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enfin, dans la Neustrie et l’Austrasie, toujours rivales, les maires du palais annulaient de plus en plus la faible autorité des descendants de Clovis. De plus, les leudes, qui avaient créé les maires du palais, avaient obtenu l’hérédité de leurs gouvernements et des biens qu’ils avaient envahis. Telle fut l’origine de la féodalité ou indépendance des grands de toute autorité royale.

Dagobert 1er avait pris le titre de roi des Francs et du peuple romain ; il apaisa les Gascons et les Bretons, rétablit l’ordre dans ses vastes États, grâce surtout au concours de ses deux illustres ministres, Eloi et Ouen, et fonda pour y placer son tombeau la célèbre abbaye de Saint-Denis. Ce prince mourut en 938, à l’âge de trente-six ans, laissant le trône mérovingien à des fantômes de rois, appelés rois fainéants, qui abandonnèrent toute leur autorité aux maires du palais. Pour se soustraire à la domination tyrannique des maires du palais, les leudes d’Austrasie se constituèrent en république aristocratique et prirent pour chef Pépin d’Héristal, duc d’Austrasie. Ebroïn marche aussitôt contre les grands de l’Austrasie et de la Neustrie réunis, et taille leur armée en pièces à Leucofao (680), peut-être Loixi, sur le territoire de Laon, suivant M. Artaud. Mais, sept ans plus tard, Pépin finit la grande lutte de l’Austrasie contre la Neustrie par la victoire de Testry, près de Saint-Quentin (687). Devenu maître absolu, Pépin laissa le titre de roi à Thierry III et régna de fait sous le nom de duc et pair des Francs. « Pépin, dit M. Artaud, distribua aux grands qui avaient combattu à ses côtés des titres de duc, de patrice, de comte ; il rétablit les anciennes assemblées nationales et donna aux évêques et abbés le droit d’y prendre place. Il retourna en Germanie, oùl’appelaient des victoires à remporter sur les Frisons, et laissa au roi Thierry son fils aîné Grimoald pour maire du palais. » Pépin mourut en 714, après avoir vu ses deux fils légitimes le précéder dans la tombe. Son fils naturel, Chartes Martel, hérita de sa haute dignité. Cet illustre guerrier est d’abord vaincu par les Frisons ; mais c’est là le seul échec qu’il doive subir dans sa carrière héroïque. En effet, après avoir surpris l’armée neustrienne à Stevolo, il remporte sur Chilpéric II une victoire complète dans les plaines de Cambrai (717), puis il triomphe à Soissons des Aquitains qui, sous leur duc mérovingien Eudes, étaient venus au secours de la Neustrie. Cette suprématie austrasienne replaça le siège de l’empire des Francs entre la Meuse et le Rhin, vrai centre de la germanique Austrasie. « C’est, dit un historien, du sein de la vieille forêt des Ardennes, dont la majesté et la profondeur lassèrent la hache de César, que Charles Martel s’élança contre les Frisons, les Germains, les Bretons, les Aquitains toujours armés. Mais un terrible ennemi se présenta bientôt : les Arabes, vainqueurs des Visigoths, envahirent la Septimanie ; Narbonne tomba en leur pouvoir (721) ; ils triomphèrent d’Eudes, duc d’Aquitaine, et se répandirent avec d’autant plus de rapidité que les peuples du Midi préféraient leur élégante domination à la barbarie des Francs. » En 752, sous la conduite d’Abdérame, ils avaient pénétré jusqu’à la Somme et à la Loire, pris Poitiers ; ils marchaient sur Tours. Charles Martel accourut à la tète d’une puissante armée. Une sanglante bataille s’engagea entre Tours et Poitiers. Le chef ennemi fut tué avec plus de 30,000 de ses guerriers. Pour se venger de l’antipathie des provinces méridionales, Charles Martel y promena le fer et la destruction, et, lorsque l’armée franque évacua enfin le Midi horriblement saccagé, elle emporta un butin immense. Toutefois, les