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Villers-Cotterets, d’Ecouen, d’Azay-le-Rideau, de Chambord. L’école française produisit alors d’éminents artistes. Philibert Delorrae bâtit le château d’Anet et commença les Tuileries, que continuèrent Bullant et Androuet Du Cerceau. Pierre Lescot construit une partie du Louvre et la fontaine des Innocents. Jamin continue le château de Fontainebleau, commencé par l’Italien Serlio. Nicolas Bachelier et son fils élèvent d’élégants hôtels à Toulouse.

Nous avons dit eue l’architecture religieuse demeura plus fidèle que l’architecture civile au style ogival. Les chapelles des châteaux de Chenonceaux, de Blois, d’Ecouen, sont construites dans ce style, ainsi que les flèches de la cathédrale de Chartres, de Notre-Dame de Rouen, do Saint-André, à Bordeaux, de Saint-Jean, à Soissons, de Saint-Pierre, à Coutances, les façades de la cathédrale de Tours et de l’église Saint-Michel, à Dijon, les églises de Brou (Ain), de Saint-Pierre, à Caen, de la Ferté-Bernard (Sarthe), de Saint-Wulfran, à Abbeville, de Saint-Eustache, à Paris. M. Viollet-le-Duc a dit de ce dernier édifice : « C’est une sorte de squelette gothique revêtu de haillons romains cousus ensemble comme les pièces d’un habit d’arlequin. » Ce jugement sévère pourrait s’appliquer à beaucoup d’édifices du xvie siècle.

Au xviie siècle, les architectes français s’abandonnent tout à fait à l’imitation de l’art romain ; ils se préoccupent avant tout de placer des ordres ; ils en mettent en tout et partout. Il faut cependant leur rendre cette justice, qu’ils surent conserver dans leurs édifices une certaine grandeur, une sobriété de lignes et un instinct des proportions que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe à cette époque. Jacques Desbrosses construit le palais du Luxembourg, le portail de l’église Saint-Gervais, à Paris, et l’aqueduc d Arcueil ; François Mansart (1598-1666), les châteaux de Choisy, de Gesvres, et autres palais aujourd’hui détruits, et le Val-de-Grâce ; Ch. Errard (1606-1689), l’église de l’Assomption ; Pierre Le Muet (1591-1669), la façade du Val-de-Grâce ; L. Levau, une partie du Louvre et des Tuileries et la nef de Saint-Sulpice, le collège des Quatre-Nations (Institut), et l’hôtel Lambert (détruit) ; Claude Perrault (1613-1688), la colonnade du Louvre et l’Observatoire ; Lemercier, l’église de l’Oratoire, la Sorbonne ; P. Puget, le célèbre sculpteur, les maisons du Cours, à Marseille ; Fr. Blondel (1618-1688), la porte Saint-Denis ; Jules Hardouin-Mansart (1647-1708), Trianon, Marly, Versailles et le dôme des Invalides ; Libéral Bruant, l’hôtel des Invalides, la Salpêtrière ; A.Lepautre, les ailes du château et la grande cascade de Saint-Cloud ; Aug.-Ch. Daviler (1653-1700), divers édifices à Montpellier, à Nimes, à Carcassonne, à Béziers, a Toulouse ; Robert de Cotte (1657-1735), l’église Saint-Roch, terminée par son neveu, Jules de Cotte, et divers monuments en Lorraine et en Alsace ; le père François Derrand, jésuite, l’église Saint-Louis, à Paris ; Gittard, l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas ; Gabriel Leduc, l’église Saint-Louis-en-l’Ile, commencée par Levau, et une partie de l’église du Val-de-Grâce ; etc. Parmi les constructions les plus heureuses de cette époque, il faut citer encore l’église Saint-Etienne-du-Mont, à Paris, une des dernières et des plus ravissantes productions de l’art ogival expirant.

