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premier secret à Venus (1830) ; M. Perraud, le praticien le plus savant, le plus correct de l’école contemporaine, l’auteur de l’Éducation de Bacchus et de l’admirable figure intitulée le Désespoir.

MM. Jouffroy et Perraud ont exécuté récemment, pour la décoration de la façade du nouvel Opéra, le premier le groupa de la Poésie lyrique, le second le groupe du Drame. Deux autres groupes ont été sculptés par M. Carpeaux (la Danse) et par M. Guillaume (la Musique). Entre ces groupes sont des statues dues à MM. Aizelin, H. Chapu, A. Falguière et Paul Dubois. Les deux Pégases qui couronnent le monument sont de M. Lequesne ; l’Apollon colossal est l’œuvre de de M. Aimé Millet ; les Renommées sont de M. Gumery, élève de Toussaint. La plupart des artistes que nous venons de nommer sont regardés comme les meilleurs sculpteurs de ce temps-ci. M. Paul Dubois doit sa réputation à deux œuvres charmantes, de genres bien divers : un Saint Jean-Baptiste enfant, exposé en 1863, et le Chanteur florentin du xve siècle (1865). Parmi les élèves de M. Jouffroy, outre M. Fulguière, nous devons signaler M. Travaux, dont Marseille possède plusieurs morceaux remarquables, et M. Cambos, dont la Femme adultère a obtenu un grand succès au Salon de 1869.

En remontant à une date un peu plus éloignée, nous rencontrons au nombre des sculpteurs qui ont marqué sous le règne de Louis-Philippe : Foyatier, élève de Lemot, l’auteur du Spartacus (1831) ; Du Seigneur, dont le Roland furieux (1831) fut très-admiré des romantiques ; Dantan aîné et Dantan jeune, tous deux élèves de Bosio, comme Du Seigneur, et qui ont sculpté les portraits d’une foule de célébrités des lettres et du théâtre ; Antonin Moine, talent fin, élégant et souple, ravi prématurément aux arts ; MM. François Duret et Louis Desprez, autres élèves de Bosio et grands prix de Rome, qui ont produit : le premier, un Mercure inventant la lyre (1831), un Pêcheur napolitain dansant la tarentelle (1833), un Vendangeur improvisant (1839) ; le deuxième, l’Innocence (1831) ; l’Ingénuité (1843), etc. ; M. A.Dumont, élève de Cartellier, auteur du Génie de la Liberté qui couronne la colonne de Juillet, du Napoléon Ier de la colonne Vendôme et d’une foule d’autres statues d’hommes remarquables (François Ier, Poussin, Buffon, Bugeaud, etc) ; MM. De Bay fils, élève de son père ; A. Barre et Ramus, élèves de Cortot ; Desbœufs, Jaley et Droz, élèves de Cartellier ; Raymond Gayrard, élève de Boizot ; Gayrard fils, élève de son père et de Rude ; Victor Huguenin, Pierre Hébert, Klagmann, Lemaire, Maggesi, Ph. Grass, Oudiné, J.-E. Gatteaux, Bougron, V, Thérasse, Henri de Triqueti, etc. M. Auguste Dumont a formé plusieurs élèves distingués : MM. Bonnassieux, Mathieu Meusnier, G. Diebolt, Mathurin Moreau, etc.

Un des statuaires les plus originaux, les plus expressifs, M. Clésinger, mérite une mention spéciale. La Femme piquée par un serpent (1847), la Bacchante couchée (1848), le François Ier (1856), la Cornélie (1861), le Comhat de Taureaux (1864), la Cléopâtre (1869), et une foule d’autres productions attestent la souplesse, la verve, la fantaisie de cet artiste.

