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se plaignit au ministre, qui en plaisanta fort agréablement avec le secrétaire. Pendant un voyage de six mois que le comte de Castromonte eut la permission de faire en Espagne, l’abbé Galiant, restant chargé des affaires, fut présenté au roi. À la vue de ce petit homme s’avançant avec gravité, comme pénétré de Sa mission, tous les courtisans ne purent réprimer un éclat de rire. Sans se déconcerter, Galiani fait les révérences accoutumées et dit avec une grande modestie : » Sire, vous voyez à préseotl’échiintillon du secrétaire, le secrétaire vient après. » Il se mit avec ardeur à l’étude du français, et devint l’ami des philosophes les plus hardis, entre autres de Diderot. Il se lia intimement avec Grimm et Mme d’Kpinay. Les maîtresses de maisons littéraires se disputaient ce Napolitain de quatre pieds et demi, gras à lard, aussi prodigue de gestes et de grimaces que son compatriote, il siynor Pulcinella. «Toute causerie, dit un auteur, se taisait devant le monologue turbulent de l’abbé Galiani... Il touchait à tout, bafouait tout de son rire impitoyable. C’était l’ironie faite homme. C’était un fouillis de folie et de sagesse, amalgamé avec tant d’art qu’on ne pouvait distinguer où finissait l’une, où commençait l’autre. Et Ce cliquetis de mots étineelants durait une heure, sans fatiguer personne, pas même Galiani. Si quelque malavisé hasardait une interruption : • Laissez-moi donc achever, s’ècriait-il, vous aurez

« bientôt tout le loisir de me répondre. » Eu effet, quand l’abbé avait fini, les contradicteurs pouvaient s’ébattre tout à leur aise, cor il se glissait dans la foule et disparaissait & toutes jambes. »

Dans cette période de sa vie, l’abbé Galiani est plus Français qu’Italien ; il nous appartient, comme Hamilton et Henri Heine. Grimm disait de lui : « Ce petit être, né au pied du Vésuve, est un vrai phénomène ; il joint à un coup d’œil lumineux et profond une vaste et solide érudition, aux vues d’un homme de

ténie l’enjouement et les agréments d’un omme qui ne cherche qu’à plaire et à amuser. » Il fut l’ami de Marmontel, qui écrivait : « L’abbé Galiani était de sa personne le plus joli petit arlequin qu’eût produit l’Italie : mais, sur les épaules de cet arlequin, était la tète de Machiavel. » Il est recherché de toutes les sociétés où l’on n’est admis qu’à la condition d’avoir de l’esprit ; M^e d’Epinay l’arrache à Mmo d’Holbach, à laquelle il est pris par Mmo Geoffrin qui, & son tour, le voit emporté par M»« Necker ; il est goûté, aimé, adoré de tous. Mais aussi quelle verve, quelle gaieté, quelle imagination, quelle folie ! c’est un feu d’artifice continuel, à L’abbé est inépuisable de mots et de traits plaisants, écrit Diderot ; c’est un trésor dans les jours pluvieux. Je disais à Mme d’Epinay que, si l’on en faisait chez les tabletiers, tout le monde en voudrait avoir un à la campagne. »

Nous rapporterons quelques-uns de ses mots, encore agréables aujourd’hui, quoiqu’ils perdent nécessairement à la lecture le charme et l’imprévu qu’ils avaient dans la conversation. Quelqu’un parlait devant lui des arbres du parc de Versailles et les trouvait hauts, droits et minces : «Comme les courtisans, » ajouta Galiani. L’Opéra, dont le trop de bruit faisait mal aux oreilles délicates du Napolitain virtuose, fut, après l’incendie de la salle du Palais-Royal, transféré aux Tuileries, et l’on se plaignait devant notre abbé que cette dernière salle fût sourde : « Elle est bien heureuse, » s’écria Galiani. À propos de tout, à propos d’un rien, il avait quelque conte plaisant à faire, quelque apologue gai, fou, a dire. Plusieurs nous ont été conservés dans les lettres de Diderot à Mlle Voland ; mais en passant même par la plume fine, délicate, charmante de ce maître en l’art de bien dire, ce qu’a conté l’abbé.Galiani perd beaucoup, car il ne disait pas seulement ses contes et ses bons mots, il les mimait. Le lecteur peut chercher dans les lettres à Mlle Voland le conte du Porco sacro, l’apologue du gros moine en malle- poste et l’histoire d’un achevèque contrefaisant une duchesse au lit devant un cardinal qui la visite.