L’architecture française perd toute noblesse et toute pureté de goût au xviiie siècle ; elle s’obstine à aller chercher en Italie des modèles qu’elle reproduit sans discernement. « Depuis Louis XIV, dit M. Viollet-le-Duc, les architectes qui paraissaient présenter le plus d’aptitude, envoyés à Rome sous une direction académique, jetés ainsi, en sortant de l’école, dans une ville dont ils avaient entendu vanter les innombrables merveilles, perdaient peu à peu cette franchise d’allures cette originalité native, cette méthode expérimentale qui distinguaient les anciens maîtres des ceuvres ; leurs cartons pleins de modèles amassés sans ordre et sans critique, ces architectes revenaient, étrangers au milieu des ouvriers qui, jadis, étaient comme une partie d’eux-mêmes, comme leurs membres. » Les principaux architectes du xviiie siècle sont : Jacques Gabriel (1667-1742), qui donna les dessins de la place Louis XV (aujourd’hui de la Concorde) et ceux de l’Ecole-Militaire ; J.-B.-A. Le Blond (1679-1719), qui publia divers ouvrages sur son art et devint premier architecte du czar Pierre le Grand ; Gilles Oppenor, qui prit une large part aux travaux du Palais-Royal et de Saint-Sulpice ; Germain de Boffrand (1667-1754), qui fut premier architecte du duc de Lorraine ; de Wailly, qui construisit le théâtre de l’Odéon et fit, avec Falconnet, la chapelle de la Vierge à Saint-Roch ; Contant d’Ivry, qui donna les premiers plans de la Madeleine et travailla au Palais-Royal ; Moller, qui construisit le palais de l’Élysée pour le comte d’Evreux ; Lemaire, qui bâtit, en 1706, l’hôtel du prince de Soubise, devenu l’hôtel des Archives ; Soufflot, l’architecte du Panthéon et de l’Ecole de droit ; Jacques-Denis Antoine, à qui l’on doit l’hôtel des Monnaies et qui travailla, avec Moreau, Descoutures et Desmaisons, à la reconstruction du Palais-de-Justice, incendié en 1776 ; Rousseau, l’auteur du charmant hôtel du prince de Salm (1786), devenu le palais de la Légion d’honneur (incendié) ; Gondouin, qui fît l’Ecole de médecine ; Ledoux, les barrières de Paris ; Louis, le Théâtre-Français, les galeries du Palais-Royal et le théâtre de Bordeaux ; Hardi, l’église de la Daurade, à Toulouse ; Chalgrin, le Collège de France, l’église Saint-Philippe-du-Roule et l’une des tours de Saint-Sulpice ; etc. On peut citer encore : Petit-Radel, Detournelle, Hubert, Fr. Franque, Beaumont, Renard, Jacques Danet, le P. Buffet, le frère jacobin Bullet, etc.

Sous le premier Empire et sous la Restauration, le classicisme à outrance domina en architecture comme dans les autres arts. C’est alors que furent construits ou achevés, la Madeleine, par Pierre Vignon et Huvé ; le Panthéon, par Rondelet ; l’Arc de triomphe du Carrousel, une des ailes du Louvre, et beaucoup d’autres édifices, par Fontaine et Percier ; le Corps législatif, par Poyet ; le palais du quai d’Orsay, par Lacornée : la Bourse, par Brongniart ; l’Arc de triomphe de l’Étoile, par Chalgrin, Goust et Huyot ; Saint-Vincent-de-Paul, commencé en 1824 par Lepère et terminé par Hittorf ; la fontaine du Châtelet, par Brolle ; la colonne Vendôme (abattue), par Gondouin et Peyre ; etc.

Sous Louis-Philippe, l’architecture classique commença à être violemment battue en brèche par les romantiques, qui ramenèrent le goût aux chefs-d’œuvre de notre art national. De grands écrivains, Victor Hugo, Montalembert, aidèrent à cette réaction par d’éloquents plaidoyers. Depuis trente ans, l’architecture française a déserté à peu près complètement les traditions académiques et fait des tentatives en tous sens, reproduisant tantôt le roman, tantôt le gothique, tantôt le style renaissance, quelquefois même amalgamant le tout, et cherchant à faire des édifices nouveaux avec des éléments antiques, moyen âge et modernes. Quelques œuvres heureuses sont sorties de ce grand travail d’assimilation, mais il y a eu aussi beaucoup d’erreurs commises, beaucoup de fautes de goût ; le second Empire surtout a favorisé un style riche jusqu’à la profusion et à l’incohérence, fastueux jusqu’à la lourdeur. Le nouvel Opéra, construction gigantesque où il y a certainement beaucoup de détails excellents, peut être cité comme le type le plus complet de cette architecture luxueuse, de qui l’on pourrait dire ce qu’Apelle disait d’une Hélène peinte par un de ses contemporains : « Ne pouvant la faire belle, l’auteur l’a faite riche. » C’est à M. Ch. Garnier qu’est dû le nouvel Opéra. Les autres architectes les plus en renom, depuis 1830 jusqu’à nos jours, sont : MM. Gau, Blouet, Achille Leclère, Visconti (par qui a été achevé le Louvre), V. Baltard (l’architecte des Halles), Labrouste, de Gisors, Lassus, Viollet-le-Duc, F. Debret, Duban, Duc (l’auteur de la belle façade du Palais-de-Justice), Lefuel (le reconstructeur des Tuileries), Vaudoyer, Espérandieu (l’architecte de Notre-Dame-de-la-Garde et du Palais des Arts, à Marseille), Boileau, C. Dufeux, Ballu, Boeswilvald, César Daly, Chabrol, Pascal Coste, Hénard, Lenoir, Millet, Van Cleemputte, A, Verdier, Questel, Révoil, F.-L. Reynaud, A.-N. Normand, etc.

