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sailles (où ils furent massacrés dès leur arrivée). Le Loiret l’envoya siéger à la Convention nationale. Il vota assez souvent avec la Plaine ; cependant, il affectait un républicanisme chaleureux, qui, probablement, était sincère alors ; mais, comme beaucoup d’hommes secondaires de son temps, il flottait au gré des événements et des circonstances. Envoyé en mission dans les Pyrénées-Orientales, il montra de l’activité et du patriotisme. Il existe de lui une lettre qu’il écrivait à cette époque à Cainot, et dans laquelle il parlait avec enthousiasme de Collot d’Herbois et de Robespierre. Dans le procès du roi, il refusa de se prononcer comme juge, et vota, comme législateur, pour la réclusion. En mars 1793, il fut nommé l’un des secrétaires de l’Assemblée, et fit décréter, le 20 septembre suivant, que le bonnet de la Liberté serait substitué aux fleurs de lis empreintes sur les bornes milliaires des routes de France. Le 21 avril 1795, après l’acquittement du comité révolunaire de Nantes, il s’opposa à une remise en jugement, en invoquant les principes tutélaires de l’institution des jurés. Bien qu’il ait pris part à divers actes de la réaction thermidorienne, il combattit cependant, après

l’insurrection de prairial, l’immorale et odieuse proposition de Clausel, de traduire devant la commission militaire ceux qui donneraient asile aux représentants proscrits. En outre, il défendit Drouet, dont on proposait l’exclusion : « Souvenez-vous, s’écria-t-il, que ce même homme est celui qui arrêta dans sa fuite un roi qui trahissait ses serments et la nation entière. > Il conseilla aussi les mesures les plus énergiques contre l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire.

Réélu au Conseil des Cinq-Cents, il y siégea jusqu’en 1798, fut ensuite nommé commissaire du Directoire près le tribunal de cassation, fonctions qu’il remplit jusqu’au 18 brumaire. Bonaparte, trouvant en lui un instrument docile, le nomma sénateur, comte, et le pourvut de la sénatoreria de Riom, en 1804. En 1814, il vota la déchéance de l’empereur, et fut appelé à la Chambre des pairs par Louis XVIII. Il était membre de l’Institut depuis lu création de ce corps.

Outre des rapports assez curieux au comité des recherches de la Commune, on en a d’autres de lui sur l’insurrection des noirs de Saint-Domingue et sur divers sujets, présentés aux Assemblées dont il a fait partie ; on a encore des Recherches politiques sur l’état ancien et moderne de la Pologne (an III, in-8°), et de bons articles dans le Répertoire de jurisprudence de Guyot.

GARRAnier s. m. (ga-ra-ni-é). Bot. Nom

vulgaire de la giroflée.

GARHAOU ou GARROW, contrée de i’Indoustan anglais, au delà du Gange, au S. de l’Assam et au N. du Catchar. Elle a été récemment annexée à la présidence de Calcutta. Cette contrée montagneuse est sillonnée par la chaîne des monts Garraous, qui est regardée comme une ramification de la chaîne orientale de l’Himalaya, et qui a 400 kilom. de développement et 1,400 met. de hauteur. Elle présente quelques fertiles vallées ou l’on trouve de beaux pâturages, et où l’on cultive le coton, le chanvre et le sénevé.

GARKARD, comté des États-Unis, dans l’Etat de Kentucky, entre le fleuve Kentucky au N., la rivière de Dick au S. et celle de Paint-Lick au N.-E. ; 10,237 hab. Ch.-l., Lancaster. Sol montagneux, mais fertile.

GARRAS s. m. (ga-ra). Comm. Toile de coton blanche.

GAURAOD (Gabriel-Joseph), sculpteur français, né à Dijon en mars 1807. Il vint à Paris à l’âge de vingt ans, et, après avoir fréquenté pendant quelque temps l’atelier de Ramey fils, entra dans celui de Rude. Son premier début fut un buste en plâtre qu’il exposa au Salon de 1838. L’année suivante, il envoya au Salon : Une jeune fille jouant avec une chèvre ; en 1840, la Vierge à l’Enfant, commande du ministère de l’intérieur ; en 1841, Une bacchante faisan ! l’éducation d’un jeune satyre (plâtre) ;-en 1845, la Première famille sur la terre (marbre), qu’on voit aujourd’hui au Luxembourg, tout près de la fontaine de Médicis. En 1849, M. Garraud exposa une statue de la République. Mêlé au mouvement de 1848, il tut successivement directeur des beaux-arts au ministère de l’intérieur, puis inspecteur des beaux-arts, poste qu’il «occupa que jusqu’en 1852. M. Garraud reprit alors l’ébauehoir ; mais, jusqu’en 1863, nous ne trouvons aucune œuvre à signaler. À cette époque, il exposa le Secret de l’Amour. Plusieurs bustes sont également sortis du ciseau de cet artiste de mérite, entre autres ceux du Marquis de Laplace, pour l’Observatoire de Paris, de Ledru-ltollin, de il/lie Augustine Brohan, etc.

