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quent des augmentatifs et des diminutifs : praoubas, très-pauvre ; praoubassas, tout ce qu’il y a de plus misérable.

La conjugaison offre une particularité caractéristique dans l’emploi obligé de la préposition invariable que, dans tous les temps autres que l’impératif et l’infinitif, à. la place que devrait occuper le pronom personnel. Ce pronom se trouve presque toujours sous-entendu. Il n’est exprimé devant le verbe que pour indiquer une action, une affirmation particulière : Jou que boy aco, moi, je veux cela ; fu’ey jou Iieit ! quai-je faitl En dehors de

ette intention marquée, le verbe portant

avec lui l’indication de la personne ou des personnes qui parlent, l’emploi du pronom personnel devient superflu. Ainsi on ne s’en servira.pas dans : je mange, tu mens, il égratigne, nous labourons, vous buvez, ils arrachent ; on dira : que mingi, que mentiches, quesgarraoupio, que laouran, que hourrupals, que arringon.

Le gascon possède un pronom démonstratif particulier dont les formes sont : ac, ag, ec, ic, oc, à la fin des mots qu’il détermine, selon que la voyelle finale de ces mots est a, e, i ou o. M. Cénac-Moncaut donne à ce pronom une origine basque ; mais ne serait-ce pas plutôt le démonstratif aco, cela, mutilé par aphérèse et par apocope ? Ce pronom se place, dans la conjugaison, à la fin du verbe ou de la préposition que, et semble se confondre avec eux à titre de régime direct. Aussi n’est-il employé que dans les verbes actifs. Comparez hourupa, boire ; hourupac, boire cela ; frounsi, froncer ; frounsic, froncer cela ; he, faire ; liée, faire cela. Dans les temps qui emploient la préposition que, le démonstratif s’attache à celle-ci : qu’ac henou, it fendit cela ; qu’ac minjo, il mange cela ; et dans les temps passés le démonstratif peut se répéter à la fin du verbe : qu’ac henouc.

Telles sont les principales observations que l’on a faites sur le patois gascon, que Montaigne trouvait singulièrement beau, sec, bref, significatif, langage mâle et militaire plus que tout autre. Au siècle dernier, d’excellents juges en matièro de goût, Grimm et Diderot, écrivaient sur le dialecte qui nous occupe, comparé au français : « Le gascon est beaucoup plus sonore et plus agréable à l’oreille ; il termine en a et en at les mois terminés en e et en er : il dit libertat, ennayrat, quand nous disons liberté, élevé ; brounzina au lieu de bourdvmer ; biroula au lieu de tourner. 11 ne conn it point les syllabes nasales. Dedins pour dans se prononce a l’italienne, et non à fa française... Il n’a point d’e muet  : pimparèlo pour pâquerette ; maynâdo pour jeune fille. Quel immense avantage en musique et en poésie ?... Il approche de l’italien pour la simplicité, la naïveté, l’expression et la gentillesse, il connaît, comme l’italien, les grâces des diminutifs. On dit pastoureteto youi petite bergère ; soureillet pour petit soleil. La galanterie même devient touchante dans ce langage, par l’extrême naïveté qu’il conserve toujours : Lou ciel n’a qu’un sourd, ma pastotro n’a du»t

Ce langage, poétique par excellence, a produit une littérature relativement importante. Nous citerons seulement les principaux auteurs qui, après les anciens troubadours, ont illustré par leurs œuvres le dialecte gascon : Pey de Garros, Poesias gasconas (1567, in-4o) ; Bertrand Larade de Mourejau, la Margalide gascove (1604, in-12) ; G. Ader, Lou gentilhomme gnscoun (1610, in-8o) ; Pierre Goudelin, le hamelet moundi (1638, in-S<>) ; G. Bedout, Lou parterre gascon» (1642, in-4o) ; G. d’Astros, Lou trimfe de ia lengouo gascouo (1643, in-12) ; de Clarac, Arlequin gascou, coumedio (1685, in-12) ; Napian, le Mirai moundi (1781, in-12) ; enfin J. Jasmin, Las papillolos (1825-1851, 3 vol.).

La langue dont s’est servi Jasmin pour composer ses poésies n’est pas, à proprement parler, le vrai dialecte gascon, c’est une langue à. la fois un peu artificielle et parfaitement naturelle, qui s’entend également en Gascogne, en Languedoc et en Provence, et que les Catalans même comprennent.