La longue énumèration que nous venons de faire montre que la sculpture n’a jamais compté, à aucune époque, un aussi grand nombre de praticiens que de notre temps ; mais est-ce à dire pour cela que cet art soit véritablement en progrès, que la rénovation tentée par David d’Angers et par Rude se soit continuée et développée ? Voici l’opinion exprimée à ce sujet, en 1869, par un critique des plus distingués, M. Henri Delaborde : « Ce qui apparaît d’abord lorsqu’on examine l’ensemble des sculptures exposées au Salon, c’est une expression générale d’abnégation, une convention tacite de répudier toute originalité personnelle pour rechercher des moyens de succès dans l’imitation d’autrui. Il semble que les statuaires contemporains aient pris à la lettre le mot de La Harpe : « Imaginer, c’est se souvenir, » et qu’au lieu de s’inspirer des exemples légués par les maîtres, ils se soient imposé le devoir d’en copier simplement les formes. Les souvenirs varient, il est vrai, suivant les inclinations ou les calculs de chacun. Tandis que l’un reproduit le style de Coysevox, l’autre s’efforce de simuler la puissance de Michel-Ange. Celui-ci agite les lignes avec une préoccupation évidente de la manière de Puget. Jean Goujon et Germain Pilon sont les modèles dont celui-là prétend s’assimiler la manière. D’autres artistes contrefont les statues antiques, suivant les procédés d’Académie, et rééditent, pour ainsi dire, avec une imperturbable banalité de goût, les types déjà tirés à des milliers d’exemplaires. D’autres, enfin, demandent quelque chose de plus que des conseils aux monuments du moyen âge, de la renaissance italienne, ou même aux morceaux les plus renommés de l’école moderne… Partout l’absence, non pas de talent, mais d’invention ; partout une volonté systématique d’interpréter, de préférence à la nature, les œuvres d’un maître ou d’une époque… Si plusieurs sculptures se recommandent par la correction et le goût, aucune n’a une signification assez sérieuse, une valeur assez incontestable pour s’isoler tout à fait du reste et mériter le succès à plus juste titre que l’œuvre voisine… Statues, groupes et bas-reliefs n’expriment, en général, que des convictions à peu près négatives. Comme l’école de peinture, l’école de sculpture tend à faire prévaloir l’agréable sur le beau, l’adresse de la pratique sur l’habileté savante, et, là même où le talent est le moins équivoque, il se ressent encore de cette propension universelle à rabaisser les conditions de l’art. » L’absence d’originalité, de caractère, qui est le défaut capital des œuvres de la sculpture française contemporaine, provient, en grande partie, croyons-nous, de la mauvaise direction imprimée aux études, à l’Ecole des beaux-arts ; les maîtres de cette École attachent une importance bien légitime à la pratique du métier ; mais, en encourageant, en récompensant avant tout la correction académique de l’exécution, en proscrivant sévèrement la fantaisie, le caprice, ils paralysent l’essor des jeunes talents et condamnent leurs élèves à une déplorable monotonie.

Il est juste d’ajouter que, durant les vingt années d’empire que nous venons de subir, la sculpture, comme la peinture, comme les lettres, s’est amoindrie, s’est abaissée, s’est prostituée trop souvent dans des œuvres d’une afféterie de mauvais aloi, d’un érotisme provocant et écœurant. La chaste blancheur du marbre a été souillée par des statuaires pornographes qui n’ont pas craint de donner des proportions monumentales à leurs sculptures de boudoir. Le régime impérial favorisait ces productions énervantes et malsaines.

Espérons que la réorganisation générale, la rénovation que les désastres effroyables de la patrie rendent nécessaire, inévitable, profitera aux beaux-arts comme aux autres branches de l’activité intellectuelle de la France (avril 1872).

— III. Peinture. L’art de la peinture ne cessa point d’être cultivé dans les Gaules après la chute de la domination romaine. Les Francs et les autres barbares, en se convertissant au christianisme, en adoptant le culte des images, ne pouvaient qu’encourager les peintres et les sculpteurs. Childebert Ier fit orner de peintures les murs de diverses églises construites à Paris sous son règne. Gondebaud, qui se disait fils de Clotaire Ier, s’appliqua lui-même à l’art de peindre, et remplit de ses ouvrages plusieurs oratoires. Les évêques ne restaient pas en arrière des princes ; l’illustre Grégoire de Tours fit peindre entièrement son église de Saint-Martin et celle de Sainte-Perpétue, et il nous apprend lui-même qu’il y employa des artistes franrçais. A Autun, Siagrius ; à Nevers, saint Colomban ; à Auxerre, Didier et Pallade firent exécuter dans leurs églises des peintures et des mosaïques. Cet usage de peindre les murs des églises prit un grand développement sous le règne de Charlemagne. Ce prince donna lui-même des ordres pressants pour la restauration et la décoration des édifices religieux de son empire. Ses successeurs ne se montrèrent pas moins favorables à ce genre de travaux. L’évêque Hincmar orna la cathédrale de Reims de peintures, de vitraux et de mosaïques. Le peintre Madalulphe, chanoine de Cambrai, remplit de ses ouvrages les églises, les réfectoires et même les dortoirs des abbayes de Fontenelle, de Luxeuil et de Saint-Germain de Flaix.

