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deeins, dans les quarantaines sanitaires, etc. « 11 s’en faut de beaucoup, dit M. Barrier, que tout soit parfait dans ces diverses institutions. Il n’en est pas une seule où l’on ne puisse signaler quelques vices à. corriger, quelques lacunes à combler, quelques progrès à accomplir ; mais, prises dans leur ensemble, elles expriment la solidarité et l’équilibre qui doivent présider à tout échange.de services entre la société et chacun de ses membres. Les unes ne peuvent être dirigées que par l’État et demandent à ceux qui en sont charfés le sacrifice d’une partie de leur indépenance. D’autres sont simplement autorisées, protégées, assistées ou complètement affranchies, sauf le respect du droit commun. Dans chacune d’elles, il ne serait pas difficile de constater la nécessité de certains remaniements motivés par l’avantage de confier à l’initiative personnelle toutes les fonctions qu’il n’est pas indispensable, dans un intérêt supérieur, de laisser entre les mains de l’Etat. On aurait, dans plusieurs d’entre elles, à créer ou à fortifier des garanties encore insuffisantes. » Rappelons que Fourier considérait l’unité du système métrique comme le plus important de tous les faits de transition de la civilisation au garantisme.

Garanlisme mutuel et philanthropique. Dans cette cinquième division, se placent deu’ espèces d’institutions qui existent déjà dans notre ordre social, mais qui pourraient et devraient recevoir de beaucoup plus amples développements : 10 les institutions d’assistance

publique, telles que hôpitaux, hospices, dispensaires, dépôts de mendicité, invalides de la guerre ou du travail, défenses d’office devant’ les tribunaux, etc. ; 2° les institutions de mutualité et d’assurances, telles que sociétés de secours mutuels, caisses d’épargnes, caisses de retraites, tontines et sociales d’assurances, Soit sur la vie, soit contre les fléaux qui menacent la propriété {incendie, grêle, etc.). Le caractère commun de cette seconde catégorie d’institutions est de reposer sur un contrat en vertu duquel le dépôt d’un capital ou l’acquittement d’une annuité, sous forme de cotisation, retenue ou prime, donne droit, dans les cas prévus, à un avantage que la combinaison de certaines éventualités rend quelquefois très-supérieur au sacrifice qu’on s’est imposé, grâce à la coopération fraternelle ou au concours équitable de la société dont on est membre. « Nous n’insisterons pas, dit M. Barrier, sur ces institutions qui atténuent le paupérisme et soulagent des souffrances individuelles. Il serait injuste d’en nier la valeur ; mais ce ne sont que des palliatifs dont quelques-uns, simples actes d aumône et de bienfaisance, sont trop peu efficaces pour être loués sans restriction. On né" peut, sans doute, qu’approuver le sentiment et la pratique de la charité ; mais l’aumône proprement dite est le moindre de nos devoirs de fraternité sociale. Qu’on l’examine dans ses résultats immédiats ou éloignés, on verra que, si elle répond utilement à des besoins matériels pressants, elle tend à dégrader et à démoraliser celui qui prend l’habitude de la recevoir. » Ces réflexions de M. Barrier nous semblent justes, si on les applique seulement à la charité, à l’aumône. Il y a plus, nous ne croyons pas que des institutions de pure charité doivent être considérées comme reposant sur le principe du garantisme. L’arbitraire qui caractérise essentiellement la charité, l’aumône, est précisément l’opposé de l’idée garantiste, telle que Fourier et son école l’ont comprise. On est, au contraire, fondé à mettre au nombre des institutions garantistes le droit à l’assistance et au travail, tel qu’il —est organisé en Angleterre et préconisé par M. John Stuart Mill. Quant aux institutions de mutualité et d’assurances, il nous semble que M. Barrier en parle un peu légèrement : elles rentrent bien évidemment dans le système garantiste-, et l’on ne peut estimer trop haut le rôle qu’elles sont appelées à jouer dans la transformation de l’ordre social actuel.