— Ichthyol. Le gascon, appelé aussi gascanet, saurel, chicarou, maquereau, bâtard, etc., est un poisson du genre scombre, qui ressemble assez au maquereau par la forme et la couleur’ mais qui est plus petit et plus aplati. 11 a le dos bleuâtre ; le ventre argenté, avec une teinte rougeâtre ; les yeux verdâtres, très-ouverts, et la ligne latérale un peu arquée. Ce poisson habite la Méditerranée et 1 Océan ; il abonde surtout vers les côtes de l’Angleterre. Il nage ordinairement en grandes troupes, et on en fait quelquefois des pêches très-fructueuses. Sa chair, qui rappelle celle du maquereau, bien que moins délicate, est assez estimée. En Hollande, on la recherche quand elle est fumée comme le hareng.

GASCON1SER v. n. ou intr. (ga-sko-ni-zé — rad. gascon). Se servir, en panant français, de tours empruntés au patois gascon ; Sous Henri IV, par imitation ou par courtisanerie, toute la cour gasconisait. (Ourry.)

GASCONISME s. m. (ga-sko-ni-sme — rad. gascon). Tour vicieux de la langue française, emprunté au patois gascon : La plus grande arainte de Maynard est de passer pour avoir des gasconismes dans son langage. (SteBeuve.)

— Encycl. Le gasconisme est un vice de

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langage qui vient de la manière de parler des Gascons, de l’imitation déplacée de certains tours propres à leur idiome ; et il faut entendre ici par Gascons non-seulement ceux qui habitent la Gascogne proprement dite, mais encore les habitants de la Guyenne, du Roussillon, du Languedoc, de la Provence, du Rouergue, de 1 Auvergne et des autres provinces méridionales de notre pays, ou le français n’est pas la langue ordinaire du peuple. « Or, disait l’abbé Sabatier de Castres dans son Dictionnaire de littérature (1770, tome II), comme ces provinces fournissent beaucoup de citoyens à la république des lettres, et que ceux mêmes de leurs habitants qui ont été le mieux élevés sont sujets à donner au français des tournures patoises, nous avons cru devoir consacrer un article au mot gasconisme, pour exhorter nos lecteurs de ces pays à se précautionner davantage contre les défauts qu’il renferme. » L’excellent abbé avait d’ailleurs été devancé dans cette voie, assurément fort chrétienne, par un écrivain du cru qui, chose digne de remarque, et pour ainsi dire exceptionnelle, semblait reconnaître par cela même que tout n’était pas absolument parfait chez ses compatriotes. Celui-ci avait publié à Toulouse, sous le titre de Gasconismes corrigés, un ouvrage qu’il aurait rendu plus utile s’il eût recueilli un plus grand nombre de gasconismes, et s’il les eût groupés par ordre alphabétique.

Nous ne prétendons pas relever ici tous les gasconismes qui ont cours : l’exécution d’un tel projet exigerait un gros volume. En voici cependant quelques-uns que tout le monde a entendus et que, sans s’être baignées dans les eaux de la Garonne, certaines personnes répètent volontiers : Je viendrai vous voir dès . être arrivé ; je reste dans la rue Saint-Honoré ; mon maître de danse l’apprend à danser ; peu s’en a fallu ; je veux plutôt finir ce que je fais ; je ne puis sortir aoec le temps qu’il fait ; je suis rentré à bonne heure lundi soir ; nous avons convenu de cela ; il en a convenu. Avons nous besoin d’ajouter qu’il faut dire : J’irai vous voir dès que je serai arrivé ; je demeure dans la rue Saint- Honoré ; mon maître à danser lui montre, lui apprend à danser ; peu s’en est fallu ; je veux auparavant finir ce oue je fais ; je ne puis sortir par le temps qu’il fait ; je rentrai de bonne heure lundi au soir ; nous ïammes convenus de cela ; it est convenu de cela. Toutes les fois que convenir exprime un accord, une convention, on’ doit le conjuguer avec l’auxiliaire être, et non avec le verbe avoir. On dit très-bien : cet emploi m’aurait convenu ; cette maison m’a convenu,

farce que, dans ce cas, eoJiuentrn’exprime pas idée de convention, mais l’idée de convenance, de rapport. Les Gascons disent encore : j’ai confirmé, j’ai confessé, j’ai promené, pour j’ai été confirmé, je me suis confessé, je me suis promené, et aussi : droit pour debout ; la ville de Toulouse dont je suis, août je viens,

d’où je suis curé, pour d’où je suis, d’où je

viens, dont je suis curé. Quelques-uns disent : faire au volant, faire au mail, faire au billard ; faire des vers à soie ; hier fit huit jours ; faitesmoi lumière, pour jouer au volant, au mail, au billard ; élever des vers à soie ; il y eut hier huit jours ; éclairez-moi.

