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Les repas pris en commun atteignent ce but. À cet effet ; Leuret fit le premier, à Bicètre, l’établissement d’un réfectoire ; cet exemple fut suivi plus tard à la Salpêtrière et dans beaucoup de maisons d’aliénés. Un tort fort grave, suivant Léuret, est de condescendre aux idées des malades. Enfin, ce médecin recommande d’une manière générale d’employer avec les personnes incultes, apathiques, engourdies, une volonté opiniâtre et de la vigueur ; avec les personnes délicates, les natures sensibles, les plus grands ménagements. Tels sont les principes généraux du traitement moral. Mais, pour diriger convenablement ce traitement, le médecin aliéniste doit rechercher dans le caractère, l’éducation, les antécédents de chaque aliéné un point accessible qui serve de base à tout ce traitement.

Le traitement physique ou médical et thérapeutique est très-variable, suivant les cas, et compte un grand nombre de médicaments. Nous ne citerons que les plus usités et les plus efficaces. Les émissions sanguines, tour à tour proscrites et vantées, sont employées avantageusement pour combattre les congestions cérébrales ou diverses autres complications, ou bien pour suppléer une hémorragie constitutionnelle supprimée. Les purgatifs ont été employés de tout temps ; on connaît la réputation dont jouissait l’ellébore chez les anciens. Ils causent souvent de l’irritation et suspendent l’activité de la peau ; pour prévenir ces accidents ou leurs effets consécutifs, Esquirol recommande de les alterner avec des bains tièdes. Les purgatifs les plus usités sont l’extrait de gratiole, l’aloès, la gomme-gutte, le calomel, les sels neutres, l’huile de croton tiglium, etc. Les vomitifs, vantés par Cox, sont rejetés par Haslam et Franck. Parmi les narcotiques, l’opium est vanté par Cullen et Daquin ; la jusquiame, par Fothergill ; le datura stramonium, par Storck, Bell, le docteur Moreau ; la belladone, par Greding et Franck. Les antispamodiques les plus usités sont le musc, le camphre, la digitale, le quinquina, le fer, le mercure, l’iodure de potassium. Les révulsifs de toutes sortes ont été employés, surtout les cautères, les sétons, les moxas, la cautérisation avec le fer rouge. Le galvanisme et l’électricité ont aussi des partisans. Enfin l’eau a été employée sous toutes les formes. C’est ainsi que l’on a recommandé les lavements d’eau simple, la glace sur la tète, les bains tièdes, froids, les bains de surprise, d’affusion, les douches, les bains de pieds, etc.

— Philos. Nous venons d’examiner la folie au point de vue purement physiologique ; mais, comme les médecins aliénistes les plus célèbres ont aussi étudié en philosophes cette redoutable affection, nous allons entrer dans quelques développements inspirés par cette nouvelle face de la question. Envisagée ainsi, la folie devient un état anomal, ou plutôt maladif de la conscience, qui résulte d’une affection totale ou partielle du système nerveux. On distingue dans la folie, considérée d’une manière générale, trois ordres de symptômes relatifs au sentiment, à l’intelligence et à l’activité. Mais, d’ordinaire, on n’entend par le mot folie qu’un dérangement plus ou moins grave de l’intelligence. On ne connaît, d’ailleurs, que les effets de la folie ; car la science, étrangère jusqu’ici à la constitution intime du système nerveux, n’a encore pu en déterminer les causes. L’état anomal de l’intelligence étant de sa nature difficile à distinguer de l’état normal, certains aliénistes modernes ont tenté d’établir des lois générales de la santé intellectuelle et de considérer comme fou quiconque contreviendrait à une de ces lois. Le procédé est fort arbitraire. Quoi qu’il en soit, voici quelles seraient ces lois :

1o L’intelligence ne perçoit rien que les sens ne lui aient transmis, c’est le vieil axiome d’Aristote : Nihil est in intellectu quoi non prius fuerit in sensu.

2o Les images intérieures sont moins vives et moins nettes que les impressions extérieures d’où elles émanent. Auguste Comte, qui a formulé cette loi, la commente en ces termes : « C’est seulement ainsi qu’il peut s’établir une véritable subordination du cerveau envers un milieu vraiment prépondérant. Sans une telle condition, le commerce mental de l’homme avec le monde ne comporterait aucune règle fixe ; car nos impulsions intérieures viendraient sans cesse troubler les impressions extérieures au point d’empêcher souvent nos moindres appréciations. » Pourtant, ce n’est là qu’une hypothèse.