Plan d’une ville garantiste. Dans un des chapitres les plus intéressants de son grand ouvrage, Théorie de l’unité universelle, Fourier a montré que l’art de l’architecture appliqué à la construction et à la distribution méthodique des édifices dans une ville pouvait offrir un moyen de passer de la cinquième à la sixième période sociale. > En quatrième période (barbarie), mode confus :, intérieur de Paris, Rouen, etc., rues étiotes, maisons amoncelées sans courants d’air ni jours suffisants, disparate générale sans aucun ordre. En cinquième période (civilisation), mode simpliste en méthode, ne régularisant que l’extérieur, où il ménage certains alignements et embellissements d’ensemble : telles sont diverses places et rues des villes comme-Saint-Pétersbourg, Londres, Paris, qui ont des

quartiers neufs, construits en système obligé qui astreint à suivre tel plan extérieur. Les tristes échiquiers, comme celui de Philadelphie, sont un des vices capitaux du mode civilisé. En sixième période, la distribution garantiste, mode composé, astreignant l’intérieur comme l’extérieur des édifices à un plan général de salubrité et d’embellissement, à des garanties de structure coordonnée au bien do tous et au charme de tous. C’était une chance de perfectionnement social dont on aura peine à croire les conséquences et l’étendue. Si un architecte eût su imaginer un plan de ville assujettie aux convenances que je viens

vm.

GARA

de stipuler, si cet architecte eût réussi à faire adopter le plan à l’un des princes qui ont bâti une nouvelle ville, même petite comme Carlsruhe, le monde social se serait élevé de la ■cinquième période, civilisation, à la sixième période, garantisme, par la seule influence des édifices d’unité composée, et leur aptitude à provoquer par degrés les liens sociétaires. Ainsi, un architecte qui aurait su spéculer sur le mode composé aurait pu, sans s’en douter et sans y prétendre, devenir le sauveur du monde social et faire à lui seul Ce que tous les aigles de la politique n’ont pas su faire, et ouvrir aux humains une des issues de civilisation. »

Faisons connaître en quelques mots le plan tracé par Fourier d’une ville garantiste. Cette ville a trois enceintes ; celle du centré contient la plupart des monuments publics ; là, chaque édifice a, dans sa dépendance, en cours et en jardins, autant de terrain qu’il en occupe en construction, mesure prise pour distribuer largement l’air et la lumière. Dans la seconde enceinte pourront se placer les fabriques ; là, chaque propriétaire laisse libre deux fois autant de terrain qu’il en remplit par des constructions. L’espace vacant est triple la de partie dans latroisième enceinte, où nous trouvons les avenues et la banlieue. Chaque maison est isolée sur ses quatre faces : on n’admet pas pour clôture des cours et jardins des murailles nues, mais des soubassements surmontés de grilles ou balustrades à jour. Toutes les rues aboutissent à des ouvrages d’art ou sites champêtres. Ce n’est pas seulement par le coup d’œil qu’une pareille ville l’emporterait sur les nôtres, cest encore et surtout au point de vue de l’hygiène. Un conseil d’édiles aurait pour mission non-seulement de surveiller, comme on le fait aujourd’hui, quelques dispositions extérieures des édifices, mais d’examiner le plan de l’intérieur, afin de savoir si tous les étages sont aérés, si tous les appartements sont habitables, afin de prévenir ces spéculations assassines par lesquelles on entasse les ouvriers, en France, dans des mansardes et, en Angleterre, dans des caves.

Cette architecture, que Fourier appelle unitaire ou combinée, cette construction méthodique d’une ville garantiste ne serait pas seulement un progrès considérable pour les

garanties qu’elle donnerait à nos sens toujours blessés en civilisation ; elle serait importante surtout par les transformations auxquelles elle conduirait, par les germes d’association qu’elle ferait naître ; dans une pareille ville, on ne construirait guère de petits bâtiments ; ils seraient trop coûteux et absorberaient trop de terrain, attendu l’isolement obligé sur les quatre faces. Le propriétaire qui spécule sur les loyers bâtirait de grandes maisons. Dans ces édifices, on serait entraîné, sans le vouloir, à mille mesures d’économie collective et d’association partielle. Par exemple, si le bâtiment réunit cent ménages, on n’y installerait pas vingt pompes, nécessaires dans vingt maisons qui logeraient chacune cinq ménages ; quelques.-unes des familles se chargeraient d’exercer pour toute la maison certaines industries, la préparation des aliments, par exemple. « Comment, s’écrie Fourier, comment notre siècle, tout occupé de luxe et de beaux-arts, a-t-il manqué cette facile issue" de civilisation, l’architecture combinée ? Il y était poussé par sa frivolité même, par son penchant pour les raffinements. Le vice qui a détourné de cette conception., c’est l’esprit de propriété simple qui domine en civilisation. Il n’y règne aucun principe sur la propriété composée, ou assujettissement des possessions individuelles aux besoins de la masse. On sait fort bien reconnaître ce principe en cas de guerre:on n’hésite pas à raser, à incendier tout ce qui gêne.la défense ; on ne donne pas vingt-quatre heures de répit, et on y est bien fondé, parce qu’il s’agit de l’utilité générale, devant laquelle doivent tomberles prétentions de l’égoïsme et de la propriété’simple vraiment illibérable. Les coutumes civilisées n’admettent plus ce principe, lorsqu’il s’agit de garanties autres que celles de guerre ou de routes et canaux. Chacun oppose son caprice au bien général ; et, là-dessus, interviennent les philosophes, qui soutiennent les libertés individuelles aux dépens des collectives, et prétendent qu’un citoyen a des droits imprescriptibles au mauvais goût, à la violation

