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reau (1712-1762), qui a gravé de nombreuses pièces d’après Ph. Wouwerman; Jacques-Philippe Le Bas, le spirituel interprète de Teniers ; Jacques Aliamet ((1728-1788), élève de Le Bas, qui a traduit Joseph Vernet et Nicolas Berghem, et illustré de vignettes les œuvres de La Fontaine et de Boccace ; Baléebou (1715-1764), élève de Lépicié, qui a gravé quelques belles planches d’après J. Vernet, et de nombreux portraits d’après de Troy, Aved, Raoux, Nattier ; Robert Gaillard, né en 1722, traducteur de Boucher et de Vanloo ; Etienne Moitte, qui a travaillé à la Galerie de Dresde et au Cabinet du comte de Bruhl ; Bassan (1723-1797), un des plus célèbres éditeurs d’estampes du xviiie siècle, auteur d’un Dictionnaire des graveurs ; Jean-Jacques Flipart (1723-1782), un des principaux interprètes de Greuze ; L. Lempereur ; Jean-Jacques de Boissieu (1736-1810), qui a gravé une centaine de paysages et d’intérieurs, la plupart de sa composition ; Etienne Ficquet, de qui l’on a une suite assez nombreuse de petits portraits d’hommes célèbres ; Beauvarlet (1731-1797), qui a travaillé d’après de Troy, Vien, Raoux, Fragonard, Greuze, Vanloo, Teniers, etc. ; J.-C. Levasseur, élève de Daullé et de Beauvarlet ; Joseph de Longueil, qui a illustré La Fontaine, Voltaire, Dorât ; Nicolas de Launay, élève de Lempereur ; P.-E. Babel, qui a gravé à l’eau-forte des dessins pour les joailliers ; Canot, qui a travaillé, en Angleterre, pour le célèbre éditeur Boydell ; Antoine et François Aveline et Campion du Tersan, qui ont gravé des vues topographiques ; Cathelin, Reine Carey, Rosalie Bertaud, qui ont reproduit J. Vernet, P. Benoist, Michel Aubert, P. Beljambe, Miger, auteur de portraits, A. Trouvain, Beaumont, J. Pelletier, Carmontelle, G. Vidal, Fr. Boucher le peintre, Lagrenée, Wattelet le littérateur, Louis Moreau et J.-M. Moreau, Ch. Hutin, Saint-Aubin, Halbon, Huquier le père et Huquier le fils ; Jean-Baptiste Le Prince, qui a gravé à l’imitation du dessin ; Gille Demarteau et François, qui ont gravé à la manière du crayon ; Bonnet, qui a gravé à la manière du pastel ; Jean et Édouard Dagoty, qui ont perfectionné les estampes à. plusieurs couleurs ; etc.

Le commencement de ce siècle a été marqué par la publication de plusieurs grands recueils d’estampes : l’un des plus importants est sans contredit le Musée français, publié par Robillard-Péronville et Pierre Laurent, de 1803 à 1811, et dans lequel ont été reproduits les chefs-d’œuvre de peinture et de sculpture qui faisaient alors du Louvre le plus riche musée de l’Europe. Les meilleurs graveurs de l’époque ont pris part à cette publication ; il nous suffira de nommer : Jean Massard et Urbain Massard, son fils, Maurice Blot, Avril le père et Avril le fils, Fosseyeux, Jean Godefroy, Étienne Beisson, Edme Bovinet, H.-G. Châtillon, Desaulx, Masquelier le jeune, Duparc, J. Mathieu, François Forster (né en Suisse, mais ayant travaillé presque constamment en France), J. Bein, P. Audouin, Jacques Bouillard, P.-H. Laurent, Claude Fortier, H.-C. Muller de Strasbourg, Guttemberg, Miger, Ingouf, élève de Flipart, Richomme, un des maîtres du burin, J.-L. Petit. Alexandre Tardieu, Morel, J.-F. Ribault, Robert Daudet, Abraham Girardet, né en Suisse, Levillain, Jacques Lavallée, Géraut, Dequevauvilliers, Niquet, Oortman, J.-M. Leroux, etc.

