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réunions qui connaîtraient une règle fixe de répartition des produits. Voici le contraste que présentent, selon Fourier, ces deux méthodes :

L’industrie sociétaire opère :

1° Par les plus grandes réunions possibles dans chaque fonction ;

2° Par séances de la plus courte durée et de la plus grande variété ;

3° Par la subdivision la plus détaillée, affectant un groupe de travailleurs à chaque nuance de fonction ;

Par l’attraction, le charme.

L’industrie morcelée opère :

1° Par les plus petites réunions en travaux et en ménage ;

2° Par séances de la plus longue durée et de la plus grande monotonie ;

3° Par la complication la plus grande, affectant à un seul individu toutes les nuances d’une fonction :

Par la contrainte, le besoin.

RÉSULTATS.

De l’industrie morcelée : Indigence.

Fourberie. Oppression. Guerre. Intempéries outrées.

Maladies provoquées.

Cercle vicieux.

Méfiance générale et duplicilé d’action.

De l’industrie sociétaire : Richesse générale et graduée.

Vérité pratique.

Liberté effective.

Paix constante.

Températures équilibrées.

Hygiène préventive.

Issue ouverte au progrès.

Confiance générale et unité d’action.

Par quelles voies l’école fouriériste entend-elle réaliser l’industrie sociétaire qui doit amener ces merveilleux résultats ? L’association doit d’abord être naturalisée dans l’agriculture qui est la grande industrie autour de laquelle pivotent toutes les autres. Au lieu de vastes centres qui absorbent et étiolent les populations, au lieu de bourgs, de villages, de hameaux, jetés au hasard sur la carte, mal cadastrés, mal délimités, aussi incohérents dans leur distribution générale que dans leur organisation particulière, l’humanité doit être groupée par communes, régulières pour le nombre des habitants, pour l’ordonnance intérieure et pour les conditions d’équilibre vis-à-vis d’autres communes, obéissant à des lois analogues. Dans l’ordre sociétaire ou combiné, la commune est désignée sous le nom de phalange, mot qui fait naître une idée d’ensemble, d’accord, d’unité de volonté et de but. Elle doit être composée de quatre cents familles environ (1,600 à 1,800 âmes). Voici maintenant les bases de l’association préconisée par Fourier : 1° tous les habitants de la commune, riches et pauvres feront partie de cette association ; le capital social sera composé des immeubles de tous, et des meubles et capitaux apportés par chacun dans la société ; 2° chaque associé, en échange de son apport, recevra des actions représentant la valeur exacte de ce qu’il aura livré ; 3° chaque action aura hypothèque sur la partie des immeubles qu’elle représente et sur la propriété générale de la société ; 4" chaque associé (on est associé même lorsqu’on ne possède ni actions ni capitaux) est invité à concourir à l’exploitation du fonds commun par son travail et par son talent ; 5° les femmes et les enfants entrent dans la société au même titre que les hommes ; 6° le bénéfice annuel, les dépenses communes acquittées, sera distribué aux associés, en proportion du concours de chacun à la production par ses trois facultés productives : capital, travail, talent. Ainsi, une première part payera les intérêts des actions (part du capital) ; une seconde part sera répartie entre les travailleurs d’après les difficultés de la tâche et le temps consacré à l’œuvre par chacun d’eux (part du travail); une troisième et dernière part sera divisée entre ceux qui se seront distingués, dans les travaux, par leur intelligence, leur activité, leur vigueur.