— II Sculpture. Les figures bizarres qui sont tracées sur quelques dolmens celtiques révèlent suffisamment l’inaptitude des Gaulois pour les arts du dessin. Des monnaies grossièrement frappées et d’informes statuettes en terre cuite, qui ne paraissent pas remonter au delà de l’époque de l’invasion romaine, ont été retrouvées : l’art n’a rien à voir dans ces ouvrages. Il est probable que la plupart des sculptures que l’on considère comme appartenant à l’époque gallo-romaine sont dues à des artistes venus d’Italie : le style ne diffère pas sensiblement de celui des ouvrages exécutés, pendant la même période, dans les autres provinces de l’empire, le plus ou moins d’imperfection, de rudesse, qu’on y remarque, s’explique aisément par la rareté des matériaux de choix, et sans doute aussi par le peu d’empressement des artistes en renom à venir se fixer dans un pays barbare. Il ne serait pas impossible, toutefois, que, par la suite, des centres artistiques se fussent formés en Gaule, au temps où les empereurs résidèrent dans cette contrée. Autun, Lyon, Arles, qui eurent des écoles de rhéteurs, pourraient bien avoir possédé aussi des écoles de sculpteurs et de peintres. Mais nous sommes réduits, sur ce sujet, à de pures conjectures. Tout ce que nous apprennent les historiens, c’est qu’un Gaulois, nommé Zénodote, qui sculptait des statuettes et des vases avec une minutieuse délicatesse, fit pour la ville des Arvernes un Mercure colossal, et fut mandé ensuite à Rome par Néron pour exécuter une statue de ce prince. Les fragments de sculpture, assez nombreux, que nous offrent les monuments élevés en Gaule, sous la domination romaine, n’ont guère qu’un intérêt archéologique : « Considérés comme œuvres d’art, dit M. Viollet-le-Duc, ils ne causent qu’un ennui et un dégoût profonds. Nulle apparence d’individualité, d’originalité ; les auteurs de ces œuvres monotones travaillent à la tâche pour gagner leur salaire. Reproduisant des modèles déjà copiés, ne recourant jamais à la source vivifiante de la nature, traînant partout, de Marseille à Coutances, de Lyon à Bordeaux, leurs poncifs, ils couvrent la Gaule romanisée de monuments tous revêtus de la même ornementation banale, des mêmes bas-reliefs mous et grossiers d’exécution, comme ces joueurs d’orgues de nos jours qui vont porter les airs d’opéra jusque dans nos plus petits villages. — La sculpture dans les Gaules, au moment des grandes invasions, c’est-à-dire au ive siècle, n’était plus un art, c’était un métier, s’abâtardissant chaque jour. Au point de vue de l’exécution seule, rien n’est plus plat, plus vulgaire, plus négligé. Mais comme composition, comme invention, on trouve encore dans ces fragments une sorte de liberté, d’originalité qui n’existe plus dans les tristes monuments élevés en Italie depuis Constantin jusqu’à la chute de l’empire d’Occident. L’esprit gaulois laisse percer quelque chose qui lui est particulier dans cette sculpture chargée, banale, sans caractère, et s’affranchit parfois du classicisme romain en pleine décadence. »