Pendant la période carlovingienne, l’art de peindre en miniature fit de grands progrès. Il s’est conservé jusqu’à nous plusieurs manuscrits illustrés par le pinceau des miniaturistes de cette époque. On reconnaît dans la plupart de ces productions l’imitation du style byzantin ; mais le génie national s’y manifeste aussi par la hardiesse et l’originalité des pensées. Les mêmes caractères se rencontrent dans les peintures monumentales de l’église de Saint-Savin, près de Poitiers, qui datent du xvie siècle, et qui sont les plus intéressantes parmi celles que nous possédons de ce temps reculé. « Dans ces peintures, dit M. Viollet-le-Duc, bien que l’on retrouve les traditions de l’école byzantine, on observe cependant une certaine liberté de composition, un sentiment vrai, puissant, une tendance dramatique, qui n’existent plus dans la peinture grecque du même siècle, rivée alors à des types invariables. L’exécution, d’ailleurs, est tout à fait sommaire : en général, les figures se détachent en silhouette sur un fond clair, et sont simplement rehaussées de traits qui indiquent les formes, les. plis des draperies, les linéaments intérieurs ; le modelé n’est obtenu que par ces traits plus ou moins accentués, et la couleur n’est autre chose qu’une enluminure. » D’autres peintures de la même époque et quelques-unes même du xiie siècle, par exemple celles de la chapelle du Liget (Indre-et-Loire), accusent une imitation plus entière des maîtres byzantins. Ce n’est guère qu’à partir du xiiie siècle que les traditions de cette école semblent définitivement abandonnées, et que les artistes français reviennent à l’observation de la nature, cherchent la vérité dans le geste, la souplesse dans les poses et dessinent les draperies avec plus de liberté et de largeur. L’exécution gagne elle-même en variété, en vigueur et en éclat.

Nous n’insisterons pas davantage sur les productions de la peinture française pendant ces époques reculées. Il nous suffira de citer parmi les fresques les plus anciennes que nous possédions, celles de Saint-Jean de Poitiers, de Saint-Saturnin de Toulouse, de l’abbaye de Saint-Martin-des-Vignes à Soissons, de la salle capitulaire des templiers à Metz, de l’église haute de la Sainte-Chapelle à Paris, de la crypte de la cathédrale de Limoges, de l’ancienne abbaye de Saint-Aubin à Angers, de l’abbaye de Charlieu, de l’église d’Anzy (Saône-et-Loire), du porche de Notre-Dame-des-Doms à Avignon, du chœur de l’église du Mont-Saint-Michel, des cathédrales d’Auxerre, de Coutances, du Mans, de Clermont-Ferrand, etc.

Les artistes du moyen âge ne se bornèrent pas à peindre à fresque ; ils peignirent à la colle, à l’œuf, à l’huile. Ce dernier procédé, très-clairement décrit par le moine Théophile, qui vivait au xiie siècle, ne s’employait que sur des panneaux, à cause de la nécessité où l’on était de faire sécher au soleil la peinture ainsi obtenue, les siccatifs n’étant pas encore en usage. L’or était fréquemment employé par les peintres, non-seulement pour rehausser les compositions exécutées par eux sur des panneaux mobiles, des diptyques, des autels, des meubles, etc., mais même dans les peintures monuumentales.

Ajoutons que la peinture en mosaïque ne cessa jamais d’être cultivée, et que la peinture sur verre produisit des œuvres considérables dès le xiie siècle.

Au xive siècle, la peinture française, complètement dégagée de l’imitation byzantine, se livre à l’observation directe de la nature, étudie le geste, recherche l’expression et vise de plus en plus à l’effet dramatique. Les procédés d’exécution se transforment moins rapidement ; le dessin l’emporte sur la coloration, l’or est moins prodigué que pendant la période précédente ; il semble que le peintre craigne de diminuer l’intérêt de sa composition par des tons trop vifs et des ornements trop brillants. Parmi les artistes de cette époque dont les noms nous sont parvenus, nous citerons : Colart de Laon, peintre et valet de chambre du duc Louis d’Orléans, qui travailla pour ce prince et pour le roi de France, et qui eut pour collaborateurs Piérin de Dijon ; Jehan de Saint-Eloy, Colin de la Fontaine et Copin de Grand-Dent ; Girard d’Orléans et Jehan Coste, qui ornèrent de peintures le château de Vaudreuil, en Normandie ; Jehan de Baumes, Guillaume de Francheville, Girard de la Chapelle, Arnout Picornet, qui furent employés par le duc de Bourgogne ; Jehan de Saint-Romain, imagier de Charles V ; Bernard de Toulouse et sa femme, Jehan de Juviac, Florent de Sabulo, qui exercèrent la profession d’enlumineur à Avignon, etc.