Les fouriéristes voient sortir d’une semblable association, d’une semblable organisation de la commune les conséquences les plus importantes et les plus fécondes. Le premier avantage de la réforme est de rendre convergents les intérêts jusqu’alors opposés des habitants de la commune. Chacun d’eux comprend immédiatement que les trois lots qu’il peut espérer devant augmenter ou diminuer avec le bénéfice général, il ne peut travailler dans son intérêt privé qu’en travaillant pour tous :chacun sent que le bonheur de l’un ne peut plus être la conséquence ou la cause du malheur de l’autre. Le sol de la commune ne tendant plus à se fractionner en parcelles à peu près inexploitables, les clôtures, les fossés, une partie des chemins d’exploitation disparaîtront, et le territoire sera cultivé comme le domaine d’un seul. Ainsi, l’on saura cumuler les avantages résultant de la grande propriété, avec les avantages de la petite ; car le seul effet salutaire de la subdivision du sol est de permettre à un plus grand nombre d’atteindre à la propriété, de s’intéresser directement à son exploitation, et, dans la commune associée, la plus légère économie peut se transformer en coupon d’action, titre avec lequel on est réellement copropriétaire du domaine de la phalange. Dans la commune telle qu’elle existe, chaque chef de famille, quels que soient d’ailleurs ses goûts et ses aptitudes, doit conserver ses grains, ses vins, ses fourrages, etc., et nul ne peut s’occuper avec succès de tant de choses différentes. Dans la commune de Fourier, sur 1,800 habitants, on aura la certitude de trouver des personnes capables dans chaque spécialité. Ces personnes prendront, dans l’intérêt général, la direction des travaux où elles excellent, et tout s’exécutera avec des chances de succès d’autant plus grandes que la culture en vaste échelle permettra de choisir les méthodes les plus avantageuses, les plus économiques, de prendre pour chaque espèce de culture le sol le plus convenable, etc. Une commune ainsi organisée sentirait bientôt qu’elle gagnerait infiniment à remplacer ses 400 pauvres greniers, ses 400 mauvaises caves par un grand local parfaitement disposé pour recevoir et conserver les récoltes ; elle comprendrait encore qu’elle doit substituer à ses 400 feux de cuisine, occupant 400 femmes, des cuisines communes dirigées par quelques personnes où tout consommateur trouverait, en rapport avec sa fortune et ses goûts, des repas plus variés, mieux préparés et bien moins coûteux que ceux qu’il pouvait avoir dans son isolement. On sait qu’un très-petit nombre de femmes peuvent soigner, diriger, instruire un grand nombre d’enfants réunis dans des salles d’asile ; la commune profiterait de ces heureux essais.

Ainsi les sept huitièmes des femmes, qu’absorbent généralement les détails d’intérieur, seraient affranchies de ces soins et rendues au travail productif. Ces modifications donnant nécessairement de grandes économies de bras et de temps, les travaux agricoles seraient insuffisants pour employer toutes les forces de la population, et l’on songerait à y joindre des travaux industriels. Ainsi, l’on établirait, toujours sur un mode unitaire, des ateliers, des manufactures, des usines appropriées aux convenances locales, et dès lors il y aurait possibilité de ne perdre aucune force. Ces changements exécutés, chacun n’aurait besoin que d’un petit nombre de chambres pour s’y réunir à sa famille, à ses amis, pour s’y livrer à ses travaux particuliers, à ses réflexions. Pourquoi cet appartement bien simplifié, que chacun doit posséder en propre, ne se trouverait-il pas dans le grand édifice où déjà ont été réunies les cuisines et les salles à manger, les caves, les greniers et les magasins, les salles d’asiles et les dortoirs d’enfants, ateliers, etc. ? Cette disposition, n’offrant que des avantages, serait adoptée, et l’on disposerait dans la grande maison commune des appartements de toutes grandeurs pour satisfaire tous les désirs. Alors, enfin, les 400 masures qui composaient le village auraient disparu et tous seraient établis dans le grand édifice unitaire, dans le phalanstère. « Qu’on ne vienne point, dit M. Hippolyte Renaud, parler ici de couvent, de caserne, de communauté ! Les dispositions proposées sont en tout point ce qu’il y a de plus contraire à la communauté. Toute la population habitera bien le même édifice, mais chacun y aura un logement à sa fantaisie et d’après le loyer qu’il voudra payer ; tous pourront prendre leur repas au même restaurateur, mais ils se feront servir aux tables communes, dans des chambres séparées, même chez eux, suivant leur caprice, et ils choisiront sur la carte ce qui leur conviendra, ce qui s’accordera avec l’état de leur bourse. »

