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née ! Tandis qu’il faut, pour aimer, pour comprendre ce tableau, le voir dans la gravure ou la lithographie. Mais il était, quand il le conçut et l’exécuta, en Italie, c’est-a-dire sous l’influence de toutes ses admirations, de toutes ses croyances. C’est à peu près à la même époque (1844-1846) qu’il peignit le Dante commenté par ûaccace ; ce morceau, bien inférieur aux Willis, est loin d’être sans valeur pourtant, valeur qui repose sur la science des souvenirs. Le plus bel éloge qu’il mérite, c’est de dire que Paul Delaroene aurait pu le signer, tant il rappelle sa manière. Les Néréides appartiennent encore au temps de son séjour en Italie et ferment cette première période de sa carrière.

Rentré à Paris vers 1847, M. Gendron y trouva bon accueil ; ses Willis avaient fait merveille. La Sainte Catherine ensevelie ■par les anges et Après la mort, qui parurent en cette même année, eurent une sorte de succès, bien qu’il n’y eût rien de saillant en ces deux créations parfaitement suffisantes, mais d’une banalité peu contestable. Ainsi, le peintre traversa plusieurs Salons sans y laisser d’autre trace que celle d’un esprit distingué conduit par une érudition véritable : celui de

1848, par exemple, dans lequel figuraient Vile de Cythère et Une scène antique ; celui de 1849, où l’on remarqua peu la Jeune chrétienne convertissant son fiancé ; celui de 1850, où le Sacrifice humain et la Fantaisie vénitienne n’offraient rien d’intéressant, etc., jusque vers 1855, où il semble avoir un instant retrouvé la verve jeune de ses débuts. En effet, le Dimanche à Florence au xvc siècle, qui parut à la grande Exposition, et le Soir d’automne, do 1853, ne manquent ni de finesse ni de sentiment. Mais ce réveil ne fut pas de longue durée, et les expositions suivantes n’ajoutèrent pas grand’chose à la notoriété dont il jouissait déjà. Les salons de 1863 et 1864 ont dû même produire un effet contraire ; car les morceaux qu’ils nous ont montrés, Sainte Catherine d’Alexandrie et les Nymphes au tombeau d’Adonis, ne rappellent en aucune façon les fameuses Witlis.

Mais si la critique, tour a tour indifférente et sévère, finissait par le silence a l’endroit de M. Gendron, en revanche, le gouvernement ne l’oubliait pas. Après lui avoir confié les huit cartouches décoraut l’un des salons d’attente de la Cour des comptes, il le chargeait de peindre le petit salon du ministère d’État, au Louvre. Ces travaux, très-importants, et qui sont passés presque inaperçus, datent, croyons-nous, de 1861 et 1863. Quand donc ces commandes, et bien d’autres, seront-elles mises au concours ? Il serait temps d’y songer, ce nous semble. Il serait temps de n’avoir que de la bonne peinture au plafond des salles des palais nationaux, et surtout de ceux qui enferment ta bonne peinture des anciens et des modernes. Mais, comme une idée saine fait rarement son chemin dans le monde gouvernemental, nous avons peu d’espoir de voir jamais adopter celle-ci. Une troisième médaille en 1846, une deuxième en

1849, et le ruban de la Légion d’honneur en 1855, sont les récompenses obtenues par M. Gendron jusqu’à ce jour. Il n’est pas vieux encore, et il peut en espérer de plus grandes et essayer de les mériter.

«M. Gendron, dit Théophile Gautier, excelle à condenser en un gracieux brouillard les ombres phthisiques des jeunes filles tombées avec les feuilles de l’automne, les âmes fidèles s’embrassant sur l’herbe épaisse des cimetières, les esprits aux ailes de phalènes prenant leurs ébats nocturnes dans les clairières des forêts : nul ne sait mieux que lui mener la ronde des willis au bord du lac que le nénufar glace de ses larges feuilles, et nouer par leurs mains pâles ces fantômes de danseuses tourbillonnant derrière une gaze de brume avec une volupté morte. Cependant M. Gendron peut sortir, lorsqu’il le veut, de cet extra-monde où voltigent les formes dia Ïihanes ; le soleil ne fait pas évanouir son taent comme il dissipe les fantasmagories de la nuit. «

GENDZ1 s. m. Cên-dzi). Hist. Membre d’une faction japonaise qui se forma en 1181.