3o L’image normale est plus vice que celle que l’agitation cérébrale fait simultanément surgir. Malgré les faits sur lesquels repose cette loi, elle n’est, elle non plus, qu’une hypothèse. La plupart des aliénistes en conviennent ; mais, pour corriger ce que les observations précédentes pourraient avoir de trop arbitraire, ils conseillent de « construire toujours l’hypothèse la plus simple que comporte l’ensemble des documents à représenter, » de sorte que les hypothèses compliquées ne sauraient être du ressort de la raison normale. Pour voir les choses comme elles sont, les aliénistes sont également d’avis qu’il faut les considérer dans le calme absolu des passions. On a déjà vu qu’ils ne s’occupaient ici que de la folie intellectuelle et négligeaient systématiquement celle qui provient d’une altération ou surexcitation du sens affectif et de la volonté.

D’autre part, la stabilité des opinions est un des caractères essentiels d’une raison saine. Un disciple d’Auguste Comte, M. Sémérie, s’exprime ainsi à cet égard : « Si l’on considère d’une manière abstraite la marche de l’intelligence humaine depuis l’origine des sociétés, on se trouve en présence de deux manières essentiellement distinctes, et même radicalement incompatibles, d’expliquer les phénomènes naturels. D’après la première, une volonté indiscutable régit tout. Si les astres se meuvent dans tel ou tel sens, si une pierre tombe, si une maladie vient nous surprendre, c’est Dieu qui l’a voulu, et il lui serait tout aussi facile de vouloir le contraire. Voilà l’interprétation théologique dans toute sa pureté.

» Dans la seconde, fruit d’une étude patiente et d’une longue observation, la recherche du pourquoi est écartée comme inaccessible ; mais on reconnaît que tout, dans la nature, suit une marche régulière et fatale ; que les phénomènes sont reliés entre eux par des rapports non arbitraires de succession ou de similitude, et l’on donne le nom de lois aux faits généralisés qui expriment ces rapports d’une manière plus ou moins précise. » (Des symptômes intellectuels de la folie, 1867, in-8o.)

De ces considérations, le chef de la philosophie positiviste a conclu que : Toutes les conceptions humaines vont de l’état fictif ou théologique à l’état positif ou scientifique en passant par l’état abstrait ou métaphysique. Il suit de là que la folie consiste à retourner de l’état positif ou scientifique à l’état théologique ou fictif. La folie est donc un excès de subjectivité, c’est-à-dire un état où l’âme accorde trop à son labeur intérieur et point assez aux impressions du dehors.

Ce point de vue est très-conforme au sens commun ; il resterait seulement à examiner si les idées, quand elles offrent quelque conformité avec les impressions extérieures, ont plus de valeur que si elles n’y sont pas conformes.

