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ques à la fin de 1859, et intitulée : La toile ou mes quat’ sous, chantait de la façon suivante, dans un couplet que l’on ne manquait jamais de faire bisser, le héros alors nouvellement né, le gandin :

Mes bons amis, quelle erreur est la vôtre !

La Mode est femme et n’a rien corrigé :

Quand l’une passe on en invente une autre,

Et voilà tout : le nom seul est changé.

Les anciens beaux de Rome et de Corinthe,

Les dandys, les roués, les muscadins,

Sur leurs lauriers peuvent dormir sans crainte i

Leurs successeurs s’appellent les gandins.

Voyez là-bas, dans les Champs-Élysées,

Ce rendez-vous du Paris élégant, .

Les airs vainqueurs, les crinières frisées

De nos lious du boulevard de Gand.

Ce grand blondi», qui tristement s’égare

Sous les massiTs de ces arbres touffus,

Jure tout bas, en fumant son cigare,

Que sa Phryné ne l’y reprendra plus.

Cet Alcibiade, à tournure caduque,

Prend tous les airs d’un séducteur fini ;

Mais quand l’autour, hélas ! porte perruque,

11 doit avoir le gousset bien garni

Tout en offrant une glace pistache

À sa Ninon, qui tend sa blanche main,

Ce petit brun, h la fine moustache,

Pense au billet qui doit échoir demain.

Comme autrefois l’amour, cachant ses ailes,

Sur son blason met deux cœurs enflammés ;

Comme autrefois, les femmes sont fidèles,

Comme autrefois, les maris sont aimés.

Les amoureux seront toujours godiches ;

Les innocents seront toujours dupés :

Les daims courront toujours après les biches,

Mais ce sont eux qui seront attrapés.

Un petit journal disait des gandins, au mois de février 18G7 : « Les gandins actuels se distinguent surtout par leur frivolité. Rien ne saurait donner une juste idée de leur inditfé-. rence pour les sujets qui ne touchent pas au programme de leur vie. La découverte la plus prodigieuse serait faite, le poëme le plus divin sortirait d’un Cerveau, que ces choses ne les frapperaient pas plus que la lecture d’un fait divers. Ils ne lisent pas Montesquieu, c’est bien sur ; en revanche, ils savent par cœur le répertoire des petits théâtres. M. Gil Pérez, cet excellent bon des mémoires de Mimi Bamboche, tient pour eux, dans le monde dramatique, bien plus de place que l’homme aux rubans verts de la grande comédie. La toilette est leur grande affaire, non pas la tenue sévère du soir, qui ne comporte d’autre variante que la couleur de la cravate noire ou blanche ; mais la tenue du jour, c’est-à-dire ces essais de plus en plus malheureux de vêtements ridicules, tantôt par leur ampleur, tantôt par leur exiguïté. En ce moment, ce sont les petits chapeaux et les redingotes vestes qui régnent despotiquement. Si, il y a trois ans, un comique du Palais-Royal fût apparu en scène ainsi travesti, il eut soulevé un fou rire dans la salle. Et n’allez pas leur dire que ces formes et ces coupes sont disgracieuses, car, dès le lendemain, leurs chapeaux seraient encore moins élevés et leurs vestes plus courtes. »

Malgré ses différentes transformations, au fond le gandin est toujours resté le même. 11 est généralement, d’abord et avant tout, le fils d’un homme riche. Tour à tour et successivement fils de traitant, d’agioteur sur les actions, de financier, de fermier général, de fournisseur aux armées, d’enrichi de la bande noire, de.banquier, de commerçant ou de simple bourgeois — toujours et en tout inférieur à son père, — si par hasard il a eu ou pouvait avoir un peu de mérite, il n’a jamais su ou voulu le mettre en oeuvre.

Le père a travaillé, il est juste que le fils se repose. Le père, par un long et incessant labeur, a amassé une fortune dont il n’a pu jouir, parce que, avec l’âge, les infirmités sont survenues ; le fils serait bien sot de continuer le rôle de thésauriseur. Tandis que l’estomac fonctionne, que le sang est chaud, la main sûre, la vue longue, l’ouïe sensible, c’est alors ou jamais qu’il faut jouir de la vie.

Telle est la inorale du gandin ; et il la complète par : « Courte et bonne. » Ajoutons : « Mais bête et inutile. ■

En Allemagne, le gandin est comte ou baron, étudiant, quand même il n’étudierait rien, et tout au inoins officier dans la landwehr.