Le Musée français eut encore pour collaborateurs Bervic (1756-1822). élève de Wille, qui touchait alors à la fin d une carrière glorieuse, et Henriquel-Dupont, élève de Bervic, qui n’était qu’à ses débuts, et que ses travaux postérieurs ont placé à la tête de notre école française de gravure.

Les autres graveurs en renom sous l’Empire et sous la Restauration sont : Boucher-Desnoyers, créé baron par Charles X, artiste vraiment supérieur, qui a interprêté d’une façon magistrale plusieurs des chefs-d’œuvre de Raphaël ; Antoine Gelée, auteur de la belle fravure de la Justice poursuivant le Crime, d’après Prudhon ; François Garnier, élève de Bervic ; C.-L. Lorichon, élève de Forster ; Potrelle, Coiny, Chataigner, J.-L.-T. Caron, A. Caron, J.-A. Allais, J.-L. Anselin, J.-J. Baugean, qui a gravé à l’eau-forte un très-grand nombre de marines et de vues de villes de France ; F.-L. Couché, qui a illustré les Esquisses de la Révolution, par Dulaure, l’Histoire de Napoléon, par Norvins, et beaucoup d’autres publications ; etc.

La vogue que commença à obtenir, vers la fin de la Restauration, la lithographie, — art nouveau pratiqué avec talent par Carle Vernet, Horace Vernet, Géricault, Charlet, Bellangé, Decamps, Delacroix, Pigal, Henri Monnier, Gavarni, Daumier, Achille Deveria, et beaucoup d’autres artistes français, — cette vogue, disons-nous, nuisit beaucoup aux progrès de l’art de la gravure. La photographie est venue porter à cet art un dernier et terrible coup. Pour prévenir une décadence complète, des amateurs éclairés ont fondé, il y a quelques années, une association dite Société française de gravure, laquelle publie, à ses frais, des gravures au burin, exécutées par les meilleurs artistes. De leur côté, les graveurs à l’eau-forte ont fondé une société dite des aqua-fortistes, qui a déjà fait paraître un grand nombre de planches.

Les graveurs les plus habiles, parmi ceux qui se sont produits en France depuis 1830, sont : MM. François Girard, Achille Lefèvre, Jazet, E. Bléry, Marvy, Sixdeniers, Auguste Blanchard, J.-M. Leroux, Ch. Jacques, Alphonse François. Desvachez. Danguin, Bridoux, P.-E. Allais, Gustave Bertinot, Bellay, Laguillermie, Valério, Rousseaux, Rajon, V. Pollet, A.-L. Martinet, Gustave Lévy, Jules Jacquemart, Léopold Flameng, F. Gaillard, N. Lecomte, Maxime Lalanne, F. Bracquemond, etc.

