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vailleurs, l’amélioration et lamoralisation des déshérités, sans atteinte, sans péril pour les favorisés de la fortune et de t’intelligence. Dites bien que notre passion, c’est uniquement d’amener la justice et la paix, sociale parmi les hommes ; démontrez sans trêve, sans repos, que, seul entre tous les partis, le parti démocratique et du suffrage universel est réellement conservateur, libéral et progressif. Avec le triomphe de nos idées et seulement par ce triomphe, la France pourra clore l’ère des révolutions, et développer, au sein d’une démocratie régénérée et maîtresse d’ellemême, les admirables ressources de la patrie française, »

Dans une autre lettre, il affirmait ainsi son programme : « Je crois pouvoir résumer en deux lignes toute ma politique : Faire prédominer la politique tirée du suffrage universel dans l’ordre intérieur aussi bien que daDS la conduite des affaires extérieures ; pour tout dire, — au point de vue des circonstances actuelles, prouver que la république est désormais la condition même du salut de la France au dedans, et de l’équilibre européen. »

Les événements devaient bien vite lui donner raison ; après la fatale déclaration de guerre du mois de juillet et les désastres qui la suivirent de si près, c’est la république qui fut appelée à réparer les sottises de la monarchie. Au 4 septembre, Gambetta fut un des membres du gouvernement de la défense nationale ; le portefeuille du ministère de l’intérieur lui échut. Mais les communications de Paris avec la province furent presque aussitôt coupées par les armées allemandes, et, vingt jours après l’investissement (7 octobre), le gouvernement jugea opportun d’envoyer l’ardent patriote réchauffer le zèle, un peu sénile, de la délégation de Tours. MM. Crémieux, Glais-Bizoin et l’amiral Fourichon, délégués en province pour faire reconnaître la république, surexciter l’enthousiasme et créer des armées, n’apportaient guère que de la bonne volonté dans ce rôle qui exigeait une fougue toute révolutionnaire. Gambetta franchit en ballon les lignes d’investissement, prit terre près de Montdidier

(Somme), d’où il se rendit à Amiens, puis a Rouen. Il était à Tours le 9 octobre, et, dans une proclamation éloquente adressée à la France, après avoir rendu compta des énormes moyens de défense de Paris, de la fermeté avec laquelle on comptait mener les opérations militaires, de l’enthousiasme qui animait la grande ville, il adjura la province d’apporter a la sauvegarde du pays menacé un égal patriotisme. Cette proclamation respirait la plus entière confiance ; en même temps, une impulsion plus vive donnée aux préparatifs sembla de bon augure à ceux qui espéraient encore dans la vitalité de la France. Les décrets se succédèrent avec rapidité : nominations de préfets et d’administrateurs, de généraux et d’intendants, appel sous les drapeaux de toutes les masses mobilisables, réorganisation des cadres, il fallait pourvoir à tout, et le jeune ministre de l’intérieur,

— qui dut prendre en mains, à son arrivée à Tours, le ministère de la guerre,

— fit face à des besoins si pressants et si multipliés avec une activité fiévreuse. En un mois, la première armée de la Loire, qui avait été forcée de reculer devant les Bavarois, à Orléans, était parfaitement réorganisée et prête à entrer en ligne. Il avait fallu briser bien des résistances, avoir raison de la mauvaise volonté de bien des chefs militaires ; mais Gambetta avait enfin réussi à imposer sa manière de voir, et la victoire de Coulmiers (9 novembre) vint le récompenser de ses efforts. M. J. Claretie a porté sur cette première phase de la guerre en province un jugement tout à fait équitable, que nous reproduisons : • De quelles consolations inorales la patrie n’est-elle pas redevable, dit-il, à ceux qui, prenant en main son épée brisée, surent la retremper, pour ainsi dire, et la rendre redoutable encore à l’étranger I Si la France vaincue a le droit de relever encore le front et de garder sa fierté, elle le doit aux hommes qui, lorsque tout était perdu, crurent fermement et firent croire un moment à la France et au monde que tout pouvait encore être sauvé. Sans doute, après l’anéantissement des armées impériales, la nation désarmée pouvait difficilement triompher d’un ennemi supérieur en nombre, admirablement commandé, admirablement outillé surtout, et rendu sûr de lui-même par des succès inespérés pour lui. Mais fallait-il donc s’humilier devant ce vainqueur et accepter, au lendemain de Sedan, ses conditions, qui étaient déjà, — quoi qu’on en ait dit, — l’abandon de deux provinces françaises ? Non, certes, et cela est si vrai que les plus acharnés ennemis de la défense s’y prêtèrent alors, après septembre, avec une docilité qui n’a d’égale que leur rancune irritée d’aujourd’hui. La tâche entreprise par la république improvisée était naturellement disproportionnée avec les ressources dont elle pouvait disposer. L’humble bon sens dira que si la France n’était pas préparée en juillet, elle l’était bhn moins encore eu septembre. L’Empire la laissait sans ressource, à la merci de l’ennemi ; pour résister, il fallait tout inventer, tout créer, tout improviser, u

