltar (sièges de). La guerre de la succession d’Espagne est certainement une des plus désastreuses que la France ait eu à soutenir, et l’Espagne la paya chèrement de son côté, car, presqu’en même temps que le prestige de l’armée française s’évanouissait à Hochstsedt, elle se voyait enlever la formidable position de Gibraltar. Sur la fin de juillet 1704, une flotte anglaise, sous les ordres de l’amiral Rooke, parut tout à coup dans les eaux de cette place célèbre, qui passe encore pour inaccessible, et qui l’eût été alors si elle avait eu des défenseurs. Mais Gibraltar comptait à peine 100 hommes de garnison, presque sans canons montés et sans munitions. L’amiral Rooke fit débarquer un petit corps d’Anglais et de Hollandais, tort de 1,800 hommes seulement, commandé par le prince Georges de Hesse-Darmstadt, feldr maréchal-lieutenant au service de l’empereur et le chargea d’empêcher que la ville put être secourue par terre. Alors la flotte entière alla s’erabosser sous la muraille de la place, et, en quelques heures, y lança plus de 15,000 boulets. Les Espagnols, derrière leurs murs de granit, riaient de toutes ces décharges inutiles. Cependant quelques matelots anglais, conduits par un officier intrépide, essayèrent de réussir par un coup de main, la où la force ouverte était impuissante. À force d’audace, ils parvinrent à se hisser sur des rochers inaccessibles ; arrivés au sommet, ils trouvèrent les femmes de Gilbraltar sorties, suivant leur coutume, pour aller prier ù une chapelle consacrée au culte de la Vierge, et s’en saisirent aussitôt. La crointe du sort réservé à leurs femmes et à leurs filles intimida les habitants, qui consentirent à capituler (4 août). C’est ainsi que l’Angleterre acquit la clef de la Méditerranée, et que les armes hollandaises l’aidèrent follement dans son entreprise. Les Anglais ont mieux su garder Gibraltar que les Espagnols, et, depuis cette époque, les efforts de l’Espagne et même de la France n’ont jamais réussi à les en chasser.

Le 12 octobre de cette même année 1704, le roi Philippe d’Anjou essaya de reconquérir Gibraltar par Un siège en règle. 10,000 hommes l’attaquèrent par terra, tandis quç., du côté de la mer, l’amiral Poyez l’investissait avec 24 bâtiments de guerre. Mais le général espagnol, Villadarias, qui conduisait l’attaque par terre, ne sut ni ordonner les travaux, ni seconder ceux que dirigeait Petit-Renau, notre illustre ingénieur maritime. La flotte anglo-~hollandaise put venir à temps secourir les

assiégés, et l’entreprise échoua. Cependant les troupes assiégeantes restèrent devant la place jusqu’aux premiers mois de l’année 1705. L’Angleterre organisa alors une expédition de secours sur une plus vasn* échelle. La flotte anglaise vint attaquer jusque dans le port de Gibraltar l’escadre de blocus, commandée par l’amiral Pontis. Celui-ci se^défendit héroïquement contre ces forces d’une supériorité écrasante. Après avoir perdu plusieurs vaisseaux dans une lutte sanglante do quatre heures, il parvint à se faire jour à