GASCONNADE s. f. (ga-sko-na-de — rad. gascon). Vanterie, hâblerie, forfanterie, exagération en paroles ; promesse en l’air : Le gouvernement, n’ayant ni troupes ni argent dont it pût disposer à l’intérieur, éluda la difficulté par une gasconnade législative. (Balz.)

Votre mort ? Renonces a cette gasconnade.

Cher oncle ! Elle commence a devenir très-fade.

Personne n’y croit plus

E. Aijoier.

— Encycl. Pour peindre au naturel le caractère gascon, que tout le monde connaît d’ailleurs, nous ne pouvons mieux faire que de rapporter ici quelques anecdotes, qui sont dune authenticité plus ou moins... authentique ; mais si non è vero è bene trovato.

Un Gascon disait : « J’ai l’air si martial

que, quand je me regarde dans un miroir, j’ai

peur de moi-même. »

+

Un autre affirmait que, dans un duel, il avait si bien collé son homme contre le mur, qu’on le prenait pour une peinture à fresque.

  • «

Un prédicateur gascon demeura court en chaire ; il eut beau se frotter la tête, il n’en sortit rien, il fallut descendre. «Messieurs, dit-il, en prenant congé de l’auditoire, je vous plains, vous perdez une belle pièce. »

Un Gascon, assistant à une revue à cheval, fut prié par de paisibles bourgeois qui étaient près de lui de vouloir bien faire un peu reculer son cheval, de crainte d’accident : « Messieurs, leur répondit-il, mon cheval est du pays, il ne recule pas. »

Un Gascon faisait un jour dans une société la description de ses bois de haute futaie, et en vantait l’étendue et la beauté. « Vous l’entendez, dit quelqu’un ; mais je veux que l’on m’étrangle s’il en a seulement de quoi se faire un cure-dent. »

Deux amis, dont un Gascon, jouaient aux

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dominos, et ce dernier, après chaque partie, i comptait ses points avec une rapidité vertigineuse. Comme on lui faisait observer qu’il pouvait se tromper : « Me tromper ! jamais ! dit-il ; j’ai essayé, je ne peux paslt

Henri IV causait un jour avec son jardinier de Fontainebleau, qui lui disait : «Ce terrain est des plus ingrats ; j’ai beau le fouir, l’engraisser, j’y perds mes peines ; rien ne profite, rien iie vient. — Semez-y des Gascons, dit le roi, ils prennent partout. »

Un Gascon disait que, dans le château de son père, il y avait une galerie de mille pas de long. Comme on lui riait au nez, il invoqua le témoignage de son valet, Gascon comme lui, qui dit : «Messieurs, vous en rirez tant qu’il vous plaira, mais la galerie n’en a pas moins mille pas de long sur deux mille de large. »

Un Gascon eut une querelle avec un Normand, et ils allaient en venir aux prises, quand on les sépara. « Il vous doit un bon grand merci, dit le Gascon en montrant son antagoniste ; si vous m’aviez laissé faire je l’allais nicher dans la muraille, et je ne lui aurais laissé de libre que le bras, pour m’ôter son chapeau toutes les fois que j’aurais passé devant lui. i

»

Si le Gascon est vantard, il faut reconnaître qu’il plaît aussi souvent par son esprit, qu’il amuse par ses fanfaronnades. Un officier gascon, de l’année de Villars, disait un jour au camp à quelques-uns de ses camarades : «Ce soir, je dîne chez Villars.» Le maréchal se trouvait précisément à quelques pas. Il entendit le propos, et, s’adressant à l’officier : « Monsieur, lui dit-il, ne serait-ce que par respect pour mon grade, vous devriez dire Monsieur de Villars. — Cadédis ! s’écria le Gascon, est-ce que l’on dit Monsieur de César ?» Il était impossible de s’en tirer plus spirituellement et plus délicatement.