GARRAULT (François), sieur des Georges, financier et écrivain français, né à Orléans au xvie siècle, mort à Paris vers 1632.. Il fut intendant général des finances en Champagne, trésorier de l’épargne et conseiller du roi. On a de lui, entre autres ouvrages : Traité des mines d’argent trouvées en France (1574, in-so) ; Mémoires et recueils de nombres, poids et monnoyes anciennes et modernes des nations les plus renommées (1576) ; Deux paradoxes sur le fait de la monnoye (1578) ; Sommaire des édits et ordonnances royaux concernant ta cour des monnoyes (1632)

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GAERAT, village d’Espagne, prov. et à 7 kilom. N. de Soria ; 300 hab. Commerce de laine et de bétail. Beau pont de seize arches en pierre de taille, sur le Duero, dominé par la colline qui portait autrefois la célèbre Numance.

GARRICR (David), le plus grand acteur de l’Angleterre, surnommé le Ro«cius anglais,

né à Angel-Inn, dans le.comté de Hereford, le 20 février 1716, mort à Londres le 20 janvier 1779. Son aïeul était un négociant français protestant, que la révocation de ledit de Nantes, en 1685, avait obligé de s’expatrier et de se réfugier en Angleterre, et dont le vrai nom était La Garrigue, auquel il donna la forme anglaise que son petit-fils devait plus tard illustrer. Ce Français naturalisé Anglais, grâce au Père Lachaise, se maria en Angleterre, et devint le père de quatre enfants, dont deux, fils et deux filles. L’aîné des garçons alla s’établir à Lisbonne, où il fit le commerce des vins ; le plus jeune, nommé Pierre, le père de notre David Garrick, embrassa la profession des armes, dans laquelle il eut beaucoup de peine à obtenir le grade de major. Pierre Garrick avait épousé une Irlandaise, et ce fut près de Hereford, où son régiment était en garnison, que naquit David Garrick. Quelque temps après la naissance de ce fils, Garrick père alla demeurer à Litchfield, où il vécut encore plusieurs années. Le jeune David, après avoir reçu des leçons de Samuel Johnson, alors très-jeune, et instituteur à Litchfield, fut envoyé à treize ans, en 1729, à Lisbonne, auprès de son oncle, pour y apprendre le commerce. Mais déjà il était plus occupé de la lecture des grands maîtres de l’art dramatique, de Shakspeare surtout, que de toute autre chose, et il se plaisait à jouer des scènes de comédie avec quelques jeunes Portugais qui avaient étudié la langue anglaise. Voyant qu’il n’était pas né pour le commerce, il revint dans sa patrie, auprès de ses parents, à Litchfield, tort incertain encore sur l’état qu’il embrasserait, et il se remit à étudier sous la direction de Samuel Johnson, qui fut dès lors plutôt son ami que son maître, et qui devait, quelque temps après, aller chercher fortune à Londres avec lui.

Garrick eut un instant l’idée d’embrasser la profession d’avocat ; il partit pour Londres, et, le 9 mars 1736. il se fit inscrire au nombre des étudiants en droit de Lincoln’s-Inn. Mais l’étude des lois n’était pas du tout son fait ; il s’en dégoûta bientôt, et, voulant encore une fois essayer du commerce, il s’établit marchand de vin aux environs de la cour de Durham, son oncle de Lisbonne lui ayant fourni les moyens d’entreprendre ce genre de commerce. Il l’exerça tant bien que mal, et plutôt mal que bien, selon toute apparence, jusqu’à son apparition sur le théâtre, en 1741.

Mais, au milieu de toutes ces vicissitudes, la passion qu’il avait pour la lecture des grands poëtes dramatiques et pour les représentations scéniques le suivait partout.