En Angleterre, il est aussi bien duc et pair que fils d industriel.

En Amérique, fils de banquier ou simple commis.

En France, on le rencontre sur tous le3 degrés de l’échelle sociale.

Partout c’est un terrible niveleur de fortunes, un prodigue qui ne fait de bien ni à lui-même ni aux autres.

C’est aux États-Unis que l’on rencontre les plus fieffés gandins, les plus audacieux et les plus effrontés du monde ; les nôtres n’arrivent pas et, espérons-le, n’arriveront jamais à leur hauteur. Dans ce pays, où l’on ne cher. ehe le plaisir que par 1 argent et l’argent que pour le plaisir, l’année 1865 a été particulièrement féconde en scandales causés par les gandins yankees. Pour l’exemple, probablement, et pour tenter d’enrayer leurs débordements, on en a mis une demi-douzaine en jugement, non parce qu’ils avaient dépensé leur patrimoine, mais parce qu’ils avaient indélicatement et sans façon puisé à pleines mains dans les poches du prochain.

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Les journaux qui rendirent compte de l’instruction de ce3 affaires -reproduisirent les interrogatoires, qui fourmillaient de détails aussi piquants que scabreux. Les histoires de ces accusés se ressemblent presque toutes et peuvent se résumer en folles orgies avec les nymphes de Broadway ou autres lieux, suivant que l’action se passait à New-Haven, à New-York, à Baltimore ou à Boston.

Voici en quels termes la presse américaine flétrissait ces coupables : ° Tous, charmants enfants, appartenant au meilleur monde, élégants, tien élevés, ils se prélussent avec une indifférence superbe, comme s’ils goûtaient une ineffable jouissance à contempler l’effet immense produit par leur désastreuse immoralité. •

Après avoir enregistré les faillites et les ruines occasionnées par les rapides dilapidations de cette demi-douzaine de « charmants enfants » (quelque chosâ comme une cinquantaine de millions), un journal conclut par cette consolation : « Mais ce n’est qu’un état transitoire. » Allons, tant mieux.

Terminons par une fable. Elle a pour titre : le Gandin et le Livre et est signée J.-B. de Mirainbeaux :

Cigare aux dents, lorgnon dans l’œil, Chaussé par Fubre, habillé par Chevreuil, Un de ces élégants, dont l’esprit reste en friche, Nommés tjandins hier, cocodès aujourd’hui, Et qui nonchalamment promènent leur ennui Depuis la Maison-d’Or jusques au café Kiche,

En [lânant sur le boulevard.

Un jour s’arrêta, par hasard,

À l’étalage.d’un libraire.

Lit, parmi maints et maints bouquins, Un livre se trouvait, livre bien propre il faire

La passion d’un antiquaire ;

Couvert d’un épais maroquin. Gaufré, rehaussé d’or ; sa riche reliure D’un artiste en renom montrait la signature.

Le gandin, d’un doigt curieux, De la tranche opulente entr’ouvre la dorura ;

. Mais voyant le texte ennuyeux D’un plat roman, rebut de la littérature : « Que vaudrais-tu, dit-il, Ô misérable écrit.

Sans ta brillante couverture ! ■ Avec beaucoup de sens. le livre répondit :

< Ce que tu vaux sans ton babit. ■

GANDINISME s. m. (gan-di-ni-sme — rad. gandin). Habitudes de gandin ; tournure de gandin : Il faisait des efforts inutiles pour donner un air de gandinisme à sa démarche. (J. Noriac.)

GAND1NO, bourg d’Italie, prov. et a 18 kilom. N.-E. de Bergame, dans le Val Seriana ; 3,000 hab. Fabriques de lainage ; commerce avec le Tyrol et la Suisse.

GANDIOLLE, bourg de la Sénégumbie, près de l’embouchure du Sénégal, à 18 ou 20 kilom. de Saint-Louis, célèbre par les étangs salins qui se trouvent dans ses environs. L’eau de ces étangs, d’une âcreté extrême, est tellement saturée de sel qu’elle en rend le tiers de son volume ; elle couvre le sol d’une croûte, épaisse quelquefois de plus d’un pied et renaissant chaque année après qu’on l’a enlevée. Ce sel, ordinairement blanc, égalerait dans le commerce les meilleurs produits en ce genre, s’il était épuré. L’existence de ces étangs est un phénomène encore inexpliqué : séparés de la mer et du fleuve par un banc de sable de l kilom. de long, ils ne sont cependant jamais complètement à sec. La hauteur de leurs eaux ne varie pas avec les marées et n’augmente qu’à l’époque des pluies. Il y a encore eu différents endroits de la Sénégambie des salines naturelles, particulièrement dans le pays du Wallo.