Entre Gascons : « J’ai un chien, monsieur.

— Moi aussi, monsieur. — Il s’appelle Ralph... Un jour que des gamins lui avaient mis une casserole à la queue... —11 courut ? — Non, il se coupa la queue... par amour-propre 1-Diable ! Le mien fit mieux.... ayant aussi sa casserole à la queue. — 11 la pulvérisa ?-Non, monsieur ! 11 se fit cuire dedans... un jour de disette ! »

« »

On exaltait, devant un gentilhomme gascon, l’intrépidité, la vaillance d’un jeune prince qui, dans un assaut, avait tué jusqu’à six ennemis de sa main. « Sandis ! s’écria-t-il, voilàt-il pas une belle merveille ! Je veux que vous sachiez que tous les matelas de mou appartement sont rembourrés avec les moustaches de ceux dont mon épôo a été victorieuse. C’est cela, cadédis ! qu’il faut admirer, et non pas les bagatelles de ce prince que vous louez Bi fort. >

À une représentation de l’Opéra d’Aride, un fat chantait dans le parterre, en même temps que Thévenard (excellent chanteur de l’époque), et si haut que ses voisins s’en trouvaient incommodés. L’un d’eux-, Gascon, moins endurant que les autres, s’écriait à chaque instant : « Oh le fatl l’impertinent drôle ! le maudit chanteurI — Est-ce de moi quo vous parlez ? dit le chanteur importun.

— Oh ! que non, dit le Gascon, né voyez-vous pas que je parle dé Thévenard, qui m’empêche dé vous entendre ?'

  1. ■ *

Deux commis voyageurs, dont un Gascon,

— Jugez un peu, un commis voyageur greffé sur un citoyen des bords de la Garonne !se trouvaient en chemin de fer dans le même compartimentât vantaient à qui mieux mieux le chiffre d’affaires de leurs maisons, « Savez-vous, dit au Gascon l’autre compagnon, croyant l’émerveiller, savez-vous que chez nous la dépense d’encre seulement se monte à deux mille francs par an. — Deux mille francs ! fit l’autre en éclatant de rire, deux mille francs d’encre 1 Voilà quelque chose de bien extraordinaire, vraiment ! Eh bien, mon bon, chez nous, nous en économisons pour cinq mille francs par an, rien qu’en ne mettant pas les points sur les i. »

À l’une des premières représentations du Cid se trouvait un Gascon qui, ce soir-là, avait bu autre chose que de l’eau de la Garonne. Quand il entendit la fameuse interrogation : «Rodrigue, as-tu du cœur ?» Il interrompit brusquement don Diègue, et s’écria, en se frisant fièrement la moustache : «Ehl cadédis ! demandez-lui seulement s’il est Gascon ; cela suffit. » Le mot fit fortune, et, le lendemain, quand on s’abordait dans la rue, on ne manquait pas de se dire : « Rodrigue, es-tu Gascon ?»

Un Gascon, se trouvant dans un parc, s’escrimait contre un arbre en s’écriant, à chaque botte qu’il lui portait : «Eh ! sandis ! si tu étais un’homme ! Eh ! si tu étais un homme ! > Sur cette exclamation répétée, un gaillard de

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bonne carrure et à l’air décidé se moDtre brusquement : « Et que lui feriez-vous, s’il était un homme ?» demanda-t-il à notre Gascon : « Eh ! sandis, dit ce dernier, je lui payerais une bouteille. »

Un Gascon, qui n’avait pas le sou, entre chez un barbier et se fait raser, pendant qu’on accommodait sa perruque, à eu commande une de pris. « Mais, dit le perruquier : je n’ai pas l’honneur de vous connaître. Si je fais cette perruque, puis-je compter que vous viendrez la prendre ? — Fiez-vous il ma parole, répondit le Gascon, et pour preuve quo je viendrai, je ne vous payo pas cette façon de barbe ; nous compterons le tout ensemble. »

« « »

On se disposait à pendre en place publique un Gascon et un fils de l’Auvergne, et le greffier, lisant la sentence qui se rapportait à ce dernier, dit : «Condamné à être pendu pour avoir volé un sac de clous. » À ces mots, le Gascon haussa les épaules et jeta un regard de pitié dédaigneuse sur son compagnon. Quand vint son tour, le greffier s’exprima ainsi : « Condamné à être pendu pour avoir volé un sac de louis. » Le Gascon, relevant alors fièrement la tête : «Ehl l’ami, s’écriat-il, sont-ce des clous ? »