Shakspeare surtout était son idole. Enfin son inclination l’emporta ; il résolut de tenter la fortune au théâtre, et s’engagea, sous le nom de Lyddal, dans une troupe ambulante. Il débuta à Ipswick, dans l’été de 1741, par le rôle d’Aboar, dans la pièce intitulée Oroonok, Les applaudissements qu’il sut mériter sur ce théâtre obscur le firent bientôt appeler à Londres, où il parut pour ta première fois sur le théâtre de Good-man’s-nelds, le 19 octobre 1741, remplissant le rôle de Richard dans le Richard III de Shakspeare. Son succès fut immense dès le premier jour, et ne s’est plus démenti depuis.

Il excitait surtout l’admiration universelle dans les plus beaux rôles de Shakspeare, tels que Macbeth, Hamlet, Richard III, le roi Lear, etc. Il se montrait également parfait dans les rôles comiques, et tout le monde le proclamait l’acteur modèle, sans rivaux, au moins dans sa patrie. Il donna sa dernière représentation en 1776 ; il avait alors près de soixante ans. Le discours qu’il adressa au public pour lui faire ses adieux fut interrompu par ses larmes, et les spectateurs notaient pas moins émus.

Aux talents du comédien, Garrick joignait ceux de l’écrivain et du poète. Outre un grand nombre de prologues et d’épilogues composés par lui pour être récités sur la scène avant ou après la représentation des pièces importantes, il a remanié plusieurs pièces de Shakspeare, et produit lui-même des comédies, des drames, des vaudevilles dont plusieurs eurent beaucoup de succès.

Il mourut d’une paralysie des reins. Une pompe vraiment royale présida à ses funérailles ; les plus grands seigneurs y assistèrent ; 1 évêque de Cantorbéry célébra l’office, et le corps fut inhumé dans l’abbaye de Westminster, à côté du tombeau de Shakspeare. Peu de temps après, un monument funéraire lui fut élevé par les soins et aux frais de M. Albany Wallis, un de ses amis les plus dévoués.

La nature l’avait merveilleusement doué ; l’art, la science, l’étude, la volonté en firent le plus étonnant comédien dont l’histoire des arts ait consacré le souvenir. Ce qu’il y avait surtout en lui d’admirable, c’était la réunion des qualités si diverses qui font les grapds acteurs tragiques et les grands acteurs comiques, qualités qui semblent s’exclure et ne pouvoir se rencontrer au même degré dans lu

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même personne. C’est ce qui le fit appeler à la fois de son temps le Lekain et le Préville du théâtre anglais. Plus que Lekain et que Préville même, il excellait dans cette partie de l’art, où les passions ne s’expriment que par le jeu des muscles du visage et par les attitudes du corps. Les témoignages contemporains qui l’attestent sont innombrables ; mais les suivants suffiront à en donner une idée.

Le duc de Guines, qui fut notre ambassadeur à Londres en 1770, racontait volontiers le fait suivant :

«J’arrivais à Londres, dit-il, en qualité d’ambassadeur de France. Mon premier soin fut de m’informer si mon ami, le lord Hedgecomb, était revenu d’Écosse. J’appris qu’il était à Twickenham, et je m’y rendis. Le noble lord me fit l’accueil que j’attendais de son amitié. « Je n’ai pas oublié, me dit-il, le désir que vous avez de connaître Garrick. Vous allez être satisfait. Garrick est chez moi depuis quatre jours. Acheminons-nous « vers ce pavillon ; il y prend le thé. »Mon empressement fut égal à ma joie. Nous entrons dans le kiosque ou Garrick déjeunait. Je vois un petit homme, d’une mine assez commune, étendant du beurre sur son pain avec une telle application, qu’il ne se dérangea pas quand nous parûmes. « Mon cher Garrick, lui dit le lord, voilà M. l’ambassadeur de France qui se fait un grand plaisir de vous voir eÇ de t causer avec vous. » Garrick me rit un salut assez léger et continua sa beurrée. Je regardai sans parler. Il rompit le silence : « Monsieur l’ambassadeur île France, dit-il en souriant assez finement, a, dans ce moment, une assez pauvre idée de Garrick.-Loin de là, lui répondis-je. Mais, je vous l’avouerai, je vous confrontais avec votre réputation ; je vous comparais, monsieur Garrick, à cette estampe où, le poignard à la main, l’œil en feu. les cheveux hérissés, vous m avez fait frissonner, quoique je ne vous aie jamais vu. — Vraiment oui ! reprit « Garrick ; ces peintres nous ilattent. Ils nou3 u représentent tels qu’ils nous voient sur la scène. Ils nous donnent de belles attitudes, des airs de roi, et, redevenus nous-mêmes, nous paraissons ignobles à côté de notre portrait. » En même temps, il se leva comme un homme en fureur. Il avait six pieds ; ses cheveux me parurent se dresser sur sa tête ; ses lèvres tremblaient. L’expression de la figure entière était effrayante. Je reconnus Richard III, la gravure, et surtout l’inimitable Garrick. »

Le duc de Guines ajoutait qu’il passa plusieurs jours à Twickenham, et que ce grand acteur y joua plusieurs scènes muettes dont la pantomime était toujours admirable.