Fourier donne, dans ses ouvrages, une analyse détaillée des conditions auxquelles doit satisfaire la grande maison de la phalange, le phalanstère. Un phalanstère devra être un édifice à la fois commode et élégant, dans lequel l’utilité n’aura point été sacrifiée au luxe ni l’architecture aux exigences de l’aménagement. Ce sera une vaste construction, de la plus belle symétrie et accusant par sa grandeur les pompes de la vie nouvelle. De droite et de gauche se projetteront des ailes gracieuses repliées sur elles-mêmes, en fer à cheval. Là, loin du centre de la grande famille, s’installeront les métiers bruyants. « Ainsi, dit Fourier, l’on évite un fâcheux inconvénient des villes civilisées où l’on trouve à chaque rue quelque ouvrier au marteau, quelque marchand de fer ou apprenti de clarinette brisant le tympan à cinquante familles du voisinage. » Au milieu du bâtiment principal s’élèvera la Tour d’Ordre, siège du télégraphe, de l’horloge et des signaux chargés de transmettre leurs instructions aux travailleurs disséminés dans la campagne. Le théâtre et la bourse trouveront leur place dans la même enceinte. À la hauteur du premier étage et dans tout le pourtour de l’édifice régnera une rue-galerie, chauffée en hiver, ventilée en été, et offrant, d’un atelier à un autre, une communication facile et à l’abri de toutes les intempéries. Au besoin, cette rue-galerie servira encore de salle d’exposition aux objets d’art et aux produits industriels de toute espèce.

Toutes les dispositions dont nous venons de parler peuvent être suggérées par l’intérêt personnel. Mais l’intérêt personnel n’est pas, aux yeux des fouriéristes, comme il l’est aux yeux des économistes, le seul mobile, le seul ressort industriel. Fourier entend faire concourir à l’œuvre industrielle toutes nos passions. Si le travail aujourd’hui n’est pas attrayant, c’est qu’il n’est pas bien organisé. Que voyons-nous ? D’un côté, le riche qui ne travaille pas ; d’un autre côté, le pauvre qui travaille avec dégoùt ; des deux parts répugnance. N’est-ce pas là, dit Fourier, un état anomal ? Quoi ! Dieu aurait imposé le travail à l’homme comme une nécessité impérieuse, et en même temps il lui aurait mis dans le cœur une horreur instinctive pour le travail ! Évidemment il y a confusion. La répugnance n’indique qu’une chose, c’est que Dieu ne veut pas que le monde use éternellement son énergie en des besognes ingrates. La répugnance pour le travail est la condamnation de la civilisation ; elle indique la nécessité d’en sortir par une réforme radicale. Le travail est la loi de l’homme ; donc il peut être organisé de manière à satisfaire notre nature passionnelle. Le jour où une meilleure entente présidera à la distribution du travail, les riches oisifs disparaîtront ; ils jalouseront ce qui était l’attribut du peuple. Pour cela, il faut que le travail soit une affaire d’option, un choix, un goût, une préférence, une passion enfin. Chacun s’adonnera à l’occupation qu’il aime, à vingt, s’il en aime vingt. Tous les travaux seront transformés en amusements et en plaisirs quand ils seront exécutés par des hommes réunis en groupes et en séries, animés par les quatre affectives et les trois distributives.

Et pourquoi cette transformation serait-elle impossible ? Que l’homme s’amuse ou qu’il travaille, il emploie également ses facultés physiques et intellectuelles, il s’occupe. Pourquoi certaines occupations sont-elles amusement, plaisir, jeu ? Pourquoi d’autres sont-elles travail ou peine ? Ce n’est pas parce qu’une occupation est fatigante qu’elle est une peine, puisqu’il est des plaisirs plus fatigants encore pour le corps et pour l’esprit que les travaux les plus rudes et les plus compliqués. Ce n’est pas (sauf la satisfaction directe des sens) dans l’action même que l’on fait que se trouve le plaisir ; cette action est d’ordinaire fort insignifiante par elle-même, et jamais l’homme isolé n’y chercherait des distractions. Ainsi, on ne songe guère, lorsqu’on est seul, à danser, à jouer au billard ; l’avantage, ici, resterait même aux occupations utiles pour lesquelles l’homme se passionne souvent, pour la culture d’un jardin, par exemple, pour l’art du tourneur, du menuisier, etc. Le plaisir retiré d’une occupation est donc indépendant du plus ou moins de fatigue résultant de l’occupation, et en partie même de la nature de l’acte exécuté. Dès lors, il est évidemment possible d’appliquer aux occupations utiles, aux travaux ces conditions extérieures desquelles dépendent la satisfaction et la jouissance. Voyons quelles sont ces conditions extérieures qui font toute la différence actuelle des amusements et des travaux.