— V. La musique en France. Les documents positifs concernant les origines de la musique en France ne sont pas nombreux ; on peut cependant en tirer quelques renseignements intéressants. En négligeant ce que l’on sait des bardes, chanteurs ambulants qui suivaient les armées, à l’époque druidique, et en remontant seulement aux rois francs de la première race, nous voyons Clovis faire demander à Théodoric, roi des Ostrogoths, un habile professeur de chant italien, et celui-ci lui envoyer Acorède, choisi par le savant Boëce parmi les meilleurs. Acorède vint à Paris, s’installa près du roi, et forma un corps de chantres attachés au service du palais et chargés de l’exécution des chants sacres dans les grandes solennités ecclésiastiques. Dagobert, galant et dévot à la fois, comme bon nombre de nos monarques, trouvait dans une jolie voix de femme un tel charme, qu’il partageait volontiers son trône avec celles qui avaient reçu de la nature ce don précieux. Il eut pour femmes Gomatrude, Nantilde, Ragnetrude, Wilfonde et Berthilde, toutes remar-quables par la pureté de leur voix, et avec lesquelles, disent les chroniqueurs, il chantait fort dévotement les vêpres. Ce dilettante consommé encouragea beaucoup la musique et entretint dans son palais une excellente chapelle ; c’était le Conservatoire de ce temps-là. Sous Pépin apparut, en France, le premier orgue, et ce monarque envoya à Rome les meilleurs élèves de sa chapelle, afin qu’ils perfectionnassent leur éducation musicale sous Siméon, musicien renommé ; à leur retour, il leur confia la direction d’écoles de chant qu’il fonda à Metz et à Soissons ; ce fut l’origine des maîtrises. Charlemagne demanda au pape des musiciens capables de substituer, en France, le chant grégorien au chant ambroisien, et le saint-père lui envoya, par Benoît et Théodore, un antiphonaire noté de sa propre main, et qui servit à la correction des livres de plain-chant alors en vigueur. Pendant ce siècle, il se publia plusieurs écrits relatifs à la musique, parmi lesquels on cite : Musicæ disciplinæ, par Aurélien, moine de Réaume ; le Musicæ Enchiridion, d’un moine de Saint-Amand, nommé Hucbald, et surtout le Dialogue sur la musique, d’Odon, abbé de Cluny. Robert le Pieux composa des hymnes, paroles et musique, dont quelques-unes sont encore chantées dans les égiises. Au xie siècle, Abailard, l’amant d’Héloïse, et même l’austère saint Bernard, composèrent des chansons qui n’étaient rien moins que sérieuses ; troubadours et trouvères imaginaient des mélodies faciles, dont quelques-unes nous ont été conservées. C’est à partir du xiiie siècle qu’on voit apparaître les premiers morceaux de chant à plusieurs parties ; la Bibliothèque nationale en possède plusieurs qui sont dus à Adam de Halle, surnommé le Bossu. Au siècle suivant, Guillaume de Machaut est l’auteur d’un grand nombre de morceaux de chant et d’une messe composée, paraît-il, pour le sacre du roi Charles V. C’est également à cette époque que l’on rapporte les compositions de Philippe de Vitry, évêque de Meaux, de François de Cologne, et que s’établirent plusieurs confréries, origine éloignée des orphéons modernes. Des musiciens belges, venus en France au xve siècle, apportèrent de sensibles améliorations dans notre système musical, et firent faire à l’art de véritables progrès. Les rois de France continuaient d’avoir une chapelle très-bien organisée et des ménestrels ou ménétriers qui chantaient en s’accompagnant de divers instruments, pendant les repas et les fêtes. Charles VI entretenait neuf ménestrels, dont six hauts et trois bas, qualification employée, pour la première fois, dans le but de distinguer les instruments. Enfin, sous Louis XII, parut Josquin Desprez, le plus grand musicien de son temps, le Palestrina français (1450-1531). Il avait eu pour professeur le Belge Jean Ockeghem, maître de chapelle de Charles VII, et, après divers séjours à Rome et a Ferrare, était revenu en France, où Louis XII le pourvut d’un canonicat. Si l’on examine avec attention les œuvres de ce maître, on est vivement frappé de l’aisance et de la liberté de facture qui y dominent, malgré les règles gênantes et arbitraires imposées alors aux musiciens. On lui attribue l’invention de plusieurs tournures scientifiques adoptées depuis par les compositeurs de toutes les nations, et perfectionnées ensuite par Palestrina et l’école italienne. Ses chansons, pleines de grâce et d’esprit, portent un cachet de raillerie et de malice narquoise qui semble refléter le caractère de l’auteur. D’autre part, sa musique religieuse est grave et solennelle ; on a de lui la chanson populaire de l’Homme armé, quatre livres de Chansons, un livre de Motets de la couronne, un Stabat et un Miséréré. Josquin Desprez est la première personnalité brillante dans l’histoire de la musique en France. Un peu après parurent les œuvres de Goudimel, professeur de Palestrina et de Nanini ; on lui doit, entre autres, la musique des psaumes de Clément Marot et de Théodore de Bèze.