Pendant son séjour à Paris, Garrick dînait fréquemment chezM’ie Clairon ; les convives étaient nombreux et choisis. Après dîner, ils se donnaient mutuellement des échantillons de leur talent. Un soir, il dit à Mlle Clairon qu’un acteur restait nécessairement en chemin s’il ne connaissait pas la gamme des passions. Sur la réponse de l’actrice qu’elle ignorait ce qu’il entendait par là, Garrick se mit à parcourir, par le seul jeu de sa physionomie, tout le cercle des passions humaines, passant des plus simples au plus compliquées, et chacun des assistants les reconnut toutes sans peine, quoique le grand acteur s’abstint de prononcer un seul mot.

Les acteurs de la Comédie-Française, ayant su le jour où Garrick devait arriver à Paris, l’attendirent à l’auberge la plus voisine de la barrière. Là, sa voiture se brisa par une maladresse du postillon, bien payé par Messieurs de Paris pour cet accident. Garrick fut forcé de s’arrêter à l’auberge ; on y faisait une noce. Il fut invité par les parents et les mariés à se mettre à table ; on lui versa du bon vin, qu’il aimait beaucoup. Enfin, il oublia sa colère contre le postillon, et parut se livrer si franchement à la circonstance, que les acteurs (car c’étaient eux) le crurent tout à fait dupe de la comédie qu’ils jouaient. Ils ne furent pas peu surpris quand Garrick, sortant tout à coup d’une fausse ivresse, les salua tous par leurs noms. Les feuilles publiques l’avaient familiarisé depuis longtemps, et par la louange et par la critique, avec les qualités et les défauts de chacun d’eux. Il les avait devinés presque tous en étudiant leur physionomie et en les entendant parler, de sorte qu’on peut dire qu’il reconnut des gens qu’il n avait jamais vus.

Durant son séjour à Paris, en 17G3, il voulut aller à Versailles pour y voir la cour et y examiner les chefs-d’œuvre qui embellissent les jardins, le parc et le palais de cette résidence royale ; ses amis l’accompagnèrent. C’était un dimanche ; le duc d’Auinont le lit placer dans une galerie que le roi devait traverser pour aller à la messe. Louis XV avait été prévenu de la présence de Garrick. Il ralentit sa marche pour le voir, et revint même sur ses pas pour l’observer encore. Garrick parut fiatté de l’attention curieuse du monarque. A souper, il s’extasia sur la magnificence du palais, du parc et des objets d’art qui les décoraient avec profusion. Mais, impatient d’amuser ses convives : « Je vais vous prouver, leur dit-il, que je n’ai pas seulement regardé les marbres et les bronzes. » En même temps, il fait ranger ses amis sur deux files, sort un moment du salon, et puis rentre avec un autre visage. Ils s écrient tous ; « Voilà le roi I voilà Louis XVI •

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Il imita successivement tous les personnages de la cour. On revit M. le Dauphin, M. le duc d’Orléans, les ducs d’Aumont, de Richelieu, de Brissac. Ils furent tous reconnus. L’acteur Caillot, témoin de ces métamorphoses, en demeura stupéfait.

C était là peut-être le côté !e plus étonnant et le plus rare de cet acteur si bien doué. Tous ses biographes s’accordent à dire que sa figure prenait alternativement l’expression des passions les plus diverses et des caractères les plus opposés : la majesté royale, la magnanimité, 1 amour, la fatuité, l’air commun, l’air de jeunesse, la décrépitude du vieillard, la gaieté, le désespoir, la folie, la stupidité s’y peignaient tour à tour avec la plus grand naturel et la vérité la plus saisissante. On ajoute que son jeu muet avait la plus grande expression, et produisait un effet saisissant dans l’imitation de l’agonia et de la mort.