des convenances publiques. Tel est le principe de la propriété simple, droit de gêner arbitrairement les intérêts généraux pour satisfaire les fantaisies individuelles. Aussi voit-on pleine licence accordée aux vandales qui prennent fantaisie de compromettre la salubrité et l’embellissement par des constructions grotesques, des caricatures, quelquefois plus coûteuses qu’un beau et bon bâtiment. Souvent ces vandales, par une avarice meurtrière, construisent des maisons malsaines et privées d’air, où ils entassent économiquement des fourmilières de populace ; et l’on décore du nom de liberté ces spéculations assassines. Autant vaudrait autoriser les charlatans, qui, abusant de la crédulité du peuple, exercent la médecine sans aucune connaissance. Ils peuvent dire aussi qu’ils font valoir leur industrie, qu’ils usent de droits imprescriptibles. On a reconnu la nécessité de limiter ces prétendus droits en médecine comme en fortification, de les subordonner aux convenances générales ; ainsi le principe de propriété composée, déjà introduit dans le régime

des monnaies, est de même établi en constructions militaires et administratives (routes, canaux et fortifications). Si on l’eût étendu aux constructions civiles et particulières, c’en était fait de la civilisation; elle serait tombée en un demi-siècle, et le genre humain se serait élevé au garantisme par la seule impulsion de ce luxe que réprouve la malencontreuse philosophie, ce luxe qui pourtant est le premier foyer d attraction. »


GARANTISTE adj. (ga-ran-ti-ste — rad. garantisme). Qui a rapport au garantisme: On tend visiblement à propager les assurances.* nous voyons se multiplier en tout sens les compagnies d’assurances; c’est un acheminement au régime garantistk, ou association des masses pour le soutien des intérêts individuels. (Fourier.)


GARAS s. m. (ga-ra). Grosse toile blanche de coton, qui venait de Surate. || On écrit aussi garat.

— Bot. V. garais. .


GARASSE (le Père François), pamphlétaire religieux, né à Angoulême en 1585, mort à Poitiers en 1630. À quinze ans, il entra dans la compagnie de Jésus et prononça ses vœux en 1618, après avoir été employé pendant plusieurs années à l’enseignement. Il se livra d’abord à la prédication. Ses emportements excentriques, ses personnalités acrimonieuses, ses invectives, la bouffonnerie de son débit, la surexcitation de ses gestes, lui valurent un succès de scandale et de curiosité. Il alla si loin que ses supérieurs durent le rappeler à l’ordre et à la décence extérieure. C’était le condamner au silence. Le fougueux jésuite prit la plume et déversa dans la polémique des pamphlets le fiel dont sa veine était gonflée. Sa manie était de voir partout des athées et des ennemis de son ordre, et son moindre défaut était d’anathématiser le monde entier. Il s’attaqua aux poëtes, aux philosophes, aux réformateurs, aux jurisconsultes, etc. Sa verve d’énergumène ne respectait même pas les morts. C’est ainsi qu’il se répandit en injures Contre la mémoire d’Étienne Pasquier, et qu’il ne rougit pas de faire d’ignobles plaisanteries sur la fin de l’infortuné Vanini, mort sur le bûcher. Il s’acharna aussi contre le poëte Théophile, contre Charron, Servan, Dumoulin, etc. Pas une illustration ne fut à l’abri de ses diatribes et de ses dénonciations. Ses libelles, au reste, étaient un tissu d’invectives sans portée, de calomnies grossières, d’arguments burlesques, de bouffonneries, d’expressions ordurières et d’insultes.

