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presse des chevaliers qui obstruaient la cheminée, renverser dans l’âtre le bois et l’âne, les quatre fers en l’air, fut pour Ernaulton d’Espagne l’affaire de quelques instants.

L’électeur Auguste de Saxe, qui fut roi de Pologne, était doué d’une force vraiment athlétique ; il en donna un jour, ou plutôt une nuit, la preuve la plus royalement expéditive. Une nuit, donc, que Joseph Ier, empereur d’Allemagne, dormait dans son palais de Vienne, il fut brusquement réveillé par un bruit insolite. Il lui semblait qu’on entrait dans sa chambre, et il crut d’abord à une méprise de la part de ses domestiques ; mais il s aperçut bientôt que le bruit se rapprochait, et distingua nettement le son de chaînes traînées sur le sol. Tout à coup retentit une voix formidable : « Joseph, roi des Romains, je suis une âme qui endure les peines du purgatoire. Je viens te trouver de la part de Dieu pour t’avertir de l’abîme où tu es près de tomber par tes liaisons avec l’électeur de Saxe. Renonce à son amitié, ou prépare-toi à la damnation éternelle. Dans trois jours, je reviendrai savoir ta réponse ; et si tu persistes à voir l’électeur de Saxe, ta perte et la sienne sont assurées. » À ces mots, la spectre disparut en faisant un bruit horrible avec ses chaînes. Le lendemain, quand l’électeur, qui était l’hôte de la cour de Vienne, et qui avait mille raisons pour cultiver l’amitié du roi des Romains, entra dans l’appartement de celui-ci, sa surprise fut extrême de le trouver au lit, pâle, abattu et tremblant. Joseph Ier lui raconta alors l’aventure de la nuit précédente. Mais Auguste n’était pas homme à se laisser duper bénévolement par quelque imposteur, et il engagea l’empereur à dissimuler, à ne parler à qui que ce fût de la scène qui venait de se passer, et lui demanda seulement la permission de coucher dans sa chambre. La troisième nuit, on entendit le même fracas et la même voix qui appelait : « Joseph, Joseph, roi des Romains ! » Ce fut l’électeur qui se chargea de la réponse : allant droit au fantôme, il le saisit, le porte à la croisée et le lance dans l’espace en lui disant : « Va, retourne au purgatoire, d’où tu es venu. » Quand le spectre eut achevé son voyage aérien, il se trouva, le plus naturellement du monde, transformé en un révérend Père jésuite, qui en fut pour sa courte honte, sans compter une jambe cassée. Or, pour l’intelligence de l’anecdote, il faut se rappeler que l’électeur, tolérant par caractère, avait protégé les protestants contre les persécutions des jésuites.

Ce même Auguste eut pour fils naturel le fameux Maurice de Saxe, qui hérita de sa force herculéenne. Un jour celui-ci, pendant une halte de chasse à Chantilly, offrit une collation à ses invités. S’apercevant que les tire-bouchons avaient été oubliés, il prit un gros clou, le tordit entre ses doigts, et déboucha toutes les bouteilles à l’aide de l’instrument forgé d’une manière si singulière. Les seigneurs qui Raccompagnaient essayèrent à qui mieux mieux de limiter, mais les clous conservèrent invariablement leur forme rectiligne.

Durant un séjour qu’il fit à Londres, le vainqueur de Fontenoi aimait à parcourir à pied les rues les plus populeuses. Lors d’une excursion de ce genre, il se prit de querelle avec un de ces industriels chargés d’enlever les boucs et immondices de la ville, et qui était taillé en colosse. Maurice laisse tranquillement son adversaire venir jusque sur lui ; puis, le saisissant brusquement de sa main de fer, il le lance de toute sa force et l’envoie choir, la tête la première, au beau milieu de son tombereau, aux grands applaudissements des spectateurs, toujours disposés, en pareil cas, à se gaudir aux dépens de celui qui fait le plongeon.