Arabes gardèrent la Septimanie ; l’Aquitaine, que les Francs appelaient territoire des Romains, et les provinces du Sud furent tributaires, mais restèrent ennemies. Charles Martel mourut en 741. Carloman et Pépin se partagèrent le royaume. Les Saxons, les Allemands et les Bavarois s’unirent contre les fils de Charles Martel, mais ils furent vaincus sur les bords de la Lech (743). Sur ces entrefaites, Carloman, au comble de la gloire et de la puissance, dit tout à coup adieu au monde. Dès lors, tous les obstacles étant aplanis, le trône attendait le second fils de Charles Martel, Resté seul au pouvoir, Pépin convoque les comices à Soissons. Déjà le pape Zacharie a prononcé entre le roi de nom et le roi de fait. Saint Boniface donne à Pépin l’onction royale, tandis que le stupide Childéric III est envoyé dans le monastère de Sithium (752). Ainsi, dit M. Artaud, finit l’histoire de ces rois fainéants, enfermés comme des femmes dans leur château de Maumagne ou promenés une fois par année aux comices nationaux dans une molle basterne. »

Cédant aux pressantes sollicitations du pape Etienne, qui était venu d’Italie implorer son secours contre les Lombards, Pépin force les cluses lombardes, assiège Astolphe, roi des Lombards, dans Pavie et le force à capituler. Il dépose ensuite sur le tombeau de saint Pierre les clefs des villes conquises, au lieu de les rendre à l’empereur, et jette ainsi les premiers fondements de la puissance temporelle des papes (755). Puis, aidé des débris des Visigoths irrités contre les Arabes, il s’empare de la Septimanie et laisse une sorte d’indépendance à cette province encore toute romaine, et qui s’appela Gothie jusqu’au xiiie siècle. Pépin attaqua l’Aquitaine, fit pendant neuf ans une guerre d’extermination, changea le pays en désert et ruina le duc mérovingien Waïffre (768), sans pouvoir néanmoins soumettre entièrement ce pays aux hommes du Nord. Peu après, la mort enlevait Pépin, qui fut enterré dans la basilique de Saint-Denis, sur le seuil, et le front contre terre, par humilité, dit M. Artaud. Plus tard, quand la gloire eut sacré son fils, on écrivit sur sa tombe : Ci-gît Pépin, père be Charlemagne. La puissance de Pépin passa à son fils Charlemagne, qui donna à sa dynastie le nom de carlovingiens. Charlemagne fut sans contredit le plus grand homme du moyen âge. « Ce grand prince, dit un écrivain, sentit le premier combien la civilisation devait l’emporter sur la barbarie, et il voulut s’élever au niveau de ces Romains que le reste des Francs avait méprisés comme des vaincus et des esclaves. Il fit d’abord son éducation à lui-même et ensuite celle de son peuple. Il réagit sur ces Austrasiens, sur ces barbares d’outre-Rhin qui avaient fait la grandeur de sa famille, et il voulut les élever tout au moins au niveau des autres Francs. Ce fut par la propagation de la religion chrétienne et par la fondation d’évêchés puissants qu’il y procéda. Chaque année presque il fut obligé de combattre ou les Saxons ou quelque autre peuple du Nord, et chacune de ses victoires fut suivie de conversions en masse et de colonies religieuses fondées dans les forêts. Ses moyens furent souvent injustes, souvent cruels, mais le succès les couronna. La civilisation fit, sous son règne, plus de conquêtes sur la barbarie qu’elle n’en avait fait depuis des siècles. Lorsqu’en subjuguant l’Italie il vit de près les merveilles des grands peuples de l’antiquité, il voulut faire participer à leur gloire l’Austrasie, sa patrie, et Aix-la-Chapelle, sa capitale ; il y ranima donc les études ; il renouvela les arts ; il enseigna à ses sujets à honorer toutes les distinctions de l’intelligence. Enfin, dans la dernière année du siècle, il changea sa couronne de roi contre