On voit dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire, et dans sa correspondance avec d’Alembert, ainsi que dans les lettres de Gui Patin, que le nom de Garasse était passé en proverbe pour désigner ce genre d’écrivains, dont la race ne s’est pas perdue et fleurit encore de nos jours, et qui allie, avec un laisser-aller inouï, la plus grossière bouffonnerie et l’insolence la plus ordurière au zèle le plus ardent et le plus exagéré pour la religion. Garasse appelle Étienne Pasquier « sot par nature, sot par bécarre, sot par bémol, sot à la plus haute gamme, sot à double semelle, sot à double teinture, sot en cramoisi, sot en toutes sortes de sottises, » et il lui fait ainsi ses adieux:« Adieu, maître Pasquier, adieu, plume sanglante ; adieu, avocat sans conscience ; adieu, homme sans humanité ; adieu, chrétien sans religion ; adieu, capital ennemi du saint-siége de Rome ; adieu, fils dénaturé, qui publiez et augmentez les opprobres de votre mère… ; adieu, jusqu’au grand parlement où vous ne plaiderez plus pour l’Université. » Étienne Pasquier s’était attiré la haine de Garasse en plaidant, en 1605, contre les jésuites, en faveur de l’Université. Il est vrai que le factum de Pasquier avait soulevé l’opinion contre la société en dévoilant hautement ses vues ambitieuses et son esprit d’enrichissement. Ajoutons que les fils de Pasquier firent répondre à Garasse par un avocat nommé Rémi, qui, dans son Anti-Garasse, rendit à l’agresseur outrages pour outrages. L’avocat général, Louis Servin, dont le seul tort était de ne pas aimer les jésuites, fut aussi cruellement et cyniquement couvert de boue par le grotesque jésuite, ainsi que le célèbre et austère philosophe Charron, l’élève de Montaigne, l’auteur de la Sagesse, et, suivant M. Cousin, le meilleur et le plus populaire écrivain de son temps. Garasse, prenant à partie ce digne prêtre « qui joignait, dit Peignot, aux lumières de la philosophie les vérités et la morale de la religion, » le traite de « très-pernicieux ignorant qui a voulu parler de ce qu’il n’entendait pas ; il a fait comme les mauvais maçons, bâtissant sur sa tête… il lui est échappé des impiétés par ignorance et par malice. ». Il le croit même plus dangereux que les Théophile et les Vanini, « d’autant qu’il dit plus de vilenies qu’eux et qu’il les dit aveu quelque peu d’honnêteté. » Ailleurs, il le peint « livré à un athéisme brutal, acoquiné à des mélancolies langoureuses et truandes. » Garasse tient à peu près le même langage et montre à peu près autant d’aménité et de justice sur le compte de presque tous les philosophes de son siècle ou du siècle précédent. Pomponace, qu’il avoue du reste n’avoir pas lu, est pour lui « quelque diable incarné ; comme Cornelio Agrippa, Paracelse est plutôt un rêveur et alchimiste dangereux ou un athéiste ou libertin… Il semble que la tête de cet homme fût comme une vive lanterne, remplie d’étranges fantaisies et d’imaginations frénétiques. » Jérôme Cardan est dans un de ses livres (l’Immortalité de l’âme) « entièrement brutal, » et dans un autre (le Livre des Démons) « ouvertement magicien. » Enfin, les jeunes gens qui écoutent de pareils maîtres sont de « jeunes veaux. » Quant à Rabelais, c’est « l’enchiridion du libertinage. Ce vaurien ne mérite pas la peine qu’on en parle : je dis seulement que, pour le bien qualifier, il faut dire de lui que c’est la peste et la gangrène de la dévotion. Il est impossible d’en lire une page sans danger d’offenser Dieu mortellement, je dis quand même il ne serait point défendu par les censeurs ecclésiastiques. Enfin, j’estime que Rabelais est un très-maudit et pernicieux écrivain, qui suce peu à peu l’esprit de piété, qui dérobe insensiblement l’homme de soi-même, qui anéantit le sentiment de religion; en un mot qui a fait plus de dégât en France par ses bouffonneries que Calvin par ses nouveautés. » Mais tout cela n’est rien à côté des gracieusetés qu’il adresse avec une abondance et une faconde toute particulière à Vanini, l’infortuné médecin et philosophe, qui monta sur le bûcher à Toulouse en 1619, martyr de la libre pensée. Chaque fois que son nom se présente, et il se présente souvent sous sa plume, trempée dans le fiel le plus amer et le plus grossier, il l’accompagne de quelque épithète bassement ou brutalement injurieuse : « c’est le maudit, le misérable Lucilio, le méchant et abominable Lucilio, ce bélistre, ce malheureux forbanny, le plus malheureux et endiablé vilain qui fût jamais au monde, le plus meschant renard qui ait usé de cette malicieuse finesse, le plus venimeux que j’aye vu en cette matière, le plus abominable enragé qui fût jamais, sans préjudice de Caïn et de Judas, le plus infâme athéiste de nos jours, le consultât d’athéisme, le grand avocat de l’impiété, le grand patriarche des athées, etc. » Il ne se contente pas d’injurier le pauvre et noble martyr ; il l’attaque et le calomnie avec une grossière injustice qui ôterait toute valeur à une meilleure cause. « Il ne fit jamais, dit-il, action que de poltron ou d’enragé, tant qu’il fut en sa liberté ; c’était le plus lâche vilain que la terre portât jamais. » Il va même jusqu’à lui refuser toute science. « Quoiqu’il fasse du savant, dit-il, et qu’il tâche de ramasser les plus belles phrases de Cicéron, il parle néanmoins en vray ignorant qui n’entend pas seulement les principes de grammaire. » Ailleurs, enfin, le charitable père jésuite fait une allusion délicate à la fin déplorable de Vanini : « En lisant ses écrits, dit-il, je ne puis me persuader qu’il n’eust le diable au corps, tant il est malicieux et enragé ; mais, au reste, le poltron qu’il est n’a point d’autre bouclier que son hypocrisie, comme les ministres huguenots font à tout propos une targe fort honorable du texte de la Bible et appellent cela le Bouclier de la Foy ; mais le temps viendra que Dieu fera brusler publiquement le misérable Lucilio avec son bouclier de paille, scuta comburet igne. » Du reste, l’intérêt de la religion et celui de la compagnie de Jésus n’avaient pas seuls le privilège d’exciter la bile de Garasse; il suffisait de froisser son amour-propre pour s’attirer son ordurière fureur. C’est ainsi qu’un prédicateur, François Ogier, ayant osé critiquer la Doctrine curieuse (c’est là que nous avons puisé les quelques extraits qu’on vient de lire) du violent jésuite, Garasse fit pleuvoir un déluge d’injures ignobles et farouches. C’est avec quelque justesse qu’on a comparé le P. Garasse à ce journaliste qui, pendant la Révolution, prit le nom de Père Duchesne.