1° Le plaisir se trouve dans les réunions librement formées de personnes qui aiment à se trouver ensemble. Donc tout travail doit être exécuté par un groupe dont les membres se sont volontairement réunis. C’est ainsi que les hommes donneront satisfaction à leurs passions affectives d’après l’impulsion desquelles ils se seront groupés. Chacune de ces quatre passions, amitié, ambition, amour, familisme, avec ses deux ressorts, peut et doit être mise en jeu dans l’exercice de l’industrie. Pour cela, il faut que chaque groupe soit généralement composé d’hommes, de femmes et d’enfants, ce qui est possible et facile, si l’on considère que chaque industrie peut être divisée en parcelles qui conviennent à tous les âges, à tous les sexes. Cette réunion des trois sexes (Fourier appelle l’enfance sexe neutre ou impubère) est, selon les fouriéristes, un moyen puissant de porter l’attrait dans les travaux. La nature, disent-ils, pour assurer toujours cette disposition, a donné à quelques hommes les goûts les plus féminins ; à quelques femmes, les vocations les plus mâles. Ces caractères de transition sont ridiculisés dans une société où ils n’ont pas d’emploi ; ils seront appréciés en harmonie où, grâce à eux, les travaux les plus exclusivement réservés à un sexe ne seront pas privés de ce genre d’émulation qui naît de la présence de l’autre.

2° Les hommes réunis pour le plaisir se séparent dès qu’ils en sentent l’envie. Donc, tout groupe de travailleurs doit être dissous avant que la tiédeur n’ait succédé à l’entraînement. Travaillant ainsi en séances courtes et variées, ils obéiront aux impulsions d’une des passions distributives : la papillonne. « Cette passion, dit Fourier, la plus proscrite de toutes, est celle qui produit l’équilibre sanitaire : la santé est nécessairement lésée, si l’homme se livre douze heures chaque jour, pendant des mois et des années, à un travail uniforme qui n’exerce pas successivement toutes les parties du corps et de l’esprit. La variété des fonctions et la brièveté des séances ont encore l’avantage de multiplier les liens affectueux, de corriger ce qu’il y aurait d’exclusif dans l’esprit de corps, enfin de faciliter l’accord des associés sur le point capital de la répartition des bénéfices. »

3° Dans leurs jeux, constamment en lutte les uns avec les autres, les hommes cherchent à surpasser, à vaincre des rivaux. La rivalité doit donc exister entre les groupes de travailleurs, et pour cela plusieurs groupes doivent présenter des produits analogues, comparables, entre lesquels on ne puisse prononcer qu’avec difficulté. Ainsi, pour la satisfaction de la cabaliste, les groupes d’une série seront ordonnés par nuances très-rapprochées, ou, selon l’expression de Fourier, distribués en échelle compacte.

4° Les hommes sont enivrés de plaisir, quand, par leur adresse ou leur talent, ils obtiennent d’éclatants triomphes dans des assemblées nombreuses. Les groupes doivent donc être reliés les uns aux autres par l’organisation sériaire pour que l’attention d’un grand nombre soit portée sur les actes de chacun, pour qu’il y ait des alliances entre les groupes dont les prétentions peuvent s’accorder, contre les groupes à prétentions analogues et, par conséquent, rivales. De cette manière, le travailleur, se sentant observé, soutenu, applaudi par une masse, sachant que sa part à l’œuvre commune est rendue distincte et mise en relief par le travail parcellaire, se trouvera dans les conditions les plus favorables au développement de l’enthousiasme irréfléchi, de la composite. « Il faut, dit Fourier, que la composite et la cabaliste s’appliquent à tous les travaux sociétaires, qu’elles y remplacent les vils ressorts qu’on met en jeu dans l’industrie civilisée, le besoin de nourrir ses enfants, la crainte de mourir de faim ou d’être mis en réclusion dans les dépôts de mendicité. »

5° Lorsque les hommes trouveront le plaisir dans les occupations utiles, ils abandonneront nécessairement les amusements sans but dans lesquels ils l’ont cherché jusqu’à ce jour. Lorsque les travaux seront des fêtes, c’est pour ces fêtes qu’ils réserveront tout le luxe, toute la recherche dont il sera possible de les embellir. Ainsi, les passions sensitives, qui tendent au double luxe interne et externe, trouveront satisfaction dans les groupes de travailleurs par des dispositions confortables. Les ateliers réuniront la salubrité, la propreté et l’élégance, et il n’y aura, soit dans l’extérieur, soit dans les manières des travailleurs, rien de grossier ni de repoussant.