Voyons ce qu’était, à cette époque, la musique instrumentale. Le violon était sur le point d’être inventé en Italie ; il avait été précédé par toute une série d’instruments à cordes frottées par l’archet, et dans lesquels il est aisé de reconnaître ses ancêtres : tels sont les vielles ou violes, les rebecs ou rubèbes, la rothe, le monocorde, la gigue. Les musiciens avaient, en outre, à leur disposition une série d’instruments à cordes que l’on pinçait ou que l’on frappait avec un plectre, à la mode antique : la guitare ou guiterne, la morache, guitare moresque, le luth, la cithare ou cithole, le psaltérion, une nombreuse variété de flûtes : flûtes traversières, doussaines, chalumeau ou flûte de blé, c’est-à-dire le simple sifflet des bergers, le flageolet, appelé flaios par les trouvères, la cornemuse ou chevrette. Comme instruments plus bruyants, ils avaient le cor ou cornet à bouquin, la trompette, appelée par eux buccine, les cymbales et les tambours ; tout un.orchestre, comme on voit.

C’est la vielle ou viole qui, peu a peu perfectionnée, devint le violon, le roi des instruments. Les premiers violons excellents qui ont été introduits en France sortirent de l’atelier des Amati, sur une commande de Henri IV ; l’un d’eux existe encore. À partir de cette époque, il y eut à la cour des rois de France une troupe de violons. Sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII, la musique française subit un temps d’arrêt, dû surtout, à l’introduction des musiciens italiens amenés par les Médicis. Néanmoins, on cite encore quelques compositeurs distingués durant cette période, entre autres Ducaurroy, auteur d’un Requiem qui fut célèbre. On croit qu’il a encore composé deux airs fort connus : Charmante Gabrielle et Vive Henri IV ! puis J. Mauduit, Arthur Aux-Cousteaux, qui écrivirent de la musique d’église ; Boesset, auteur de chansons et d’airs bachiques, etc., etc. Parmi les instrumentistes dont l’histoire de l’art a conservé les noms, il faut citer les deux Gauthier et Mauduit, joueurs de luth ; Hotteman, Laridelle et Sainte-Colombe, joueurs de viole ; et, parmi les violons de la chambre du roi, Beauchamp, Constantin, surnommé le roi des violons, Manoir et Lazarin. Citons encore, comme joueurs de clavecin, instrument alors dans sa nouveauté, les trois Champion ; comme organistes, Monard ; Richard et les trois frères Couperin. Le plus célèbre des trois, François Couperin, a laissé quatre livres de pièces de clavecin, dans lesquels les amateurs d’aujourd’hui rencontrent encore avec plaisir de fraîches et gracieuses inspirations.

L’année 1645 nous offre la date précise à laquelle on peut faire remonter l’origine du drame musical en France ; Mazarin fil exécuter, dans les galeries du Louvre, un opéra bouffe de Strozzi par des musiciens Italiens. Quelques auteurs pensent que ce fut l’Orfeo ed Euridice, de l’illustre Monteverde. L’Ercole amante, autre tragédie lyrique, fut représenté lors du mariage de Louis XIV, et enfin, en 1659, fut joué, à Issy, le premier opéra français, composé sur des paroles de l’abbé Perrin, par l’organiste Cambert (v. opéra). A cette époque florissait Lambert, le fameux Lambert illustré par Boileau et par La Fontaine, également renommé comme violoniste, comme chanteur et comme professeur de chant ; il forma quelques élèves remarquables, mais fut bien dépassé par son gendre, Lulli.