Au xve siècle, un maître de premier ordre, Jean Foucquet, de Tours, porta l’art de la miniature à sa perfection. Les chefs-d’œuvre qui nous restent de lui unissent à la finesse d’observation, à la vérité des détails, à l’habile distribution de la lumière et à l’accord des couleurs et des tons, qui distinguent les productions de l’école flamande, une élégance et une élévation de style dont ce maître avait trouvé les modèles en Italie. Cet artiste éminent fut le chef d’une école en qui notre art national a trouvé l’une de ses plus hautes et de ses plus complètes manifestations, et qui méritait d’être tirée de l’oubli où la France elle-même l’avait laissé tomber dans son engouement pour les gloires étrangères. Bien peu de tableaux de cette école sont parvenus jusqu’à nous ; mais, à ne considérer que les miniatures qui nous ont été conservées, il est permis de lui restituer la place élevée qui lui est due dans l’histoire générale de l’art.

Louis et François Foucquet, fils de Jean, Bernard et Jean de Posay, Jean Poyet, Jean d’Amboise, Simon Marmion, furent les émules du maître de Tours dans l’art de la miniature. On cite encore, parmi les artistes qui se distinguèrent dans le même genre : Michel Gonneau de la Brouce, Jean Préréal, frère Jean Rigot, moine de l’abbaye de Saint-Pierre de Melun, et, plus anciennement, Andrïeu Beauneveu et Jacquemart de Hesdin, qui précédèrent Jean Foucquet. D’autres peintres se signalèrent à la même époque par des travaux de genres divers : Coppin Delf exécuta les peintures murales de Saint-Martin de Tours ; Jean Bourdichon peignit pour Louis XI des bannières, des armoiries, des vues, des plans, des sujets religieux, etc. ; Jacquemin Gringonneur peignit des cartes à jouer pour Charles VI ; Pierre Garnier et Bertrand Maillet travaillèrent pour le duc de Lorraine ; Nicolas Pion fit, pour l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, une Pietà que l’on conserve à Saint-Denis ; Baudouin de Bailleul dessina, pour Philippe le Bon, de magnifiques tapisseries, qui furent exécutées à Arras ; Nicolas Desangives et Thouvenin cultivèrent avec succès la peinture sur verre ; le roi René d’Anjou, enfin, protecteur zélé des artistes flamands et des artistes français, s’adonna lui-même à la peinture. On lui attribue plusieurs œuvres plus ou moins importantes, dont la principale, le Buisson ardent, magnifique triptyque appartenant à la cathédrale d’Aix, doit être restituée à l’un des maîtres les plus illustres de l’école flamande, à Rogier van der Weyden ou à Memling, par exemple. V. buisson ardent.

Les ducs de Bourgogne et les rois de France eux-mêmes appelèrent souvent de Flandre des artistes en renom pour leur confier des travaux. Un des plus anciens et des plus curieux monuments de peinture que nous possédions en France est un grand retable qui se voit au musée do Dijon, et qui fut peint, vers la fin du xive siècle, par Melchior Broederlam, peintre du duc Philippe le Hardi (v. flamande [école]). Un chef-d’œuvre d’une date postérieure, exécuté par le célèbre Rogier van der Weyden, décore l’hôpital de Beaune (Côte-d’Or). Nous ne savons s’il fut peint dans cette ville ou en Flandre ; quoi qu’il en soit, il est certain que de nombreux et importants travaux furent accomplis chez nous par des peintres sortis de l’école des Van Eyck, et que cette école eut une grande influence sur notre art national au xve siècle.

