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France (Histoire de), à l’usage de la jeunesse, avec cartes géographiques, depuis l’origine de la monarchie française jusqu’en 1810. A. M. D. G. (Lyon, Rusand, libraire, imprimeur du roi, 1823, 2 vol. petit in-18).

Tel est in extenso le titre de la fameuse Histoire de France du non-moins fameux P. Loriquet. Nous n’aurons pas l’impudeur d’essayer une analyse de ce livre. Disons seulement que ce tissu de mensonges, bien digne des jésuites qui l’ont dicté, a pour objet spécial d’inspirer aux élèves la haine des idées, des institutions et des principes sur lesquels repose la société moderne depuis 1789. Quelques extraits donneront une idée juste de l’esprit qui a présidé à la confection de cet ouvrage odieux, encore en usage dans certaines pensions dirigées par des congréganistes.

Parlant de la guerre de l’indépendance des Etats-Unis, il dit : « Louis (Louis XVI) ne croyait pas qu’il fût de la justice ou de la politique de se déclarer pour des rebelles qui attribuaient des droits imprescriptibles aux peuples contre les princes. Mais, sacrifiant mal à propos ses lumières à celles qu’il croyait voir dans son conseil, il reconnut l’indépendance des nouveaux Etats-Unis d’Amérique. » (Tome II, page 129.)

« Le cardinal de Brienne, soit ineptie, soit trahison, ne prit que de fausses mesures contre les parlements, et il retira la révocation de l’édit de Nantes, de manière que Louis XVI compta parmi ses ennemis et ses bourreaux les calvinistes, à qui il avait rendu les droits de citoyens. » (Page 139.)

« Louis XVI eut le tort de tolérer le rassemblement illégal des faictieux au Jeu de paume : il aurait dû savoir que quelques gouttes de sang impur versé à propos font le salut des empires. » (Page 130.)

« Au milieu de mouvements convulsifs, l’Assemblée, après un repas splendide, tient la séance nocturne si connue sous le nom de séance du 4 août : là. sans discussion, sans délibération, uniquement inspirée par les vapeurs du vin, elle décrète une foule d’injustices contre les seigneurs et contre les propriétaires des droits féodaux. » (Page 144.)

Les propriétaires des droits féodaux sont déjà très-jolis ; mais l’Assemblée, décrétant une foule d’injustices, uniquement inspirée pur les vapeurs du vin, est le maître mot de ce passage. Ce n’est là rien encore. Poursuivons.

« C’était le soir du 5 octobre 1789. Les bruits les plus alarmants circulaient dans Versailles. Les jours de la famille royale, ceux de la reine surtout, étaient hautement menacés. Le but des conspirateurs était, en intimidant Louis XVI, de le contraindre à fuir et à laisser le trône dont le duc d’Orléans prétendait s’emparer. Mais le roi ayant déclaré qu’il ne fuirait pas, le duc et ses complices résolurent de tenter la voie de l’assassinat : ce fut dans une église consacrée à saint Louis que se trama l’horrible complot.

Au point du jour, le signal se donne : trente mille assassins, ivres de vin et de débauche, se jettent dans le château en s’écriant : Vive notre roi d’Orléans ! » (Page 146.)

Voilà la vraie manière d’écrire l’histoire à l’usage de la jeunesse. Le P. Loriquet n’en a pas donné la formule, mais il l’enseigne d’exemple. Nous franchirons plusieurs pages ; car il faudrait tout citer, si l’on voulait relever tout ce qu’il y a d’odieux et de ridicule dans l’œuvre de ce prêtre du Dieu de vérité, à qui tout lecteur instruit est contraint à chaque ligne d’adresser un mentiris impudentissime. Nous passons ce tissu d’invectives et de mensonges. Il va sans dire que, pour le P. Loriquet, les jacobins, c’étaient les francs-maçons, « ces hérétiques honteux et criminels dont le serment mystérieux est le renversement des autels et des trônes. » La Convention était « un repaire de bétes féroces. » Ella fit les lois du maximum et les assignats « pour mettre toutes les propriétés à la disposition des jacobins. » Il approuve pleinement les royalistes d’avoir livré Toulon aux Anglais ; mais l’insurrection de Lyon n’est pas tout à fait selon son cœur.