Aujourd’hui, le véritable émule de l’athlète antique, c’est le boxeur anglais. Parmi ceux qui se sont fait un nom dans ce genre d’illustration, il faut citer le fameux Brougthon, appelé le père de la boxe ; Crib, qui soutint l’honneur national anglais contre les lutteurs américains, et le célèbre Th. Tophan, qui fut surtout remarquable par sa force musculaire et par les preuves singulières qu’il en donnait. Une des plus curieuses expériences auxquelles il se livra eut lieu à Derby en 1741 : il souleva trois tonneaux, pesant ensemble 1,836 livres, en n’opérant qu’avec les muscles du cou et des épaules. Tophan possédait à lui seul la force de douze hommes réunis. Il soulevait avec les dents une table longue de 6 pieds, portant un demi-quintal suspendu a son extrémité, et il la maintenait, pendant un temps considérable, dans la position horizontale. Il prenait une barre de fer, dont il tenait les deux bouts dans ses mains, en appuyait le milieu contre sa nuque, puis en ramenait les deux extrémités par devant. Il défaisait ensuite ce qu’il venait de faire, c’est-à-dire qu’il redressait la tige de fer presque entièrement, opération bien plus difficile ; car les muscles qui séparent les bras horizontalement l’un de l’autre n’ont pas autant de force que ceux qui les réunissent. Cette expérience, il la renouvela dans la suite sur un quidam avec lequel il eut quelques démêlés. Décrochant une broche en for du manteau de la cheminée, il la lui passa autour du cou et la tortilla aussi aisément qu’il eut fait d’une cravate ou d’un mouchoir. Une nuit, apercevant un watchman endormi dans sa guérite, il les porta tous deux, l’homme et sa carapace, à une très-grande distance, et les déposa sur le mur d’un cimetière. Grande dut être la stupéfaction du brave gardien, lorsque le lendemain, en s’éveillant, il se trouva si loin et si haut perché.

Par un contraste frappant, la force d’âme de Tophan n’était pas à la hauteur de sa force musculaire ; cet hercule avait une femme qui lui rendait la vie tellement insupportable qu’il se suicida.

Nous pourrions citer une foule d’autres exemples de force extraordinaire ; mais nous croyons que c’est surtout dans des développements de ce genre qu’il faut mettre en pratique le sage précepte du poète : Est modus in rebus.

— Philos. La force est le principe de l’activité et du mouvement.

Les sciences mécaniques considèrent la force dans ses applications multiples et la soumettent au calcul. La philosophie l’envisage abstractivement, en elle-même et indépendamment de toute application. Mais tout d’abord, il se présente deux opinions radicalement opposées. Les spiritualistes s’accordent à faire de la force le privilège d’une classe d’êtres, d’une nature particulière, tels que Dieu, l’âme humaine, etc. Selon eux, la matière, inerte et passive, ne peut pas plus se mouvoir d’elle-même qu’elle n’a pu se produire d’elle-même. De là, deux séries d’êtres distincts : les êtres spirituels et les êtres matériels. À quoi l’école positiviste répond que l’être est un dans son indivisible essence, que ce que nous appelons force et matière n’en est que la manifestation sous des formes différentes ; en d’autres termes, que loin d’être une substance spirituelle séparée de la substance matérielle des choses, la force n’est que la propriété inséparable de la matière, et qu’elle lui est inhérente de toute éternité. Entre les deux systèmes, il n’y a pas de conciliation possible ; car la contradiction est absolue. Les spéculations métaphysiques à perte de vue ont fait leur temps. Elles ont perdu tout crédit aux yeux des esprits sérieux ; et il n’est plus permis d’aborder aucune question philosophique sans se prononcer résolument et tout d’abord sur le problème capital de l’unité ou sur la duplicité de l’être, sur la nature de la force et sur son rôle dans l’univers. Nous allons exposer brièvement l’état de la question.