C’est la part de Gambetta dans cet effort gigantesque, d ; ; ns cette réorganisation sans exemple, qui fera sa gicire f on oubliera les fautes commises et quelques désordres d’ad GAME

ministration, excusables dans une situation pareille, .pour ne se souvenir que des grands traits de cette défense improvisée sous le feu de l’ennemi, au milieu de populations incertaines et abattues par les premiers revers.

La capitulation de Metz venait de nous porter le dernier coup. Avec une intuition rare, Gambetta avait pénétré tout ce qu’il y avait de coupable dans cette reddition a l’ennemi de la dernière armée française, et i+s’était hâté de flétrir Bazaine ; ceux mêmes qui alors l’accusèrent d’avoir porté un tel arrêt avec trop de précipitation ont dû se joindre à lui après le résultat de l’enquête. Voici en quels termes Gambetta annonça à la France le malheur qui la frappait : « Français, élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des effroyables périls qui fondent sur la patrie. Il dépend encore de nous de lasser la mauvaise fortune et de montrer à l’univers ce qu’est un grand peuple qui ne veut pas périr et dont le courage s exalte au sein même des catastrophes. Metz a capitulé. Un général sur qui la France comptait, même après le Mexique, vient d’enlever à la patrie en danger plus de cent mille de ses défenseurs. Le général Bazaine a trahi ; il s’est fait l’agent de l’homme de Sedan, le complice de l’envahisseur, et, au mépris de l’honneur de l’armée dont il avait la garde, il a livré, sans même essayer un suprême effort, cent vingt mille combattants, vingt mille blessés, ses fusils, ses canons, ses drapeaux et la plus forte citadelle de France, Metz, vierge jusqu’à lui des souillures de l’étranger. Un tel crime est au-dessus même des châtiments de la justice ! »

Nouvelle proclamation, celle-ci pleine d’espoir et de confiance, après la bataille de Coulmiers. Mais déjà des divergences profondes de vues sur la conduite de la guerre séparaient les chefs militaires et l’autorité civile. Gambetta aurait voulu que l’action générale s’engageât à la fin d’octobre, et il n’avait cessé d’envoyer les ordres les plus

Îtressants ;’ ce fut bien pis lorsque^ après a reprise d’Orléans, l’armée de la Loire sembla s’immobiliser et attendre que l’armée de Metz, devenue libre, vînt l’écraser dans ses lignes défensives. Était-il possible de marcher en avant î Le général d’Aurelles n’a-t-il pas manqué de confiance dans ses jeunes troupes, qu’une victoire avait électrisées et qui se sentaient capables de grandes choses ? C’est une question que nous ne déciderons pas ; mais les revers qui accablèrent l’armée de la Loire dès que Frédéric-Charles eut fait sa jonction avec les Bavarois ne justifièrent que trop l’impatience de Gambetta.

Faut-il parler des proclamations par lesquelles il apprit à la province les affaires de Champigny et de Buzenval ? Gambetta, prenant ses ardents désirs pour la réalité, crut un moment que l’armée de Paris, après avoir passé la Marne, était campée à Epinay-sur-Orges, ayant réussi à percer les lignes prussiennes. Hélas ! des chefs malhabiles n’avaient même pu la maintenir à Champigny, et c’était à Epinay-lès-Saint-Denis qu’avait eu lieu le petit engagement, cause première de cette méprise. Dans cette proclamation, Epinay, Longjumeau, l’Hay, Chevilly étaient au pouvoir des généraux Ducrot et Vinoy.