L’abbé Perrin et Cambert, à la suite de leur premier succès, avaient obtenu un privilège et ouvert à Paris, rue Mazarine, une saile d’opéra, qu’ils inaugurèrent par la représentation de Pomone. Lulli parvint à se faire céder leur privilège, donna à son théâtre le nom d’Académie royale de musique, et fit jouer successivement les Fêtes de l’Amour et de Bacchus, Cadmus, Alceste, Thésée, Athys, Psyché, Proserpine, Amadis, Roland, Armide, tous opéras restés célèbres, mais bien plutôt comme poëmes que comme partitions ; les poëmes étaient de Quinault. Au second rang brillèrent quelques compositeurs, pâles imitateurs de Lulli : Colasse, Desmarets, Destouches, Montéclair et Campra, le plus original de ses copistes. On cite, parmi les exécutants de cette époque, sans compter l’organiste Couperin, nommé plus haut, les clavecinistes Levieux, d’Anglebert, Buret ; les joueurs de luth Dubut et Galot ; les joueurs de théorbe Pinel, Lemoine, Hure et Devisé ; les violonistes Dagin, Leclair et Senaillé. L’art du chant était encore dans l’enfance, et, en fait de livres théoriques, on ne peut guère compter que le Traité de musique du P. Parran (1646), celui de La Voye Mignot, qui offre quelques lueurs d’enseignement sur la composition et les règles de l’harmonie, et le Traité de l’accompagnement du clavecin, de l’orgue et des autres instruments, de Lambert (1680).

Bientôt [...] Rameau, dont les écrits opérèrent une révolution dans la musique, et dont les opéras obtinrent une grande vogue. Ses travaux théoriques, auxquels il attachait une grande importance, au point de ne considérer ses opéras que comme de simples accessoires, ont été bien dépassés depuis ; quelques-unes de ses idées ont même été reconnues fausses. Mais on ne peut refuser son admiration à un homme qui, dans l’état où se trouvait la science musicale, a donné, suivant l’expression de Fétis, une base solide à l’harmonie et fait de véritables découvertes. Sa gloire comme compositeur est encore plus grande. Si l’on compare son œuvre à tout ce qui l’avait précédé, on trouve un progrès immense ; une distance énorme sépare Rameau de Lulli et de son école. Castor et Pollux, Dardanus, Orphée, sont bien au-dessus d’Alceste et d’Armide ; les morceaux les plus travaillés de Lulli sont d’une naïveté et d’une simplicité presque enfantines si on les met en face du premier opéra de Rameau. Dans celui-ci, c’est un tout autre style, un autre orchestre, des dispositions différentes, des coupes neuves, des rhythmes inconnus ; à l’exception de l’ouverture et des grands chœurs fugués qui sont taillés sur l’ancien patron, il y a toute une révolution, et la différence est aussi grande entre Lulli et Rameau qu’entre Rameau et Gluck.

Autour de Rameau gravitaient Francœur, Trial, Rebel et quelques autres compositeurs, qui, bien moins célèbres que le maître, comme on l’appelait alors, produisirent toutefois des œuvres assez remarquables. L’Italien Duni et Philidor servent de transition pour arriver aux deux grands compositeurs dont le génie essentiellement français fut la gloire de la musique de notre pays ; ce sont Monsigny, l’auteur de Rose et Colas, de Félix, du Déserteur, et Grétry, l’immortel auteur d’un grand nombre de chefs-d’œuvre, le Tableau partant, Zémire et Azor, l’Epreuve villageoise, l’Amant jaloux, la Fausse magie, la Caravane du Caire, Richard Cœur de Lion, etc. Dalayrac, à qui l’on doit Gulistan et Maison à vendre, se place immédiatement après Grétry. Mais la simplicité de l’art français, dont l’esprit et la mélodie faisaient tout le charme, allait disparaître pour faire place à une musique plus large, plus forte et plus savante, dont Gluck, après de longues luttes contre les partisans de la musique italienne, représentée par Piccinni, fut l’heureux introducteur. Armide, Alceste, Orphée, Iphigénie en Aulide, sont les plus grands chefs-d’œuvre de Gluck, que l’on considère, avec raison, comme le créateur du pathétique dans le drame lyrique. Piccinni lui opposa d’abord son Roland (1778), puis Atys et Didon ; Sacchini donna, dans le même genre, Dardanus, et Salieri Tarare, dont le poëme est de Beaumarchais ; mais la victoire resta définitivement à Gluck et à ses partisans.