GÊNE s. f. Cê-ne — Si nous sommes embarrassé, dit Max Millier, pour découvrir l’étyinologie de gêne ou de gêner, nous lisons dans Montaigne : « Je me suis contrainct et géhenne, » pour dire : > Je me suis contraint et torturé ; » et, ailleurs, en parlant de la torture qui existait alors en France pour les accusés, il dit : « C’est une dangereuse invention que celle des géhennes. Il advient que celuy que le iuge a géhenne, pour ne le faire innocent, il le face mourir et innocent et géhenne. » Ces formes nous reportent immédiatement et sans peine au mot geenna, gelienna, usité dans le texte grec et dans le texte latin du Nouveau Testament, et chez les écrivains ecclésiastiques du moyen âge, non - seulement avec le sens d’enfer, mais aussi avec la signification plus générale de souffrance, douleur). Genre de torture, de question appliqué à un accusé pour la déterminer à faire des aveux : La gène est depuis longtemps abolie en France. (Acad.) Il Instrument de torture : Allons ! vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des poteaux et des bourreaux. (Mol.) il Sorte de réclusion extrêmement sévère, usitée en France à la fin du dnrnier siècle et au commencement de celui-ci.

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— Par ext. Difficulté de se mouvoir, d’accomplir quelque fonction : Il y a un peu de gène dans sa respiration. Un sauvage ne peut se mouvoir dans les vêtements que nous sommes accoutumés à porter sans gène. (Mmo Guizot.)

— Fig. Peine, tourment, contrainte, incommodité : Se mettre l’esprit à la gêne. La civilité est trop souvent une gène inutile. La gène de l’âme m’a toujours paru un supplice. (Volt.)

., . Je ne puis souffrir qu’un esprit de travers, Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers, Se donne en te louant une gêne inutile.

Boii.rau. Il Sentiment de malaise ; contenance embarrassée : J’éprouve toujours de la GÈNE en sa présence. Il est de ces hommes qui se sentent et qui paraissent toujours à la gène par quelque côté. (Ste-Beuve.)

— Particuliérem. Pénurie d’argent, embarras pécuniaire : La maladie du mari a mis cette famille dans la plus grande gêne. L’orgueil produit le faste, et le faste, la gêne.

Delille.

Sans gêne, D’une façon libre, cavalière, sans s’inquiéter de l’opinion ou de la commodité d’autrui : Ce jeune homme est un peu sans gène.

Diogène, sous ton manteau, Libre et content, je ris et bois sans gêne.

BÉRANUER.

Il s. m. Homme qui est sans gêne : C’est un fameux sans, gène, ce monsieur - là. Signifie aussi Procédé, manière d’agir sans gêne : Il a agi avec un Sans gène étonnant.

— Prov. Où il y a de la gêne, il n’y a point de plaisir, Il ne faut pas se gêner. Se dit souvent ironiquement, à propos d’une personne d’un sans gêne excessif.

— Ëncycl. Législ. La peine qu’on nommait la gêne avait été introduite dans notre système pénal par le code pénal du 25 septembre noi.

C’était, après la mort, la déportation et les fers, lapeine afflictive la plus grande qui pût être infligée à un criminel.

Voici comment le code de 1791 déterminait la nature de cette peine :

a Art. 14. Tout condamné à la peine de la gène sera enfermé seul dans un lieu éclairé, sans fers ni liens, sans qu’il puisse avoir, pendant la durée de sa peine, aucune communication avec les autres condamnés ou avec Jes personnes du dehors.

Art. 15. Il ne sera fourni au condamné à ladite peine que du pain et de l’eau, aux dépens de la maison ; le surplus, sur le produit de son travail.

> Art. 16. Dans le lieu où il sera détenu, il lui sera procuré du travail, à son choix, dans le nombre des travaux, qui seront autorisés par les administrateurs de ladite maison.

Art. 17. Le produit de son travail sera employé ainsi qu’il suit :

« L’n tiers sera appliqué à la dépense commune de la maison.

Sur une partie des deux autres tiers, il sera permis au condamné de se procurer une meilleure nourriture.

« Le surplus sera réservé pour lui être remis au moment de sa sortie, après que le temps de sa peine sera expiré.