C’est aux trois passions distributives ou mécanisantes que Fourier et son école font jouer le plus grand rôle dans la réalisation du travail attrayant et passionné. Il faut sur ce point entendre le maître. « L’ordre sociétaire, dit-il, sait, par l’emploi continuel des trois passions mécanisantes, et surtout de la composite, animer chaque groupe industriel d’un quadruple charme ; savoir : deux illusions pour les sens et deux pour l’âme ; en tout, quatre sympathies entre les sectaires d’un même groupe. Les deux sympathies de l’âme consistent dans les accords d’identité et de contraste. Il y a accord d’identité entre les sectaires d’un groupe : ils sont nécessairement identiques d’opinion en faveur d’une fonction qu’ils ont choisie passionnément et qu’ils peuvent quitter librement ; l’accord d’identité devient un charme puissant lorsqu’on se voit secondé par une troupe de coopérateurs zélés, intelligents, bienveillants, au lieu de ces mercenaires gauches et grossiers, de ces fripons déguenillés qu’il eût fallu s’adjoindre en civilisation. La présence d’une compagnie gracieuse et amicale fait naître une vive ardeur à l’ouvrage, pendant la courte séance, un empressement à s’y retrouver et à se réunir quelquefois dans des repas de groupe aux époques où le travail est interrompu. Le second charme de l’âme est celui du contraste ; j’ai dit et je dois répéter que, pour le faire naître parmi les divers groupes industriels d’une série, il faut les échelonner par nuances consécutives et rapprochées, employer l’ordre compact et serré d’où naissent les discords de chaque groupe avec ses contigus, et les accords avec les groupes opposés au contre-centre. Outre les deux sympathies de l’âme, en identité et en contraste, un groupe industriel doit être stimulé par deux autres véhicules de charme sensuel, qui sont le charme de perfection spéciale, ou excellence à laquelle chaque groupe élève son produit, et l’orgueil des louanges qu’il en reçoit, puis le charme de perfection collective, ou luxe d’ensemble qui règne dans les travaux et produits de la série entière… Ainsi, la condition à remplir pour s’élever à l’industrie attrayante est d’abord de former des séries de groupes subordonnées au jeu de ces trois passions : Rivalisées par la cabaliste, ou fougue réfléchie qui engendre les discords entre groupes contigus, pourvu que l’échelle des groupes soit compacte, formée de goûts et de fonctions très-rapprochées en variétés ; Exaltées par la composite ou fougue aveugle, qui naît du charme des sens et de l’âme, quand ces deux sortes de charmes sont réunis et soutenus des quatre accords cités plus haut ; Engrenées par la papillonne, qui est le soutien des deux autres et maintient leur activité par les courtes séances, par les options de nouveau plaisir qu’elle présente périodiquement, avant qu’on n’arrive à la satiété ni même à la tiédeur. »

Loin d’admettre, comme les économistes, que le besoin, l’intérêt personnel soit l’unique mobile industriel, Fourier professe que ce ressort, dans l’ordre sociétaire, ne doit présider à aucun genre de travail. Il analyse à ce propos l’attraction industrielle et y distingue trois degrés : l’attraction directe ou convergente, l’indirecte ou mixte, l’inverse ou divergente et faussée. « L’attraction est directe, dit-il, quand elle naît de l’objet même sur lequel s’exerce une industrie. Archimède, en étudiant la géométrie, Linné la botanique, Lavoisier la chimie, ne travaillent point par appât du gain, mais par un ardent amour de la science. Un prince qui cultive des œillets, des orangers, une princesse qui élève des serins, des faisans, ne travaillent pas par cupidité ; car ce soin leur coûtera plus qu’il ne produira ; ils sont donc passionnés pour l’objet même, pour la fonction même. Dans ce cas, l’attraction est directe ou convergente avec le travail ; cette sorte d’attraction régnera dans les sept huitièmes des fonctions sociétaires, lorsque les séries passionnées seront méthodiquement formées… L’attraction