Mais d’abord qu’est-ce que la matière ? et qu’est-ce que la force ? Pour en donner une définition satisfaisante, il faudrait pénétrer l’essence intime et absolue des choses, et il est plus que probable que nous n’y parviendrions jamais. Nous ne saisissons que les phénomènes qui se manifestent a nos sens et à notre entendement, et nous ne percevons que les rapports qu’ils ont entre eux et avec nous-mêmes. Ainsi, de la matière, nous pouvons dire qu’elle est étendue, impénétrable, divisible, pesante, etc. Mais ce ne sont la que les propriétés qui nous frappent sans nous rien révéler de l’en soi des choses. Quant à la force, elle ne se manifeste également que par ses effets. Le principe nous est inconnu. Laissons donc le domaine de l’absolu aux chercheurs de quadrature du cercle et de mouvement perpétuel. Bornons-nous à saisir des rapports et à déduire des lois. Or, entre la force et la matière, il existe des rapports intimes, et c’est à les constater par l’observation et par l’induction légitime que se borne la science positive ; tout le reste n’est que jeux de l’esprit et fantaisie de l’imagination.

L’école positiviste, représentée en France par MM. Auguste Comte et Littré, en Angleterre par Darwin, en Allemagne par Louis Feuerbach, Vogt, Moleschott, Czolbe, etc., a posé comme un axiome cette vérité, que les spiritualistes ne sont pas encore parvenus à détruire : « Point de matière sans force, point de force sans matière. » Il est même fort digne de remarque que tout en combattant, et plutôt dans ses conséquences que dans ses principes, le système positiviste, les champions de l’esprit passent habilement à côté de cette proposition principale, comme si elle leur paraissait aussi difficile à infirmer que périlleuse à aborder. Mais les faits sont impitoyables : on a beau les négliger, ils se reproduisent toujours. Et l’on sait qu’un fait bien observé vaut mieux que toute une série d’arguments sans fondement.

Peut-on concevoir autrement que comme des abstractions la matière sans force et la force sans matière ? Non ; quand on y regarde de près, on voit qu’elles ne peuvent exister séparément : il ne saurait y avoir d’électricité sans corps électrisables. Un atome d’oxygène, de soufre, de carbone ou de phosphore, jouit de propriétés spéciales inhérentes à sa nature et sans lesquelles il n’existerait pas. Y a-t-il, pour généraliser, un seul atome dans l’univers qui ne soit doué d’une force quelconque ? À la plus petite molécule qu’on puisse imaginer, on ne saurait refuser au moins une certaine force d’affinité ou de cohésion ; autrement les corps disparaîtraient et l’univers se dissoudrait dans un néant sans forme. Prétendre que la matière est inerte est tout simplement un non-sens ; car l’inertie même est une force latente, et ce n’est pas la moindre de toutes. Un ressort tendu et comprimé est inerte ; mais il n’en possède pas moins une force virtuelle qui se manifestera dès que l’équilibre sera rompu entre l’expansion et la compression. Et qu’on ne dise pas qu’il faudra une force étrangère à ce ressort pour lui imprimer le mouvement, car la rupture de l’équilibre ne fera qu’éveiller la force et ne la créera pas. La matière possède donc sa propre force, sans quoi elle n’existerait pas. Ce n’est pas, dit Dubois Reymond, un coche auquel, en guise de chevaux, on mettrait et on ôterait alternativement des forces : c’est le coche et les chevaux tout ensemble. Dépouillez l’être de ses propriétés constitutives, que reste-t-il ? Rien.

La notion d’une force sans matière est également vide et sans fondement. Pour se rendre compte de l’existence des choses, l’école spiritualiste imagine une force créatrice restée en repos de toute éternité, puis, tout à coup, s’éveillant pour imprimer à la matière le mouvement. Nous avouons ne rien comprendre à cette force éternellement inactive. Toute force qui n’agit pas ne saurait exister, ou du moins notre intelligence ne peut en tenir compte ; car force et mouvement sont cause et effet nécessaires. En raisonnant comme ils le font sur l’origine des choses et du mouvement, les métaphysiciens se laissent tromper par leur propre esprit, et ils prêtent aux abstractions la consistance de la réalité. La gravitation est une des forces les mieux constatées de la nature. Mais cette force est-elle un être, un ens per se qui existe indépendamment des corps sur lesquels elle s’exerce ? Non : c’est tout simplement la propriété de cette terre qui tourne, de cette pierre qui tombe. Supprimez par la pensée la terre et la pierre, la force s’évanouit. Que l’on prenne au hasard un phénomène quelconque de la nature où la force se manifeste, et l’on reconnaîtra que cette force n’est qu’une propriété essentielle, nécessaire, une loi si l’on veut, à laquelle nous n’avons donné un nom spécial que pour l’analyser abstractivement et mieux nous en rendre compte.