Un jour, on causait de Dieu chez d’Holbach, et vous pensez en quels termes il devait être question de Dieu chez l’auteur du Système de la nature, entre Helvétius, Diderot, d’Alembert et autres. Galiani était présent. Après avoir patiemment écouté tous ces déiphobes, il les interrompit en leur disant, d après ce que nous rapporte Morellet :

« Messieurs les philosophes, vous allez bien vite. Je commence par vous dira que, si j’étais pape, ^je vous ferais mettre a l’Inquisition, et si j étais roi de France, à la Bastille ; mais, comme j’ai le bonheur de n’être ni l’un ni l’autre, je reviendrai dîner jeudi prochain. « Il n’applaudit pas cependant à toutes les doctrines du xvme siècle ; il fut effrayé de VEsprit d’Helvétius.

Un jour, il écrivit à Mme d’Epinay, à propos de M’»e Geoffrin, qui, disait-on, était morte d’un excès de dévotion : «J’ai rêvé sur cette étrange métamorphose, et j’ai trouvé que c’était la chose du monde la plus naturelle. L’incrédulité est le plus grand effort que l’esprit de l’homme puisse faire contre son propre instinct et son goût. Il s’agit de se priver à jamais de tous les plaisirs de l’imagination ; de tout le goût du merveilleux ; il s’agit de vider tout le sac du savoir (et l’homme voudrait tout savoir) ; de nier ou de douter toujours et de tout, et de rester dans l’appauvrissement

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de toutes les idées, des connaissances, des sciences sublimes. Quel vide affreux 1 quel rien ! quel effort ! Il est donc démontré que la très-grande partie des hommes (et surtout des femmes, dont l’imagination est double) ne saurait être incrédule et, pour ceux qui peuvent l’être, ils n’en sauraient soutenir l’effort que dans la plus-grande force et jeunesse de l’âme. Si l’âme vieillit, quelque croyance reparaît. » De toutes ces contradictions, de cette foi mêlée de scepticisme, on ne sait que conclure, sinon que l’abbé Galiani fut

I esprit le plus paradoxal du xvme siècle.

Il reconnaissait, raconte Grimm, « trois sortes de raisonnements ou plutôt de résonnements : résonnements de cruches, ce sont les plus ordinaires ; résonnements de cloches, comme ceux de Jacques-Bénigne Bossuet, évêqua de Meaux ; enfin, raisonnements d’hommes, comme ceux de Voltaire, de Buffon et de Diderot. » Voltaire goûtait fort son talent : «Comment pouvez-vous me dire, écrit-il à Mme d’Epinay, que je ne connais pas l’abbé Galiani ! Est-ce que je ne l’ai pas lu ? Par conséquent, je lai vu. Il doit ressembler à son ouvrage, comme deux gouttes d’eau, ou plutôt comme deux étincelles. N’est-il pas vif, actif, plein de raison et de plaisanterie ? Je l’ai vu, vous dis-je, et je le peindrais. • L’ouvrage auquel Voltaire fait allusion est celui qui porte le titre : Dialogues sur lès blés. « On ne peut, a dit Turgot à ce sujet, soutenir une bien mauvaise cause avec plus d’esprit, plus de grâce, plus d’adresse... Un tel livre, écrit avec cette élégance, cette légèreté de ton, cette propriété et cette originalité d’expression, et par un étranger, est un phénomène peut-être unique. » Ce qui avait déterminé Galiani à traiter cette question d’économie politique, c’était l’édit rendu en 1764, lequel avait permis la libre exportation des