UANIJJA, ville de la Russie d’Asie, dans la Géorgie. V. Elisabkthpol.

GANDJAM ou GANGAM, ville de l’Indoustan anglais, présidence de Madras, un peu au-dessus de l’embouchure de la rivière de son nom dans le golfe du Bengale ; ch.-l. de district. Autrefois très-peuplée, elle est aujourd’hui eu décadence. Le district de Gandjam est formé du pays des Circars et d’une partie de l’ancien État de Chicacole.

GANDO (Nicolas), fondeur en caractères, né à Genève vers le commencement du xviiio siècle, mort à Paris vers 1767. Il quitta • Berne pour venir établir à Paris une fonderie de caractères, qui acquit une certaine célébrité, surtout pour ses types destinés à l’impression de lu musique, et associa à son industrie son fils, Pierre-François, mort en 1800. Le père et le fils ont publié : Epreuves des caractères de la fonderie de JV. Gundo (Paris, 1745) ; Kecueil d’ornemenis gui comprennent différentes combinaisons de vignettes (1745) ; Observations sur le Traité historique et critique de Al. Fournier le jeune (1766), etc.

GANDOGER DE FOlGNY (Pierre-Louis), médecin français, né à Lyon en 1732, mort en 1770.11 devint un des plus ardents propagateurs de l’inoculation, fut attiré par M. de La Galissonnière en Lorraine (1763) et occupa mie chaire d’unatoinie, dé chirurgie et . de botanique à Nancy. Son principal ouvrage est un Traité sur la pratique de l’inoculation (Nancy, 1768, in-8u).

GANDOLE s. f. (gan-do-le). Bot. Un des noms de la baselle.

GANDOLFI (Gaetano), peintre et graveur italien, né à San-Matteo délia Décima, près de Bologne, en 1744, mort à Bologne en 1S02.

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Doué de facultés brillantes et variées, cet artiste se fût acquis probablement une plus grande notoriété, s’il avait mieux dirigé ses éludes, s’il se fut inoins hâté de produire ; cependant, comme graveur surtout, il mérite une place parmi les plus forts. Malvasia nous apprend qu’il eut pour maîtres son frère Ubaldo, peintre médiocre, et Torelli et Graziani, graveurs d’un certain mérite. II débuta à Bologne par quelques imitations assez heureuses des Vénitiens, dont la somptueuse palette l’avait séduit, durant le séjour assez long qu’il avait fait dans la cité des coloristes. L’école de Bologne, si misérable alors, n’avait pas le droit d’être bien difficile. Aussi les peintures de Gandolfi furent-elles accueillies favorablement par ce public ignorant, qui n’avait plus le inoindre sentiment des choses d’art ; et l’artiste, après ce premier succès, fut chargé de la décoration de Santa-Maria délia Vita. Il peignit à fresque, dans la coufiole de cette église, une Assomption qui est oin d’être un chef-d’œuvre. Ce travail fut suivi d’une fresque plus grande encore, les Noces de Cana, qui couvre l’une des parois du réfectoire deSan-tjalvator. Cette réminiscence de la toile de Véronèse n’est pus heureuse. Cotte vaste scène est vide, mal meublée ; c’est un désert d’une tristesse désolante. On voit aussi à Naples et à Pise des œuvres de Gandolfi ; mais elles offrent si peu d’intérêt qu’elles ne méritent pas une mention particulière. Il n’en est pas de même de quelques eaux-fortes, trop rares, qu’il a laissées ; elles sont d’un métier libre et facile, d’une grande intensité de lumière, d’une puissance d’effet remarquable. Une surtout, ('Adoration des bergers, d’après Niccolo dell’ Abbate, est un chef-d’œuvra qui suffirait à l’illustration d’un artiste. La bibliothèque nationale en possède une superbe épreuve.