celle d’empereur ou d’Auguste, se proclamant ainsi le monarque des vaincus plutôt que des vainqueurs, et le représentant des progrès plutôt que celui de la barbarie. On peut dire que la vie de Charlemagne fut absorbée tout entière dans ses luttes contre les Saxons, toujours indomptés, contre les Slaves, les Arabes, les Avares, etc. Couronné empereur à Rome (800) par le pape Léon III, il put se considérer comme le successeur des empereurs romains d’Occident. Craint et respecté par les empereurs de Constantinople, il reçut d’Haroun-al-Raschid, calife de Bagdad, les clefs du saint sépulcre de Jérusalem. Bourguignons, Bretons, Aquitains, Romains, tous s’honoraient d’être les sujets d’un chef si illustre. Par le capitulaire de Thionville (806), l’empereur partagea son empire en trois royaumes : 1o Aquitaine ; 2o Italie ; 3o Germanie. Ce dernier royaume comprenait l’Austrasie, la Neustrie et une partie de la Bourgogne. L’Aquitaine comprenait le reste de la Bourgogne, la Gascogne, la Provence, la Septimanie, la Marche d’Espagne, etc. Charlemagne mourut à Aix-la-Chapelle en 814, après avoir fait reconnaître pour son successeur Louis le Débonnaire, qui était roi d’Aquitaine. Grâce au génie de Charlemagne, l’unité avait régné dans ses vastes Etats, que la faiblesse de son successeur va laisser se fractionner entre les petits-fils du conquérant ; Lothaire fut associé à l’empire ; Pépin eut l’Aquitaine, Louis la Bavière, Bernard l’Italie, Charles le royaume d’Allemagne. Dès lors commence la décomposition de cet immense empire. Tout se soulève : sur le Rhin, la vieille Austrasie, toujours barbare ; le long de l’Océan, la Neustrie ; enfin, dans le Sud, l’Aquitaine. La Neustrie, où le clergé, si docile sous Chariemagne, a ressaisi toute son autorité, se venge sur l’Austrasie par les évêques, qui dégradent la majesté impériale dans la pénitence publique qu’ils font subir à l’empereur à Attigny-sur-Aisne (822) ; car il ne faut pas oublier que les mérovingiens étaient Neustriens, tandis que les carlovingiens étaient Austrasiens. C’est en vain que, pour mieux imprimer dans l’esprit de son fils l’idée de son indépendance, Charlemagne avait voulu qu’il prit la couronne sur l’autel et se la mît lui-même sur la tète. Louis, dès le début de son règne, avait eu hâte de soumettre son diadème à la tiare ; de là ses humiliations et ses revers. Peu de temps après le triste spectacle d’Attigny, les Neustriens, sous l’influence d’un abbé de Corbie, du nom de Wala, déposent l’empereur dans une assemblée tenue à Verberie, près de Senlis, et l’enferment dans un cloître. L’Austrasie se soulève aussitôt contre les prétentions de la Neustrie, et la diète de Nimègue (830) rend l’empire à Louis le Débonnaire. Peu après, les Austrasiens et les Neustriens réunis se jettent sur l’Aquitaine révoltée, la ravagent horriblement, puis se séparent dans les champs du Mensonge (entre Bàle et Strasbourg), où l’empereur, indignement abandonné par ses soldats, est entraîné en Neustrie et dégradé de la majesté impériale à l’assemblée de Compiègne par Ebbon, archevêque de Reims (833). Mais l’Austrasie vint encore arrêter ces vieilles vengeances de la Neustrie, et rendit de nouveau l’empire à Louis, dans la seconde assemblée de Nimègue. De nouveaux partages, de nouvelles révoltes de ses fils ingrats soulevèrent l’Allemagne et l’Aquitaine. Enfin, le vieil et infortuné empereur mourut en Austrasie, à Ingelheim, sur le Rhin (840). Cette mort fut le signal de luttes épouvantables. La Neustrie et l’Austrasie, États du Nord, gouvernés par Charles le Chauve et Louis le Germanique, s’unirent contre l’Aquitaine et l’Italie, Etats du Sud, qui obéissaient à Lothaire, fils aîné du Débonnaire. (Aussitôt après la mort de son père, Lothaire