frains et avait été suivi d’un renchérissement u pain. L’abbé s’était mis en opposition avec les économistes ; il professaitque l’exportation ne devait pas être autorisée d’une manière absolue. Ses Dialogues ne furent publiés qu’en 1770, sous le pseudonyme de chevalier Zanobi. Rappelé à Naples.en 1769, il avait laissé son manuscrit à Diderot, qui s’était chargé d’en surveiller l’impression. Tandis que son livre obtenait à Paris un succès attesté par Voltaire et Turgot lui-même, il remplissait les fonctions de conseiller du commerce. Eu 1777, il fut élevé au rang de ministre de la junte des domaines royaux. Sa verve ne 1 avait pas abandonné. C’est alors qu’il composa un Traité des instincts ou des goûts habituels de l’homme, ou Principes du droit de la nature et des gens tirés des poésies d’Horace. Il s’était proposé de déterminer, ou, du moins, de deviner les occasions, les circonstances pour lesquelles chacune des poésies d’Horace avait été composée, et les allusions qu’on peut y trouver Ses recherches sont savantes, et ses observations spirituelles et judicieuses. Cette espèce d’interprétation obligea le commentateur à rectifier les dates des poésies d’Horace, et à leur donner un ordre chronologique tout différent de celui qu’elles avaient conservé jusqu’alors, ce qui les mettait plus d’accord avec l’histoire du temps et marquait davantage les progrès que le poète faisait dans son art. Après cet ouvrage sérieux, on vit apparaître le Socrate imaginaire, portraitcharge, comme on dit aujourd’hui, d’un certain avocat, Xaverio Mattei, qui prêtait beaucoup au ridicule. La victime immolée aux risées publiques se révolta et fit un moment suspendre la pièce, que l’on jouait partout, même à Saint-Pétersbourg, Le public murmura, et nouvelle autorisation fut donnée de traduire sur la scène l’avocat récalcitrant. C’est ici que nous devons parler du goût de Galiani pour la musique, qu’il avait apprise dans sa jeunesse et qu’il cultivait toujours. Sa voix était juste et agréable, et quand il chantait il s’accompagnait du clavecin. Il avait rassemblé un cabinet curieux de musique, composé des meilleures partitions. Sa bibliothèque était plus choisie que nombreuse, riche surtout en bonnes éditions des classiques grecs et latins. Il avait aussi un musée de monnaies antiques, de médailles rares, de pierres gravées, de camées et de quelques statues : singulier mélange de profondeur et de légèreté, de sérieux et de bouffonnerie. Une effroyable éruption du Vésuve lui inspira, en 1779, un pamphlet si bouffon, qu’il dissipa la consternation dans laquelle étaient tombés les Napolitains. Ce pamphlet était encore une satire individuelle. Il y faisait parler un auteur connu dans la ville par sa ridicule naïveté ; il imitait fidèlement la niaiserie de se3 idées et de son style ; et il fit imprimer cet ouvrage d’une nuit sous ce titre qui ne trompait personne : Spaventosissima aescrizione dello spaventoso spavento, ehe ci spavento tutti coll’ erusione délit 8 di agosio Jet corrente anno, ma (per grazia di Ûio) duro poco, di D.’ Onofri Galeota, poéta et filosofo ail’ impronto.

Frappé d’apoplexie en 1785, il essaya de neutraliser par des voyagea une affection qui devait deux ans plus tard lui être mortelle.