■ Art. 19. Cette peine ne pourra, dans aucun cas, être perpétuelle. »

La peine de la gêne a été implicitement abolie par le code pénal de 1810.

Elle était édictée non-seulement par le code du 25 septembre 1791, mais encore par la loi du 20 septembre 1791, portant organisation de cours martiales maritimes, à Brest, à Toulon, à RocheforC et à Lorient. Aux termes de l’article il, titre ni, de cette loi, les voies de l’ait commises par les membres du corps de la marine.envers l’ordonnateur, les chefs, souschefs et autres supérieurs sont punies par cinq ans de gêne au plus.

Ici se place une question. L’abolition de la gêne résultant du silence du code pénal de 1810 à cetégard a-t-elle entraîné l’abolition de cette peine dans le cas de l’article il de la loi du 20 septembre 1791 ?

La plupart des jurisconsultes ne le pensent point. M. Ledru-Rollin fait observer, avec raison selon nous, que le code pénal de 1810 a laissé intactes les législations spéciales, non-seulement parce qu’il n’y a pas dérogé formellement, mais parce qu’il a dit expressément le contraire. II démontre que, si, malgré les articles 5 et 484 du nouveau code, un doute était permis à ce sujet, il tomberait promptement devant le rapport au Corps législatif. Le rapporteur s’exprimait en ces termes : > Il est un ordre de lois qui n’intéresse qu’une classe de citoyens, et tous les codes d’exception doivent porter avec eux leur sanction particulière. Le sens de l’article 484 est très-précis sur cet objet, car il réserve seulement les matières qui ne sont pas réglées par le présent code ; nous venons de voir que ce code a réglé toutes celles qui appartiennent au droit commun ; il ne reste donc que celles qui font exception par elles-mêmes, et que l’on a jugées susceptibles d’être régies par des lois et règlements particuliers. Au surplus, si l’on désirait une explication plus précise sur la nature des lois et règlements d’exception qui sont l’objet de cet article, on la trouverait dans le grand nombre d’exemples que renferment les motifs présentés par

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l’orateur du gouvernement. On en conclura sans effort qu’il était convenable de réserver l une classe de délits pour le code militaire, une autre pour le code maritime, une autre enfin pour le code rural et pour celui qui concerne la chasse et la conservation des forêts. »

Du reste, la jurisprudence de la cour de cassation a confirmé cette doctrine par ses arrêts, notamment par celui du 16 mars 1844, duquel il résulte qu on ne doit point considérer la peine de la gène comme abrogée pour des lois spéciales.

GÊNÉ, ÉE (jê-né) part, passé du v. Gêner. Qui est mal à l’aise, embarrassé : Être gêné dans ses habits, dans des soutiers trop étroits. Avoir la respiration gênée.

— Fig. Qui éprouve du trouble, de l’embarras, qui agit avec contrainte : Je me sens gêné dans cette société.’La plupart des livres ressemblent à ces conversations générales et gênées, dans lesquelles on dit rarement ce qu’on pense. (Volt.) il Opprimé, tyrannisé : L’art est un tyran qui se ptait à gêner ses sujets, et qui ne veut pas qu’ils paraissent gênés. (Fonten.)

— Particuliérem. Dépourvu d’argent, qui éprouve des embarras financiers : 7e ne puis vous payer aujourd’hui, je suis excessivement

GÊNÉ.

— Fam. N’être pas gêné, Agir sans gêne, avec un grand sans façon, sans préoccupation des dires ou de la commodité d’autrui : Voiis prenez tout et vous laissez le reste ; vous n’êtes pas gêné.

— Antonymes. Aisé, dégagé, libre.

GEMÈ (Joseph), naturaliste italien, né à Turbigo (province de Pavie) en 1800, mort à Turin en 1847. Il se fit recevoir de bonne heure docteur es siences à l’université de Pavie, où il devint bientôt suppléant à la chaire d’histoire naturelle et fut nommé, en 1832, professeur de zoologie et directeur du musée zoologique à l’université de Turin. Les années suivantes, il fit plusieurs voyages dans l’île de Sardaigne, pour y réunir les matériaux d’une Faune sarde, qui parut séparément dans les Mémoires de l’Académie des sciences de Turin, dont Genè devint secrétaire adjoint. On a de bons travaux de ce savant, notamment un ouvrage sur les insectes envisagés au point de vue pratique et par rapport à l’agriculture : Sugli insetti più nocivi ail’ agricoliura, agli animali domestici, ai prodotti délia rurale economia, etc., coll indicazione dei mezzi più facili ed efficaci di aUontanarli o di distruggerli (1835) ; Dei pregiudizii popolari intorno agli animali ; Storia naturale degli animali, esposta in lezioni elementari, œuvre posthume (1850, 2 vol. in-8<>), avec des notes du professeur Filippi.