avait revendiqué les droits attachés à la dignité impériale.) Les deux armées comptaient 150,000 hommes chacune. Un choc épouvantable eut lieu à Fontenay ou Fontenailles, près d’Auxerre (841). Le combat ne dura que six heures, mais il fut si meurtrier que 80,000 hommes trouvèrent la mort dans la mêlée. L’épouvantable effusion de sang qui se fit dans cette journée eut un double résultat : d’abord, de livrer la France sans défense aux incursions des Normands, ensuite de faire prédominer la langue romane et de servir ainsi à la transformation de la nation franque en peuple français. Lothaire, vaincu, rassemblait une nouvelle armée pour résister aux vainqueurs qui voulaient se partager entre eux l’empire. Mais les trois frères se rapprochèrent et conclurent la paix à Verdun (843), où fut signé le célèbre traité de partage de l’empire : la France occidentale, jusqu à la Meuse, à la Saône et au Rhône, fut assignée à Charles ; la Germanie, jusqu’au Rhin, à Louis ; l’Italie, avec la Provence, à Lothaire. Celui-ci étendit son pouvoir jusqu’aux bouches du Rhin, à travers cette langue de terre qui, séparant Louis et Charles, fut appelée Lotharingia, c’est-à-dire la part de Lothaire, et plus tard, quand le nom se fut altéré, la Lorraine. Charles le Chauve n’eut d’autorité réelle qu’en Neustrie. La Bretagne s’était érigée en royaume indépendant ; le Septimanie et l’Aquitaine luttaient toujours contre les Francs oppresseurs ; les Sarrasins d’Espagne infestaient les côtes de la Méditerranée. Mais ces ravages n’étaient rien, si on les compare à ceux des Normands. A dater de l’année même de la mort de Charlemagne, ces terribles pirates s’enhardirent tous les jours davantage dans leurs expéditions de brigandage : ils arrivaient avec des flottes toujours plus nombreuses ; ils remontaient les rivières aussi loin qu’elles portaient bateau, et ils étendaient leurs déprédations sans rencontrer jamais de résistance. Ils prennent, saccagent, incendient Bordeaux, Nantes, Tours, Rouen, Amiens, des villes même plus reculées, Limoges, Clermont, Bourges. Ils trouvent Paris vide de. ses habitants, et leurs barques suffisent à peine au butin qu’ils emportent. Robert le Fort, duc de Neustrie, fut le plus rude adversaire des Normands. Ce héros neustrien est le premier des ancêtres connus de la troisième dynastie ou dynastie capétienne. Il succomba près de la Loire, dans sa lutte contre les pirates, tandis que Charles le Chauve achetait la retraite de ces mêmes pirates à prix d’or, ce qui ne réussit qu’à exciter davantage leur cupidité. À cette époque de désordre, les anciennes flottes de Charlemagne avaient été détruites, et rien ne protégeait plus les côtes. Les grands se faisaient aussi les complices des Normands dans leur œuvre de destruction, quand cela était utile à leur puissance. A la mort de Lothaire (855), ses trois fils se partagèrent ses Etats. Louis obtint l’Italie et le titre d’empereur ; le jeune Lothaire, le royaume de Lorraine. La Provence échut au troisième. Mais la mort du roi de Provence suivit de près ce partage, et ses frères s’emparèrent de son héritage. Peu d’années après mourut le roi de Lorraine, frappé, ont dit les uns, par le jugement de Dieu ; empoisonné dans l’eucharistie, suivant une opinion plus vraisemblable. L’empereur Louis II ne tarda pas à suivre ses deux frères dans la tombe, et le pape Jean VIII, dont Charles avait su capter l’affection, s’empressa de lui décerner la couronne impériale. « C’est ainsi, dit Sismondi, que le pape se substituait à toute cette nation décorée de la toge, dont il se disait le représentant, et au nom de laquelle il invoquait les anciennes coutumes pour donner un nouveau maître à la terre. » Par le fameux traité de Kiersy, près de Laon, les