Quoi qu’il en soit, l’état de santé pour l’esprit passe pour être l’état où les opinions individuelles ne diffèrent pas des opinions de tout le monde. « Le caractère le plus vulgaire de la folie, dit M. Sémérie dans l’œuvre citée plus haut, celui qui, au point de vue pratique, a toujours servi à la diagnostiquer, consiste dans l’étrangeté des opinions, caractère moins superficiel qu’on ne le supposerait au premier abord. La subordination à l’ordre extérieur et à l’espèce engendre nécessairement la communauté des opinions ; la disposition opposée entraînera tout le contraire. Et il y a plus !… Si l’on prend mille aliénés, ils différeront autant les uns des autres qu’ils diffèrent de l’opinion commune. Rien de plus monotone que les plaintes constantes de certains lypémaniaques, et pourtant ils ont tous un délire particulier pour dire au fond la même chose… La personnalité des opinions, jointe à leur étrangeté, restera donc toujours un caractère important, quoique purement pratique.» Avant d’examiner quelles seraient les conséquences directes de cette théorie, il importe, afin de bien montrer que la folie ne consiste point dans l’étrangeté des opinions, mais dans une maladie du système nerveux, d’en considérer les symptômes. L’observation nous montre, dit M. Alfred Maury, que le caractère, la tournure d’idées propres à chacun, les facultés, les penchants, les qualités bonnes ou mauvaises, sont un effet direct de l’organisation, de la constitution que l’on a reçue en naissant, dont on a hérité de ses parents, ainsi que de l’éducation qu’on a reçue, des circonstances dans lesquelles on s’est trouvé placé. L’homme porte donc en lui les causes internes de sa manière d’être et d’agir, causes qui sont modifiées incessamment par des causes externes, et que lui-même il modifie, ou du moins peut modifier et changer en vertu des causes internes. Ainsi, à tel tempérament, telle nature de tissus, telle prédominance d’une fonction viscérale, telle maladie, correspondent un caractère, des facultés, des qualités déterminées, complètement indépendantes du choix de celui qui les possède. Le climat, l’alimentation, le régime physique et moral viennent ensuite, quand ils agissent continuellement, modifier ce caractère, ces facultés, ces qualités primitives ; mais la nature primordiale de l’individu lui fait toujours rechercher les milieux, les circonstances qui sont en harmonie avec elle. » De sorte que, d’après la plupart des aliénistes contemporains qui obéissent aux préjugés de l’école scientifique moderne, la folie résulterait du tempérament ou de l’éducation qu’on a reçue, du pays qu’on habite, des circonstances de chaque jour. Tout le monde dès lors serait fou ; les circonstances dont la vie est le tissu varient en effet pour chaque homme ; le climat opère en sens différents sur les diverses facultés de l’âme ; il en est de même de l’éducation, qui diffère d’une condition sociale à une autre condition, d’une province à la province voisine ; il en est aussi de même du tempérament et des dispositions intérieures, qui sont l’œuvre de l’hérédité. La communauté des opinions n’est donc pas un caractère de la santé intellectuelle, ni son absence un signe de folie.

On n’a le droit d’appeler folie que l’étrangeté des opinions provenant d’une maladie nerveuse. « On sait, dit le docteur Baillarger (Annales du système nerveux, t. VIII), combien il est commun de rencontrer, même dans le monde, des malades qui croient à l’existence d’ennemis imaginaires et qui interprètent tout dans le sens de leurs craintes ou de leurs préoccupations. On sait également avec quelle habileté ces malades profitent des moindres circonstances pour démontrer la réalité de leurs conceptions délirantes. Si l’on interroge avec soin les antécédents, on reconnaît souvent que le désordre de l’intelligence s’est établi lentement ; les idées de persécution, sous l’influence d’une disposition maladive inconnue, ont commencé à se présenter à l’esprit du malade qui, d’abord, ne les a point acceptées, du moins sans contrôle. »