Un financier, jouant au piquet avec un Gascon, courait risque d’être capot ; il avait deux as qui lui restaient, et qu’il montrait à découvert, il no savait lequel garder. Le Gascon, voyant qu’il levait le bras pour jeter l’os dont il fallait se défaire, avança’adroitement un de ses pieds sous la table, et pressa un des pieds du financier. Celui-ci, qui était environné de plusieurs de ses amis, crut que c’était l’un d’entre eux qui l’avertissait de jeter l’autre as, ce qu’il fit, et comme il se vit capot, il demanda tout haut avec dépit quel était le presseur du pied. Le Gascon, après lui avoir reproché, en riant, d’avoir voulu profiter d’un avertissement peu loyal, lui dit : « C’est moi, qui ne me crois pas obligé de vous donner un bon avis. »

Mais voici le modèle du genre ; nous le tenions en réserve pour le bouquet ; après cette double gasconnade, on peut hardiment tirer l’échelle.

Le Gascon le plus Gascon qu’ait produit la Gascogne se trouvait dans un port de Hollande, prêt à s’embarquer sur un paquebot en partance pour l’Angleterre. Après y avoir déposé sa malle, qui était des plus légères, il entra dans un cabaret pour y déjeuner. Il paraît qu’il trouva le vin si séduisant qu’il oublia l’heure de l’embarquement, et que, lorsque la mémoire lui revint, le navire lui avait brûlé la politesse. Voilà notre homme au désespoir ; il avait fait de magnifiques projets de fortune qui devaient se réaliser en Angleterre et qu emportait le vent. Tandis

?u’i ! se lamentait en poussant des cadédis à

endre le cœur, le patron d’une barque plate et découverte vint lui adresser ses offres de service, se faisant fort de lo conduire rapidement jusqu’au vaisseau. Nos deux hommes se mettent en mer. Bientôt un orage épouvantable éclate et précipite la marche de la barque, qui, en effet, ne tarde pas à atteindre le navire. L’obscurité était presque complète, et le Gascon, trempé jusqu’aux os, comme s’il fût sorti du vaste sein d’Amphitrite, profita de cette circonstance pour grimper sur le vaisseau, tandis que la barque s’éloignait sans être vue. « Dieu vous garde ! messieurs, fit-il en tombant au beau milieu de l’équipage ; sandis ! moi qui mé croyais un nageur de première force, j’ai vu le moment ou je né pourrais jamais vous rattraper. Monsieur le capitaine, je vous fais compliment sur votre coque de noix ; elle file comme une mouette. » Chacun s’étonne de ce prodige de natation, malgré le magnifique aplomb du Gascon. « Ehl cadédis ! s’écrie-t-il, croyez-vous que je tombe dé la lune ? Voyez plutôt mes habits. » Bref, les plus incrédules en vinrent à douter.

Parmi les passagers se trouvait un lord qui lançait des goddem d’admiration à jet continu devant cet exploit. Prenant le Gascon à part, il lui fit les offres les plus avantageuses, s’il voulait s’attacher a lui. Notre Gascon ne se fit prier que pour sauver les apparences. Le lord lui apprit qu’il comptait sur son étonnante habileté de nageur pour gagner un pari de 1,000 guinées qu’il allait proposer, dès qu’ils auraient abordé en Angleterre, à un autre lord de ses amis, qui comptait parmi ses domestiques un nègre, nageur intrépide aussi, qui avait vaincu tous les rivaux qu’on lui avait opposés jusque-là et gagné à son maître une foule de paris-avantageux. « Sandis 1 s’écrie l’enfant de la Gascogne, voilà qui mé plaît. Ah ! je le mènerai plus loin qu’il n’est jamais allé, votre moricaud. » Le lord est enchanté et promet une récompense brillante en prévision d’une victoire assurée. À peine est-il arrivé à Londres, qu’il va défier le maître du nègre, lequel n’accepte pas le pari avec moins d’empressement. Jour est pris pour l’épreuve. Or ; il est temps d’avouer que le Gascon, non-seulement n’avait jamais fendu la vague d’un bras vigoureux, mais n’avait peut-être jamais mis les pieds dans une baignoire. Heureusement, il n’était pas homme a s’inquiéter d’un détail aussi insignifiant.