grands arrachèrent à la faiblesse de Charles l’hérédité de leurs duchés, comtés, seigneuries. C’est ce traité qui ouvre la grande ère féodale des fiefs (877). Cette même année, Charles meurt à Brios, dans les montagnes de Savoie, empoisonné par le juif Sédécias, son médecin, que pousse on ne sait quel mobile. Louis II, le nouveau roi, tente en vain, à son avènement, de se concilier des partisans en prodiguant les fiefs et les abbayes. Il viole l’édit de Kiersy, et aussitôt tous ceux qui ont des fiefs à recueillir ou à transmettre s’arment contre lui. Les mécontents, grâce à l’intervention d’Hincmar, archevêque de Reims, consentent à remettre l’épée dans le fourreau, et Louis, surnommé le Bègue, reçoit l’onction royale du pape Jean VIII (878). Louis meurt à Compiègne en 879. L’assemblée de Meaux couronne ses deux fils, Louis et Carloman ; l’un obtient l’Aquitaine et l’autre la Neustrie. Les deux frères remportent de très-grands avantages sur les Normands, qui avaient recommencé leurs incursions dévastatrices ; puis Carloman meurt (884) d’une blessure profonde reçue dans une chasse au sanglier. Sous Charles le Gros, l’empire de Charlemagne fut à peu près reconstitué ; mais la nullité de ce prince le fit déposer, et ce vaste empire, démembré à jamais, se fractionna en six royaumes : France, Allemagne, avec la dignité impériale, Italie, Lorraine, Bourgogne, Navarre. Comme première atteinte aux droits de la race austrasienne des carlovingiens, la France ou Neustrie se donna pour roi Eudes, comte de Paris et duc de France, fils de Robert le Fort, et comme lui redoutable adversaire des Normands, qui continuaient leurs ravages, tandis que les Sarrasins détruisaient Antibes. Saint-Tropez, attaquaient Arles, Fréjus et Marseille, s’établissaient dans l’île de la Camargue, formaient une place d’armes à Fraxinet, près de Nice, créaient une ligne de postes fortifiés depuis Fréjus jusqu’à Saint-Maurice en Valais, d’où ils infestaient tout le pays (888). Cependant Charles le Simple réclama contre l’élévation du Neustrien Eudes. Par transaction, il régna au nord de la Seine et Eudes jusqu’à la Loire, au delà de laquelle les grands d’Aquitaine affectaient l’indépendance. La mort d’Eudes laissa Charles le Simple seul roi (898).

Le fait le plus saillant de cette époque est l’établissement légal des pirates Scandinaves dans le nord de la France. En 911, Roll ou,Rollon, cet illustre chef des Normands de la Seine, avait ramené ses bandes d’Angleterre ; il ravageait les rives de l’Yonne et de la Saône. Repoussé de Chartres par le duc de Bourgogne et le comte de Paris, il n’en traita que plus durement encore le reste du pays. Pour mettre un terme aux déprédations des Normands, qui couvraient le pays tout entier de désolation et de deuil, Charles offrit à Rollon un territoire pour s’établir avec ses guerriers. Il conclut avec ce terrible chef, à Saint-Clair-sur-Epte, en 912, un traité qui donna à Rollon la partie de la Neustrie qui s’étend des rivières d’Andelle et d’Aure jusqu’à l’Océan ; il y ajouta le pays entre les rivières d’Andelle et d’Epte et le domaine de la Bretagne, dans le but de maintenir les Bretons presque toujours en révolte ouverte. 20,000 Normands et une foule d’aventuriers s’unirent à Rollon, qui donna le nom de Normandie à sa conquête. Tous les Normands furent nobles ; les Neustriens furent serfs. Rollon exigea, en outre, pour épouse, Gisèle, la fille du roi. Charles mit pour condition à ce mariage la conversion du chef normand au christianisme. L’éloignement de leur pays avait affaibli chez ces barbares la croyance aux dieux nationaux, et cette condition, posée par le roi do France, ne fut pas une difficulté. Ajoutons que le pays prospéra sous la domination normande.