En résumé, force et matière sont deux attributs indispensables et inséparables de l’être réel, dont l’essence nous échappe et nous échappera toujours.

La physique et la chimie ne sont, a proprement parler, que l’étude des forces de la nature. On y distingue huit forces différentes : pesanteur, force mécanique, chaleur, lumière, électricité, magnétisme, affinité, cohésion. Nous venons de voir que ces forces sont immanentes aux substances, qu’elles en sont inséparables, et que, par leur jeu simultané, elles constituent et gouvernent le monde. Le caractère général de ces forces, c’est qu’elles se traduisent toutes par le mouvement, qu’elles sont éternelles, immortelles, immutables, indestructibles, et que la somme en reste dans l’univers constamment la même, malgré leurs incessantes transformations.

Ce n’est pas ici le lieu d’établir et de prouver l’éternité de l’être et l’absurdité de l’idée de création. Le néant préalable, que toute idée de création suppose, ne se discute pas. Mais si la matière, simple forme de l’être, est éternelle, il s’ensuit que la force, immanente à la matière, n’a pu être créée, et qu’elle est aussi impérissable que la matière elle-même. « Aucune force ne peut naître de rien, » dit Liebig. Faraday ajoute : « Ce qui disparait d’un côté reparaît nécessairement de l’autre. Le mouvement des astres comme des atomes dans l’univers est incessant et toujours égal en somme à lui-même. Il n’y a souffle si léger du vent, vague si faible se brisant sur le rivage, dont le mouvement ne se répercute, en le parcourant, sur le monde entier. Et de l’ensemble de ces mouvements résulte l’harmonie universelle.» Les sciences d’observation sont aujourd’hui dans une excellente voie pour confirmer, par une accumulation de faits concluants, ces vérités entrevues par Heraclite et beaucoup d’autres philosophes de l’antiquité. « L’univers, qui est le même pour tous, dit Heraclite, n’a été créé ni par les dieux ni par les hommes ; mais il a été et sera toujours un feu qui se ranime et s’éteint d’après des lois déterminées : c’est un jeu que Jupiter joue avec lui-même. » Toutes les théories modernes sont contenues en germe dans cette vue prématurée de l’esprit, dont l’expérience de chaque jour ne fait que confirmer la justesse et la précision.

Le feu d’Heraclite, d’Empédocle, le phlogistique de Stahl et de Boerhaave, le calorique enfin de la science moderne, est l’une des principales forces de la nature, et l’on peut considérer toutes les forces physiques de notre terre comme émanant primitivement du soleil. C’est ici que la transformation des forces produit de merveilleux effets. En les suivant et en les pesant, pour ainsi dire, dans des balances de précision, on est parvenu, de nos jours, à établir sur des bases certaines la théorie mécanique de la chaleur. Par la combustion ou par l’équilibre des différences chimiques, on obtient de la chaleur, qui engendre de la vapeur, laquelle se change à son tour en force mécanique. La réciproque est vraie. Par le frottement de deux morceaux de bois, on obtient de la chaleur et du feu. Chaleur et mouvement sont donc synonymes. Et de même que le feu met tout en mouvement, on peut chauffer une chambre au moyen du calorique dégagé d’une cascade d’eau glacée. L’eau qui coule, le vent qui souffle, la chaleur du corps animal, du bois, de la houille, sont autant de forces agissant en sens divers, et dont la moindre parcelle se retrouve sous une forme ou sous une autre ; d’où l’on peut conclure que la force ne peut être ni augmentée ni diminuée, et encore moins anéantie.