Emeric David signale, d’après les chroniqueurs, divers travaux d’orfèvrerie exécutés sous les rois de la première race. Au ive siècle, le roi Gontran et quelques princes de sa famille firent exécuter, pour l’église Saint-Bénigne, de Dijon, des bas-reliefs en argent et en vermeil, formant un tableau de sept coudées et demie de haut sur dix de large, où étaient représentées la Nativité et la Passion de Jésus-Christ. Du temps de Dagobert, saint Eloi se rendit célèbre à la fois comme orfèvre et comme ministre. Les images des saints, les portraits des princes, les devants d’autel, les vases sacrés et la vaisselle des rois et des grands seigneurs étaient en argent ou même en or fondu et travaillé au marteau et au ciseau. Ce faste ne fit point abandonner la sculpture en pierre. Malgré l’opposition manifestée pendant longtemps par quelques évêques contre l’emploi des figures en ronde-bosse dans l’intérieur des églises, ce genre de sculpture fut fréquemment employé dans les diverses provinces. Sous le règne de Dagobert, saint Virgile, archevêque d’Arles, orna les murs de l’église de Saint-Honorat de bas-reliefs de marbre représentant l’histoire de Jésus-Christ. Vers 1 an 806, dans l’église abbatiale de Saint-Faron, le tombeau du duc Otger fut orné de sept statues et de neuf figures en bas-relief. Tandis que la peinture, la sculpture, l’art de la mosaïque et celui de la fabrication des vitraux enrichissaient à l’envi l’église, les palais et les thermes d’Aix-la-Chapelle : tandis que les églises de Fulde, de Trêves, de Salzbourg, de Saint-Gall abondaient en monuments de tous les genres, la France se couvrait pareillement de nouveaux édifices. On remplissait en même temps, on décorait les anciens, si ce n’est avec goût, du moins avec toute la magnificence à laquelle il était possible d’atteindre.

S’il est vrai que, sous Charlemagne et ses successeurs, des tentatives nombreuses aient été faites pour renouer la chaîne brisée des arts, il faut bien avouer aussi que ces tentatives ne produisirent guère que de pâles copies des types de l’antiquité romaine, sous une influence byzantine plus ou moins prononcée.

Ce n’est qu’à la fin du xie siècle que l’on voit apparaître les premiers embryons de la sculpture française. À cette époque, les seules provinces de la Gaule qui eussent conservé des traditions d’art de l’antiquité étaient celles où l’organisation municipale s’était maintenue. En Provence, dans une partie du Languedoc, et à Toulouse notamment, les arts n’avaient pas subi une lacune complète ; ils s’étaient perpétués. Dans la première de ces provinces, les sculpteurs travaillaient encore d’après les modèles que leur offraient les restes assez nombreux des monuments antiques. L’école de Toulouse, abandonnant au contraire toute tradition romaine, s’inspirait des œuvres d’art rapportées de Byzance. L’influence bizantine dominait également sur les bords du Rhin, où elle avait été importée par Charlemagne. Dans les provinces occidentales, le Périgord, la Saintonge, le Poitou, et, plus au nord, en Normandie, en Picardie, dans l’Ile-de-France, la statuaire était à peu près nulle ; mais l’imitation byzantine s’était fait jour dans la composition et l’exécution des rinceaux, des chapiteaux, des frises d’ornement. Dans l’Auvergne, le Nivernais et le Berry, l’ornementation conservait un caractère gallo-romain, tandis que les traditions byzantines inspiraient la statuaire. Ces mêmes traditions avaient pénétré dans le Limousin, qui possédait une école de sculpture relativement florissante. Une autre école, la plus importante et la plus féconde de toutes, l’école clunisienne, avait pris aussi pour point de départ, pour modèle, l’art byzantin ; mais, comme elle avait eu le bon esprit de recourir en même temps à l’observation, à l’étude directe de la nature, elle réussit à secouer le joug des types consacrés, à se soustraire peu à peu à l’hiératisme des arts grecs de la décadence. Parmi les nombreux exemples qui attestent la supériorité de cette école, il nous suffira de citer le tympan de la grande porte de l’église abbatiale de Vézelay et celui de la grande porte de la cathédrale d’Autun. Si, dans ces sculptures, la composition, la manière dont les personnages sont groupés, l’exactitude et la vivacité du geste dénotent une influence byzantine incontestable, une imitation heureuse des miniaturistes grecs, il est à remarquer que les têtes ne rappellent nullement les types admis par ces peintres : elles reproduisent, avec une délicatesse d’observation et une ampleur souvent très-remarquables, les types occidentaux.

Au xiie siècle, la statuaire française s’éloigne de plus en plus de l’hiératisme byzantin pour s’appliquer à l’étude de la nature. Cette tendance se remarque dans la plupart des provinces. L’école de Toulouse, l’un des centres artistiques les plus importants du midi de la France, se distingue par une recherche intelligente de la vérité, du mouvement, de l’effet, en même temps que par la précision et l’habileté de l’exécution : les sculptures du petit hôtel de ville de Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne), les chapiteaux provenant des cloîtres de l’église de Saint-Sernin (vers 1140) et déposés au musée de Toulouse, d’autres fragments qui existent à Moissac, à Saint-Hilaire, à Saint-Bertrand de Comminges, témoignent d’une finesse d’observation et d’une richesse de style exceptionnelles.