Ce fut de Flandre que vint s’établir en France, vers l’an 1460, Jean Clouet, chef d’une famille de portraitistes célèbres. Ce Jean Clouet, d’abord attaché à la maison du duc de Bourgogne, travailla ensuite à Tours. Sa réputation fut éclipsée par celle de son fils, qui portait le même prénom que lui, et qui est plus connu sous le nom de Janet. Celui-ci, né en 1485, devint, en 1523, peintre ordinaire et valet de chambre de François Ier. Il peignit pour ce prince une multitude de portraits remarquables par la finesse extraordinaire et la légèreté de leur exécution. Il eut pour émule et pour successeur dans sa charge son fils, François Clouet. Ce qui fait le charme des peintures de ces deux maîtres, c’est l’imitation naïve de la nature, c’est le soin extrême des détails, sans puérilité toutefois et sans sécheresse. Par ces caractères distinctifs, les Clouet se rapprochent de Holbein ; s’il n’ont pas la méme énergie d’expression, ils ont de plus que lui la délicatesse et la grâce, qualités toutes françaises.

La réputation que ces artistes si naïfs, si simples, si sincères, obtinrent de leur vivant doit d’autant plus nous étonner qu’une grande révolution s’opérait alors dans le goût national : l’art italien faisait invasion en France. C’est à François Ier qu’il faut attribuer l’initiative du mouvement : c’est lui qui fit venir en France Léonard de Vinci, Andréa del Sarto, Benvenuto Cellini, le Rosso, le Primatice, etc. L’influence de ces deux derniers maîtres fut considérable ; chargés par le roi de décorer le château de Fontainebleau, ils employèrent à cette entreprise un grand nombre d’artistes italiens et français, auxquels ils imposèrent leurs idées, leur manière, leur style ; ils créèrent ainsi une véritable école — l’école dite de Fontainebleau — qui devint dominante et finit par effacer les traditions nationales. Si admirateur que nous soyons du grand art italien, nous regrettons qu’il se soit implanté chez nous et qu’il ait pris la place de l’art français, qui s’était manifesté avec tant de charme dans les œuvres des Foucquet, des Clouet. Mais l’engouement pour la manière italienne a été tel que quelques historiens (M. Viardot, entre autres) n’ont pas craint de citer le Rosso et le Primatice comme les véritables fondateurs de l’école française. Félibien parle avec enthousiasme des maîtres de Fontainebleau, et nous fait connaître combien fut complète la révolution artistique accomplie par eux : « On peut dire qu’ils ont été les premiers qui ont apporté en France le goût romain et la belle idée de la peinture et de la sculpture antique. Avant eux, tous les tableaux tenoient encore de la manière gothique, et les meilleurs étoient ceux qui, à la manière de Flandre, paroissoient les plus finis et de couleurs plus vives. Mais comme le Primatice étoit fort pratique à dessiner, il fit un si grand nombre de dessins et avoit sous lui tant d’habiles hommes que, tout d’un coup, il parut en France une infinité d’ouvrages d’un meilleur goût que ceux qu’on avait vus auparavant ; car, non-seulement les peintres quittèrent leur ancienne manière, mais même les sculpteurs et ceux qui peignoient sur le verre, dont le nombre étoit fort grand. C’est pourquoi on voit encore des vitres d’un goût très-exquis, comme aussi quantité de ces émaux de Limoges, et des vases de terre, peints et émaillés, qu’on faisoit en France aussi bien qu’en Italie. Il se trouve même des tapisseries du dessin du Primatice. »

Ainsi l’influence de l’école de Fontainebleau s’étendit à toutes les branches de l’art. Plusieurs artistes italiens, peintres, stucateurs, avaient suivi en France le Rosso et le Primatice ; Félibien cite : Domenico del Barbiere, Luca Penni, Lorenzo Naldini, Laurent Renaudin, Ruggieri de Bologne, Prospero Fontana, le Bagnacavallo, Niccolo dell’Abbate ou Niccolo de Modène, Bartolommeo Miniati ou de Miniato, Francesco Pellegrini, Claudio Baldovini (Claude Baudouin), etc. Le même historien nous apprend qu’au nombre des artistes français qui travaillèrent à Fontainebleau, sous la direction du Rosso et du Primatice, on distinguait : Simon Le Roy, Charles et Thomas Dorigny, Louis, François et Jean Lerambert, Jean et Guillaume Rondelet, Charles Carmoy, Germain Musnier, Louis Dubreuil, Antoine Fantose, Michel Rochetet, Jean Sanson, Girard Michel, Eustache Dubois, etc.

Après la mort du Primatice, Toussaint Dubreuil et Roger de Rogery prirent la direction des travaux de Fontainebleau. Ces artistes continuèrent, en l’exagérant, la manière pompeuse et prétentieuse des Italiens. Jacob Bunel, de Blois (1558-1614), autre peintre renommé de cette époque, peignit avec T. Dubreuil la voûte de la petite galerie du