Chose bizarre, ce polémiste sans frein ni pudeur, ce pamphlétaire extravagant, ce disputeur acrimonieux et de mauvaise foi, était, à ce qu’on prétend, d’un commerce fort agréable dans les relations privées. Cette assertion peut paraître au moins suspecte. Ce qui est certain, c’est qu’après avoir acquis un genre de célébrité qui a fait de son nom une épithète injurieuse, il termina sa carrière de la manière la plus honorable, la plus conforme au caractère dont il était revêtu et qu’il avait tant de fois méconnu. Sa vie avait été celle d’un furieux et d’un insensé : sa mort fut celle d’un chrétien. Relégué par ses supérieurs à Poitiers pour les inconvenances et les erreurs dogmatiques de sa prétendue Somme théologique (1625, in-fol.), il sollicita et obtint la permission d’aller soigner les malades dans les hôpitaux pendant une épidémie dangereuse, et mourut victime de son dévouement. Il y a là de quoi atténuer les fautes de sa vie. Le plus célèbre des écrits du père Garasse est la Doctrine curieuse des beaux esprit, de ce temps (1623, in-4o). Voici, pour les amateurs, le titre exact de ce volume imprimé chez Sébastien Chappelet : la Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou prétenUus tels, contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l’Estat et aux bonnes mœurs, combattue et renversée par le Père François Garassus, de la compagnie de Jésus. Il composa, en outre, une Somme théologique, qui fut censurée par la Sorbonne comme renfermant des falsifications de certains passages de l’Écriture ; plus l’Horoscopus Anti-Cotonis (1614) : l’Elixir calvinisticum (1615), sous le pseudonyme d’André Scioppius ; le Banquet des sept sages (1617, in-8o), libelle diffamatoire publié sous le nom de Charles de Lespinoil contre l’avocat général Servin, ennemi des jésuites ; la