Il est certainement difficile d’établir scientifiquement que la folie est toujours l’effet d’une maladie nerveuse. Les sciences d’observation n’ont pu pénétrer, comme nous l’avons déjà dit, dans le système nerveux, qui reste à beaucoup d’égards un mystère. Mais toutes les analogies font un devoir de l’admettre. D’autre part, les aliénistes d’aujourd’hui, habitués à la méthode courante des sciences naturelles qui n’admettent que des lois, déroutés par la difficulté de ranger sous un chef quelconque les phénomènes si variés des actes qui dérivent des opinions, se montrent disposés à voir partout de la folie. Ils ne savent point que, dans le domaine des opinions et surtout des passions, il n’y a point de lois fixes, sans quoi le libre arbitre n’existerait pas. Poursuivis par l’impossibilité de rapporter à une loi connue les phénomènes soumis à leur examen, ils attribuent uniformément à la folie ce qui n’est que l’œuvre des passions, terrain tout à fait inconnu à l’observation physique. M. Elias Regnault (Du degré de compétence du médecin dans les questions judiciaires relatives à l’aliénation mentale, 1828, in-8o) a fait justice de cette manie. « La conséquence forcée, dit-il, de ces nouvelles créations scientifiques, c’est que, par cela seul qu’un homme est dominé par quelque penchant, quelque goût prononcé, quelque manie enfin, il doit être absous de tout crime qu’il pourrait commettre. À ce compte, il serait impossible de trouver un seul criminel. » C’est une méthode inventée par la médecine pour substituer son autorité à celle du code civil. On ne peut guère admettre qu’elle ait raison, et que quiconque commet un crime le commette dans un accès d’aliénation mentale, ce qui empêcherait le juge de faire œuvre morale en punissant un criminel. Dieu et la conscience individuelle sont seuls juges dans cette matière ; mais il faut un moyen de protéger la société. « Sans cesse obligé de plier devant les exigences de la loi, continue M. Elias Regnault, l’homme est forcé de faire à l’état social de continuels sacrifices ; celui qui ne les fait pas est puni, et c’est avec justice ; car devant la loi il ne doit point y avoir de volonté ; les goûts doivent s’anéantir, les désirs s’éteindre et les passions se taire. Mais, pour triompher de ces goûts, de ces désirs et de ces passions, il faut une volonté plus forte que celle qui nous y entraîne. De là le tort des médecins de faire de la volonté une faculté simple, et l’erreur de M. Esquirol lorsqu’il attribue la monomanie homicide à une lésion de la volonté ; car ce n’est que la volonté de tuer qui l’emporte sur la volonté d’obéir aux lois. Or, dans toute espèce de crime, c’est la volonté de faire le mal qui triomphe de la volonté de s’en abstenir. Mais l’intérêt, direz-vous, a dirigé le crime, tandis que le monomane devient homicide sans but d’utilité ; c’est une idée qui le domine, un goût qui le maîtrise, un désir qui l’entraîne. L’intérêt pécuniaire serait-il donc le premier ou le seul des intérêts ? Dès qu’on a un désir, on a une idée de jouissance. C’est donc à la jouissance que l’intérêt se rapporte. Celui qui tue pour avoir de l’argent le fait pour satisfaire des besoins ou des passions : l’argent est le moyen de ses jouissances. Celui qui tue pour le plaisir de tuer se satisfait immédiatement par son action même : la jouissance est directe.» Cela mènerait loin.

Esquirol (Des maladies mentales, t. I, Paris, 1838, in-8o) distingue cinq espèces de folies pouvant exister à l’état chronique, c’est-à-dire sans fièvre. Ce sont : 1o la lypémanie ou mélancolie des anciens : la tristesse en est le caractère dominant ; 2o la monomanie ou dérangement intellectuel seulement à propos d’un objet déterminé ; 3o la manie ou folie qui s’étend à tous les objets ; 4o la démence, caractérisée par un affaiblissement notable de l’organe de la pensée ; 5o enfin, l’idiotie ou l’imbécillité, dans laquelle les organes nerveux du malade sont trop mal conformés pour qu’il puisse raisonner juste.

Une autre classification, adoptée par M. Parchappe, est la suivante : 1o folie simple  ; 2o folie composée ; 3o folie compliquée d’une maladie cérébrale. Les cinq espèces énumérées plus haut seraient comprises dans la folie simple ; on rangerait dans la folie composée la folie paralytique et la folie épileptique ; dans la troisième espèce (folie compliquée d’une maladie cérébrale), la méningite, l’hémorragie cérébrale, le ramollissement du cerveau et de la moelle épinière. Ce sont, comme on voit, des classifications tirées du degré de la folie ou des circonstances qui l’accompagnent. La philosophie ne les a pas consacrées.

Des études d’Esquirol, il reste acquis que la folie est une maladie cérébrale, quand il y a folie, c’est-à-dire quand le système mental tout entier est attaqué et non quand un sens seulement comme celui de la vue, dans le cas d’hallucination visuelle, se trouve dans une condition anomale. Pourtant l’autopsie faite sur des cadavres de gens sains et aliénés ne confirme qu’à moitié cette donnée. On a trouvé, en effet, des lésions graves dans le cerveau de personnes ayant joui durant leur vie de la plénitude de leurs facultés, et on n’a constaté aucune lésion apparente dans le cerveau de certains aliénés. Tout ce qu’on peut dire à ce sujet, c’est qu’il règne dans le cerveau des aliénés une surexcitation violente.