Textuellement. « L’insurrection de Lyon n’avait été qu’une réunion de tous les partis contre le parti jacobin. Toulon, au contraire, franchement prononcé en faveur de la royauté, proclama Louis XVII, et reçut, en qualité d’auxiliaires, des troupes espagnoles et anglaises. Ce dernier trait fit entrer la Convention en fureur. L’armée qui avait réduit Lyon s’avança contre Toulon et en forma le siège. Son artillerie la foudroya de toutes parts ; elle était dirigée par Bonaparte… Tout se réunit pour faire du désastre de Toulon un spectacle épouvantable. Les républicains y entrèrent : ils y trouvèrent autant d’alliés qu’il y avait de forçats. » (Pages 223 et 224.)

Les girondins, dans la nuit qui précéda leur supplice, « s’enivrèrent. » La guerre de la Vendée est naturellement un sujet de fanfares pour le bon père. Il la raconte longuement, avec enthousiasme, en prodiguant les plus pompeux éloges aux uns, et les plus outrageantes injures aux autres. En résumé : «La Convention envoya 300,000 hommes de vieilles troupes contre les Vendéens ; des huit armées républicaines, cinq furent complètement défaites ; les autres n’attendirent même pas l’ennemi et s’enfuirent à la hâte. » Hoche et les autres chefs républicains ne sont, aux yeux du pieux auteur, que d’heureux scélérats.

En parlant de la campagne d’Italie, même exactitude ; le P. Loriquet ne dissimule pas que la bonne cause était du côté des Autrichiens ; on pourrait dire de ses chers Autrichiens, car il laisse éclater, en plus d’un endroit, sa tendresse pour eux, et il atténue autant qu’il est en lui leurs défaites. Quant à Bonaparte, il a le soin contraire : il paraît ne concevoir ses succès que comme des effets de son heureuse scélératesse. Ils ne furent d’ailleurs pas toujours aussi grands qu’on a bien voulu le dire. Au pont d’Arcole, par exemple, « Bonaparte, désespéré, saisit un drapeau (c’est bien heureux qu’il en convienne) ; mais l’artillerie autrichienne (son cœur a vibré évidemment en écrivant ces mots) fait voler le pont en éclats ; la colonne française recule en désordre et entraîne le général dans sa déroute. »

Le Directoire, on devine ce-que ce peut être sous la plume du P. Loriquet. Ce ne furent pas par les Autrichiens que, à Rastadt, furent assassinés les plénipotentiaires français ; ils le furent par des stipendiés du Directoire déguisés en Autrichiens. Mais voyons comment il parle de l’Empire.

« Bonaparte parvenu, à force d’attentats, au comble de ses vœux, fut proclamé empereur sous le nom de Napoléon. » (Page 308, édition de 1823.)

« Une des principales causes de la guerre avait été le refus que faisait l’empereur François II de recevoir Napoléon pour gendre. Une des principales conditions de la paix fut le mariage de l’archiduchesse Marie-Louise, sa fille, avec l’aventurier corse. » (Page 321, 1809.)

Les soldats français en Espagne ne furent que d’odieux brigands ; les soldats de Suchet et de Masséna profanèrent les églises, incendièrent les couvents qui leur avaient donné l’hospitalité, violèrent les tombeaux et se dédommagèrent sur les cendres des morts du mal qu’ils ne pouvaient faire aux vivants.

Dans le récit de la retraite de Moscou, les Français sont comparés aux Egyptiens de Pharaon engloutis dans la mer Rouge. C’est la justice de Dieu qui les frappe.

L’usage de Napoléon était de n’avoir aucune sollicitude pour les malades et les blessés, et de les abandonner à la générosité ou à la fureur des ennemis.

Vient un récit très-long et très-détaillé des désastres des derniers temps de l’Empire, récit fait avec une complaisance et une abondance de cœur qui montrent clairement combien le charitable écrivain en était heureux.

« À Fontainebleau, cependant, Napoléon, soit désespoir, soit illusion sur l’état de ses affaires, parlait encore de marcher sur Paris. Il fallut que ses généraux lui apprissent qu’il n’était plus empereur, et que la France avait un roi. Celte nouvelle lui fit répandre beaucoup de larmes, et il ne parut se consoler que par la cession que les puissances confédérées lui firent de la petite île d’Elbe avec 6 millions de revenus. » (Page 357.)

Voilà donc Bonaparte heureusement vaincu.