Après la mort de Fielding, ses amis ayant exprimé le regret qu’aucun peintre n’eût fixé sur la toile les traits de ce romancier célèbre, Garrick ne craignit pas de s’avancer trop en promettant de faire revivre Fielding quelques instants, afin que Hogarth, qui était présent, pût esquisser rapidement son portrait. La proposition ayant été acceptée, Garrick se retira dans une chambre voisine, où il fit les préparatifs nécessaires pour se donner, autant que possible, toutes les apparences extérieures du personnage. Quand il reparut, tout le monde crut à l’instant reconnaître Fielding, et Hogarth s’empressa de tracer, sur ce singulier modèle, l’unique esquisse que l’on possède du visage de l’auteur de Tom Jones.

Garrick avait trente-trois ans à peine, et déjà il n’avait plus rien à demander à la gloire, et peu de chose à la fortuné. Mais il lui manquait les satisfactions du cœur. Il les chercha dans le mariage. Il épousa, le 2 juin 1749, Eva-Maria Veigel, dite Yioletti. Il avait été sur le point, avant sa rencontre avec Mite violetti, d’épouser une actrice de son théâtre, très-belle et d’un très-grand mérite aussi, mistress Woffington. Il avait même été, à ce qu’elle assurait elle-même, jusqu’à essayer, en riant, à son doigt la bague nuptiale ; mais il ne lui avait fait aucune promesse formelle de l’épouser, comme on l’a dit faussement. Mistress Woffington conçut toutefois quelque dépit de ce mariage, et quitta, peu de temps après, la troupe de Drury-Lane pour passer à Covent-Garden.

Garrick fit avec sa femme un voyage en France et en Italie en 1751, et un-autre en 1763. Il s’y fit des amis des hommes les plus distingués. Diderot raffolait de Garrick. 11 avait également pour amis, en Angleterre, les écrivains les plus renommés. De ce nombre étaient surtout Fielding, Samuel Johnson, Sheridan, qui avait joué la comédie avec lui, Swift, Sterne, Goldsmith, et d’autres encore, qui trouvèrent en lui un frère généreux, malgré la réputation d’avarice que lui avaient faite ses rivaux et ses ennemis.

Dans ses premières années, étant peu riche et voulant vivre honorablement, il vivait avec la plus stricte économie et se montrait ardent à gagner de l’argent. Ce fut, pour ses ennemis, un motif de l’accuser d’avarice. Foote, qui était comme lui, en ce temps-là, auteur, acteur et directeur, pour attirer du monde au théâtre de Hay-Market, dont il avait obtenu la direction parla protection du duc d’York, y présentait la caricature des hommes les plus connus de Londres, qu’il exposait à la risée du public. Il eut un moment l’idée de ridiculiser Garrick sur son théâtre ; il ne le fit pourtant point ; mais, en toute occasion, il décochait des traits contre lui, et il ne contribua pas peu à lui faire cette réputation d’avarice. Il disait, entre autres choses, que lorsque Garrick quitterait le théâtre, il se ferait commis de quelque banquier, pour avoir le plaisir de compter de 1 argent du matin au soir. Cependant, lorsque, avec le temps, Garrick eut acquis une grande fortune, il en usa de manière à prouver l’injustice de ces accusations. Sa bourse était toujours ouverte à ses amis, et, quand il leur prêtait de l’argent, il ne s’inquiétait pas de savoir s’ils pourraient le lui rendre. Les traits qui constatent la générosité de Garrick sont nombreux et authentiques. Un de ses biographes les plus consciencieux, Murphy, rapporte qu’un M. Christie, de Pall-Mall, se citait lui-même comme un exemple de la noble générosité de l’acteur, et n’en parlait jamais qu’avec l’accent de la plus vive reconnaissance. Dans un moment où il se trouvait fort gêné par suite d’une perte considérable, étant allé faire une visite à Hampton avec son ami Albiiny Wallis, celui-ci, en se promenant dans le jardin avec Garrick, lui raconta l’embarrasdans lequel était leuraini commun. Garrick ne répondit rien ; mais, prenant ensuite à part M. Christie : « Quelle est donc cette histoire que Wallis vient de me raconter ? lui dit-il ; s’il ne faut que 5,000 livres pour vous tirer d’affaire, je les ai à votre service. » « Je tiens ce fait de M. Christie lui-même, ajoute Murphy, et la reconnaissance qu’il en conserve n’étonnera personne. »

Le mérite indigent, au rapport du même biographe, était toujours sûr de trouver un bienfaiteur dans Garrick. Le docteur Johnson avait coutume, quand il apprenait qu’une famille respectable était dans le besoin, de faire une collecte à son profit parmi ses amis et ses connaissances, et il a dit souvent qu’il