Dans son Traité de l’irritation et de la folie, Broussais rapporte toutes les espèces de folies que nous avons citées à cette surexcitation du cerveau ; il y rattache également toutes les maladies qui ont servi à établir la classification du docteur Parchappe. Hallemand est du même avis dans ses Lettres sur l’encéphale. « La manie, dit-il, suppose toujours une irritation du cerveau ; cette irritation peut y être entretenue longtemps par une autre inflammation et disparaître avec elle ; mais si elle se prolonge, elle finit toujours par se convertir en une véritable encéphalite, soit parenchymateuse, soit membraneuse. »

On a étudié à diverses reprises les phénomènes qu’offre l’aliénation mentale proprement dite, comparés à ceux que produit l’absorption de certains spiritueux, et surtout des narcotiques. Il paraît que le haschisch, en particulier, met dans un état semblable à celui que la médecine désigne sous le nom de manie simple. Le laudanum, l’opium, l’extrait de jusquiame, ingérés dans l’estomac, produisent des effets analogues. La folie peut aussi être acquise ou héréditaire ; ce qui démontre jusqu’à l’évidence qu’il faut aller la chercher dans les profondeurs de l’organisme. Dans la moitié des cas qui se présentent, les parents des aliénés avaient été sujets à la même infirmité. Quant aux causes qui la déterminent chez ceux que leur tempérament n’y prédisposent point, elles sont très-variées, mais peuvent se rapporter à peu près toutes à des excès physiques ou à des passions violentes et invétérées.

Un tempérament nerveux et une imagination puissante y exposent davantage, et cela s’explique naturellement. Les personnes nerveuses sont plus impressionnables que les gens d’un tempérament froid, et sont plus facilement accessibles aux émotions fortes. Pour ceux qui ont une imagination exubérante, la raison est la même : tandis que les autres sont pris par les nerfs, eux le sont par le cerveau. L’objet de l’aliénation mentale est fort varié : il se compose de toutes les circonstances au milieu desquelles on peut se trouver. On remarque aussi chez les aliénés une perversion profonde du sens moral. « On remarque généralement, dit Esquirol, que les aliénés prennent en haine, en aversion, certains individus, sans le moindre motif et sans que rien puisse les faire revenir à cet égard. L’objet de leur haine est presque toujours la personne qui, avant leur maladie, avait toute leur tendresse ; c’est ce qui rend ces malades ordinairement si indifférents, quelquefois si dangereux pour leurs parents, tandis que les étrangers leur sont agréables, suspendent leur délire. J’ai vu des malades très-calmes devant leur médecin et les étrangers, en même temps qu’ils injuriaient à voix basse leurs parents ou leurs amis, et qu’ils se cachaient pour les pincer, les piquer, les déchirer. »

Une des causes les plus fréquentes de la folie, dans les temps modernes, résulte de l’abus des plaisirs vénériens, des spiritueux et des narcotiques.

L’étonnement est d’ordinaire la voie par laquelle la folie se manifeste chez ceux qu’elle menace. « Lorsqu’un homme, dit M. Sémérie (ouvrage cité), voit sous ses yeux le soleil changer de forme, ou bien les arbres s’agiter sans qu’il y ait un souffle de vent, lorsqu’il entend distinctement le bruit du tonnerre par un temps magnifique, lorsqu’il éprouve dans les membres des sensations inconnues ou des secousses que rien ne peut lui expliquer, il est inutile de venir lui parler des démonstrations de la science ou des lois immuables de la nature. Pour lui, cela n’est pas vrai, le monde est changé. Grâce aux opinions acquises par le travail intellectuel antérieur à la maladie, il luttera quelque temps contre le trouble des sensations : c’est la période de l’étonnement. » En effet, il trouve que ce qui se passe autour de lui est inouï : sa résistance s’épuise vite, et il ne tarde point à se laisser aller à la dérive au gré de ses fausses sensations. Un autre caractère de cette période d’incubation qui précède la folie est l’instabilité des opinions. Elles se succèdent dans la conscience avec une rapidité vertigineuse. On a comparé le fait à un feu d’artifice. Il est accompagné de fièvre et produit directement le délire, qui a deux formes : la mélancolie et la gaieté.

L’école médicale et aliéniste actuelle, d’accord sur ce point avec l’école positiviste, au lieu d’attribuer les causes de la folie aux excès dont il a été question tout à l’heure, ou à l’anarchie morale qui procède à notre époque de la décomposition générale des idées et des systèmes qui gouvernaient jadis la so-