Une autre école qui se développa à Angoulême, à Limoges, à Uzerche, à Tulle, à Brive, à Souillac et à Cahors, entreprit de rompre le joug des méthodes byzantines, sans tomber toutefois dans la délicatesse quelque peu affétée et précieuse de la sculpture toulousaine : le tympan de la porte septentrionale de la cathédrale de Cahors, qui paraît appartenir au commencement du xiie siècle, est un spécimen fort remarquable des productions de cette école.

En Provence, !a statuaire demeure encore attachée aux modèles antiques : le portail de Saint-Trophyme, d’Arles, terminé en 1152, est comme le dernier soupir en France de l’art gréco-romain. En revanche, dans les provinces du Nord, la statuaire s’affranchit peu à peu de la tradition et produit des œuvres empreintes d’un individualisme très-accentué. Parmi ces œuvres, nous citerons : les statues du portail occidental de la cathédrale de Chartres, dont les formes allongées et comme emmaillottées dans des vêtements étriqués accusent le faire byzantin, mais dont les têtes ont l’aspect de portraits, et de portraits exécutés par des maîtres ; les statues baptisées du nom de Clovis et de Clotilde, qui, de l’église Notre-Dame de Corbeil, ont été transportées au musée des monuments français, puis dans l’église abbatiale de Saint-Denis ; les chapiteaux de la crypte de Saint-Bénigne, à Dijon ; le tympan de la porte Sainte-Anne de la cathédrale de Paris ; les sculptures du portail de l’église de Laon et de celui de l’église de Châteaudun ; le portail septentrional de l’église de Semur, en Auxois ; les statues de Henri II, roi d’Angleterre, de Richard Cœur de Lion et des deux reines, femmes de ces deux princes, à l’abbaye de Fimtevrault, etc. Pour prouver combien les ouvrages de la sculpture étaient multipliés à cette époque, il suffirait de rappeler les plaintes de saint Bernard contre cette espèce de luxe. Saint Bruno avait de son côté prohibé, dans les communautés de son ordre, les peintures et les sculptures ; mais l’influence de l’exemple avait eu plus de force que le précepte.

Le xiiie siècle fut, pour la France, comme pour l’Italie, une époque de renaissance artistique. Les statuaires français, complètement affranchis de tout esprit d’imitation étrangère et de toute tradition symbolique, recherchèrent la reproduction naïve de la vie ; ils apportèrent du naturel dans le développement des draperies ; ils donnèrent de l’intention et de la justesse aux inflexions du corps. « Cette école du xiiie siècle, qui n’avait certes pas étudié l’art grec en Occident et qui en soupçonnait à peine la valeur, se développe comme l’école grecque, dit M. Viollet-le-Duc. Après avoir appris la pratique du métier, elle ne s’arrête pas à la perfection purement matérielle de l’exécution et cherche un type de beauté. Va-t-elle le saisir de seconde main, d’après un enseignement académique ? Non ; elle le compose en regardant autour d’elle. Pour la sculpture d’ornement, cette école procède de la même manière, c’est-à-dire qu’elle abandonne entièrement les errements admis pour recourir à la nature comme à une source toujours vivifiante. Apprendre le métier, le conduire jusqu’à une grande perfection en se faisant le disciple soumis d’une tradition, puis un jour se lancer à la recherche de l’idéal quand on se sent des ailes assez fortes, c’est ce qu’ont fait les Grecs, c’est ce qu’ont fait les écoles du xiiie siècle. » Le rôle que joue la statuaire dans les cathédrales de cette époque est considérable. Si l’on visite celles de Paris, de Bourges, de Reims, d’Amiens, de Chartres, on est émerveillé, ne fût-ce que du nombre prodigieux de statues et de bas-reliefs qui complètent leur décoration.

De toutes les écoles de sculpture que compte notre pays au xiiie siècle, la plus pure, la plus élevée est sans contredit l’école de l’Ile-de-France, celle à laquelle nous devons les admirables sculptures de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris, qui, à l’exception de celles de la porte Sainte-Anne, dont il a déjà été parlé, datent des premières années du xiiie siècle. Ces sculptures, d’une exécution large et simple, souple et ferme à la fois, présentent dans l’expression des têtes une pureté et une noblesse voisines de l’idéal, une rare justesse dans les mouvements du corps, un art très-profondément étudié et senti dans l’agencement des lignes de certaines compositions. « On parle beaucoup, lorsqu’il est question de cette statuaire du xiiie siècle, lisons-nous dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture française, de ce qu’on appelle le sentiment religieux, et l’on