GANDOLFI (Barthélemi), physicien italien, né à Torria, près d’Onéglia, en 1753, mort à Roméen 1824. Il entra dans la congrégation des Ecoles pies, puis professa la philosophie à Ravenne, et fut appelé à Rome (1784), où il enseigna successivement les mathématiques, la théologie et la physique expérimentale (1792). Le P. Gandolfi fit connaître aux étudiants romains les découvertes faites par Lavoisier, Priestley, Bergman, Rumford s’attacha à faire profiter le commerce et 1 agriculture des progrès delà science, trouva une bonne méthode pour la fabrication de l’huile et appliqua à la nouvelle construction des fabriques à briqueterie des fours et des cheminées. On doit à ce savant plusieurs écrits, notamment : Memoria sulla cagione del tremuoto (Rome, 1787) ; Traltato sopra gli uliui (Rome, 1793, in-8°), excellent traité sur la culture de l’olivier et la fabrication de l’huile d’olive ; Memoria sulla maniera di costruire camini (Rome, 1807, in-8°) ; Acque terinah del bagno di Canino (Rome, 1810 in-8°), etc.

GANDOLIN s. m. (ghan-do-lain). Dans quelques provinces, Désœuvré, personne sottement curieuse et importune.

GANDON (Jean), architecte anglais, né en 1741, mort en 1S24. Il fit ses études artistiques sous la direction de William Chinnbera et fut le premier qui obtint de l’Académie royale de Londres la grande médaille d’or d’architecture. Il commença à se faire connaître en entreprenant de Continuer le Vtiruvius Britaiviicus, dont il pubfitt, en 1787, le cinquième volume et, en 1771, le sixième ; mais cet ouvrage est loin d’avoir une grande valeur. Parmi les édifices dont cet architecte a dirigé la construction, nous citerons la Douane de Dublin, la Banque et les quatre cours de justice de la iréine ville, le tribunal de Waterford, etc.

GAIHDON (Antoine), littérateur français, né k Paris en 1813, mort à Compiègne le 10 novembre 1864.11 était un des seize enfants d’un instituteur qui tenait pension de garçons dans le faubourg Saint-Jacques. Dès 1830, c’est-à-dire à dix-sept ans, il s’engagea dans un régiment de lanciers, comptant que son grec et son latin lui assureraient un avancement rapide. Vain espoir 1 Au bout de quatorze ans passés en Afrique, Gandon portait encore les galons de brigadier. Il s’était lui-même enrayé par une bonne action imprudente : après son premier congé, il était rentré au corps comme remplaçant, ce qui était une mauvaise note alors. Ce que ses chefs ne savaient pas, et ce dont Gandon, il faut le dire à sa louange, ne se vantait nullement, c’est qu’il s’était vendu pour sauver un frère dans l’embarras. En jetant aux orties sa giberne de chasseur d’Afrique, Gandon eut l’idée singulière, que personne n’avait encore en ce temps-là, de venir faire à Paris de la seconde vue. Il s’installa au bazar Bonne-Nouvelle et y donna des représentations de somnambulisme. Lyon imprima son premier livre, qui s’intitulait gravement : la Seconde vue dévoilée. Accompagné d’un de ses neveux, il alla tenter fortune aux États-Unis, comptant amasser des trésors en se livrant à son nouveau métier, au moyen d’un système de ninémotechnie inventé dans ses loisirs d’Afrique. Par malheur, il tomba dans une petite ville de 4,000 âmes où personne ne savait un mot de français. Un autre eût rebroussé chemin ; lui, se met bravement à apprendre l’anglais ; six mois lui suffirent pour s’approprier les 10,000 mots environ nécessaires a son médium et à lui pour exercer convenablement