Cependant la royauté carlovingienne allait s’affaissant de jour en jour. Charles le Simple n’eut bientôt plus que les villes de Laon, de Reims, de Compiègne et quelques châteaux, tandis que les tout-puissants ducs de France et d’autres grands vassaux l’effaçaient en grandeur et en autorité. Enfin, le dernier flot des peuples barbares arriva ; c’étaient les Hongrois, qui s’avancèrent en Aquitaine jusqu’à Toulouse, dévastant tout sur leur passage et ne laissant derrière eux qu’un affreux désert. Leurs hordes, battues par les Aquitains, se jetèrent sur la Champagne et pénétrèrent jusqu’en Vermandois (954). Hugues Capet succéda à son père, Hugues le Grand, comme duc de France (956). Quand les seigneurs de la France septentrionale ou Neustrie élurent à Noyon et firent sacrer à Reims (987) Hugues Capet, arrière-petit-fils de Robert le Fort, la France méridionale resta étrangère à cette révolution, se contentant de l’indépendance de ses grands seigneurs. Hugues possédait le comté de Paris, l’Orléanais et une partie de la Picardie ; il réunit ces possessions à celles des derniers carlovingiens et en forma le domaine de la couronne, qu’il rendit héréditaire dans sa famille, de même qu’il permit aux grands de transmettre leurs duchés et comités à leurs descendants, sous sa suzeraineté. Les concessions au clergé furent immenses. C’est de ce duché de France que les capétiens sauront soumettre de gré ou de force les vingt peuples différents qui couvrent le sol. On comptait alors 70,000 fiefs, 1 million de nobles, 100,000 guerriers, 100 petits Etats souverains, parmi lesquels 8 supérieurs ou grands feudataires, possesseurs de grands fiefs ou pairies féodales : 1o le comté de Flandre, entre l’Escaut et la Sommes ; 2o le comté de Vermandois, sur les rives de la Somme ; 3o le duché de Normandie, fondé par Rollon et ayant sous sa suzeraineté la Bretagne ; 4o le duché de Bourgogne ; 5o le duché de Gascogne ; 6o le duché de Toulouse, entre les Cévennes et la haute Garonne ; 7o le comté de Barcelone, entre les Pyrénées et l’Ebre ; 8o le duché de Guyenne. Outre ces huit grands feudataires laïques, il y eut six pairs ecclésiastiques : l’archevêque de Reims, les évêques de Laon et de Langres, nommés aussi ducs, et les trois évêques de Beauvais, de Châlons et de Noyon, nommés aussi comtes. En dehors de cette hiérarchie féodale étaient la Lorraine et le royaume de Bourgogne. Hugues Capet n’eut aucune autorité sur les vassaux du Nord et du Midi ; mais il traça à ses successeurs la marche qu’ils avaient à suivre pour les dominer (996). Lorsque Louis d’Outremer mourut, laissant la couronne à son fils Lothaire, les grands s’aperçurent à peine que le trône avait changé de maître, et la France du sud ne connut pas probablement le nom du nouveau roi. Hugues le Grand avait été roi de fait, bien qu’il n’eût pas jugé à propos de se faire décerner ce titre. En mourant, il laissait la Bourgogne à son deuxième fils, Henri, et le duché de France, avec le comté de Paris, à l’aîné, Hugues, surnommé Capet. Louis V