II parcourut la Pouille, puis se rendit à Venise, à Modèna et à Padoue, où il fut reçu à bras ouverts par des écrivains tels que Tiraboschi et Cesaiotti. Il aurait de beaucoup préféré un voyage à Paris, mais il avait perdu ses meilleurs amis, M’iB d’Epinay et Diderot, qui étaient morts, la première en 17S3, le se GALI

cond en 1784. Paris était devenu sa patrie : il se considérait comme exilé, à Naples. C’est ce qui ressort, à chaque ligne, des 2 volumes de sa correspondance avec Mlne d’Epinay, son vrai titre littéraire aujourd’hui pour nous, dit M. Sainte-Beuve. «L’abbé Galiani, qui, en écrivant, ajoute l’excellent critique, songeait certainement au cercle de ses amis de Paris, et qui recommande sans cesse à Mme d’Epinay de garder ses lettres, de les recueillir, ne s’est pas assez rendu compte de l’effet qu’elles pourraient faire sur un public plus étendu et moins initié. Il y parie trop de ses affaires d’intérêt, de ses ports de lettres. Il veut sans cesse paraître amusant, étincelant, et il n’est pas tous les jours en veine, a Je suis bête ce soir... ; je n’ai rien de drôle à vous mander d’ici... ; je ne suis pas gai aujourd’hui et ma lettre ne sera pas à iinprimer. » Cela revient perpétuellement sous sa plume et nuit au naturel. Il y a des jours, on le sent, où il se pince pour faire rire. Ajoutez, comme inconvénient, des indécences fréquentes, incroyables même dans le siècle de Diderot et de Voltaire, et qui n’ont de précédent que chez Rabelais : « Ne donnons, pas gain de cause aux gens délicats, répétait Galiani ; je veux être ce que je suis ; je veux avoir le ton qui me plaît. » Il a usé et abusé de la licence. Dans un temps où la librairie aurait tous ses loisirs et pourrait se permettre toutes les largesses, ce qui serait a faire ce serait un volume unique de Galiani, dans lequel on n’admettrait que ce qu’il a fait de mieux, ses meilleures lettres, dont on respecterait en tout le texte, dût-il paraître un peu salé et mordant ; on se contenterait de ne pas multiplier les échantillons en ce genre. On élaguerait les lettres d’affaires, celles où il rabâche, où il se bat les flancs pour avoir trop d’esprit. On dégagerait de la sorte et on mettrait dans tout leur jour des pages fines, délicates ; les lettres sur la Curiosité, sur VÉducation, celles surCicéron, sur Voltaire commentateur de Corneille, celle où il trace le plan d’une Correspondance entre Carlin et Gunganelli, et tant d’autres. On n’a jamais mieux parlé de la France, on ne l’a jamais mieux jugée que l’abbé Galiani. ■

L’abbé Galiani est assurément une des figures les plus vives, les plus originales et les plus gaies du xvme siècle. Donnons quelques courts extraits de ses lettres : « Je ne souscrirais à la statue de Voltaire qu’à charge de revanche. Il m’en faut élever une, à moi, dans ce beau rond de la nouvelle halle, à l’hôtel de Soissons. J’y serais à merveille, au milieu des farines et des filles de Taris. »-M. le lieutenant de police était prié d’un grand dîner de cérémonie, d’un repas de communauté : c’était le cas d’avoir une perruque neuve ; il la commanda. Le jour arriva et la perruque n’arrivait pas. Un valet de chambre va la chercher. Le perruquier fait mille excuses ; mais sa femme était accouchée deux jours avant, l’enfant était mort la veille, la femme était encore très-mal. Il n’est pas étonnant que, dans ces moments de trouble et d’embarras, on ait oublié de porter la perruque à monseigneur. Mais la voilà dans cette boîte. « Vous verrez, dit-il, que j’y ai apporté tous mes soins. » On ouvre la boîte avec précaution, pour ne pas gâter la perruque ; on y trouve l’enfant mort de la veille. « Ah ! Dieu I s’écrie le perruquier, les prêtres se sont trompés : ils ont enterré la perruque ! «Galiani a fait quelques étonnantes prophéties : « La Corse est la plus grosse folie faite par M. de Choiseul, et la plus fatale à la France. » Il annonce que les économistes « formeront une secte puissante, et peut-être une religion, parce qu’ils sont tristes et absurdes. » N’est-ce pas dénoncer formellement les saint-simoniens ? Ce qu’il y a d’incroyable, c’est que l’ami de Diderot et du baron d’Holbach se laissa transformer en censeur. Et cela lai prêta à rire, car de quoi ne riait-il pas ? À la date du 5 juillet 1777, il écrit à Mnie d’Epinay : ■ Vous dirai-je que notre roi a pris goût au spectacle français, en sorte qu on peut bien dire qu’il est le seul qui y soit assidu ? Vous dirai-je que c’est moi qu’on a chargé d’examiner les pièces qu’on pourrait donner ? Je n’en ai défendu que trois en tout, c’est-à-dire Olympie, le Galérien et le Tartufe. Toute la ville crie contre moi... •