Orléans repris par les troupes allemandes (< décembre), Gambetta se rendit à Bourges, où se réorganisaient nos malheureuses armées, et il y déploya, dans cette nouvelle phase de la défense, la même activité fiévreuse. Tandis que Chanzy défendait pied à pied le terrain, d’Orléans au Mans, une nouvelle armée, confiée à Bourbaki, se concentrait entre Bourges et Nevers, et Gambetta la destinait à opérer dans l’Est, sur la ligne de communication de l’ennemi, manœuvre heureuse et qui eût peut-être sauvé le pays six semaines plus tôt. De Bourges, Gambetta se dirigea sur Lyon, pour y activer la défense ; il alla ensuite à Bordeaux, où s’était transportée la délégation de Tours (27 décembre). Le 21 janvier, il était à Lille, près de Faidherbe. La perte des batailles du Maris et de Saint-Quentin ne pouvait altérer sa confiance dans l’avenir ; les revers, suivant son expression, devaient être plus propres à enflammer les courages qu’à les abattre, et il espérait toujours dans un revirement favorable de la fortune ; sans cesse il reprenait les cartes, pour tenter un nouveau coup. La capitulation de Paris, l’armistice le surprirent au moment où, à force de soins, il avait réparé les brèches causées dans les armées du Nord et de la Loire par les derniers désastres ; il croyait pouvoir encore continuer la lutte ; bien mieux, il croyait tenir la victoire ; aussi protesta-t-il avec douleur contre la clause de l’armistice qui, en exceptant l’armée de l’Est, allait permettre aux Allemands d’accabler Bourbaki ; c’était là le suprême espoir de la campagne.

Au moment de la signature de l’armistice, Gambetta avait réussi à organiser trois armées qui, repoussées sans cesse, mais se reformant toujours a quelques lieues en arrière, tenaient encore la campagne. Dans les camps retranchés, trois cent mille mobilisés à moitié armés et équipés attendaient l’heure d’entrer en ligne. Le dictateur, comme on l’appelait en province, avait cru à une prolongation indéfinie de la guerre et consacré une notable partie des ressources du pays à la préparer.

Chose étrange pourtant ! quoique absolu GAMB

ment dépourvu de tout pouvoir légal, et quoique exigeant des sacrifices exorbitants, Gambetta ne rencontra pas de résistance sé. rieuse parmi ces paysans, ces ruraux, comme on les appelait à Paris. Il ne rencontra pas d’enthousiasme, il est vrai, mais nulle part on ne se rebella contre ses décrets. Nous citerons à ce propos l’opinion d’un journal anglais, le Spectaior ; c’est un fragment d’un article écrit au moment même des événements et qui caratérise l’espèce de fascination que Gambetta exerçait sur la province.

« Il est évident, écrivait le reporter anglais, que M. Gambetta possède a un degré extraordinaire la faculté de s’imposer. Il n’a pas l’ombre d’un titre légal pour gouverner la France. Il n’a pas d’autre titre moral pour sa position de ministre de la guerre et de l’intérieur que la considération du général Trochu, qui l’a jugé l’homme le plus capable d’occuper cette place. Il avait à gouverner immédiatement le corps le plus exigeant et le plus indépendant du monde : les généraux de l’ancienne armée française, des hommesqui l’abhorraient comme républicain, le craignaient comme rouge, le détestaient comme pékin. Et pourtant, dès le moment où, fatigué de son voyage aérien, il a pris le pouvoir à Tours, personne, dans toute la France, n’a sérieusement contesté son autorité. Le trésor était vide et il l’a rempli ; les arsenaux étaient à moitié vides, et, a 1 heure qu’il est, une grande armée, deux armées peut-être ont de l’artillerie, des chevaux et des artilleurs. On dira que ces résultats pouvaient être obtenus par tout homme énergique ; mais M. Gambetta avait à résoudre trois questions d’une importance infiniment plus grande pour l’avenir de la France et de la guerre, et, selon toute apparence, il les’a résolues avec succès. Et d’abord il avait à décider, par des faits et non par des paroles, si les républicains ou les rouges devaient faire la guerre, s’il fallait employer comme arme l’organisation ou l’anarchie. Lyon, Marseille et Toulouse avaient arboré le drapeau rouge ; les combattre, c’était introduire la guerre civile, disaient les faibles. Mais M. Gambetta fit face au danger ; il dit aux rouges de Lyon qu’ils étaient des fous, des fous misérables ; il risqua la guerre civile, mais il sut dompter l’anarchie.