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ie somnambulisme extra-lucide. Le Buccès paya se3 peines. En deux ans, ses tournées américaines lui rapportèrent 300,000 francs qui, placés dans une banque du pays, furent engloutis d’un seul coup par une faillite. 11 ne lui restait pour toute ressource que son médium ; mais le cerveau de ce dernier ne résista point aux 10,000 mots qu’il avait absorbés. Il mourut d’une congestion. Gaiidon, ruiné radicalement, entra au Courrier des Etals-Unis comme garçon de bureau. C’est là que commence sa carrière littéraire. Il trouva dans ce journal un ancien condisciple, un vieux copiu de collège qui le poussa. On le préposa bientôt à la rédaction des réclames et des articles de commerce ; mais il tenait la plume d’une main habituée à manier le sabre. Son style se ressentait de son premier métier et s’en est toujours ressenti. « Quelles phrases boiteuses 1 disaient ses collaborateurs : ce n’est pas étonnant, il écrit à coup de bancal. ■ En 1853, le Courrier des États-Unis changeant de rédacteur en-chef, Gandon donna sa démission et se rendit en Californie par te chemin des écoliers, c’est-à-dire en passant par le cap Horn. Trois ans plus tard, nous le retrouvons au Courrier du Havre, faisant le « mouvement des bâtiments, » puis au Pays, journal de l’Empire, rendant un compte fidèle des cotons et des suifs. C’est alors que, tout en se livrant à sa besogne de journaliste quotidien, il eut l’idée d’écrire ses souvenirs de soldat ; il se fit-le Charlet de notre conquête. Son premier livre, Souvenirs intimes d’un vieux chasseur d’Afrique, récils du brigadier Flageolet, fut un succès et eut coup sur coup plusieurs éditions (1859, 1 vol. in-18, avec illustrations). Celui qui le suivit, les Trente-deux duels de Jean Gigon (1800, l vol. in-18, avec illustrations), atteignit en moins d’une année douze éditions et eut l’honneur de passer au théâtre, sous la forme d’un drame en cinq actes, arrangé par M. Ferdinand Dugué (Galté, 6 février 1861). On le voit, Gandon, l’homme du sabre, qui, c’est te seul trait qu’il ait de commun avec Jean-Jacques Rousseau, avait débuté dans la carrière à quarante-cinq ans sonnés, Gandon traitait les lettres en soldat d’Afrique ; il escaladait la renommée comme on escalade une redoute. Le Grand Godard on Histoire d’un homme fort (1861, l vol. in-18, illustré) continua ces succès de littérature militaire et forma une suite à ces deux recueils de récits et de scènes du bivouac. On y remarque, comme dans les précédents, un accent de franchise qui donne à l’histoire racontée une sorte d’uutorité. La vie de caserne, de garnison ou de campagne doit être telle que la peint l’auteur ; on sent que cette vie a été la sienne et l’on partage volontiers le plaisir qu’il éprouve à la faire repasser sous ses yeux et les nôtres. Par un procédé qui dénote ou de la naïveté ou de l’affectation, le narrateur affectionne cette forme excentrique qui permet d’interrompre le récit pour entamer avec le lecteur ou la lectrice un dialogue plus ou moins confidentiel. L’auteur fait alors retour sur lui-même, sur son inexpérience, sur sa manière ; il réclame l’indulgence sur le plan de son livre et la pensée qui lui met la plume à la inhin. L’élément romanesque fait à peu près défaut à ces scènes taillées k coups de sabre en plein drap d’ordonnance. Toute l’histoire de Jean Gigon et de ses trente-deux duels, par exemple, se passe dans les camps. C’est plutôt une suite de -tableaux qu’un récit d’événements. Le héros est un enfant trouvé, et son dernier duel, celui où il succombe, le met aux prises, sans qu’il s’en doute, avec un autre enfant trouvé qui est son propre frère. Là est tout le drame, qu’on ne voit poindre qu’au dénoûment ; il permet de donner à un livre qui traite le duel comme une chose assez indifférente cette moralité que n’eût pas désavouée Berquin, l’ami des enfants : « Evitez autant que possible de vous battre en duel ; car vous pourriez, sans le savoir, vous exposer à tuer votre propre frèro ou à être tué par lui. » L’action tient plus de place dans le Grand Go dard ; mais les épisodes et les peintures accessoires de ta vie de soldat occupent toujours la plus lurge part ;-ils valent mieux que le roman, assez faiblement noué et manquant de vraisemblance. Quant à la force du héros, qui nous est annoncée par le titre, elle ne se voit nulle part. Il y a autour de lui "quelques types très-marqués, comme le lieutenant Correctif, le colonel Pince-sans-Rire, ou encore ce Saumurois qui cultive si audacieusement ce qu on appelle la carotte, fléau de famille, destiné à finir mal, par contraste avec l’honnête Godard, qui finit à merveille, comme un honnête garçon qu’il est. Gandon, dans ce livre, donne, jpar manière de conclusion, un dernier chapitre qu’il appelle Confession de l’auteur, et qui est le panégyrique raisonné de ses essais littéraires. Il remercie les journalistes de leurs éloges ou combat leurs critiques : grosse affaire pour des œuvres de si mince importance.

Il est vrai que ces succès de plume, arrivant subitement et tout d’un trait, à un homme qui avait vieilli sans y songer, grisaient l’ancien chasseur d’Afrique. Aussi Gandon s’était-il pris d’une fervente passion pour la gloire littéraire. Il rêvait la popularité d’Alexandre Dumas et ne parlait plus  ? des romans qu’il faisait ou qu’il comptait aire. Sensible au moindre éloge, il collectionnait, avec une joie d’enfant, les articles