GÉNÉALOGIE s. f. Cé-né-a-lo-jl — du gr. genos, race ; logos, discours). Science qui a pour objet la recherche de l’origine et de la filiation des familles ; tableau delà filiation des différents membres d’une famille : Lanoblesse du sang et la vanité des généalogies est, de toutes les erreurs, ta plus généralement établie. (Mass.)

— Par ext. Histoire d’un développement successif : Toute institution, comme toute famille, a sa généalogie. (Proudh.) Les idées

'ont leur généalogie et leur filiation comme les familles. (Th. Gaut.)

— Encycl. Hist. On prouvait sa noblesse par sa généalogie, pour jouir des honneurs de la cour, pour être reçu chevalier des ordres du roi. On faisait aussi des preuves de noblesse par sa généalogie, lorsqu’on désirait entrer dans des chapitres nobles, tels que ceux de Lyon, de Brioude, de Màcon, de Saint-Claude, etc. On en faisait encore pour l’ordre de Malte, de Saint-Lazare et pour entrer à l’École militaire.

Les demoiselles faisaient des preuves de noblesse pour être reçues à Saint-Cyr, dans les chapitres de Saint-Louis de Metz, de Neuville en Bresse, d’Alix en Lyonnais, de Leigneu en Forez, de Remireinont, au diocèse de Toul, de Maubeuge au pays de Cambrésis.

Lorsque l’on faisait une généalogie avec les formalités requises, le présenté devait mettre en évidence son baptistaire, qui prouvait de qui il était fils ; sa filiation remontait de lui à son père, du père à l’aïeul, de l’aïeul au bisaïeul, ainsi de suite, selon l’exigence du cas.

À chaque degré, il fallait trois actes originaux, pour le xvii>: et le xvme siècle, et deux seulement pour les siècles antérieurs, savoir : contrat de mariage et testament ; s’il manquait un de ces deux actes, un autre acte devait y suppléer, comme extrait mortuaire, transaction, hommage, dénombrement de terre, acte d’acquisition de biens, etc.

Quand on fait la généalogie entière d’une maison ou famille noble, on y met toutes les branches et tous les rameaux qui en sont sortis ; on fait à chaque degré ce qui se pratiquait pour entrer dans les ordres de chevalerie et chapitres nobles ; on y ajoute les dates des contrats de mariage et testaments de tous les collatéraux mâles et femelles, tant ceux qui ont eu postérité que ceux qui n’en ont point eu ; on y doij, mettre encore les dates des commissions, lettres et brevets de service militaires les dates de mort des officiers tués dans les armées, et des détails do

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leurs actions éclatantes, ce qui rend les généalogies historiques ; on y met de plus les contrats de mariage des filles, les noms de famille et de terre de leurs époux, de qui ils sont fils, afin de faire connaître les alliances.

On prétend que les généalogies n’ont commence à être dressées sur des titres, suivant l’usage actuel, que vers l’an 1C00 ; auparavant, on faisait les preuves de noblesse pareiiquéte ; les commissaires préposés pour les informations se transportaient sur les lieux où la famille résidait, interrogeaient les vieillards et dressaient leur rapport ; c’est ce qui se pratiquait encore vers la fin du siècle dernier, avant la Révolution. Il est vrai que les commandeurs commissaires faisaient ajouter, au baptistaire du présenté, les contrats de mariage, testaments et autres actes originaux qui établissaient la filiation.