> La deuxième tache était plus difficile encore : il s’agissait d’affirmer un principe oublié en France depuis vingt ans, à savoir qu’un général n’est qu’un serviteur de l’État, que cela est aussi vrai pour lui que pour le plus humble gendarme. M. Gambetta affirme ce principe par le seul moyen possible, en posant de fait la suprématie des autorités civiles, en révoquant les généraux sans explication ni excuse, et en en nommant d’autres. Et, quand les généraux furent revenus à la raison, restait 1 ceuvre plus difficile encore de réprimer le mauvais vouloir des soldats*, de leur enseigner l’obéissance. Les difficultés à surmonter étaient énormes. Sousl’Empire, les officiers s’étaient habitués à une tolérance excessive ; ils n’osaient plus donner un ordre désagréable. La tradition do l’obéissance avait complètement disparu. S’éievantà la hauteur de la situation, l’avocat énergique, qui, pour le moment, représentait la France, décréta que, dans cette heure suprême du danger, tout soldat coupable de désobéissance, d’insuboroination ou de pillage, serait puni avec la d.eruière rigueur. De tous ces décrets, il est résulté que maintenant la France a une armée qui peut livrer bataille en rase campagne. s Nous avons recueilli tous ces faits dans les lettres d’hommes qui sont hostiles à M. Gambetta, qui le considèrent comme un ennemi de l’armée, un parvenu, un fou. Maintenant, que nos lecteurs jugent si l’homme qui a fait tout cela pour son pays, qui a montré l’énergie d’un jacobin et la modération d’un ministre anglais, mérite d’être méprisé. > Non, certes ! et, à côté de cette appréciation équitable d’un publiciste anglais, il suffit de lire les journaux allemands publiés pendant la campagne, de voir les invectives, les menaces et les injures dont ils ont accablé Gambetta, pour que l’exaspération de nos ennemis nous donne la mesure de l’estime dans laquelle nous devons tenir l’homme et ses efforts patriotiques.

Le dernier acte de Gambetta, comme chef de la délégation du gouvernement en province, fut le décret par lequel, en appelant les citoyens au scrutin pour l’élection d’une Assemblée nationale chargée de décider la paix ou la guerre, il frappait d’inéligibilité tous ceux qui avaient exercé sous l’Empire les fonctions de ministre, de sénateur, de conseiller d’État, ou qui avaient été autrefois présentés aux populations comme candidats officiels, qu’ils eussent ou non réussi à se faire élire députés. Ce décret était juste au fond, car il n’atteignait que des complices d’un état de choses qui avait poussé la France à sa perte ; mais il restreignait le suffrage, créait des catégories de citoyens et infligeait une incapacité politique non prévue par la loi. De plus, il permit à l’étranger qui occupait notre territoire de s’immiscer dans nos propres affaires, sous prétexte de rétablir la légalité violée. M. de Bismark protesta » au nom de la liberté des élections stipulée par l’armistice, » et déclara que le scrutin, ouvert dans « de telles conditions d’oppression, » ne pourrait créer une représentation légale du pays. Force fut d’obéir ; Gam GAMB

betta reçut de Paris l’injonction de rapporter le décret, et il donna immédiatement sa démission.

Le S février, il fut élu dans neuf départements et opta pour Strasbourg. Il refusa de voter le traité de paix, et, lorsque la séparation de l’Alsace et de la Lorraine fut consommée, il quitta la Chambre avec les autres députés des départements cédés à l’Allemagne, son mandat ayant naturellement pris fin. Les élections complémentaires du 2 juillet lui permirent de poser à nouveau sa candidature ; il obtint la majorité des suffrages dans trois départements, la Seine, lo Var, les Bouches-du-Rhône, et opta pour la Seine.

À l’Assemblée de Versailles, Gambetta a pris plusieurs fois la parole, notamment dans la discussion sur la pétition des évêques, sur la loi du Conseil d’État et dans les débats sur le loi militaire ; en butte aux invectives de la majorité, pour la part glorieuse qu’il a prise à la défense nationale, il n’a cessé de montrer le plus grand calme, et il dédaigne absolument de répondre aux calomnies dont certains députés de la droite essayent de le noircir. L’enquête qu’ils ont provoquée sur les actes de la délégation de Tours et de Bordeaux, il n’a cessé de la réclamer lui-même ; elle démontrera ce que ses ennemis seuls feignent d’igborer, qu’il n’a pas faibli à la tâche, quoiqu’il ait fini par être écrasé, et que, si des désordres d’administration se sont produits, son intégrité véritablement républicaine n’en est pas moins restée à l’abri de tout soupçon.