Nous n’avons pas besoin de dire par quels hymnes le P. Loriquet célèbre le rétablissement des Bourbons sur le trône de leurs pères. Les cris qui les accueillirent à leur rentrée à Paris et durant la première Restauration émaillent en italiques les pages de ce dithyrambique récit. Le voilà ! s’écriait-on de toutes parts, le voilà ! Vive le roi ! vive Madame ! vivent les Bourbons ! (page 358). Vive le roi ! vive le roi ! (page 359). Ah ! c’en est trop pour mon cœur ! Voilà, s’écriait-on, voilà le roi que nous avons méconnu, et pour qui ? Vive le roi ! vive notre bon père ! (page 361). « Telle fut la fête de la Restauration : c’était celle de la France et de l’Europe ; elle était le gage du salut des rois et des peuples, le triomphe de la vertu sur le crime, de la religion sur l’impiété philosophique, de la société sur l’anarchie révolutionnaire ! »

Mais tout à coup Napoléon revient de son île, et le roi s’en va de Paris. Napoléon y rentre : quelle différence de cris !

« Le roi, trahi par les uns, abandonné par les autres (les mêmes qui avaient si bien crié dans les pages précédentes), se vit contraint de quitter Paris et de prendre le chemin de la Flandre. Le lendemain 20 mars, l’usurpateur se présenta aux portes de la capitale. Les lieux publics étaient abandonnés, les rues désertes, la plupart des magasins fermés. Le silence ne fut interrompu que par la joie féroce des rebelles, qui, parés de violettes et ivres de vin ou d’eau-de-vie (toujours), arrivaient faisant trophée de leur trahison. Ce fut alors que l’on entendit avec horreur les hommes du jour mêler au cri de Vive l’empereur ! un autre cri qui semblait ne pouvoir sortir que de la bouche des démons, le cri de Vive l’enfer ! A bas le paradis ! Tel était l’esprit des partisans, des amis de Bonaparte ; tels étaient les témoignages de leur allégresse ! » (Pages 364 et 365.)

Ce qu’on peut appeler le bouquet de l’Histoire de France du P. Loriquet, le voici ; c’est la fin du récit de la bataille de Waterloo.

« Ce moment fut décisif. Bonaparte perdit la tête, abandonna son armée et disparut. Bientôt la plupart des corps se débandèrent, et la déroute commença. Dans cette situation, un des corps de la garde impériale se signala par un acte de désespoir dont l’histoire offre bien peu d’exemples. Environné de toutes parts et placé sous la menace de la mitraille anglaise, il fut invité à se rendre. La garde impériale meurt et ne se rend pas, telle fut sa réponse ; et aussitôt on vit ces forcenés tirer les uns sur les autres et s’entre-tuer sous les yeux des Anglais, que cet étrange spectacle tenait dans un saisissement mêlé d’horreur. » (Page 370.)

Disons, toutefois, que le P. Loriquet se trompe seulement en attribuant au dernier carré de la garde, au carré commandé par Cambronne, des faits arrivés à d’autres régiments. Il est parfaitement vrai que, pour se dérober à la honte de se rendre aux cavaliers de Blücher, des soldats se fusillèrent entre eux, ainsi qu’on peut le lire dans Vaulabelle. Ce qu’il y a d’exécrable dans le récit du jésuite, c’est la joie qui perce à chaque ligne dans ce récit de la grande défaite. Lorsque l’esprit de parti s’aveugle jusqu’à se réjouir des revers de la patrie, on se rend coupable de parricide.

France (Essais sur l’histoire de), de M. Guizot (1823, 1 vol. in-8º). C’est un des ouvrages les plus considérables de notre temps sur les origines de la nationalité française. M. Guizot y étudie spécialement les caractères de nos institutions primitives et la situation sociale de la France depuis le ve siècle jusqu’au xe. Plutôt anatomiste qu’historien, M. Guizot, que Gustave Planche appelle quelque part avec injustice « ce pesant rhéteur, » ne sait pas grouper avec intérêt des personnages ni faire des récits entraînants ; mais, s’il s’agit d’analyser une époque, une race, une institution, de décrire des caractères et des passions, de faire toucher du doigt les ressorts secrets, il n’a point de rival dans cette science. A peu près à la même époque où Augustin Thierry envisageait ces mêmes questions d’origine par leurs côtés pittoresques et, avec une érudition si séduisante, faisait pénétrer le lecteur, par ses Récits mérovingiens, dans la vie intime de nos aïeux, M. Guizot appliquait ses puissantes facultés d’analyse à débrouiller les questions confuses de race, de nationalité, à montrer l’enchaînement des institutions, par quelles transitions la France a passé du régime municipal établi par les Romains au régime féodal, pour revenir enfin à la commune. Les Essais sur l’histoire de France sont un recueil tout politique, on pourrait même dire parlementaire ; car le but de M. Guizot est surtout de rechercher par quelles causes le gouvernement représentatif s’est implanté si facilement dès le xiiie siècle en Angleterre, et n’a pu jouer en France, avec les états généraux, qu’un rôle tout à fait secondaire.