L’étude des généalogies est d’une extrême importance pour l’histoire ; outre qu’elles servent à. distinguer les personnes historiques du même nom et de la même famille, elles montrent les liaisons de parenté, les successions, les droits, les prétentions. Mais il faut être en garde contre les absurdités de certains historiens, qui, par adulation, font remonter jusqu’aux temps héroïques l’origine des maisons ou des princes en faveur de qui ils écrivent, comme il arriva a un auteur esfiagno ! , qui, voulant faire sa cour à Philippe II, e fit descendre en ligne directe d’Adam, depuis lequel jusqu’à ce prince il comptait cent dix-huit générations.

Tous les ouvrages qui ont paru jusqu’ici sur les généalogies ont subi une critique qui n’a point intimidé ni les familles qui les ont créés ni les auteurs qui les ont fait imprimer. Boileau, dans sa satire sur la noblesse, s’élève avec raison contre ce système adulateur et mensonger de créer des aïeux ; mais c’était en 1065 qu’il, écrivait ; que dirait-il donc aujourd’hui s’il lisait toutes les généalogies qu’on a établies depuis ?

En effet, la noblesse illustrée par des services rendus à l’État ou par la faveur des rois, peu satisfaite de son élévation du moment, a vu avec jalousie et dépit la noblesse ancienne lui opposer des degrés d’ascendance plus solides et mieux établis que les siens. Elle voulut alors se mettre a la hauteur de celle-ci en établissant des généalogies fastueuses qui faisaient remonter son origine aux temps les plus reculés. Comme le lustre d’une maison dépendait de son ancienneté, chacun voulait alors, pour reculer son origine, reculer celle de la création du monde, et le sine qua non d’une généalogie était que l’origine de la maison se perdait dans la nuit des temps. Ce qui est vrai de toutes.

Voilà, une des causes du juste anathème lancé par la saine critique sur tous les ouvrages généalogiques qui ont complaisamment rapporté ces rêves de l’orgueil et de l’ambition.

« Si l’on avait la généalogie exacte et vraie de chaque famille, dit M. de Jaucourt, il est plus que vraisemblable qu’aucun homme ne serait ni estimé ni méprisé à l’occasion de sa naissance. À peine y a-t-il un mendiant dans les rues qui ne se trouvât descendre en ligne droite de quelque homme illustre, ou un seul noble élevé aux plus hautes dignités de l’État, des ordres et des chapitres, qui ne découvrit au nombre de ses aïeux quantité de gens obscurs. Supposez qu’un homme de la première qualité, plein de sa haute naissance, vit passer en revue sous ses yeux toute)u suite de ses ancêtres, à peu près de la même manière que Virgile fait contempler à Enée tous ses descendants, de quelles différentes passions ne serait-il pas agité, lorsqu’il verrait des capitaines et des pâtres, des ministres d’État et des artisans, des princes et des goujats, se suivre les uns les autres, peut-être d’assez près, dans l’espace de quatre mille ans ? De quelle tristesse ou de quelle joie son cœur ne serait-il pas saisi a la vue de tous les jeux de la fortune dans une décoration si bigarrée dê’haillons et de pourpre, d’autels et de sceptres, de marques d’honneur et d’opprobre ? Quel flux et reflux d’espérances et de craintes, de transports de joie et de mortification n’essuierait-il pas, à mesure que Sa génênlogie paraîtrait brillante ou ténébreuse ? Mais que cet homme de qualité, si fier de ses aïeux, rentre en lui-même, et qu’il considère toutes ces vicissitudes d’un œil philosophique, il n’en sera point altéré.

Les générations des mortels, alternativement illustres et abjectes, s’effacent, se confondent et se perdent comme les ondes d’un fleuve rapide ; rien ne peut arrêter le temps, qui entraîne tout après lui, tout ce qui paraît le plus immobile et l’engloutit à jamais dans la nuit étornelle. » ^

— Écrit, sainte. Généalogie de Jésus. L’histoire de l’annonciation et de la naissance de Jésus est précédée, dans l’évangile de Mat" thieu, et suivie, dans celui de Luc, d’une généalogie attestant que Jésus, comme Messio, descend de David. Ces généalogies, étudiées en elles-mêmes aussi Bien que comparées l’une avec l’autre, fournissent des éclaircissements si importants sur le caractère des récits évangéliques, qu’on ne saurait les examiner avec trop d’attention. Parlons d’abord do celle que nous trouvons dans le premier évangéliste, et, pour que la discussion soit plus facilement comprise, transcrivons-la textuellement •