L’homme n’échappe pas aux lois générales de la nature. Toutes les forces que nous avons énumérées, gravitation, chaleur, affinité, électricité, etc., se combinent en lui dans une harmonie admirable. Pour expliquer dans l’homme le phénomène de la vie, on l’avait doué, sous le nom de vitalisme, d’une force imaginaire que la science positive, basée sur l’observation des faits, a reléguée au rang des fictions. On supposait une force organique en lutte constante avec les forces inorganiques de la nature. Cette force, qu’on se bornait à constater sans la définir, eût constitué à elle seule un système à part, inconciliable avec l’universalité des lois naturelles, et toute physiologie sérieuse devenait impossible. Mais des expériences multipliées ont démontré que tous les organismes sont formés du même atome que les corps inorganiques et qu’ils n’en diffèrent que par le mode de groupement et d’action. Toute la vie organique s’est expliquée par le jeu des forces moléculaires, et les prétendues forces organiques se sont évanouies comme des chimères à l’observation. Nous devons nous borner ici à signaler la conclusion de la science en renvoyant, pour de plus amples notions, aux beaux travaux de Mulder, de Soholler et de Ule, sur la force organique. Ils confirment la généralité des lois de la force universelle qui gouverne le monde et le régira éternellement.

— Mécan. Toute cause de mouvement est une force. « L’idée de force, dit Cournot, provient originairement de la conscience du pouvoir que nous avons d’imprimer du mouvement à notre propre corps et aux corps qui nous entourent, jointe au sentiment intime de l’effort ou de la tension musculaire, qui est la condition organique du déploiement de notre puissance motrice. Si nous n’avions pas le sentiment intime de l’effort musculaire, le spectacle du monde, dont nous jouissons par nos sens externes, pourrait bien encore nous suggérer la notion de l’étendue des figures et celle du mouvement ; mais l’idée fondamentale de la mécanique, et celles de bien d’autres théories, nous échapperaient tout à fait. »

Lorsqu’un point matériel, d’abord on repos, se met en mouvement, il est sollicité par une force. Cette force est appliquée au point ; ce point est le point d’application de la force.

La direction dans laquelle le point commence a se mouvoir est la direction de la force.

Les forces se distinguent les unes des autres par leurs intensités. Deux forces qui, agissant successivement, dans des circonstances identiques, produiraient les mêmes effets, sont deux forces égales ; elles ont même intensité. Mais cette première notion ne peut pas suffire à elle seule pour donner une idée claire du rapport de deux forces, parce que l’addition des forces, qui conduirait ensuite a la multiplication d’une force par un nombre quelconque, n’est pas elle-même une opération simple, telle que l’addition, par exemple, de deux longueurs, de deux surfaces, de deux volumes, de deux temps, etc. La force étant insaisissable, ce n’est que par la grandeur des effets qu’elle produit que nous en acquérons une mesure ; il faut donc, pour concevoir la somme de deux forces, savoir comment deux forces coexistantes associent leurs effets. L’effet d’une force est l’accélération du mouvement qu’elle produit. Cette accélération dépend de la masse du corps auquel elle est appliquée ; mais si la masse du corps reste la même, l’accélération de son mouvement ne dépend plus que de l’intensité de la force. La mesure d’une force doit donc être l’accélération du mouvement qu’elle communiquerait à un corps de masse 1. Mais on peut constater par l’expérience, au moyen, par exemple, de la machine d’Atwood, que l’accélération du mouvement d’un corps soumis à l’action simultanée de deux forces de même sens, est la somme des accélérations des mouvements que ces forces lui auraient séparément communiquées ; la notion de la somme de deux forces devient donc très-simple : la somme de deux forces est celle qui pourrait remplacer l’action combinée de ces deux forces agissant simultanément et dans la même direction. Il résulte de là la double notion, à la fois abstraite et concrète, de l’addition des forces et de l’addition de leurs mesures, ou de la multiplication des forces par superposition et de celle de leurs mesures. C’est la dualité de cette notion qui permet le passage du point de vue concret au point de vue abstrait, la substitution d’une opération arithmétique à une combinaison effective, la transformation d’une question physique en une question de nombres.. La nécessité de ce dualisme et l’incapacité de l’un des points de vue, isolé de l’autre, à permettre la traduction algébrique des lois des phénomènes, sont assez mal aperçues généralement. Chaque science cependant présentant dès l’abord, et sous la même forme, la même question, chaque fois qu’un nouvel agent vient à intervenir, il est difficile de s’expliquer la confusion qui subsiste encore trop souvent à cet égard.

La masse du corps auquel une force est appliquée venant à changer, l’accélération du mouvement que la force lui imprime