On rencontre dans les lettres des philosophes et des encyclopédistes un grand nombre de particularités et d’anecdotes concernant l’abbé Galiani. On le trouvait d’ordinaire chez lui à onze heures du matin, encore au lit, avec cette particularité qu’il était nu comme un ver entre ses draps, souvent la couverture par-dessus la tête. Jamais la porte n’était ferméo, de sorte qu’en s’approchant en tapinois on l’entendait quelquefois marmotter en italien ou en français des morceaux qu’il composait en véritable improvisateur, ou appliquer à quelque événement du jour, avec une justesse piquante, soit un proverbe connu, soit quelque vers d’un poôte classique. C’est ainsi que Chamfort l’entendit se féliciter intérieurement de l’expulsion des jésuites d’Espagne, en se citant & lui-même ce vers de Virgile :

Gens inimica mihi Tyrrhxnum navigat œqvor.

Les jésuites étaient odieux à Galiani, parce qu’ils avaient persécuté sa famille à Naples, et, expulsés par mer, ils voguaient en effet sur la mer Tyrrhénienne. L’abbé avait un grand singe, dont il raffolait et dont il excusait fous

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les’mêfnits, voyant en lui, par un effet de la métempsycose, tantôt un homme d’État, tantôt un grand savant : déchirait-il les rideaux, c’était un souvenir de son existence de grand chirurgien d’autrefois, et sans doute il croyait confectionner des bandes ; jetait-il la cuvette ou le pot de nuit parla fenêtre, c’était l’âme du grand savant qui continuait ses études sur la chute des corps. L’abbé laissait parfois son singe décacheter les dépêches, -ce dont celui-ci s’acquittait avec beaucoup de dextérité, faisant semblant de les lire ensuite de l’air le plus sérieux da monde, comme s’il en eût médité le contenu... C’était l’âme d’un ambassadeur de la sérénissime république de Venise qui était alors dans son singe. Mais enfin cet animal devint le rival de son maître, et, un jour que Galiani embrassait devant lui sa maîtresse, le singe entra en fureur, saisit l’abbé à la gorge, et l’eût étranglé, si l’on ne fût arrivé à son secours : on fut contraint de tuer le maudit singe pour lui faire lâcher prise.