Deux discours prononcés par Gambetta, à Angers et au Havre, pendant les vacances de Pâques de la Chambre (avril 1S72), ont eu un grand retentissement. Gambetta s’y est fait l’apôtre éloquent de la dissolution de cette Chambre, à laquelle il ne reconnaît aucune des qualités politiques nécessaires. Dans ces mêmes discours, il a une fois de plus affirmé ses principes et posé les bases d’un gouvernement républicain, tel qu’il le comprend. Son éloge du général Lazare Hoche, prononcé dans le banquet célébré à Versailles, au mois de juin 1872, en l’honneur du jeune héros républicain, a marqué une étape de plus dans le rôle que M. Gambetta semble avoir voulu s’imposer. Ce discours a eu, lui aussi, un grand retentissement.

Reviendrons-nous ici sur les reproches que. lui ont fait avec tant d’amertume les hommes qui se targuent d’appartenir au parti si improprement appelé le parti conservateur ? Nous passerions sous silence ces inculpations vagues, aussi passionnées qu’injustes, si nous ne craignions d’être accusé de partialité. Il a pu arriver à M. Gambetta, si inopinément placé à un poste élevé, périlleux et difficile, entouré, comme il l’était, de tant de mauvais vouloiretde préjugés surannés, de commettre des erreurs, de orusquer des administrateurs apathiques et routiniers, d’avoir eu quelquefois la main malheureuse dans le choix des hommes appelés à seconder ses efforts. Mais, de bonne foi, qu’on nous le dise, quel homme, en de pareilles circonstances, eût été à l’abri de ces erreurs ?M. Gambetta n’a-t-il pas su, par son énergie et son activité, galvaniser ce moribond, qui s’appelait la France ? L’Empire l’avait conduite au tombeau ; un peu plus elle y restait ensevelie. Tout était perdu, même l’honneur. M. Gambetta l’en a tirée à demi ; grâce a son énergie, l’honneur est sauf. Ce sera là son plus beau titre de gloire devant la nation et devant la postérité. Et c’est à cet homme, au patriotisme si ardent, qu’on ose reprocher des vétilles, dont les événements, plutôt que lui, sont responsables ! Il n’a eu qu’un seul tort, peut-être, et dont nous ne saurions lui garder rigueur, c’est d’avoir pensé que la France n’avait pas dégénéré, et qu’elle était capable, en 1872, du même héroïsme qu’en 1792.

GAMBETTE s. f. (gam-bè-te). Manteau en usage dans la partie de l’Espagne qui est voisine des Pyrénées.

— Ornith. Nom vulgaire des oiseaux du genre chevalier, ainsi dit à cause de leurs longs pieds.

GAMBliV (Henri-Prudence), habile et ingénieux constructeur d’instruments de précision, né à Paris en 1789, mort en 1847. Il avait acquis de bonne heure des connaissances étendues sur toutes les sciences. « De là, dit Arago, cette sûreté de vue, cette netteté de conception, ces dispositions intelligentes et judicieuses que les connaisseurs admiraient dans les instruments variés qui sortaient de ses mains. Tous portaient l’empreinte d’une imagination féconde, sagement maîtrisée par les règles inflexibles de la science. »

Gambey débuta comme contre-maître à l’école des arts et métiers de Compiègne. La mort de son père le rappela à Paris. Il consacra les faibles ressources que cette perte mettait entre ses mains à fonder au faubourg Saint-Denis un petit atelier d’instruments de précision. Les premiers qu’il livra, soit à la marine, soit à différents observatoires privés, furent assez remarqués pour qu’en 1819 les promoteurs de l’exposition qui allait avoir lieu vinssent le prier de soutenir l’honneur du nom français, humilié par la supériorité des fabricants anglais et allemands. Gambey, qui n’avait rien fait en vue de cette exposition, n’avait plus que deux mois pour se mettre en mesure de répondre a la confiance qu’on lui