Six essais composent ce recueil, et on peut suivre dans leurs titres la filiation des idées de l’auteur : 1o Du régime municipal dans l’empire romain au ve siècle ; 2o De l’origine et de l’établissement des Francs dans les Gaules ; 3o Des causes de la chute des mérovingiens et des carlouingiens ; 4o De l’état social et politique de la France du ve au xe siècle ; 5o Du caractère politique du régime féodal ; 6o Des origines du gouvernement représentatif en Angleterre. En apparence, cette dernière étude ne semble pas se rattacher aux précédentes ; elle en forme cependant la véritable conclusion. C’est que, pour celui qui a suivi la déduction des faits et des idées pendant les cinq premiers chapitres, l’examen des causes qui ont déterminé, en Angleterre, le succès du système représentatif est, comme aux yeux de M. Guizot, le plus court et le plus sûr moyen d’expliquer son mauvais sort dans notre pays. Au moment où l’auteur arrête ses Essais (xiiie siècle), la marche des deux pays, l’un vers la monarchie pure, l’autre vers le gouvernement parlementaire, est décidée. « Les efforts de l’aristocratie, dit-il, pour se saisir du pouvoir souverain, et les essais de la nation pour se constituer au centre de l’État, selon le système représentatif, n’ont été chez nous, durant ce long intervalle, que des accidents, effets de causes peu profondes, crises passagères où le système monarchique a rencontré des obstacles et quelques périls, mais qui, en dernière analyse, n’ont servi qu’à accélérer ses progrès. Chez les Anglais, au contraire, ce sont les tentatives de la monarchie pure qui se présentent comme des accidents, des déviations momentanées de la route où s’avance le pays. » M. Guizot aperçoit les causes de cette divergence singulière, chez deux peuples si voisins, dans le peu de cohésion et d’unité qu’avait la Gaule au moment de la conquête ; les barbares, en s’y établissant, ne rencontrèrent aucune vitalité dans les institutions gallo-romaines ; la féodalité s’établit sans violence et sans lutte. En Angleterre, au contraire, les Normands (car c’est de ce point que part l’histoire anglaise) rencontrèrent des institutions déjà puissantes, un peuple fortement attaché à ses lois, à ses coutumes. Tandis que, d’une part, en France, les résistances n’étaient qu’individuelles, elles furent générales en Angleterre et exigèrent un accord profond, une association intime de la haute aristocratie d’un côté, et de l’autre l’union du peuple rallié à ses anciennes institutions. Ce sont ces différences profondes, toutes d’origine et se rattachant à la formation même de la nationalité française que M. Guizot a exposées avec beaucoup de clarté dans ces Essais. Son style abstrait, s’imposant plus par la force des idées que par les grâces du langage, prête à ce livre une certaine austérité ; mais la finesse des analyses, la logique des déductions, la rectitude des jugements finissent également par séduire, et on arrive à compter la gravité comme un charme de plus. Dans la préface de la neuvième édition (1S37, in-8º), M. Guizot termine ainsi : « Je n’ai trouvé, dans un travail déjà si ancien, rien d’important à changer. En le réimprimant au bout de trente-trois ans, j’ai la confiance qu’il peut encore servir aux solides études sur notre histoire nationale et à la propagation des idées qui, tôt ou tard, fonderont dans notre patrie les institutions libres auxquelles elle aspire depuis tant de siècles. » En composant cet ouvrage, M. Guizot n’avait l’intention d’abord que de donner une suite aux Observations sur l’histoire de France, de l’abbé Mubly. Entraîné par la beauté du sujet et par les grands horizons que chaque pas fait en avant déroulait devant lui, il s’est fort éloigné de son modèle et l’a de beaucoup surpassé. M. Guizot a fait l’histoire, fondée sur des bases certaines, de ces institutions dont le savant abbé n’avait pour ainsi dire fait que le roman. Les assertions qu’il y développe, d’abord admises avec une certaine réserve, comme en fait foi l’article que Daunou consacra aux Essais sur l’histoire de France dans le Journal des savants (décembre 1823), font aujourd’hui autorité et n’ont pas peu contribué à la révolution opérée de nos jours dans les études historiques.