L’abbé Galiani était fort riche depuis longtemps, et les bénéfices s’étaient accumulés autour de lui ; mais rien ne venait combler le vide laissé par la mort de ses amis. À son retour à Naples, il sentit que la mort le gagnait, et ne fit rien pour lutter contre elle, la regardant s’approcher avec tranquillité, sans perdre la gaieté de son esprit et cet irrésistible penchant à tourner tout en plaisanterie. Il mourut le 30 octobre 1787, âgé de cinquante-neuf ans. Ce qu’il regretta le plus ici-tas, ce fut son cher Horace, qu’il avait tant lu, tant étudié, tant médité. Nous ne rapporterons pas certaines pasquinadesqui lui ont été prêtées, et qui sont complètement indignes d’un pareil moment. L’atibé Galiani fut sérieux aux portes de la mort. Il reçut le viatique avec un sourire assez énigmatique. « Je vais chez les défunts, disait-il en prenant congé de ses amis, ranimer l’esprit de leurs entretiens, » comme s’ils souffraient depuis longtemps de la monotonie et de l’ennui de leur état. • Ceux de ses manuscrits dont on doit surtout désirer la publication, dit Ginguené, sont : le Commentaire sur Horace, la Vie d’Horace tirée de ses poésies, etc. ; le Vocabulaire des mots du dialecte napolitain qui s’écartent le plus du dialecte toscan, avec quelques recherches étymologiques, etc. ; une traduction en vers de YAnti-Lucrèce ; un Recueil de poésies sur différents sujets ; plusieurs volumes remplis de lettres facétieuses, de mots plaisants, de nouvelles et d’historiettes, qu’il aimait à débiter, et qu’il a écrits avec toute la liberté de la conversation ; enfin, sa Correspondance, qui formerait une assez volumineuse collection, etc. — Le marquis Bernardo Galiaîîi, frère de l’abbé, se fit connaître avantageusement par une traduction de Vitruve, accompagnée de commentaires et imprimée à

Naples (175S, gr, in-fol., avec 25 gravures).

GAL1ANO (Antonio-Alcala), homme d’État espagnol, né en 1789, mort en 18G5. Son père était un officier de marine qui fut tué au combat de Trafaîgar. Lors de l’élévation au pouvoir de Ferdinand VII (1808), Gaiiano refusa de reconnaître l’autorité de Joseph Bonaparte, et se retira à Cadix après avoir contracté un mariage qui ne devait pas être heureux. Vers 1812, il se lança dans le journalisme, fut bientôt après envoyé à Londres comme attaché de l’ambassade espagnole, puis en qualité de secrétaire d’ambassade à Stockholm (1813), et revint, l’année suivante, en Espagne. L’insurrection militaire de l’île de Léon fut la première occasion pour Galiano de prendre une part importante aux affaires publiques, et ce fut lui, dit-on, qui rédigea les proclamations du général Quiroga et fonda, au péril de ses jours, la Gazette de l’insurrection. Appelé au poste de secrétaire d’État, Gaiiano revint à Madrid, se distingua aux cortès de 182], avec Riego et d’autres orateurs, dans les rangs du parti ultra-libéral, fonda ie Club des amis de l’ordrt, et fit une violente opposition au ministère, dont Martinez de La Rosa était le chef. Ce fut Gaiiano qui proposa le violent message au roi sur la note des grandes puissances, après le congrès de Vérone, en janvier 1823. Lorsque l’invasion française eut obligé les cortès de se retirer à Séville, Gaiiano proposa le célèbre décret par lequel le roi, en refusant de suivre les cortès à Cadix, éiait déclaré en état A’empêchement moral, c’est-à-dire de folie, et qui demandait que l’on formât immédiatement un conseil de régence : Après la prise de Cadix, Gaiiano fut condamné à mort et à la confiscation de ses biens ; mais il échappa à l’entière exécution de cette sentence en se réfugiant en Angleterre. Là, grâce à la connaissance approfondie qu’il avait de la langue, anglaise, il parvint à se faire une position dans le journalisme et collabora bientôt à la Westminster fieview et à la Foreign Quarterly, ainsi qu’à d’autres publications périodiques. En 1828, il fut nommé premier professeur d’espagnol au collège de l’université de Londres. Lors de la révolution de juillet, il donna sa démission et vint habiter successivement Paris et Tours. Vers 1S34, il publia dans le journal l’At/iensum, sur la littérature espagnole, une série d’articles qu’il avait composés dans sa retraite. Gaiiano n avait pas été compris dans l’amnistie de 1832, ni dans celle oui avait été promulguée à la mort de Ferdinand VII ; mais lors du ministère de Martinez de La Rosa il retourna à Madrid et reprit sa