Les chanteurs et les cantatrices, dont le rôle devint plus considérable, commencèrent, dès cette époque, à être cités ; les noms de Laïs et de Rousseau, de Mlle  Laguerre, de Sophie Arnould et de Mlle  Saint-Huberti sont parvenus jusqu’à nous et ont même gardé, surtout pour les trois dernières, une partie du prestige qui les entoura. Il y a tout lieu de croire, pourtant, qu’elles étaient des artistes bien imparfaites, au point de vue de l’art et de la méthode, et qu’elles connaissaient mieux la déclamation que la vocalise. Comme instrumentistes distingués, le xviiie siècle posséda Gaviniès et Navoigille, les meilleurs violons qu’il y eut avant Viotti ; celui-ci créa une école beaucoup plus savante, à laquelle appartiennent Saint-Georges, Benheaume et Fodor ; le clarinettiste Michel, le hautboïste Salentin, le corniste Lebrun, peuvent figurer sans désavantage à côté de ces virtuoses.

Durant la Révolution, la musique fit en France des progrès dont on a lieu d’être surpris : Méhul composa Joseph et un hymne patriotique célèbre, le Chant du départ ; Rouget de l’Isle son immortelle Marseillaise ; Cherubini, Lodoïska et les Deux journées ; Lesueur, la Caverne, les Bardes, Tétémaque ; Berton, le Délire, Aline, Montano et Stéphanie ; Stebelt, Roméo et Juliette, chefs-d’œuvre qui mirent au premier rang l’école française et que sanctionna la création du Conservatoire de musique et de déclamation. Ces compositeurs illustrèrent surtout la période du Consulat. Sous l’Empire, Boieldieu donna le Nouveau Seigneur, Ma tante Aurore, le Calife, Jean de Paris, en attendant la Dame blanche, son chef-d’œuvre ; Méhul fit jouer l’irato, le Trésor, Une Folie, et Nicolo sa Jocoude. Ils urent le bonheur d’avoir pour interprètes Elleviou, Martin, Nourrit, Dérivis, Ponchard, Levasseur, Mmes  Branchu, Levasseur et Damoreau-Cinti.

Rossini, déjà célèbre en Italie lorsqu’il vint chercher chez nous la consécration de sa gloire, ouvre magnifiquement la période moderne avec le Barbier de Sévitle, Moïse, Othello, Guillaume Tell. La musique italienne est alors en France dans toute sa vogue ; on ne jure plus que par Rossini, et cependant la vieille école française lutte avec avantage et produit des œuvres pleines de fraîcheur. A sa tête est Auber, qui ne s’est éteint qu’après une longue vie tout entière consacrée à l’art, et une série non moins longue de succès brillants : la Muette, l’Amùussadrice, le Maçon, le Domino noir, les Diamants de la couronne, etc., etc. ; Halévy, plus savant, plus dramatique, compose la Juive, Chartes VI, le Val d’Andorre ; Meyerbeer contre-balance à lui seul Rossini, en donnant chez nous Robert le Diable, le Prophète, les Huguenots, l’Étoile du Nord, l’Africaine ; Hérold, avec le Pré aux clercs et Zampa ; Donizetti, avec la Favorite et Lucie, complètent cette période unique dans l’histoire de l’art.

Arrivé à l’époque actuelle, nous nous contenterons de citer les compositeurs les plus estimés : Adolphe Adam, Carafa, Albert Grisar, Félicien David, Niedermeyer, Reber,