France (Histoire de), par le comte de Ségur (1824, 9 vol. in-8º). Ce recueil a perdu considérablement de sa valeur depuis la publication de nos grandes histoires nationales. Il n’est d’ailleurs pas achevé, la mort de l’auteur l’ayant arrêté à la fin du règne de Charles VII. Il a été entrepris dans un excellent esprit ; mais il est plutôt laudatif que critique ; l’auteur a eu en vue plutôt le panégyrique de nos gloires que la recherche des documents originaux, et il l’a fait d’un style pur et élégant, qui a plus de clarté que de profondeur et plus de grâce que de nerf. « Ses compositions historiques, dit Rabbe, annoncent des connaissances profondes, un jugement sûr, et cette habitude des hommes et des choses qu’il a pu acquérir dans la fréquentation des plus grands hommes du siècle dernier et de celui-ci, et dans une position, où la pratique du monde substitue la réalité aux apparences et l’expérience aux systèmes. » Ce jugement peut s’appliquer à l’Histoire de France. Les facultés qu’on loue chez le comte de Ségur sont surtout précieuses pour celui qui écrit ce qu’il a vu et juge les hommes et les choses qu’il a observés ; elles ont moins de prix lorsqu’il s’agit d’écrire l’histoire de siècles obscurs, de comparer des textes et d’en apprécier la valeur. Aussi, le comte de Ségur a-t-il écrit plutôt une dissertation qu’une histoire.

On trouve peu d’aperçus nouveaux et peu ou point de critique dans ses neuf volumes. Il est juste de dire qu’il précédait la plupart des grands ouvrages qui ont éclairé d’une si vive lumière les premiers siècles de nos annales, et que le comte de Ségur n’avait encore pour guide, dans la voie nouvelle, que les Études de Chateaubriand. Le premier volume, consacré presque entièrement à la Gaule, aux expéditions des Gaulois en Grèce et à Rome, à la conquête romaine, aux invasions, témoigne d’études consciencieuses et offre, comme récit, un ensemble satisfaisant. Mais les grandes questions de race, de nationalité, de gouvernement, qui se dressent devant l’historien dès l’établissement de la monarchie franque, ne sont qu’à peine effleurées. L’auteur n’avait ni la force ni l’érudition suffisantes pour rien tenter dans cette voie. Il est resté historien superficiel. Mettre en lumière « les gloires de notre nation, » la bravoure et l’esprit d’indépendance des Gaulois, la grandeur de l’empire de Charlemagne, les exploits de la noblesse pendant les croisades, l’héroïsme inspiré de Jeanne Darc, suffisait à son ambition. Cet ouvrage semble plutôt composé pour la jeunesse que pour les hommes faits. « Puisse ce vaste tableau que nous allons offrir, dit-il, puisse cette histoire rapide de la France antique et moderne inspirer à nos jeunes lecteurs la vénération pour la vraie piété, l’horreur du fanatisme, le respect pour nos lois et pour nos rois, l’attachement inviolable à la liberté et surtout l’amour sacré de la patrie ! »

Cette Histoire de France fait partie de l’Histoire universelle du même auteur et occupe dans cette collection les tomes XXVI à XLIV (1821-1829, in-12).

France (Histoire de), par Bignon (1829-1838, 8 vol. in-8º). Les deux derniers volumes sont, en partie, du baron Ernouf, neveu de l’auteur. Cette Histoire de France est, avant tout, l’histoire de notre politique extérieure sous la République et sous l’Empire. L’auteur ne s’est pas borné à résumer les éléments des manifestes, des gazettes et des mémoires du temps ; il a désiré davantage : il a voulu que les causes des faits publics et matériels fussent retracées exactement d’après ses souvenirs et d’après les sources particulières d’information dont il disposait. L’historien commence avec le coup d’État de brumaire ; il place Bonaparte, le négociateur armé de l’époque, à la tête du nouveau gouvernement qu’il institue, et nous montre autour de lui tous les pouvoirs ou plutôt tous les instruments qu’il crée pour servir le sien. C’est la brusque transition de la République directoriale à la République consulaire. Un siècle sépare le 17 et le 20 brumaire. Le premier consul offre à l’Angleterre une pacification